Des profondeurs

Des pronfondeurs de profundis, on se demande quand même ce qu’il peut se passer, les limbes et puis l’enfer, les fresques dans les musées, ca sera baroque peut-être, ca sera léger, envolée, poussière, pelouse du souvenir, arrêt des hostilités. Plus j’avance, moins je sais, moins ca m’inquiète aussi, l’existentiel c’est pour les intelligents ou les adolescents, les concepts et les idées, ca ne m’inquiète pas, partir ailleurs, après tout pourquoi pas, c’est ce qu’on laisse derrière soi, les gens, les chats et les objets, les milliers de bonjours qu’on aura dit, les millions de conneries qu’on aura pensé, on ne peut rien savoir de ce qu’on aura réussi à graver, impacter, dessiner, on part et on s’efface, on laisse finalement la place.

Je fréquente peu les enterrements, j’en vois peu l’utilité, la peine collective me donne la nausée, je ne supporte pas les phrases faciles qu’on sert aux endeuillés, quand les yeux se ferment, quand l’âme s’est envolée, à quoi bon courir derrière, à quoi bon se fatiguer, ce qui m’intrigue c’est la minute juste après, ou juste avant, le trépas, la dernière respiration, le dernier souffle et le regard qui se noie, les couleurs qui changent autour du corps, le bleu, le noir et le gris, l’oxydation du sang et la couleur des ongles, est ce qu’on pourrait crier, qu’est ce que ca changerait, c’est fait, c’est fini, c’est écrit, irrémédiable irrésolue, la peine, la famille, les amis, les détails morbides, poignées cuivre sur cercueil, intérieur molletonné.

C’est peut-être ce que je préfère, la simplicité, le corps qu’on pose à même la terre, pour le laisser enfin reposer, le drap simple et les yeux qu’on ferme, la bougie qu’on allume, l’âme qu’il faut accompagner, la présence confortable d’un homme assis en tailleur qui psalmodie, qui marche aux côtés de ceux qui passent, d’un pas nonchalant et apaisé, demain viendront les pleurs, demain le désespoir et les catastrophes, cette nuit faisons silence, laissons le cadavre meurtri se détendre et respirer, une dernière fois danser, les gutturales, les pleins et les déliés, l’homme qui prie ne va pas s’arrêter, il prend le mort dans ses bras et le porte comme un enfant, pour mieux l’endormir il chante et il soupire, les bruits des pages qui se tournent, la bougie qui arrive à sa fin, le jour qui se lève, maintenant tu peux déchirer ton vêtement.