In Bed with Dariamarx

Tu vois mon lit, c’est un peu mon refuge, un truc que je ne partage pas facilement. D’abord parce que je suis bordélique, et que ma chambre reflète assez bien l’ampleur du problème, entre les dizaines de bouquins qui prennent la poussière par terre, la serviette qui finit de sécher roulée en boule sur le parquet, les fringues et mes montagnes d’oreillers, mon panda presque trentenaire qui ne me quitte jamais, on est bien loin du boudoir glamour d’une courtisane apprêtée, y’a pas de bougies qui sentent la vanille, pas d’huile de massage cachée dans un plis du lit, si tu viens pour coucher, ne t’attends pas à un feu d’artifice, on est pas chez Disney, l’attraction principale c’est moi, pas les accessoires pour filles qui aiment les tentures roses en organza.

J’ai mon côté du lit, et ce n’est pas la peine d’essayer de négocier, c’est le seul qui me permette de m’endormir du côté droit en regardant la porte, on sait jamais, un inconnu pourrait débarquer, et dans cette position je suis au taquet, prête à bondir et à l’assommer avec les mémoires de Fitzgerald ou avec ma bouteille d’eau jamais pleine mais toujours croupie, en fait j’ai jamais soif la nuit, c’est une précaution de l’esprit, comme les mouchoirs dans ma taie d’oreiller, j’ai arrêté le couteau de boucher planqué depuis que je me suis sévèrement coupé dans mon sommeil, on est maladroit ou on ne l’est pas, dans mon cas c’est presque pathologique, les objets tranchants devraient porter des étiquettes toxiques.

J’ai pas le sommeil tranquille, finalement ce n’est pas le méchant cambrioleur qui m’effraie, ce sont mes rêves, et surtout mes réveils, au milieu de la nuit, quand tout est calme, aucun bruit, que j’entends mon cœur battre un peu trop fort d’avoir cauchemardé, alors j’ai des dizaines d’objets pour me calmer et me rendormir, pour apaiser l’angoisse qui monte, des bouquins, des podcasts par milliers, entendre les autres parler me détend et m’apaise, ma bouteille d’eau, mes mouchoirs, mon chat et puis même des perles à enfiler pour me concentrer sur autre chose que l’envie de crever, j’entoure mon lit de distractions, me divertir pour échapper à ma condition, tu vois Pascal, j’ai bien retenu ma leçon, je joue, j’écoute, je lis, j’occupe mes mains et je fredonne sous ma couette, pour échapper à ma conscience, l’insoutenable difficulté d’être, mon lit n’est qu’un support pour mes insomnies, les objets qui l’entourent sont les symboles de ma très humaine condition, j’arrête là les analogies.