Saint Valentin (Vieille Pute) (NDLA)

Jte fais un poème en prose pour la St Valentin, la rime c’est difficile, ca passe mal, ca n’apporte rien, pour te dire que ce jour pue tellement que j’ai envie de vomir, que si tu m’offres des fleurs je ferai exprès de les laisser mourir, j’leur filerai pas à boire, j’les laisserai crever, elles méritent que ça, ces salopes, à me rappeler ton absence et mes regrets.

Je comprends pas les couples qui se tiennent par la main, qui s’offrent un beau resto et qui échangent des cadeaux, ils se foutent de ma gueule, ils se gaussent et ils jouissent, de me voir passer seule devant la vitre, la mine défaite et les yeux mouillés, j’ai envie de leur éclater la tronche à coup de marteau, leur refaire le portrait façon Picasso, qu’ils seront heureux à l’hosto dans leurs lits jumeaux, se faire nourrir à la becquée par une infirmière éplorée, une histoire de plus à rajoutée à l’album intitulé “nous deux”, l’histoire de la folle furieuse qui gâcha notre première St Valentin en amoureux.

J’voulais parler d’amour, j’voulais écrire pour un concours, j’voulais dire les fleurs et les abeilles, le parfum et le soleil, les nuits de passion et les vacances à Montluçon, le mariage qu’on prépare, les dragées et la fanfare, les enfants qu’on aura, les rêves qu’on fera, je suis pas douée pour ces choses là, j’voudrais faire un grand geste romantique, un lip-dup de Bon Jovi ou un strip-tease mélancolique, te dire que je t’aime sur des milliers de putain de post-it, mais je ronge mon frein, je mate des conneries, je pense à rien, c’est plus facile, je risque pas de me vautrer, me prendre un vent, manger un mur, retourner dans l’obscurité.

A trop aimer toute seule, on finit comme moi, le cul dans son canapé, les nerfs retournés, une dizaine de clopes écrasées dans un cendrier, une lettre pas finie qui partira à la poubelle, le miroir qui me renvoie ma gueule de pas belle, mes pieds trop grands et mon ventre monstrueux, mon nez trop court et mes lèvres trop fines, cette année, comme l’année dernière et celle d’avant, je ne dirai rien, je ronge mon frein, ca saigne toujours, c’est ca l’amour, enfin je crois, c’est juste comme ca que ca se passe pour moi.

Si t’es comme moi un peu blasée, un peu dégoutée, un peu chiante, un peu méchante, je forme un club, on fera des sorties culturelles, on partira en vacances et on apprendra la broderie, on nous traitera de vieilles gouines dans les boîtes de nuit, ensemble on sera plus fortes, on se tiendra chaud, quand les autres autour sont trop heureux, quand tout va pour le mieux pour eux, on s’en fout des gens, nous on souffre mais on est bien, on aura pas d’enfant, on tournera vinaigre, on finira ensemble, dans la même maison de retraite.