The good times are killing me

Parfois je ferme les yeux et je rêve que je suis comme tout le monde, que mon cul ne dépasse plus du siège et que mes seins ne débordent pas, que les émotions sont voilées, les sentiments tièdes, que mes angoisses n’existent pas, je flotte, comme quand tu vas à le piscine et que ton corps de vient léger, suspendu. Je provoque cet état, quand j’ai envie de partir loin sans bouger, à coup de Dramamine ou de Codéine, mon corps s’enfonce dans le matelas, ma tête se colle au plafond, voyage immobile, plus rien n’existe, le monde autour de moi devient comme brouillé, nuageux, mes yeux sont secs, rien ne m’atteint, la musique n’a plus de saveur, les mots ne veulent rien dire, mes neurones sont asphyxiées, afflux massif de sérénité, les cliquetis mécaniques de ma montre me semblent insupportables, je la balance contre le mur, ma tête se noie entre les coussins, tu n’as peur de rien.

Y’a pas d’attaques des souvenirs sous Codéine, pas de fantômes à chasser, pas de soleil, pas de nuit non plus, plus rien ne tourne, plus rien ne se presse, tu ne peux rien faire, les contrastes sont gommés, les bosses et les courbes, les dedans et les déliés, tu dors les yeux ouverts, tu regardes passer les rêves sans t’y accrocher, contemplative, le recul se définit en année lumière, si tu sautes hors de toi tu peux te voir, allongée, lourde et étalée, si transparente pourtant, le tein trop blanc, les yeux écarquillés, ni belle, ni laide, organique, respirante, et ca suffit. La substance ne te demande rien de plus, réduite à tes fonctions vitales pour laisser passer l’orage, coma obligatoire pour cocotte minute névrosée, repos forcé, le réveil est loin, profite, le goût métallique dans ta bouche, ta gorge qui s’ouvre enfin à l’air, tu respires, pour la première fois on dirait, depuis des jours, n’oublie pas d’expirer, recommence, les seuls ordres que te transmet ton cerveau sont simples.

Besoin de personne, envie de rien, plus d’affect, plus d’orgueil, si le téléphone sonne, tant pis, les autres n’existent plus, disparus, tu n’en veux plus d’ailleurs, les histoires que tu portes pour eux, les secrets qu’on te confie, celui qui n’appellera pas et celui auquel tu ne réponds plus, envolés, désintégrés, la chimie c’est l’acide dans la baignoire sur les cadavres de tes jalousies, de tes frustrations, rien ne lui résiste, même tes os se dissolvent, position yogi du fœtus déglingué, souplesse soudaine de ton corps qui se recroqueville dans un coin du lit, l’impression que des vagues de bon, de chaud, remontent de ta cage thoracique vers tes narines, flux discontinu des comprimés qui fondent sous ta langue, effet quasi immédiat, délivrance, sommeil éveillé, conscient.

Difficile de revenir, d’arrêter, le goût de recommencer, les heures qui deviennent trop courtes, réveil forcé, douche froide, café, les doigts engourdis encore de les avoir oublié sous toi, anesthésie s’en va, la douleur se réveille, le monde reprend vie, tes sens aussi, les appels manqués, la bouilloire que tu as oublié, la gêne d’avoir cédé, encore, à la facilité, d’avoir oublié de lutter, la honte, la trace des cachets volés dans la plaquette neuve, ce qu’il reste à faire d’avant la parenthèse codéinee, rien n’a disparu, la même liste de tâches, les mêmes responsabilités, ta gorge se serre.