Twitter Parano

Faudrait se mettre d’accord. C’est quoi Twitter finalement? Un outil de micro-blogging, une plateforme de publicité pour se self masturber, un Meetic tu niques, un truc sérieux pour faire du link, un concours de popularité en mode élection de la Reine de la Promo ?

Pour moi Twitter c’est d’abord un genre de défouloir géant, un mix entre ce que je pourrai écrire dans mon petit carnet Moleskine (oui, je me la pète) et ce que j’aimerai dire aux gens que je croise dans la rue mais que je ne peux pas, parce que je suis une fille polie, un moyen de ne plus regarder la télé toute seule, un moyen parfois de se créer un groupe de potes IRL, un moyen de faire découvrir des trucs, bref un outil de communication. Je ne réfléchis pas à ce que je vais écrire, je ne m’empêche pas de twitter, je me fous d’être vulgaire, partiale, connasse. Je n’ai pas pensé mon usage de Twitter, je n’ai pas établi de stratégie, normal, je n’ai rien à vendre, rien à buzzer, je n’attends rien de Twitter, ni colis gratuits de crème de jour, ni invitations à des soirées de la hype du Net, bref, je m’en carre, je m’en balance, et je me l’enfonce jusqu’au coude.

J’entends déjà le cœur des influents répondre : Mais oui Daria, c’est normal, tu n’es rien, tu ne réponds pas aux critères de monétisation, tu ne présentes rien, tu n’as pas d’existence, tu n’es rien. Nous, on est des gens importants, on fait du name dropping avec des @ devant, quand on clash quelqu’un c’est pire qu’un upercut de Tyson, si tu nous critiques en 3 RT on te catalogue niquée de la tête, et quand on se réunit dans nos réunions secrètes de branleurs influents, on se gausse de ta petite prose facile et on conseille à nos amis de te suivre tellement t’es hors sujet, on écrit sur des blogs mode, des blogs beauté, on a des vraies informations, des vrais scoops, on a 8900 abonnés, on pèse lourd. On a du concept, du gros, des vidéos de de test de l’huile sèche Nivea, des billets sur l’importance capitale d’avoir le bon téléphone, du contenu quoi, de la vraie information qui crée du trafic, qui fédère. Quand on marche dans la rue les gens s’agenouillent et crient notre nom, lèchent nos Louboutins en nous suppliant des les RT pour qu’ils puissent gagner en popularité.

Ouais, ouais ok, j’avoue vos arguments sont intéressants. J’avais jamais pensé à établir la Daria©, allez c’est parti je monte mon business plan pour le succès.

De quoi parler d’abord ?  La banlieue, l’obésité, c’est sympa, mais c’est pas très sexy, le cul ca fonctionne mais les lettres b-i-t-e de mon clavier commencent déjà à s’effacer.

Ok, ok j’ai trouvé. Je contacte Diet Avenue, Weight Watcher et tout les autres marchands de rêves pour pouffiasses complexées, et je leur vends un concept unique : une vraie grosse de la vraie vie, sponsorisée par vos produits, qui écrit chaque jour la merveilleuse histoire de son retour à la société normale des vrais gens beaux et glamour, grâce à l’unique effet de la poudre de pancake gout morve de chien hyper proteinée.

Bien sur au départ, je dirai pas que je suis sponsorisée, je commence en douceur par installer l’histoire de ma vraie vie désespérante et moche, je raconte les humiliations de mon adolescence et les remarques de la médecine du travail, et dès que j’ai le bon deal avec la bonne marque, je me lance à fond dans l’amaigrissement à fin lucrative. Ca y est, j’ai des fans, et du hate mail, les gens suivent ma progression et j’arrête pas de maigrir, d’ailleurs quand j’ai envie de bouffer une patate, je pense à mon contrat de sponsoring et à mes lecteurs, ca me motive. Bon ok, je perds un peu mes cheveux et mon mec m’a largué parce que je suis insupportable, mais j’ai la gloire, j’ai la thune, y’a même un article sur moi dans Closer, ultime reconnaissance.

Sur Twitter j’ai un nombre d’abonnés hallucinants, toutes les petites grosses de France me suivent, mais aussi les mecs qui attendent de voir quand je vais devenir socialement baisable, y’a des paris sur le premier qui me prendra ma virginité de mince, je me clash avec des nanas qui me reprochent de prostituer ma perte de poids sur l’autel d’un quart d’heure de gloire virtuelle, mais tout ca c’est bon pour moi, ca fait parler de moi, prochaine étape je suis invitée chez Delarue pour raconter aux ménagères mon incroyable transformation, je fais des videos avant après dans lesquelles je me moque de moi même, je chie à la gueule de ce que j’étais avant, je me vante de shopper chez Zadig & Voltaire et j’adopte un ton condescendant avec mes copines grosses qui me voient me rouler dans la fange des propositions d’articles, de piges dans Top Santé, je suis une putain de valeur sure de la génération mangez-bougez, même si avec mon haleine de phoque d’anémiée, je fais fuir tout ceux que je rencontre IRL, je me met à rêver, opération de chirurgie esthétique offerte par un tour operator des vacances-bistouri en Tunisie, en l’échange des photos post-op de mon abdomen défoncé, publiées en temps réel depuis le bloc.

Ce que personne ne sait c’est que la nuit je bouffe et je me fais gerber, que j’ai plus de vrais potes, que j’ai une frange parce que c’est cool, que mes mains deviennent bleues quand il fait froid, que j’ai pas pécho depuis 6 mois parce que je suis trop occupée à entretenir ma hype de fou, que je me tape la tête contre les murs parce que mon cerveau tourne à vide, le sucre ca nourrit les neurones, mais le sucre c’est l’ennemi de ma gloire, la fin de ma destinée de Porn Star de l’amaigrissement sponsorisé.

Un jour sur le quai du RER, j’écoute un podcast santé qui parle de mon blog, et soudain tout me revient à la gueule, l’envie d’affirmer qu’un autre moi est possible, les serments avec mes potes de ne jamais être une pute à frange, mon directeur de thèse qui ventait la justesse de ma réflexion, la première fois que j’ai milité, j’ai jeté tout ca aux chiottes, en vomissant du Nutella par dessus, tout ça pour gagner des euros, des week-ends gratuits en thalasso avec trois connasses qui bloguent, je passe ma vie à boire des cocktails dégueulasses avec des agences de marketing qui veulent vendre la graisse de ma lippo au gramme, avec des gens qui puent la merde et qu’il y a un an j’aurai même pas calculé. Mon cerveau en mode colique néphrétique de la conscience, j’attrape mon lexomil de secours mais ca ne passe pas, j’ai envie de cramer mon serveur ftp, je pense à tout les gens que je hais et à qui j’ai donné raison en devenant une connasse, prend le deuxième quart de lexomil, mais toujours rien, le cœur qui s’emballe, la bouche sèche, envie d’appeler mon mec mais j’en ai plus, envie de crier maman et de me blottir contre les gens, sur mon Iphone les mails n’arrêtent pas d’arriver, propositions grotesques destinées à une nana que je ne suis pas, le RER arrive et tu ne sais pas pourquoi, t’as juste envie de sauter, de balancer ton corps diminué de moitié sur la locomotive du ROVA de 8h56, parce que tu ne sais plus comment t’en sortir, parce que tu peux pas avouer que t’es en train de reprendre du poids, et que tout va s’arrêter, tu vas redevenir la risée de ton e-quartier, parce que ta crédibilité est en train de crever, parce que tu fais une overload de merde, tu fais deux pas en avant et tu te laisses tomber.

Ci git @DariaMarx, blogueuse amaigrie,

Qui à vouloir mincir, finit aplatie,

Connasse en bikini à l’âme endolorie,

Ni fleur, ni couronne pour cette grosse bouffonne.

(Vos donations paypal sont à envoyer à dariamarxisdead@weightwatcher.com)