Rêve de sieste

Des paysages mous, des rêves qui s’enfoncent, les murs s’effritent et je flotte, le plancher reste dur mais s’efface pourtant, gracieux, sous mes pieds, je suis portée par un souffle, entre l’évanouissement et la jouissance, je suis immatérielle, je voyage. Les draps contre mes jambes se font plus doux, je suis dans un cocon, je ne veux plus bouger, c’est mon épiderme qui réclame le contact du tissu pour m’envelopper, être bercée par le drap inanimé, les objets me veulent soudainement le plus grand bien, la courbure de mon matelas et l’oreiller juste là, tout est parfait, ne plus bouger, ne plus respirer que par petites bouffées, ne pas faire bouger le corps inutile, se contenter de contempler, ne rien changer, ne plus rien essayer, juste rester immobile, quelques minutes encore, le temps du rêve, le temps que le ressenti s’échappe et m’oublie, le réveil viendra, je n’ai pas oublié, rester en apnée, entre le sommeil et le jour, entre l’enfer et la réalité, faire la planche, sur une piscine d’eau salée, flotter loin, emportée.

Dehors les bruits, pourquoi écouter, c’est juste dehors, rien ne m’intéresse plus que le dedans que je découvre, le dedans du dehors que j’ignorais encore, une trappe dans le crâne, mécanique cantique des synapses, sous mes yeux fermés défilent les rouages encrassés de mon cerveau, c’est comme un ballet, les fluides rebondissent, denses, contre les parois poreuses, s’additionnent de nouvelles cellules, plus colorées, plus vivantes, je suis juste dans un coin, j’observe, elles m’ignorent et continuent leurs travaux, séparation, réunion, fusion, il fait chaud ici, la chaleur me pique les pieds, c’est comme une mine organique, comme une usine bien rangée, je suis contremaitre, je suis sujet, la trappe menace de se refermer, qui contrôle donc la machine pendant que je dors et que je me promène, qui prend les décisions, qui fait se soulever mes poumons, l’angoisse, la remontée par l’échelle glissante et venimeuse, pleine de sang coagulé et de bile verte et odorante.

Réveil en sueur et en apnée.

Respirer.