Hookers : Saved On The Strip

Les américains sont décidemment très forts en télé-réalité. Après le bachelor pour les gros, les nains, la jungle pour les célébrités et les has been, les manoirs hantés, voilà que débarque Hookers : Saved on the Strip. Cette émission, sous forme de documentaire, suit la vie d’un Pasteur un peu spécial, puisqu’il s’agit d’une prostituée repentie, sauvée par Jésus à la sauce des protestants intégristes de la Bible Belt. Forte de sa nouvelle dévotion, et persuadée qu’elle détient à elle seule la solution pour sortir les autres putes de l’enfer du commerce sexuel, elle propose aux prostituées qu’elle rencontre de s’installer dans une maison de transition, où ces dernières s’engagent à suivre un programme de réhabilitation à la vie normale. Jusqu’ici, on peut trouver l’initiative louable, on sait que les meilleurs centres de détoxification sont souvent tenus par d’anciens toxicomanes, et que la valeur d’exemple de certains individus peut conduire à de véritables changements bénéfiques dans la vie des patients. C’est le principe même des organisations comme les Alcooliques Anonymes ou les Narcotiques Anonymes : on y trouve dès l’arrivée un sponsor, un référent plus avancé dans le chemin vers la guérison, à qui on peut confier ses errances et ses hésitations sans crainte de jugement, et recevoir en retour les encouragements nécessaires à sa progression.

Les deux premiers épisodes sont assez chiants, aucun voyeurisme, et soyons clairs, quand on regarde une émission sur la prostitution dans ce genre de format, c’est clairement ce qu’on y attend, mais les histoires croisées du Pasteur Annie Lobert, blonde siliconée touchée par la grâce et mariée au chanteur d’un groupe de Heavy Metal chrétien, et du cas social choisi pour la semaine. Des histoires de petites filles abandonnées par leurs pères, d’usage massif de stupéfiants, de mauvaises rencontres et de solitude, tous les éléments sordides mais terriblement communs de la fatalité des femmes qui se perdent dans la prostitution dite choisie. Les épisodes se ressemblent, alternant le point de vue et la vie quotidienne du Pasteur en Wonderba, fière de nous annoncer qu’elle cherche à enfanter après ses 6 avortements, malgré l’état de son utérus « rendu impraticable par la pratique diabolique de l’IVG », et les états d’âmes de la pauvre brebis galeuse, qui découvre à un moment ou un autre durant les 44 minutes que son salut passe par l’obédience à l’Eglise et à sa foi dans une force supérieure. Le Pasteur Lobert accompagne de son regard pailletté et compatissant l’ex-tapin lorsqu’elle tente de faire annuler son casier judiciaire et de récupérer la garde de ses enfants, à grand coup d’étude de la Bible et de sermons endiablés : les mains en l’air sur une estrade, les yeux révulsés, parlant en langue, toutes les armes de conversion massive des protestants évangélistes sont utilisés pour vaincre les dernières réticences de la pècheresse. Le climax est atteint dans le dernier épisode disponible en streaming, quand la prostituée, souffrant de problèmes d’addiction à la cocaïne et à l’alcool, ainsi que de troubles psychiatriques avérés, refuse de se soumettre au rythme d’apprentissage martial de la vie d’une bonne chrétienne. Elle explique qu’elle ne peut pas espérer guérir et grandir en utilisant seulement la Bible. Elle demande à être suivie par des spécialistes, des psychologues et des thérapeutes extérieurs au programme, pour guérir de ses traumatismes liés aux abus sexuels et aux drogues. C’est là que tout s’arrête. Et c’est aussi là que la stupidité du Pasteur Lobert et de son programme prend tout son sens.

On aurait pu se réjouir qu’une ex-prostituée souhaite venir en aide à ces filles, qu’elle se donne la peine de monter une structure intéressante de soutien, qu’elle se mette au service des autres.  Sur le papier, c’est très joli, plein de valeurs humaines, de rédemption et de foi en son prochain. Dans la réalité, il s’agit bêtement d’une nouvelle campagne de propagande évangéliste.  Car le programme d’aide n’est pas fait pour les prostituées, il est fait pour les pécheurs cherchant à s’absoudre. Les aides mises en place par le Pasteur et son église sont uniquement des aides spirituelles, des groupes de prières, des lectures des écritures saintes, des mantras religieux à répéter en temps de crise. Bien sur, l’église loge les filles, et les nourrit, le temps de leur passage. Mais gare à celle qui ose sortir des voix impénétrables du Pasteur et de son équipe. C’est ce qui arrive à la dernière des filles : en refusant de prendre pour vérité la parole qui lui est enseignée, en demandant à rencontrer des professionnels de l’addiction et des troubles psychiatriques, elle refuse de se soumettre au Pasteur, et donc à Jésus. Elle refuse d’être sauvée. Et elle ne mérite donc pas d’être hébergée par l’église. Elle peut donc se démerder seule. Et comme le dit le Pasteur à la fin de l’épisode ‘’Le programme n’était pas fait pour elle’’. Le programme n’est en fait pensé pour personne en particulier. Il existe juste pour exalter la foi endormie de l’américain moyen, qui se laisse, comme moi, berner par la promesse de regarder 40 minutes de télé-réalité bien trash et bien vulgaire, et qui y trouve en fin de compte le message à peine déguisé d’un lobby monstrueusement puissant aux US, les évangélistes.

3 réflexions sur « Hookers : Saved On The Strip »

  1. Je me suis toujours demandé comment font les Américains alcooliques ou dépendants d’autres drogues qui veulent s’en sortir mais qui sont athés ?!

  2. C’est une bonne question. Et plus généralement, comment vivre en athée aux USA, alors que le président même jure sur la Bible ?

  3. Oui sur ce point il y a de belles contradictions. Ils disent qu’ils ne transigent pas avec la séparation entre l’Eglise et l’état, si un prof exprime sa foi dans une école publique, ça crie au scandale mais il faut juré sur la Bible pour témoigner en justice, leur devise est In God We Trust inscrite sur chaque dollar et cetera… Oui franchement je plains les athés américains.

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