Chère amie

Tu sais quand tu trouves quelqu’un qui va t’aimer, malgré les crottes de nez et les mauvais jeux de mots, malgré le temps qui passe et les rendez-vous qu’on manque. Tu le sais facilement, un peu comme un coup de foudre, il y a quelque chose dans ses yeux que tu lis plus facilement que dans les yeux des autres. Il y a ce truc indicible qui part de son ventre pour faire écho dans le tien, cette chaleur animale, tribale, des gens qui se reconnaissent, sans parler, sans juger, sans savoir. Dans le noir, à l’aveugle, juste une respiration qui s’aligne sur la tienne, juste des silences sans l’embarras du mot d’après, sans se demander si on impressionne, si on gagne, si on a réussi à s’imposer. Pas de course, pas de compétition, pas de séduction. Comme une évidence. Comme ces gens que tu détestes à l’avance, c’est affreux mais ca arrive, c’est physique, les poils de mon avant bras se hérissent, soudaine montée d’adrénaline, surtout ne pas parler, ca risque de sortir, ca risque de m’échapper, je te hais parce que tu es, sans autre explication logique, ta gueule, jolie ou laide, me fait gerber. C’est moche, je sais.

Il y a des ces amis que tu aimes, tout court. Sans le dire, ou en le hurlant. En secret, ou dans la lumière des autres gens. Des amis que tu gardes, même si ils partent, malgré les trahisons et les disputes. Ceux là peuvent tout te faire, ils peuvent tout demander, tout exiger, tout plaquer. Tu pardonnes, encore, parce que rien ne change à l’intérieur. Tu les aimes. De loin quand il le faut, parce que tu t’éloignes, parce que tu as peur, parce que tu ne sais pas faire autrement. Mais si le téléphone sonne au milieu de la nuit, tu décroches, tu consoles, tu racontes, tu fais rire, tu rassures, tu te rendors et tu oublies. Jusqu’à la prochaine fois. Jusqu’à la prochaine crise, à la prochaine naissance, à la prochaine mort, au prochain renversement. C’est peut-être ça l’amour, le vrai. L’inconditionnel. Celui qu’on te promet quand tu viens au monde, celui de tes parents et de ta famille, celui que tu passes ta vie à chercher, pour te rendre compte que le sang ne compte pas, que les liens les plus forts sont ceux dont tu décides, pas ceux que tu subis, pas ceux qu’on voudrait t’imposer. C’est peut-être ça aussi, grandir. Comprendre qu’on peut choisir d’aimer sa mère, son père, mais qu’il n’y a pas de prédestination au bonheur filial, pas d’obligation au final. Plutôt que de détester et de chercher les torts et les fautes passées, se dire qu’on choisit librement d’aimer, ou d’arrêter de s’y obliger.

Je n’ai pas beaucoup de véritables amis. Je connais beaucoup de gens. J’en croise beaucoup. Je salue de loin. J’envoie parfois un message. Le virtuel me facilite beaucoup la tâche. Je m’excuse en quelques caractères, je prends des nouvelles sans m’impliquer, juste en cliquant sur Envoyer. Je n’en veux pas à ceux qui s’éloignent, je suis difficile à vivre, à apprivoiser. J’ai une carapace tellement épaisse, difficile de l’enlever. Je connais la valeur de ceux qui restent, de ceux qui n’oublient jamais, ni une fête, ni un anniversaire, ni de m’appeller, juste pour m’entendre, juste pour rien, juste parce que c’est moi. Ceux là me suffisent, je suis heureuse, sans bande, sans tribu dans laquelle me fondre les soirs de beuverie. « Je marche avec les miens, combien te diront la même chose ? »

7 réflexions sur « Chère amie »

  1. Très beau texte.
    Belle philosophie des rapports humains.
    Pas si facile à suivre.
    Merci.
    DC

  2. Et encore un magnifique billet. Tu ne m’en voudras pas j’espère de te citer.
    J’adore les 2 dernieres phrases…

  3. J’aurai du citer mes sources, les deux dernières phrases sont extraites d’une chanson de Shurik’n, « Les Miens » -http://www.deezer.com/listen-3134401

  4. « Je garde tes arrières, tu gardes les miens » une des plus belle chanson du rap francais. Tres beau texte aussi.

  5. C’est criant de vérité, et tellement bien dit. D’ailleurs les vrais amis on peut les compter sur les doigts de la main…et perso les gens qui ont toujours besoin d’être entourés ne m’inspirent pas confiance. Peur d’eux-même ou de la solitude, je planque/j’oublie mes problèmes au milieu de la meute, ça ne marche qu’un temps ça.

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