Musique, moeurs, et mon cul

Il y a des ces chansons, de ces albums, que j’écoute systématiquement aux mêmes moments de ma vie. Des sons qui correspondent à des états d’âmes, ces ressentis flottants qui encombrent mon crâne, ces boucles d’images d’avant qui tournent sans suite et sans but précis, j’ai la nostalgie cinématographique, je sublime ce qui a été en 24 images à la seconde, avec toujours une BO bien précise, la même depuis plus de dix ans maintenant, les prises et les angles peuvent changer, l’humeur reste intacte, l’amertume et puis le temps qui passe, la tristesse et l’ironie d’avoir été. C’est paradoxalement quand je suis le plus calme que ces instants de grâce teintée de gris arrivent, comme si je leurs laissais le droit de venir m’habiter, comme si j’étais prête à revoir, à entendre à nouveau, à accepter. Pas d’angoisse particulière, pas de mal-être, juste un constat, celui de ne contrôler ni le temps ni les gens, souvent même un sourire, devant les situations absurdes qui me reviennent peu à peu.

J’ai longtemps été une groupie dévouée, je pensais réellement que Bjork faisait la BO de ma vie, comme si elle savait, comme si elle pouvait deviner ce que je ressentais. A chaque album découvert, à chaque live écouté, je me disais qu’elle avait encore tout compris, qu’elle devait être un genre d’être mystique, qu’elle en savait trop, que ce n’était pas possible. J’ai longtemps refusé de l’écouter en dehors de l’espace privilégié de mes deux écouteurs, je ne savais pas partager, je ne voulais pas la partager, c’était trop intime, trop violent, trop sacré. Une relation si profonde à sa musique et à sa voix que je pleure encore, par automatisme peut-être, quand je me replonge dans certains albums, quand je sens monter en puissance les basses et les rythmes derrière sa voix qui finit de se briser, c’est comme si je synchronisais mes émotions sur la vibration unique de ses cordes vocales, je sais c’est absurde, et puis Bjork c’est tellement mainstream, je m’en fous, je la garde pour moi. Je ne connais pas la musique, je ne sais pas l’analyser de manière technique. Je fais de ses chansons mes clips préfères, je leur colle à jamais des visages et des instants que je n’oublierai pas, qui continueront à me visiter à chaque fois, mémo-techniques de l’oreille pour caboche abimée.

Et puis il y a eu le reggae. Ouais le reggae mec, la musique avec deux accords et trois mecs défoncés. Je sortais de prépa, arrivée à la fac, je tombe sur une bande de mecs fous de reggae, de ragga, de ska, on écoute que ca, je suis influençable, je m’y mets, et puis ca devient un peu moi, j’ai jamais voulu avoir de petites nattes, j’ai jamais porté de bonnet de rasta, j’ai juste appris à aimer les bons riddims, le reggae me calmait et m’énervait, les dubs qui durent des heures et les paroles qui énervent ton nerf de contestataire, y’a à boire et à manger dans cette culture malmenée, on roule sur la dalle du premier étage de Tolbiac en regardant les étudiants sérieux se pointer, on passe des week-ends en forêt, on se croit roots, on ne mange plus de viande, on essaie d’être irie, en paix avec le monde et avec nous même, non violents, anti-racistes, on se frite avec les punks qui descendent dans les catacombes, et puis on fini par se rouler des pelles, finalement on est pareils.

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2 réflexions sur « Musique, moeurs, et mon cul »

  1. Modest Mouse. Premier morceau, celui que vous avez choisi, entendu aujourd’hui. Quant à Björk, c’est une fée.

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