Salut la vieille !

En ce moment, y’a pas un putain de jour qui passe sans que je me fasse une réfléxion du genre « ils sont cons ces jeunes », « encore un truc de jeune qui connaît rien », « chiale tu pisseras moins, tu verras quand t’auras dix ans de plus ». Je suis relativement jeune, j’ai trente ans, tu sais, cet âge merveilleux que les magazines féminins essaient de faire passer comme un remake de l’adolescence, parce que selon Conde Nast, à trente berges aujourd’hui, t’as plus besoin d’être mariée et d’avoir une tripotée de mômes, non non non, au contraire même, tu dois être presque célibataire mais pas trop, assumer ton t-shirt Mickey et ton perfecto en skaï tout en menant de front une carrière professionelle d’enculée, sortir jusqu’à 4h du mat’ dès le mercredi soir tout en gardant un teint parfait. A croire que les nanas de trente ans de ma génération ont toutes eu des adolescences brimées par des parents gendarmes, et qu’elles ont besoin de s’éclater comme des néo-poufiasses de 21 ans, même avec 10 ans de plus dans le nez. Quand t’as 20 ans, tu te crois très très chic quand tu commandes un verre de vin rouge, genre t’es trop une artiste, quand t’as 30 ans maintenant, tu te mets la tête à la vodka en mode binge drinking, parce que la fête est plus folle sans tes complexes et tes inhibitions, sans le stress du bureau et ta timidité, et puis surtout parce que rien à taper, on est jeunes, on est beaux, on est bourrés. Attention hein, je m’en fous des gens qui se mettent des mines, des punks à chiens et des alcooliques, c’est juste que j’aime bien les choses cohérentes, ceux qui vivent à font leur déchéance, ceux qui font pas semblant, ceux qui assument les cernes et qui ne se tartinent pas d’anti-cerne pour faire croire qu’elles passent leur soirée à écouter Vivaldi en tricotant des mitaines pour l’Afrique.

Le truc vraiment marrant, c’est que ceux qui étaient les plus acharnés en étant jeunes, ceux qui ont testé toutes les substances, tous les shots de la carte, toutes les soirées, ceux qui ont vomi et chié en même temps entre deux voitures un soir de honte, ceux là, quand ils arrivent autour de trente ans, ils sont généralement bien calmés. Ils ont un genre de philosophie zen de la fête, une bonne bouteille, un petit pet, les potes, un EP d’un truc des années 60 qui tourne en fond sur la chaîne défoncée, ils ont atteint le climax de l’énervement festif, ils ont compris, maintenant ils regardent les autres tomber. Et ca mérite le respect, parce qu’ils connaissent leurs limites, et qu’ils ne sont plus dans un concours de teub permanent avec leurs neurones perdues. J’avoue avoir  un genre de mépris pour vous, les trentenaires qui continuent à se mettre à l’amende comme des jeunes provinciaux sur le parking du Macumba avant d’y rentrer, je vois pas la motivation du truc, vous avez le temps maintenant, toute la vie pour vous alcooliser sans avoir à faire semblant d’être sobre en rentrant, c’est peut-être parce que je ne bois plus du tout, je fais un syndrome de l’ancien fumeur, je présente mes excuses à toute la communauté des amis de la gueule de bois du lundi matin, quand t’arrive en réunion avec la bouche tellement pâteuse que le café refuse de passer, et que tu te vois déjà tout dégueuler sur la jolie table en verre, au milieu des dossiers bien rangés. Je vois pas ce qu’il y a de cool à se miner la gueule à chaque occasion, surtout quand t’es adulte et que tout est plus ou moins permis, t’as des tunes en poche et le droit de sortir, y’a plus rien à transgresser à part la salubrité de tes intestins, et l’intégrité des textos que tu envoies. C’est surtout les nanas en fait, que j’ai envie d’insulter vaguement, tu sais, ces meufs qui se cachent derrière l’alcool pour se permettre les audaces qu’elles s’empêchent de vivre à 0 degrés. J’ai couché avec un connard, mais j’étais bourrée, j’ai emballé ton mec, mais j’avais bu, je suis bisexuelle après deux bières, c’est pas pour de vrai, c’est juste pour me lâcher.

Et puis y’a aussi tous les doutes, les questions que tu te poses, quand tu fais encore des études, quand tu commences à travailler, quand tu commences à comprendre que les mecs sont généralement des connards, que les meufs sont des morues, que rien n’est vraiment comme on te l’avait promis. Oui, je sais, tu sais pas bien ce que tu vas faire, si t’as fait les bonnes études, si t’habite le bon quartier et si ton mec est vraiment the fucking one, tu passes des heures à te faires les ongles en chialant que personne ne t’aime et que ton téléphone ne sonne jamais, t’es juste comme tout le monde, ca va, ca vient, ca passe, t’es juste trop prise dans ta crise de début de vie pour voir plus loin que le bout de ton nez poudré. Et honnêtement, y’a rien de plus chiant que de vous entendre chouiner sur vos interrogations existentielles, répéter des heures entières que oui, la vie est injuste, que la vie est dure, que c’est compliqué, que tu vas y arriver, tous les trucs que tu as appris à la force de tes propres échecs et de tes propres conneries. C’est peut-être à cause de mon énorme poitrine, mais ras-le-cul d’assumer le rôle maternant de la copine bienveillante, sortez vous les doigts, bande de nains, je sais que j’ai sans doute servi les mêmes platitudes à mon époque à mes amis plus âgés, mais j’ai l’impression que ma génération (OHOH) avait les pieds dans la merde de manière bien plus directe que celle qui arrive maintenant, je généralise comme PPDA sous acide, je sais, mais j’ai le droit, je suis vieille, vous me devez le respect.

Ca fait quelques années que je savais que j’étais vieille. On m’appelle Madame depuis au moins cinq ans, dans les commerces. Il m’arrive d’avoir des bouffées de féminisme délirant pendant lesquelles je fais systématiquement une scène à celui ou celle qui me catégorise directement dans la case des mariées, mais je m’en bats la race, honnêtement. Et puis je vis de manière remarquablement chiante, je pense qu’une retraitée abonnée à Notre Temps est soumise à plus de stress que moi, rapport au niveau de complétion des mots croisés du mois. Le truc qui m’emmerde, c’est de penser qu’en ce moment même, mes copines quarantenaires sont en train de me juger et de me tailler, moi aussi, alors que je fais tout pour leur ressembler, j’ai même arrêter de m’épiler, je bois des tisanes et je contrôle mon sommeil. La différence majeure entre la jeunesse et la vieillesse, c’est le rapport au temps : tu commences par le bruler, par l’utiliser n’importe comment, parce que tu as l’impression d’être increvable, invincible, tu dors pas, c’est pas grave, tu manges pas, c’est pas grave, l’important c’est l’instant, c’est le maintenant. Et puis, d’un coup, tu te rends compte que le temps s’écoule à l’envers, que tout tend plutôt vers la fin, et t’essaie de te préserver, de pas trop t’abimer, de profiter vraiment, comme une vieille hippie, tu conduis moins vite, en espérant que l’impact final sera moins violent.

Comment je me suis disputée (ma vie professionnelle)

Je n’ai pas toujours été ce délicieux esprit libre. Longtemps, je me suis levée tôt, persuadée que l’avenir appartenait aux jeunes cadres dynamiques, que le bonheur se résumait à la réussite professionelle et aux félicitations de ma hiérarchie. J’étais ce qu’on appelle une parfaite petite pute de bureau, prête à faire à peu près n’importe quoi pour que mon supérieur esquisse l’ombre d’un compliment, première arrivée, dernière partie, impliquée, enthousiaste, dynamique, force de proposition, force tout court, puisque j’abattais les tâches les plus rébarbatives avec la foi du converti, persuadée qu’il fallait en chier pour y arriver. Si ma vision du monde de l’entreprise est aujourd’hui un peu teintée de noir, c’est d’abord parce que mon milieu professionnel de base, celui du marketing direct, est clairement une petite mare pleine de petits poissons puants, où les mots profit, délocalisation, chaîne de production, optimisation des ressources en place, optimisation des gestes, rappellent les heures glorieuses de notre révolution industrielle. L’usine tertiaire, voilà mon terrain de jeu, les télé-opérateurs, les agents de traitement, voilà mes cols bleus. Au dessus de moi, petit manager aux dents qui râpent, une nébuleuse de commerciaux montés en grade, de technico-rien-du-tout, de directeurs d’opération qui n’ont jamais mis les pieds sur leurs plateaux de production, bref, un rêve.

Le point culminant de ma courte et intense carrière de petit Furher, c’est mon passage de l’autre côté du miroir, chez le client. Je suis maintenant chargée  de mettre en production et d’assurer la rentabilité des campagnes de marketing direct téléphonique pour une grosse boîte américaine en France. Je connais bien le métier des outsourceurs, j’y ai fait mes classes, je sais comment on encule à sec son client pour assurer la rentabilité maximale de l’heure de travail payée. Mon rôle est donc de contrôler, de vérifier, d’espionner, d’auditer, de faire la guerre aux coûts, de mettre la pression aux entreprises avec lesquelles je choisis de travailler en leur rappelant sans cesse que je peux choisir de faire travailler la même équipe au Maghreb pour une heure de production payée au tiers de ce qu’elle me coute à Roubaix. J’épluche la facturation, les résultats, j’envoie des mails incendiaires chaque matin, je me fous de la matière première fournie à mes équipes pour travailler, si les résultats sont pourris, c’est de leur faute, ils n’ont qu’à mieux former, encadrer et choisir leurs collaborateurs. La beauté du raisonnement réside dans le calcul des coûts : je ne paie à mon outsourceur que les heures consacrées à la formation initiale sur mon produit, tout le reste est à sa charge. De la même façon, je refuse de payer le temps d’attente entre les appels, le temps de saisie, le temps de pause, je ne paierai que les heures de production effectives : si le call-center veut gagner de l’argent, il doit donc over-clocker son dialer, l’unité informatique qui gère les appels, et balancer un maximum d’appels sortant à la minute à ses effectifs, et exercer une pression de chaque instant sur chaque opérateur pour qu’il traite chaque dossier dans un temps minimum calculé à la seconde.

C’est une politique de terre brûlée en terme de gestion de fichier, puisqu’on se sert en marketing direct de fichiers plus ou moins qualifiés, achetés ou négociés contre rémunération à des entreprises, vous savez la petite case  »Nous transmettons vos données à des entreprises tierces », c’est moi, le numéro inconnu qui ne cesse de vous harceler, c’est moi aussi, la musique d’attente quand vous décrochez, c’est moi aussi. En effet, pour faire simple, en démarchage téléphonique, si vous avez 20 télé-acteurs, le dialer va balancer 60 appels dans le fichier pour  espérer 20 décrochés. Si le nombre de décrochés est supérieur au nombre d’opérateurs disponibles, le dialer vous met en attente. Et vous attendez, bêtement, parce que vous ne connaissez pas l’astuce. Mais les fichiers, je m’en fous, c’est pas mon histoire, je fais avec ce que l’on m’envoie, avec ce que les commerciaux de mon entreprise négocient, souvent des grosses daubes, sans aucune porte d’entrée, sans aucun rapport avec le produit que je vends, pas d’indication sur l’âge, le sexe, impossible de faire du profilage, mais c’est pas  grave, on poussera plus fort, on gueulera plus fort, on infantilisera les collaborateurs en leur faisant gagner des bonbons à chaque fois qu’ils réussissent une vente, on menacera, on coupera les vivres, on débarquera à l’improviste sur les plateaux pour faire des inspections surprises, on passe des journées entières à chercher la faute qui permet de négocier un rabais sur la facture mensuelle, l’important c’est de gagner, et de rester à la marge positive de la légalité, et surtout d’envoyer des bilans satisfaisants à mes chefs. Le reste, on verra après.

Le personnel, justement,  je le connais par coeur, les opérateurs et les chefs d’équipes, enfin je connais leurs noms, chaque matin, des fichiers Excel immenses défilent, je surligne, je rature, je coche, je condamne, les superviseurs sur le terrain craignent mon coup de fil de 10 heures, ils savent que je vais leur demander l’impossible, de sortir celui qui ne me revient pas de la production, de mettre fin au contrat de celle qui n’y arrive pas malgré ses 4 heures de formation, ces employés ne sont pas les miens, leur contrat est un contrat d’intérim passé avec le call-center, au mieux un CDD, mais je décide pourtant de leur survie sur mes fichiers. Si ils refusent de se plier à mes suggestions, je refuserai de payer, c’est aussi simple que ça, mes recommendations font la loi, c’est dans le contrat initial passé avec le fournisseur de service, je suis reine sur ma chaîne, je suis le tampon entre ma direction qui passe son temps à me rappeler mes objectifs et à me traiter comme une abrutie, et eux, les plus petits.

Je passe les 3/4 de mon temps en déplacement. Je squatte les plateaux d’appels. Je me mets dans un coin, je me cache derrière mon uniforme corporate, tailleur strict, lunettes, et je note les fautes, les manquements, je sermonne. J’assure la formation initiale des équipes, ca me permet d’influer sur les recrutements effectués sur nos opérations, je censure et je valide les individus et les personnalités. Oui, le racisme est présent en marketing téléphonique, on refuse les postes les plus simples aux candidats qui ont le malheur d’avoir un accent, quelle que soit l’origine de leur nom. Le seul accent qui passe, c’est l’accent du Sud de la France, c’est chantant, ca fait vendre. Tout le reste peut prende la porte. Raison officielle  : champ lexical limité. C’est l’explication politiquement correcte qu’on donnera à Adecco et aux autres vendeurs de chair fraîche. Ma boîte travaille avec des prestataires indiens, et dépense des fortunes en ateliers linguistiques magiques, qui permettent de gommer en quelques semaines seulement les habitudes et les tics de langage de la main d’oeuvre la moins chère du monde. Les consommateurs américains sont en effet sensibles aux accents, et ont pris l’habitude de raccrocher dès les premières secondes d’un appel de prospection accentué. En France, ca serait beaucoup trop cher, évidemment, alors on est des chiens, c’est plus simple.

Pendant mes longues visites sur les plateaux prestataires, j’ai un rôle un peu à part. Je sens bien que je ne peux pas faire partie de l’équipe. Les cadres et les responsables me sortent, m’invitent à déjeuner, à dîner, m’apportent café sur café. C’est dans ces moments là que je me rends compte que je déteste ce que je fais, que je réalise à chaque fois à quel point je suis une enculée. A chaque fois que je décroche mon casque pour écouter la production, je sens la tension de l’équipe. Quand je descends fumer, je reste misérablement seule sur le parking, personne n’a envie de perdre son temps de pause à me parler. Je me retiens de rire, de raconter des conneries, de m’attacher aux gens, tout le contraire de ma personnalité. Je les vois pourtant plus que mon petit ami à l’époque, je suis toujours partie, je devrais pouvoir trouver des alliés, pouvoir profiter des villes que je visite, une fois la journée finie. C’est mon corps qui va me faire comprendre que je fais n’importe quoi. Je commence à faire des crises de tétanie à chaque fois que je quitte Paris pour me rendre chez mes prestataires. Je suis littéralement bloquée dans mon corps, et dans ma tête, j’avale des anxiolytiques avant d’envoyer mes reportings, toute l’équipe autour de moi se fait virer et remplacer par des requins aux mâchoires en acier trempé, je suis la seule survivante de l’ancienne équipe, je perds les pédales, entre l’envie de me barrer et celle de me prouver à mon nouveau DG . Quelque chose ne fonctionne plus. Le dégout s’installe, peu à peu, de plus en plus fort, jusqu’à ce que je finisse par péter un cable en visio-conférence avec mon big boss américain, qui m’annonce que je vais maintenant devoir aller passer 2 mois en Tunisie pour effectuer les études de marché nécessaires à notre délocalisation, et qu’à terme, j’y passerai 3 semaines par mois, pour assurer « le respect des procédures de vente et la qualité de nos appels, ainsi que notre éthique de travail ».

Bien sur. Suite logique. Je n’ai rien contre la Tunisie, au contraire. C’est juste comme un échec. Comme si tout ce que j’avais fait jusque là n’avait servi à rien. Les sacrifices, les heures, les renoncements, les économies, les réussites, les résultats, les promesses, les engagements, tout ca ne compte pas. Je suis remise à ma place de pion dans la machine. Aussi dévouée que vous ayez pu être, aussi bons soient les résultats en France, tout ça n’est pas assez, on pourrait gagner plus ailleurs, on pourrait amasser, au détriment des 340 individus qu’on fait bosser chez les prestataires, mais qui compte, qui s’en soucie ? La discussion s’arrête à une opération mathématique : une heure de production ici, c’est presque 30 euros. Une heure là bas, c’est 12 euros. Fin de la discussion, je n’ai de toutes façons pas le droit au chapitre dans cette décision. Il ne me reste plus qu’à me sortir les doigts et à tout recommencer, on compte sur moi, je suis un pilier. Sauf que je n’y crois plus. Tout est tâché, gâché. Ma bulle dégonfle, je décompense, je ne comprends plus rien.  Est-ce qu’on peut faire ce qu’on veut dans la vie ? Est- ce qu’il est possible de croire à ce qu’on fait et de payer son loyer? Et puis surtout je n’ai plus envie. Je me vomis. Physiquement. Je vomis dans les toilettes des TGV, dans ceux des avions, au bureau et dans la rue. Je vomis la pression et la rancoeur, je vomis mon personnage, je me vomis d’avoir accepté tout ca, je vomis les costumes et les cravates, les déjeuners professionnels et le temps passé à cirer les pompes, à gueuler, à exiger, à hurler, à amadouer, pour qui, pour quoi, certainement pas pour moi. Je vais être licenciée.

Ma chatte, mon docteur et moi

J’aime bien aller chez la gynéco. Ca fait de moi la membre d’un club super fermé et très confidentiel, puisque la plupart des forums des Internets féminins sont remplis des peurs et des craintes de milliers de vagins qui beuglent à l’unisson leur effroi devant le clap-clap métallique du spéculum. C’est encore pire pour les individus pourvus à la fois d’un vagin et d’un surpoids conséquent, comme moi quoi. C’est beaucoup grâce à ma maman, qui m’a toujours rassurée, qui m’a parlé de ma chatte comme si c’était un animal de compagnie parfaitement sympathique et ronronnant, qu’il fallait juste emmener chez le véto de temps en temps, rapport aux puces et aux grippes en hiver, tu vois le genre. C’est aussi beaucoup grâce à ma gynéco, qui est un modèle de douceur, de gentillesse et de compétence. J’imagine même pas ma gueule si j’avais eu affaire à un nazillon rétrograde débile, qui m’aurait embroché avec son gros appareil sans dire bonjour et sans lubrifier, et qui m’aurait ensuite asséné les dix clichés les plus débiles sur la sexualité, la contraception et la mise à bas. Car oui, les gros cons de médecin, ca existe, et les études supplémentaires nécessaires à l’obtention du titre de spécialiste n’épargnent personne. C’est un peu comme les gros cons d’avocats, de ministres, de flics, de fonctionnaires, de journalistes, mais en pire, parce que le médecin a cette aura un peu sacrée. Il n’y a pas si longtemps encore, on se faisait beau pour visiter le cabinet médical, on mettait ses habits du dimanche et sa plus belle culotte, on devait au médecin le même respect qu’à l’instituteur et au curé. La vulgarisation de l’information médicale et scientifique semble ouvrir le dialogue entre médecins-connards et patients, et le partage des vécus sur Internet y est sans doute pour quelque chose aussi, les choses changent, mais doucement, vraiment doucement.

Les 10 trucs que je voudrais dire aux nanas qui ont peur, qui sont traumatisées, qui croient n’importe quoi, qui se renseignent sur leur fouffe sur Docticaca, qui n’ont pas eu la chance d’avoir une maman communiste :

1/ Un gynéco ou un médecin ne peut pas déclarer que vous êtes stérile en vous regardant. Ni même juste en vous faisant un frottis ou en vous auscultant à l’intérieur avec un spéculum, une loupe, ou une longue vue. La stérilité ne se mesure pas en nombre de centimètres ou de kilogrammes. Des femmes très maigres ou très obèses, des très grandes, des très petites, des herpétiques, des tatouées, des dépressives, des folles à lier, mènent à terme des grossesses chaque année. La stérilité biologique se vérifie à l’aide d’examens poussés, qui ne peuvent pas être réalisés à l’emporte pièce dans un cabinet. Le fait de ne pas avoir de cycles réguliers n’est pas un signe de stérilité pour les femmes. Ras-le-cul d’entendre chialer mes copines parce qu’un connard de médecin fier de lui leur a sorti « ah bah ma petite demoiselle, dans l’état où vous êtes, c’est sur hein, vous pourrez pas avoir d’enfants » au bout de 10 minutes de consultation.

2/ Personne n’a le droit de vous dicter votre moyen de contraception. Vous avez le droit d’être une connasse d’écolo qui refuse de soumettre son corps à des apports exterieurs d’hormones. Vous avez le droit de craindre les effets secondaires de l’Implanon. Vous avez le droit de ne pas vouloir porter de sterilet, vous avez le droit d’exiger la pose d’un stérilet. Vous avez le droit de ne pas accepter l’anneau contraceptif que votre gynéco precrit à tour de bras en ce moment parce que le labo l’invite en séminaire aux Caraïbes. Mauvais exemple, mais quand une médecin m’a demandé de choisir entre ma vie sexuelle et ma consommation de tabac, car elle refusait de me prescrire ma pilule et ne me proposait pas d’autre alternative, je lui ai poliment chié à la gueule, et je suis allée me faire poser un DIU ailleurs.

3/ Personne n’a le droit de vous mettre la honte. Que vous soyez vierge au moment de votre mariage, ou que vous enchaîniez les amants, que vous soyez hétérosexuelles ou homosexuelles vous ne devez à aucun moment ressentir que votre gynéco vous juge. C’est au professionnel de santé de s’adapter à votre mode de vie dans ce cas précis, et de vous donner les conseils et les précautions nécessaires aux bonnes pratiques. Un médecin qui émet la moindre remarque déplacée, qui hausse le sourcil, qui se permet la moindre remarque salace sur vos pratiques doit être taclé. Vous ne consultez pas pour recevoir une leçon de morale, on ne traite plus l’hystérie en masturbant les femmes avec des godes géants mécaniques. A la gynéco qui fit remarquer à ma pote gouine qu’elle ferait mieux de tester une fois au moins dans sa vie « l’amour le vrai avec un homme », je propose un séjour forcé à Miami en pleine Gay Pride, attachée nue sur un char.

4/ Vous devez vous bouger le cul. Sérieusement. Je n’en peux plus de lire des pages et des pages de questionnements stupides de la part de femmes adultes et fiscalement responsables sur le thème « suis-je enceinte? » « j’ai un bouton dans le vagin » « mon mec pense que ma chatte sent le poisson » etc. Prenez vous en main. Consultez, cherchez le bon praticien, engueulez les mauvais, lisez, renseignez vous, mais par pitié, prenez votre chatte par la main et offrez lui le traitement royal. Elle le mérite, et les conseils éclairés de Didine98282727 sur les forums de Docticaca ne suffiront de toutes façons pas à apaiser vos doutes ou à soigner cette vilaine mycose. Oui, c’est vrai, tu peux essayer de te badigeonner l’oignon de gousses d’ail et de yaourt bulgare, mais honnêtement, pour ton mec ou ta meuf, pour le respect olfactif de ton entourage, les ovules vaginales ou autre traitement, c’est quand vachement plus efficace.

5/ Non, ca ne fait pas mal. Je ne sais pas qui est la première conne qui a balancé qu’une visite chez le médecin de la fouffe pouvait traumatiser à ce point là. Bien sur, c’est un peu moins sympathique que chez l’ORL, il faut se déshabiller, il est possible que votre médecin vous palpe la poitrine selon votre âge, la position est un peu spéciale, on a un peu froid au cul, et le papier de la table d’examen refuse systématiquement de rester en place. Soit. Mais franchement je préfère aller trois fois me faire tripoter le col que d’aller me faire fraiser une molaire. Si vous indiquez à votre gynéco que vous êtes particulièrement pudique ou frileuse, il peut pousser la gentillesse jusqu’à vous recouvrir d’un champ chirurgical, mais cela vous coupe de lui pendant l’examen. Les speculums employés sont aujourd’hui disponibles en plusieurs tailles, et sont lubrifiés à la pointe avant l’utilisation. On est bien loin de la torture moyenâgeuse. Bonus trick : plus tu avances tes fesses en avant sur la table, plus ton col et ton petit intérieur est accessible au médecin, ce qui facilite sa manoeuvre. Pas la peine donc de se recroqueviller en haut de la table d’examen, ca crispe, et là, ca peut être un peu plus désagréable.

6/ Si ca gratte, ca pique, si t’as un doute, si ca sort vert, si ca sent la foret, si ca sent le cèpe, si ca coule pas normal, si ca fait mal mal mal, évidemment il faut consulter en urgence. La plupart des bons gynecos en ville (c’est un peu différent à l’hôpital) ne refuseront pas de vous prendre entre deux rendez-vous si vous avez un problème. Passer un coup de fil ne coûte rien. Si vous découvrez une grossesse, et que vous pensez à l’IVG, il est aussi urgent de prendre rendez-vous pour que votre médecin ou gynéco vous réfère aux services adéquats dans les délais légaux, là aussi, expliquer qu’on est speed peut aider. Il existe d’autre part des urgences gynécologiques spécifiques pour les inquiétudes plus graves ou les horaires de nuit. On évitera cependant d’aller poireauter six heures dans une salle d’attente pour se faire soigner une simple irritation post-épilation intégrale ou petite mycose de rien du tout.

7/ C’est pas parce que c’est dans la chatte que c’est grave ! Il existe des tas de choses vraiment bénignes, dans le chouchou comme ailleurs. On a tendance à s’inquiéter de manière démesurée dès qu’on y aperçoit une bosse, un changement, une décharge, mais  avec un contrôle gynécologique régulier, vous devriez vite vous rassurer. Et quant aux IST, elles sont chiantes, culpabilisantes, mais soignables si elles sont prises à temps. Au lieu de mariner dans la honte, un bon dépistage sanguin, un frottis vite fait bien fait, et un traitement adéquat, tout est rapidement réglé. Je garde l’anonymat de cette personne de sexe féminin qui refusant de consulter avait décidé de s’arracher un par un les condylomes qu’elle avait contracté avec une lame de rasoir plutôt que de les faire traiter. Je vous raconte pas le carnage. Boucherie Sanzot.

8/ PARLEZ EN. A vos mômes, à vos cousines, à vos amies, à vos collègues, à la dame de la caisse, mais putain dédramatisez le truc avec les femmes que vous rencontrez. A un moment ou à un autre, pour peu qu’une certaine intimité s’installe entre nanas, la conversation vire au cul. Et qui dit cul, dit con, dit contraception (ce slogan est déposé à l’INPI, merci). Vous ne savez vraiment pas les légendes urbaines que se trimballent les nanas entre elles sur le sujet, les peurs qu’elles entretiennent, c’est tellement important de raconter ce qui se passe à l’intérieur du cabinet, comment se passe une consultation en vrai. Rappelez leur que c’est confidentiel, que c’est remboursé, que personne n’en saura rien, ni leurs parents, ni personne.

9/ S’occuper de sa chatte, c’est aimer son cul. C’est faire attention à soi, c’est s’accorder du temps pour quelque chose qui ne se voit pas. Un rendez vous médical prend 4 fois moins de temps qu’une couleur-coupe chez le coiffeur, et souvent il coute moins cher aussi. Mais on va beaucoup plus chez le coiffeur que chez le toubib. Parce qu’on ne porte pas sa chatte au milieu de son front, parce que c’est encore un peu secret, un peu difficile, quelque chose qu’il faudrait cacher. S’occuper de son utérus, c’est mieux que le fromage blanc au Bifidus (encore un magnifique slogan). Et puis il y a malheureusement encore quelque chose de transgressif dans la responsabilisation de la femme et de son corps, comme si on ne pouvait pas s’appartenir pleinement.

10/ Achetez une imprimante. Sans déconner. Si vous avez peur, si vous avez une condition médicale particulière, si vous voulez choisir votre contraception, si vous sentez que votre médecin est old-school, si vous avez un doute sur un traitement, si vous avez une liste de questions à soumettre, imprimez tout. C’est pas écolo, okay, okay. Mais si vous habitez dans un coin où vous n’avez matériellement pas le choix sur le nom de votre toubib, si vous ne pouvez pas changer de médecin pour des questions de CMU ou de remboursement, ou si l’idée même de rencontrer de nouveaux médecins vous donne envie de vomir, vous pouvez préparer les consultations, et pendant votre demi-heure impartie, répondre à l’homme ou à la femme de science avec une argumentation documentée. Vous passerez peut-être pour la patiente over-flippée, mais vous aurez la satisfaction de dire exactement ce que vous vouliez dire, sans rougissements, bafouillis, ou vomissements.

Ces 10 points s’adressent finalement à la fois autant au personnel de santé qu’aux femmes. Tant qu’on continuera d’accepter sans remettre en question l’autorité toute puissante d’une blouse blanche, on ne pourra pas avancer. Il ne s’agit pas de penser qu’on est plus fort qu’un médecin en terme de savoir technique, il s’agit juste de s’assurer qu’on a s toutes les options possibles pour faire un choix éclairé. Et tant qu’on continuera à diaboliser les spécialistes des parties « sales » « cachées » du corps comme les gynécologues, les urologues et les proctologues, des centaines de femmes continueront à vivre dans une peur stupide. Des dizaines découvriront aussi trop tard qu’elles sont atteintes de choses graves.

Sinon, pour des vrais articles sur le sujet, avec autre chose que du ressenti, mais avec des recherches, il y a ZoneZeroGene.

Des mains partout

Du sang sous les ongles, noir, incrusté, oxydé. Du savon et de l’eau chaude, une brosse qui gratte, toujours les tâches qui te narguent, une pointe de compas, de couteau, un cure dent, les ongles coupés, mordus, détruits, manucure du pauvre, vernis gâché, toujours le sang, toujours l’odeur, et puis la honte. Les mains comme des symboles extérieurs de bien-être et de réussite, les mains blanches et fines des femmes parfaites, de celles qui travaillent dans des bureaux aseptisés, de celles qui ont le temps et les moyens de s’attarder, les peaux et les cuticules, les coins et les arrondis, gommages et soins, les mains de mon père, Bétadine et Dakin, celles de ma mère, rouges et longues, les mains rugueuses mais ornées, décorées, plastique et strass, diamant et acrylique des filles qui dansent dans ma télé, des centaines de mains, de doigts, de paumes. Celle qui ouvre la porte le matin, celle qui fouille dans ta poche, celle qui tient la barre dans le bus, celle qui cure le nez du chien, celle avec laquelle manger, celle avec laquelle dessiner, mes doigts dans ta bouche, mes doigts dans ma bouche, ma main dans la sienne, ma main dans ta gueule, partout ta main, moulage au plâtre couleur gouache, souvenir oublié, des mains dans l’encre, des tâches qui veulent dire, les doigts qui condamnent ou qui racontent, les mains qu’on coupe pour punir, qu’on attache pour jouir, toutes les mains pleines de sang, de sueur, de peinture, collées une à une sur le plafond de ma tête, comme un immense dessin d’une école maternelle pour enfants psychotiques, compter les doigts de chaque passant, de chaque nouvelle personne, peut-être qu’il en manque un.

Les mains déformées et rouges de Benjamin à la plage l’été, que je n’arrête pas de regarder, même que c’est interdit, c’est ma mère qui l’a dit, parce qu’il a un souci, de naissance, c’est pas de sa faute, il a des doigts petits, comme des boules de liquides, comme des cloques, sans os et sans structure, juste d’un côté, c’est pareil sur ses pieds. Des heures à tricher, à l’observer, à regarder, à compter les petites excroissances, à les comparer les unes aux autres, à me demander si ca fait mal, sans oser lui parler, à lui lancer le ballon du bon côté, à vouloir le toucher, à vouloir presser ses petits doigts bizarres sous les miens, pour voir comment ca fait, de quoi c’est fait, comment ca marche et si ca fait du bien. Mes mains normales sont tristes à côté, juste des doigts qui ne servent à rien, même pas à écrire pour l’instant, je ne suis pas manuelle, je ne le serai jamais, je ne suis pas coordonnée, alors je suis jalouse, parce que Benjamin semble tout pouvoir faire d’une main et demie, le pire c’est de le regarder manger, il y a quelque chose de sale et de drôle, quand il pousse les aliments dans son assiette avec son petit bout de main, surtout ne rien dire à personne, les copines trouvent ca dégueulasse, les petits doigts nains. Toute sa vie, Benjamin aura ses petits morceaux de boules bizarres au bout de la paume de la main droite, et toute ma vie j’aurai envie de prendre sa main dans la mienne et lui faire subir des centaines d’expériences bizarres. Je suis frustrée.

Les mains déformées et ensanglantées de Céline, au lycée, qui passe son temps à éplucher la peau de sa main comme un junkie sous acide, comme si elle y prenait du plaisir, comme si elle dépiautait une orange amère ou un fruit encore vert, des heures et des heures de cours passées à expérimenter des techniques folles pour desquamer volontairement, à ronger ses ongles jusqu’au nerf, jusqu’à en pleurer, jusqu’à ce qu’elle soit obligée de porter des pansements pendant tout un trimestre, ses mains qu’elle cache dans des manches trop longues, même pour fumer, écrire,ou pour manger, sa garde robe est adaptée, un trou pour le pouce, un autre pour l’index, pas besoin de plus. Les mains ne sortent que pour subir leur rituel quotidien de torture et d’inspection, elle arrache et elle pique, elle coupe et elle gratte, elle ne saigne même plus, elle se contente d’arracher les croutes des croutes, petits morceaux bruns de sang séché et coagulé qui tombent en petit tas régulier sur sa table en formica blanc d’écolier. Pour ses dix sept ans, sa mère lui paie de nouveaux ongles, tout beaux tout frais, sur la repousse fragile, ca fait comme de minuscules gouttes de plastique moulé, fragiles, bombés, à peine soudés, ils tiendront trois jours, le temps que Céline trouve un cutter suffisamment acéré pour les découper et reprendre avec attention son travail de destruction.

Les traits sur le coin de ma main gauche, plis dessinés au couteau chauffé à blanc un soir de désespoir et de connerie, trois traits parallèles et ridicules, cicatrices pour toute la vie d’un mélange savamment dosé d’alcool, de douleur, et d’exhibitionnisme. Il fallait que ca se voit, il fallait que je puisse montrer, à quel point j’avais vraiment mal, à quel point je souffrais. Il me fallait des preuves,tangibles, reconnaissables. Mais pour dire vrai, tu ne penses pas à tout ça quand tu le fais. Tu penses juste au repos momentané que la douleur physique va t’apporter, au vide instantané provoqué par la brulure, ton angoisse fond et se fait aspirer par la douleur physique, plus forte que ta tête, incontournable, elle. J’essaie au couteau, sans le brûler, une première fois, mais je ne suis pas assez courageuse ou timbrée pour me saigner, ma main refuse d’appuyer, alors je brûle la lame, elle devient noire, et je la précipite en dessous de mon pouce, juste de l’autre côté. Flash. Douleur. Plaisir. Incroyable montée. Je recommence, parce que je suis encore mal, parce que la pulsion est trop forte. Je ne suis plus angoissée, c’est presque magique. Une troisième fois, parce qu’en toute vanité, je trouvais ca plus esthétique. Je suis conne, je suis triste, j’ai vingt ans, ca n’excuse rien, disons que ca me console, quand je passe mes doigts sur les trois boursouflures supplémentaires que je me suis infligée.

(Et si un ado-adu-lescent prenait ce dernier paragraphe comme une apologie à la mutilation, NDLR, t’es vraiment un gros con)

Air France et la vieillesse des trentenaires

Toute ma vie j’ai rêvé d’être hôtesse de l’air ! Non, pas vraiment, ma phobie compléte de ces boîtes maléfiques qui traversent les airs m’empêche même de comprendre comment on peut vouloir volontairement devenir Personnel Naviguant Commercial. Il faut croire que l’image glamour du steward et de l’hôtesse tirés à quatre épingles qui virevoltent de pays en pays en noir et blanc sur un air de jazz circa 1950 est encore ancrée dans les esprits de la France qui voudrait travailler, et cela malgré les nombreux plans sociaux et restructurations dont sont victimes des compagnies prestigieuses comme American Airlines, obligées de fermer leurs bases françaises pour rapatrier leur personnel vers des pays fiscalement et géographiquement plus avantageux. On ne choisit pas sa vocation grâce à une étude de marché, et c’est donc plein de ferveur et d’entrain que plus de 1000 individus se sont présentés et ont réussi en 2008 les entretiens et les examens préalables à l’embauche d’Air France.

On ne se présente pas à la sélection Air France comme à un entretien d’embauche « civil ». Pour prétendre au poste de PNC, il vous faut d’abord être titulaire du Certificat de formation à la sécurité (CFS) ou de l’Attestation de formation initiale à la sécurité, formations dispensées par des organismes privés, dont le coût reste à la charge de l’étudiant. Selon les écoles et les instituts, chaque personne désireuse de se présenter devant les relations humaines d’Air France devra débourser près de 3000 euros pour sa formation initiale, non remboursable bien sur. Le sérieux des organismes de formation des métiers de l’air a sérieusement été remis en cause récemment par les enquêtes de Capital sur la chaîne M6, mais cela ne semble pas affecter les critères de sélection d’Air France, qui n’indique pas d’écoles préférées pour effectuer ce cursus. On imagine donc la pression financière supportée par les aspirants navigants, et l’importance que peut revêtir la sélection à l’embauche dans une compagnie aussi prestigieuse qu’Air France : c’est la voie royale vers une carrière plutôt tranquille, avec un système de progression et de rémunération correcte et éprouvé, et donc l’assurance d’une relative stabilité.

En 2008, plus de 800 candidats sont ainsi retenus après les entretiens et les vérifications médicales et psychologiques réglementaires. Mais 2008, c’est aussi le début d’une crise massive, et Air France décide le gel des embauches. La compagnie aérienne met alors en place un système de liste d’attente, promettant aux candidats pré-sélectionnés qu’ils auront la primeur des ouvertures de poste dès la fin de la crise, leur laissant entendre sans rien écrire qu’il leur faudrait attendre une année entière au moins avant d’intégrer l’entreprise. Au bout d’un an, l’entreprise décide de remettre en cause la validité de la candidature des individus jusqu’ici persuadés d’être les poulains, les prochains sur la liste, sans aucune autre explication. Deux ans après la validation de leurs tests, les candidats seront convoqués une nouvelle fois pour passer les mêmes entretiens et vérifications médicales, et Air France décidera de faire l’impasse sur 400 d’entre eux. 400 individus, dument diplômés, et précédemment validés par le processus complexe du recrutement de la compagnie, qui ne correspondent plus en 2011 à l’image du PNC parfait.

Je comprends tout à fait qu’Air France décide de faire repasser une série d’entretiens et d’examens. Deux ans, c’est long, et la formation diplomante de PNC se fait seulement en quelques mois : la proportion ne joue pas en la faveur des candidats, qui pourraient avoir tout oublié, tout mélangé. L’examen médical et psychologique est important : comment penser qu’on est physiologiquement et psychiatriquement parfaitement semblable à ce qu’on a été 24 mois auparavant ? La grogne des candidats sur ces sujets me semble un peu malvenue. Ce qui est plus étonnant, c’est d’abord le nombre des candidatures révoquées, en gros, près de 50% des individus de correspondraient plus à l’image qu’ils avaient donné en 2008, c’est énorme il me semble. Ce qui est franchement dérangeant, c’est le détail qui semble rassembler tous les révoqués de la session 2011 : ils seraient tous des trentenaires. Ils avaient moins de trente ans en 2008, lors des premières épreuves, mais ils sont maintenant dans l’autre case, celle des 30-40. Cela s’explique sans doute facilement, en langage Air France : moins de postes disponibles, donner la priorité aux profils jeunes pour assurer une formation longue durée de son personnel, blah-blah-blah-discours-huilé-bla-blah-blah. Mais les 400 trentenaires refoulés et délestés de 3000 euros ou plus dans l’aventure ne sont pas du même avis, et ils commencent aujourd’hui à vouloir se faire entendre, le Vivier 2008 est en train de trouver sa voix sur Facebook.

Je ne sais pas si on peut condamner Air France. Une entreprise est libre d’embaucher, de recruter, tant qu’elle répond aux exigences du Code du Travail et à son éthique. Ce qui est intéressant, c’est la détermination des individus à vouloir intégrer cette compagnie, malgré les embuches, malgré les formations, les tests à répétitions. Il y a aujourd’hui des dizaines et des dizaines de compagnies aériennes qui opèrent en France, pourquoi ne pas tenter sa chance ailleurs ? C’est ce que font tous les salariés, c’est ce que je fais. Si je me fais refuser un poste, je vais voir ailleurs, j’envoie un autre CV, je passe à autre chose, je digère, j’oublie. Et même si Air France avait réellement opéré une discrimination systématique sur la base de l’âge, est-ce punissable pénalement ? est-ce même prouvable ? Je n’en sais rien, ou plutôt, je n’ai pas les compétences pour le dire. L’attitude des révoltés du Vivier 2008 est ambigüe. J’aimerai savoir ce que sont leurs démarches, ce qu’ils ont fait pendant ces deux ans d’attente, si ils ont tenté d’autres choses, d’autres carrières, d’autres voies. Je voudrais faire le tri entre le désespoir un peu déplacé du candidat refusé, et la discrimination réelle, si elle a eu lieu.  J’espère que de vrais journalistes me le diront bientôt.

Les mystères de l’Amour – TMC

Gloire à TMC ! Gloire à ta famille et à tes descendants ! Que des milliers de vaches pleines viennent enfanter dans tes étables ! Gloire à Jean Luc Azoulay, grand producteur de daubes pour adolescents de ma génération, et surtout, que des milliers de pandas viennent visiter les demeures de Nico, Béné, José, Laly, CriCri, Johanna et Hélène, et de tous les autres acteurs, dont franchement on se fout, mais qui sont quand même bien aimables de tenir la chandelle dans cette série incroyable, pleine de rebondissements, d’action, de rires et de scènes remplies d’émotion. Je n’ai même pas besoin d’expliquer pourquoi le retour des Mystères de l’Amour est une bénédiction pour le PAF, si tu ne le saisis pas automatiquement, c’est que tu as moins de 25 ans, tu n’as donc pas le droit à la parole, ou alors tu joues au blasé, genre t’as jamais passé un après-midi affalé sur ton canapé, une main dans un paquet de chips, l’autre dans ton caleçon, à regarder « Premiers Baisers » « Hélène et les Garçons » « Le Miel et les Abeilles » « La Philo Selon Philippe ». Personne ne l’avouait, à l’époque. On se retrouvait tous devant le collége, avant les cours, avec nos mines bourgeonnantes, et on niait comme des porcs, en bloc. Personne ne regardait les sitcoms AB, et d’ailleurs, on savait même pas à quelle heure ca passait. Et puis on s’en foutait, on était plus cools que ca. Ouais ouais, c’est ça, sauf qu’on pressait tous le pas après la physique pour rentrer à l’heure pour le début du générique.

Le plus mythique reste sans discussion possible la saga d’Hélène, éternelle étudiante habillée en baba cool en colo toute l’année, et de ses colocataires et amis. J’ai une tendresse particulière pour José, ce personnage complètement hors du temps, qui portait quelque soit  la saison, l’humeur ou l’année de délicates chemises et des vestons assortis, sans doute l’uniforme de l’artiste pour la costumière sous payée de Mr Pory.  J’avoue avoir décroché, je n’ai pas suivi leurs aventures à la Caraïbe, quelques épisodes seulement sur Filles TV les soirs de déprime, mais ca ne m’handicape pas dans ma nouvelle dévotion du samedi après-midi, j’arrive à suivre Les Mystères de L’Amour sans savoir qui est Jeanne, pourquoi CriCri et Johanna se sont séparés pour la dernière fois, car le génie des productions AB c’est de recycler sans cesse les mêmes trames et les mêmes personnages, cent fois sur le métier tu remettras ton ouvrage. Bien sur, on sait par avance que José, ce chaud de la bite, trompera Béné, que CriCri est un salaud de drogué, que Nico aime Hélène depuis toujours malgré ses errances maritales avérées, qu’à un moment ou un autre, quelqu’un se fera enlever, mais le plaisir reste le même, on est comme des cons devant l’écran, repus et contents.

J’entends déjà les Jiminys Crickets du bon goût et de l’intelligence se suicider par l’ingestion massive de Picsou Géants macérés à la grenadine, ils n’ont pas tort, Internet nous permet d’avoir accés en streaming à des centaines de séries US et UK géniales, alors pourquoi se polluer la rétine avec les aventures poussives d’une bande de has been ? Le format des Mystères de L’Amour est un peu long, je suis sure qu’en 26 minutes, on aurait pu avoir notre dose de nostalgie à la caméra HD, les dialogues sont toujours aussi vides, les personnages toujours aussi sots, les acteurs aussi mauvais, ils ont juste, comme nous, pris quelques rides. La seule réponse honorable, c’est celle de l’honnêteté compléte : ca fait plaisir. On a l’impression de retrouver une bande de potes qu’on aurait laissé, tu sais, les mecs qu’on voyait vivre de loin, ceux de la 3eme B quand on était en 3eme E, on retrouve ses réfléxes d’adolescent, au lieu de ne pas assumer, on prend un air blasé, on dira pour faire chic qu’on regarde au deuxième degrés, le replay nous permet de zapper les scènes qui s’éternisent, de faire un arrêt image sans le dire sur le torse de notre personnage préféré, on a troqué le paquet de chips contre un paquet de clopes, le caleçon contre un legging, nous aussi, on a changé.

Osez L’Amour Des Rondes – Marlène Schiappa – La Musardine

Selon les éditions La Musardine, la collection « Osez » rassemble des petits guides précis et ludiques consacrés à toutes les pratiques sexuelles. Osez L’Amour des Rondes fait partie des dernières publications. La première question que je me pose, avant même d’ouvrir le livre, est celle de la cible de l’auteure, Marlène Schiappa, lorsqu’elle écrit ce manuel de sexualité. S’agit-il de s’adresser aux hommes qui hésitent encore à révéler leurs fantasmes particuliers de femmes aux courbes exacerbées, ou va-t-elle aider les rondes à décomplexer leur approche de la sexualité, et plus largement, va-t-il permettre d’enterrer certaines idées reçues sur les femmes grosses ? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que j’ai 30 ans,  que je suis une femme grosse, et qu’Osez L’Amour Des Rondes devrait donc me parler.

Ce qui frappe d’abord, c’est la couverture, illustrée par Arthur de Pins, illustrateur bien connu de la communauté des dodues, qui représente ici une femme géante aux fesses et aux seins démesurés, à laquelle s’accroche comme la moule à son rocher un petit homme maigrichon, qui se blottit dans les seins généreux de la grosse pin-up comme dans ceux de sa mère pour téter.  La femme ronde est donc symboliquement à la fois dominatrice et castratrice, et maternelle. Ca commence bien, en avant les clichés.

L’avant-propos arrive à point pour répondre à mes questions : le livre s’adresse bien à la femme ronde, que l’auteure s’acharne tant bien que mal à définir, s’appuyant pour se faire sur des sommités telles Karl Lagerfeld, le magazine Playboy, ou l’opinion publique. On ratisse donc large ! Les femmes deviendraient rondes pour diverses raisons : gourmandise, grossesse, dépression, pauvreté, génétique, ou tout simplement parce qu’elles « préfèrent passer leur temps à faire l’amour plutôt que de faire du sport en salle ». On pardonnera à Marlène Schiappa ces clichés grossiers, elle n’aura sans doute pas pris le temps de s’intéresser aux études récentes sur les causes mixtes de l’obésité. On la comprend, son propos doit rester léger ! Elle dédie son ouvrage « aux rondes et à ceux qui les aiment », et nous rassure : les grosses ne sont pas plus bêtes que les autres, il ne faudrait pas croire tout ce que les médias veulent nous faire croire ! D’autre part, l’auteure en est sure, études à l’appui, les rondes sont « les icônes sexy de tous les temps », et elle nous emmène dans un voyage adipeux, de la Vénus de Milo à Laetitia Casta, l’argument ultime de son argumentation étant la recrudescence des opérations de chirurgie esthétique visant à augmenter le volume des fesses ou de la poitrine. Les minces nous envient, la révolution est en marche, nous voilà rassurées !

Je vous passe les pages témoignages d’amants de grosses, qui rassemblent les stéréotypes les plus éculés sur les rondes, qui seraient à la fois plus douces, plus sensuelles, plus « pleines », mais également plus « affamées », bustées, et bien sur,  toujours « de bonne humeur ». Amies obèses, évitez donc d’être callipyges, de mauvaise humeur, ou simplement frigide, il en va de la survie de notre espèce ! On pensait les poncifs sur les femmes venus d’un autre siècle, mais pourtant, les paroles d’hommes choisies par Marlène Schiappa nous confirment le pire : soyez rondes, mais soyez soumises et sexuelles, c’est la seule façon de plaire.

Apprenons maintenant ensemble à devenir sexy tout en restant grosse, selon les préceptes d’Osez l’Amour Des Femmes Rondes :

–       Ne vous goinfrez pas en public. On mangera une sucette, pour rappeler l’aspect phallique du geste, mais pas un sandwich, qui pourrait faire penser à  votre indélicate surcharge pondérale.

–       Dansez, mais seulement si vous savez. Inutile d’essayer d’imiter vos copines minces qui se trémoussent sans avoir pris de leçons. Vous auriez l’air d’un tas. Prenez des cours de salsa, par exemple, car sinon, vous risqueriez  « d’incarner l’absence de maîtrise de soi »

–       Ne vous ruez pas sur la bouffe comme une candidate de Koh Lanta après un jeune forcé. C’est bien connu, les grosses ingurgitent des tonnes de nourriture en public, et cela sans aucune retenue. Sachez vous tenir, merde ! L’auteure vous conseille de « ne pas prendre de déssert si personne d’autre n’en prend à votre table » et surtout « de ne pas demander de doggy bag » (?!)

–       Mentez sur votre poids quand vous draguez en ligne ! Mais pas trop ! Juste ce qu’il faut pour attirer un maximum de mecs ! Vous vous arrangerez  avec la vérité une fois le temps du rendez-vous arrivé ! Si vous avouiez votre vrai tonnage, personne ne voudrait de vous, bien sur.

–       Soyez drôles, mais pas trop. La femme grosse a l’obligation d’être marrante, mais ne doit pas oublier que sa priorité doit toujours rester sa soumission totale à l’homme. Elle préfèrera donc rire aux blagues pourries de son compagnon plutôt que de se lancer dans un récital de vannes.

–       On se rend à la visite médicale sans rechigner. Je pense que cela se passe de commentaires. Les grosses se soignent, pas la peine d’enfoncer le clou sur l’énormité de ce conseil.

–       On suit la mode, mais pas trop. Parce que soyons honnêtes, les grosses ne peuvent pas tout mettre. Contentez vous donc de mettre une jolie broche, d’accessoiriser.

–       Restez fières dans les transports, « partagez vos Twix avec votre voisin dans l’avion ». Donc la grosse apporte du chocolat dans l’avion, puisque la grosse n’arrête jamais de bouffer. Voilà voilà.

Passons maintenant au cœur du message : Les rondes, des pièges à hommes :

Les conseils de ce chapitre me donnent envie de vomir. Strictement envie de vomir. Je ne comprends pas pourquoi l’auteure pense qu’il est utile de rappeler aux grosses qu’il faut se laver les dents, se laver, se maquiller. A croire que notre couche de gras nous empêche de nous mêler à la société, que nous vivons en tribu, dans une cave remplie de femmes obèses, sales, puantes et poilues. Et on retrouve en filigrane, l’obsession de Marlène Schiappa pour la prétendue oralité des rondes : ainsi, les grandes dents blanches préalablement lavées grâce aux conseils données serviront d’appâts, l’homme rustre associant toujours la bouche et les dents à la fellation.

L’équation (grosse=bouffe) + (grandes dents = grande bouche) = bonne pipe, semble être au cœur de la tactique primale de séduction de la grosse en goguette. La grosse est un trou béant, qu’il suffit d’habiller de quelques paillettes pour que la virilité d’un homme vienne s’y planter. Merci, tout cela est fort réconfortant, vraiment. On apprend également que la dodue doit éviter tout décolleté affriolant ou toute mini-jupe, sous peine de tomber immédiatement dans la catégorie « Vieille Pute », alors que sa consœur mince serait sexy et élégante, elle.

Ronde et Désirable, le chapitre de la honte :

Pour être désirable, vite, conformons nous aux normes en vogue de capillarité, faisons nous épiler ! L’auteure se pose en spécialiste du sujet, détaillant pour la grosse novice les différentes formes possibles d’arrachage de poil, triangle inversé, ticket de métro, cœur, et intégral. Elle nous recommande le ticket de métro, car il aurait un effet amincissant dans une mesure de 1,5 à 3 cm de poils selon votre corpulence. Attention ! Vous tromper de mesure met en cause votre pubis de manière grave ! Vous risqueriez de dégoûter à vie votre amant de votre « grosse vulve » par cet « effet grossissant ». On peut donc être ronde, certes, mais pas  de partout, et certainement pas du mont de Vénus, ne choquons pas le mâle et son pénis fragile et peu habitué à cette colline de chair supplantant nos organes. Marlène Schiappa nous déconseille l’intégrale, qui est pourtant la méthode d’épilation la plus confortable et la plus seyante selon moi, car les admirateurs de grosses dames aiment les poils. Oui oui. Vous avez bien lu. Elle le dit, elle l’affirme, elle le sait.

Le pire restant toujours à venir, j’apprends dans le paragraphe suivant, subtilement sous-titré « Elle préfère l’amour en mer », que les grosses transpirent comme des veaux, « un peu d’émotion, un coup de chaleur ou de fraicheur, un petit effort, et hop, les aisselles, le dos, l’entrejambe se mouillent ». L’auteure nuance : les grosses sont, selon elle, bien sujettes à une perspiration anormale, mais ne puent pas. Ou plutôt, ce n’est pas de leur faute. Ou plutôt, on ne comprend pas vraiment le projet de ce paragraphe, les grosses sentent, ca, on l’aura compris, mais les explications restent floues. On retiendra le conseil de l’auteure, du déodorant matin, midi et soir, ou un amant qui aime l’odeur de votre transpiration (le même qui aime les poils, sans doute, comme plus haut). Pour pallier à ce désagrément majeur, la solution est toute trouvée : la grosse doit baiser dans l’eau ! Plus de soucis de sudation ! Quel excellent conseil vraiment, qui suppose donc que la grosse a un partenaire fiable et séronégatif avéré, puisque baiser dans une piscine (dans la mer en fait, dans le livre, merci pour la correction) vous empêche le port du préservatif … La grosse est donc la femme d’un seul homme, si elle a la chance d’en trouver un ! Vous aurez également noté que la grosse est uniquement hétérosexuelle, il ne manquerait plus qu’elle soit grosse et gouine …

Du cul, du cul, du cul

Quelques pages techniques maintenant. Vous avez réussi à ferrer un prétendant, malgré votre épilation ratée, vos litres de sueur, vos odeurs corporelles, votre sens du rythme à chier et vos blagues grasses ? Il est l’heure de niquer ! N’ayez pas peur, l’auteur vient à votre secours en vous recommandant par ordre de préférence les positions les plus folles !

–       La levrette : il s’agit ici de mettre en avant le meilleur visage de la grosse : son cul.

–       Amazone Light : La grosse pourrait briser son amant en deux. Faites vous légère !

–       En cuillère : la position recommandée pour les timides qui ne voudraient pas se montrer de face … mais strictement impossible techniquement si comme moi vous possédez un postérieur important et un amant en dessous des 34 centimètres

–       Sodomie mensongère : il s’agit ici de faire croire à votre amant qu’il vous sodomise alors qu’il s’introduit seulement entre vos deux miches. Technique usitée par la plus vieille profession du monde depuis des siècles. Merci pour cet aimable rappel de notre condition, Marlène.

–       Missionnaire : A l’Ouest, rien de nouveau, mais l’auteure ne manque pas de préciser à la grosse paresseuse et molle de ne « pas faire l’étoile de mer »

–       On évitera « de face », les bourrelets empêcheraient la pénétration. Pour être pourvue de bourrelets charnus, rien ne m’empêche de baiser en position du lotus, si ce n’est la souplesse de mon amant. Quand on ne sait pas, on se tait, non ?

–       Le Face Sitting, ou action de s’asseoir sur le nez de son partenaire, est formellement interdit par l’auteure, sous peine de graves souffrances. Dommage, il reste la pratique préférée des Fat Admirers de tout poils. On revoit sa copie, Mme Schiappa ?

–       Et bien sur, un chapitre entier lui est consacré, on sucera son partenaire, des heures durant, des couilles au gland, sans rien lui refuser, puisque la grosse qui aime tant bouffer aime forcément bouffer la queue de son amant. Le cliché de l’oralité est porté jusqu’à la fin de l’ouvrage, sans aucune trace de sarcasme dans les mots de l’auteure. Juste une femme de plus qui n’a rien compris, qui n’a pas cherché à comprendre.

A ce moment de la lecture, page 94 tout de même, deux Immodium et trois Valium plus tard, je me demande ce qui a bien pu pousser Madame Schiappa a écrire ce ramassis de merdes. L’appât du gain peut-être. Son vécu d’adolescente ronde mal digéré ? Ses propres angoisses vis à vis de la sexualité ? Ses problèmes de sudation ? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est qu’il n’y a aucune recherche, aucun témoignage, aucun mot, qui résonne justement. Je suis une femme grosse. Ma taille de pantalon est 54. Ma taille de soutien gorge est 110 F. Je suis grosse depuis l’enfance, j’ai traversé l’adolescence, les premiers amours, la découverte de la sexualité, les petits amis, le couple, en étant grosse. J’ai appris à jouir et à faire jouir en était en surpoids, j’ai cherché, j’ai tâtonné, j’ai consulté, je n’ai pas toujours été bien dans ma peau, j’ai cherché à plaire, j’ai cherché à me protéger, j’ai vécu le parcours classique d’une FEMME. Pas d’une grosse, juste d’une femme, avec l’embarras de quelques bourrelets en plus.

Je sais qu’il existe des centaines de femmes rondes, grosses, et même minces, qui sont sincèrement complexées par leur poids, et qui se tuent à petit feu en voulant à tout prix rentrer dans le moule impossible de ce qu’on leur présente comme idéal dans les médias et dans les films. Mais je ne comprends pas une seconde comme La Musardine a pu penser que ce genre d’ouvrage, plein d’idées reçues, de clichés, d’insultes presque, pouvait être une façon de se libérer, d’oser enfin vivre son corps pleinement, d’érotiser ce qui semblait en souffrance.  Au contraire, cet ouvrage, ce torchon, perpétue sans les interroger les idées qui nuisent depuis des années aux rondes, aux grosses, aux obèses.

Parce qu’Oser L’Amour Des Rondes, c’est oser s’aimer lorsque tout autour de vous vous condamne à changer, c’est oser affirmer qu’on désire être soi, malgré les obstacles et malgré la pression du groupe. Et pour un homme, c’est certainement autre chose qu’aimer la générosité d’une poitrine ou la pilosité odorante d’un pubis. Aimer une ronde, c’est aimer un individu, une femme. Si l’auteure avait vraiment voulu donner dans le pratique elle aurait du consulter les pages sexo des magazines en ligne de Fat Acceptance à l’américaine, qui consacrent depuis toujours des rubriques entières à l’art de l’érotisme et de la pornographie en XXL. Elle aurait du s’intéresser vraiment à son sujet, plutôt que de nous vomir cette soupe plate et conformiste, tout juste bonne à enchaîner celles qui se pensent grosses dans leurs complexes et leur mal de vivre.

Toutes les parties en itallique sont des citations directes de l’ouvrage.

Osez L’Amour Des Rondes – Marlène Schiappa – La Musardine – 8 euros

ISBN : 978 2 84271 419 2

Jurassic Park

Sur le blog du Reilly, il parle de Jurrasic Park. Je ne vais pas débattre de la qualité intrinsèque de ce chef d’oeuvre du genre, d’abord parce que mes connaissances en cinéma sont un peu limitée,  ensuite parce que je n’ai jamais vu la fin de ce film. J’ai vu les quarante cinq premières minutes au cinéma, c’était en 1993, j’avais donc 13 ans ou un peu moins, c’était au Gaumont de la place de la Convention, un dimanche, pendant des petites vacances que je passais chez mon père. Ma mère habitait à Paris, moi aussi donc, mon père en banlieue lointaine et chiante, desservie par les trains en métal historique du RER C. Comme souvent, mon géniteur avait décidé de travailler, et j’étais donc libre la plupart du temps, sans aucune supervision. Quelques tunes en poche, et Paris était à moi, j’avais l’impression d’être grande, très grande, presque adulte, c’était grisant, je me souviens, y’avait pas Internet pour prévoir quand passait le prochain train, tu partais au hasard, ton petit dépliant pourri pour seul bagage, pas de téléphone portable, comment on faisait, bordel.

Je devais avoir rendez-vous vers 15H avec mes potes, mais dans ma grande et précoce angoisse, j’avais du me barrer après le déjeuner, histoire d’être large, histoire de ne rien manquer de ce dimanche avec les potes, ce qui m’avait royalement permis d’atteindre le 15eme vers 14h, une heure à tuer, quand t’as 13 ans et pas une tune, ouais, c’est pas génial en fait, c’est même assez flippant, tu te poses sur un banc, tu grilles des clopes que tu ne fumes pas, de toutes façons tu ne fumes pas vraiment, tu fais un peu semblant, je sais plus si j’avais un walkman ou un journal, mais en tout cas je me souviens que le temps était long, qu’il pleuvait à moitié, et que mon unique challenge était de savoir si j’allais oser rentrer dans un café et commander un chocolat, et si cette première partie de mission était réussie, si il allait me rester assez de sous pour aller au cinéma. J’étais pas bien dégourdie, quand je vois les petits de maintenant, en ray-ban en terrasse, le plié Longchamps au bras, j’me dis que vraiment, j’étais bien gourde, ou alors on était tous lourds, j’en sais rien. Au final, je suis montée dans un bus et j’ai fait quelques allers-retours, au moins il faisait chaud, y’avait du monde, j’étais assise, et ma carte orange 1-2 était largement amortie, grosse ambiance, j’te dis.

Retour sur zone à 15h, pas de potes à l’horizon, la séance c’est bientôt, l’après-midi commence à se gâter vraiment, ils sont tous en retard, déposés par leurs parents excédés d’avoir à interrompre leur sieste pour conduire l’adolescent  survolté, ils sont tous à l’aise, frais, moi je commence à fatiguer, on vient de rater le film, je sens que je vais devoir rentrer, tout ca commence à me saouler, on part se poser au Mc Do, 2 petites frites, 6 petits cocas, tu vois le genre, de vrais rats, on décide de choper Jurassic Park dans le ciné d’à côté, séance de 17 heures, presque deux heures à tuer. On discute, bataille de paille, y’en a une qui fait ses devoirs, et puis on descend à la cabine téléphonique pour prévenir qu’on change d’horaire pour la sortie, moi j’appelle pas, parce qu’il n’y a personne à la maison, et puis que je serais de toutes façons rentrée avant lui. Mais je suis pas triste, sur le coup, maintenant un petit peu peut-être, mais à l’époque je trouvais ça dingue, de pouvoir disparaître un après-midi complet sans que personne ne me fasse chier.

C’est l’heure du film, on va acheter nos places, une petite queue, ca y est, on est dans la salle, à l’aise, enfin, les pubs, les bandes annonces, et puis le film. Seulement j’arrive pas à penser à autre chose qu’à la nuit qui tombe. J’aime pas prendre le train la nuit, ca m’angoisse, et puis une fois descendue, j’ai une petite trotte jusqu’à la maison, y’a pas grand monde le soir, je me sens pas rassurée, et puis déjà en rentrant dans le ciné, la nuit commençait à tomber. J’y pense tellement que je ne regarde pas le film, j’oublie le pop corn, je déchire mon ticket en petites lamelles fines, et puis à un moment, je me barre, je décide de me casser, j’ai trop peur de la nuit, du noir, du RER, si je ne rentre pas maintenant, c’est sur il va m’arriver quelque chose. C’est tellement con, avec le recul,  ma mère était à 2 kilomètres, elle serait venue me chercher, elle m’aurait raccompagnée, on se serait arrangé, mais j’étais tellement dans mon trip de louve solitaire adolescente débile, dans mon autisme de fille de divorcés, qu’il m’était impossible d’appeller au secours, de déclarer forfait.

J’ai pas dit au revoir, j’ai couru penchée comme une naine jusqu’à la sortie de secours, dans le noir, comme une tarée. J’ai pris le métro, la tête qui tournait, Javel, quai du RER, attente interminable du dimanche, lampadaires jaunes, wagons qui puent la pisse, sièges en skaï troués, 45 minutes plus tard, j’ai repris ma course, sans respirer, jusqu’à la maison de mon père, la clé sous la pierre, la serrure et le canapé. Personne bien sur. J’ai allumé la télé.

La Voisine 3/3

La Voisine 1

La Voisine 2

J’ai jamais pu la voir. Déjà, à l’école maternelle, j’avais envie de la frapper, de traîner sa tête contre la vitre et de lui arracher les cheveux. J’étais pas un gamin facile. J’ai reçu assez de claques et de coups de pieds au cul pour dire que mes parents ont tout essayé pour me calmer. Ca ne fonctionnait pas. On a fait toute notre scolarité ensemble, c’est l’avantage des petites villes. Je la voyais arriver avec sa mère le matin, à travers la cours de récréation, et je me demandais quelle connerie j’allais pouvoir inventer, comment j’allais pouvoir l’embêter. Mon père disait que c’était de l’amour en fait, que j’osais pas lui dire, que j’étais trop con, comme un mec. Mais c’est pas de l’amour, ce que je ressens pour elle, c’est différent. L’amour je l’ai, avec ma femme, avec les petits, l’amour ca ronronne, c’est tranquille, ca va pas chercher loin mais c’est plaisant, on se pose pas de questions, on se marie et on regarde devant. Avec l’autre, c’est de la rage, c’est un truc à l’intérieur de moi qui se réveille quand je la vois. J’ai mis des limaces dans son cartables, je lui ai coupé les sourcils, j’ai brûlé ses nattes en biologie, je l’ai forcée à bouffer du sable devant toute l’école, j’ai tordu ses doigts et j’ai cassé ses stylos, elle a pleuré, elle a demandé pardon, elle a tout raconté aux maîtres et aux maîtresses, ca ne changeait rien. On m’a menacé de pensionnant, de maison de correction, d’école militaire, de m’enfermer dans un placard, de me priver de nourriture, je laissais passer quelques jours et je recommençais, plus fort, plus dur, jusqu’à ce qu’elle ne dise plus rien, jusqu’à ce qu’elle se recroqueville en boule sur le carrelage rose des toilettes des grands, la tête baissée, les yeux vides, les tibias en sang.

Y’avait bien les grandes vacances qui venaient nous séparer à chaque fois, elle partait chez ses grands-parents, j’étais expédié chez les miens, silence radio, elle devait croire que je l’oubliais, la garce, mais je pensais à elle, même à onze ans, c’est là que je lui ai envoyé ma première lettre, une lettre d’enfant, un peu niaise, un peu tarte, « j’ai hâte de te revoir au collége », je lui disais, c’est mon grand-père qui est parti la poster, elle n’a pas répondu, elle a du comprendre. Elle a grandi, cet été là, ses vêtements sont devenus trop petits d’un coup, son pantalon battait sa cheville, ca lui donnait l’air un peu débile, j’ai même pas eu besoin de la forcer, c’est elle qui est venue vers moi, un mardi matin, elle s’est adossée sur le muret à côté de moi, sans rien dire, l’air résigné, j’avais gagné. Je peux pas dire qu’on soit devenus amis, c’est bien plus compliqué, elle a toujours eu peur de moi, j’ai toujours aimé lui faire peur, la cogner et l’utiliser, mais comme autour d’elle c’était n’importe quoi, elle se prêtait au jeu, et je pense que parfois, elle a aimé ca. Elle aurait pu partir, c’est ce que je me dis encore, quand je la vois qui rentre du boulot juste en face de chez moi, j’ai pas de pouvoirs magiques, elle peut s’enfuir si elle le veut vraiment, à quoi ca sert de chialer, à quoi ca sert de me demander d’arrêter, si elle voulait vraiment, elle se casserait.

C’est pratique d’avoir une copine prête à tout, c’est utile. Ca m’a évité de me prendre la tête pour perdre ma virginité ou pour essayer des trucs, même les plus osés. Et puis ca fait monnaie d’échange, quand t’es dans la merde et que tu peux pas payer ton essence, quand t’as besoin de quelqu’un pour faire le ménage avant que les parents rentrent, ou que t’as juste envie de baiser à 4h du matin, j’avais qu’un mot à dire, une baffe à donner, et c’était fait. Le problème, c’est que je l’ai jamais trouvée belle, vraiment attirante. Juste pratique. C’est comme si elle avait pas grandi, toujours habillée comme pour aller à la messe ou chez le toubib, jamais vraiment bien maquillée, toujours trop ou pas assez, toujours cet air gauche, à moitié maladroite, à moitié absente, à moitié chiante. J’ai tout essayé, je l’ai déguisée, je lui ai fait acheter des vêtements, je lui ai coupé les cheveux, je l’ai épilée, j’arrête pas de lui dire de faire des efforts, de se donner du mal, y’a rien qui marche, elle est toujours pas à mon goût, toujours pas celle que je voudrais. Je lui dis pourtant, c’est pas comme ca qu’elle va se trouver un mari, mais ca lui fait rien, elle chiale et elle dit rien.

Moi j’ai trouvé une femme, une belle, une gentille, elle bossait dans les bureaux d’à côté, ca a pas loupé. On a fait un beau mariage, avec deux cents invités, dans un moulin, buffet campagnard et orchestre, j’avais mis l’autre dans un coin, à la table des célibataires, je la regardais se trémousser, toute gênée, incapable de dire par qui elle était invitée, engoncée dans la robe trop décolletée choisie par mes soins, j’ai passé une super soirée, je me sentais comblé. Quand ma femme a cherché à acheter une maison et qu’elle m’a emmené choisir, j’y croyais pas, c’était mieux que dans les films, la baraque d’en face, le vis à vis parfait, y’avait plus qu’à y foutre une véranda pour que je puisse la contrôler, pour que je puisse tout vérifier, comment elle s’habille et à quelle heure elle sort, avec qui elle rentre et à quelle heure elle dort. J’ai inventé un changement d’horaires au bureau, je pars un peu plus tôt, je rentre un peu plus tard, je passe par le chemin communal juste derrière chez elle, je saute la haie et je rentre par la cuisine, je la secoue dans son lit et je fais mon affaire, elle me prépare un café et je vais travailler. En rentrant c’est pareil, je lui fais sa fête, le seul problème c’est la vieille qui n’arrête pas de gueuler, va falloir qu’on s’en occupe, ca commence à me miner.

Avant que son père passe l’arme à gauche, c’était plus compliqué, on se voyait dans ma voiture, à la sortie du travail, sur les parkings, c’était plus possible, on a plus l’âge pour ce genre de conneries. Alors quand le vieux est parti, je lui ai dit d’envoyer sa mère en maison, quelque part au soleil, comme tous ces vieux trop bronzés qu’on voit à la télé. Seulement ca coûte cher, et puis elle voulait pas partir, la vieille bique, elle voulait rester dans sa maison, dans ses meubles, elle gueulait ca toute la journée. Elle voulait tout raconter à ma femme, à mon patron, elle était hystérique, elle commençait vraiment à me gonfler. Alors un matin, je suis rentrée dans sa chambre qui pue la vieillesse et l’eau de cologne passée, j’ai fermé les volets, tout doucement, pour ne pas la réveiller, et puis j’ai fermé la porte à clé. J’ai dit à l’autre d’aller me chercher ce qu’il fallait dans le coffre de sa voiture, on pourrait endormir une armée avec ce qu’elle trimballe comme échantillons de médicaments, j’ai écrasé six  Stillnox dans un café, et j’ai envoyé la conne lui porter son petit déjeuner, comme une bonne fille gentille et attentionnée. Depuis, j’ai la clé de la chambre de la vieille sur mon trousseau, on la réveille pour la faire bouffer et pour la gaver, mais les médicaments sont puissants, elle délire dans son sommeil, elle hurle, j’ai été obligé de l’attacher. Et puis y’a les couches, l’odeur, les voisins qui voudraient avoir des nouvelles de la vieille, c’est plus comme avant, les gens jouent aux détéctives, ils voudraient tout savoir, c’est pénible.

Ca meurt vite, une vieille. Ca prend quelques minutes, pas plus. C’est plus fort que ca en a l’air. Le corps bouge, des grands spasmes, faut appuyer à deux personnes sur l’oreiller pour qu’il rester en place, les mains se tordent, de l’urine se met à couler entre ses jambes, c’est dégueulasse. Et puis quand les tremblements s’arrêtent, t’as peur d’enlever l’oreiller, t’as peur qu’elle feinte, qu’elle soit pas tout à fait crevée. Alors t’enfonce tes coudes dans les plumes, tu mets tout ton poids sur sa face, tu sens son nez qui se brise, elle ne crie pas, c’est bon, c’est torché.