Air France et la vieillesse des trentenaires

Toute ma vie j’ai rêvé d’être hôtesse de l’air ! Non, pas vraiment, ma phobie compléte de ces boîtes maléfiques qui traversent les airs m’empêche même de comprendre comment on peut vouloir volontairement devenir Personnel Naviguant Commercial. Il faut croire que l’image glamour du steward et de l’hôtesse tirés à quatre épingles qui virevoltent de pays en pays en noir et blanc sur un air de jazz circa 1950 est encore ancrée dans les esprits de la France qui voudrait travailler, et cela malgré les nombreux plans sociaux et restructurations dont sont victimes des compagnies prestigieuses comme American Airlines, obligées de fermer leurs bases françaises pour rapatrier leur personnel vers des pays fiscalement et géographiquement plus avantageux. On ne choisit pas sa vocation grâce à une étude de marché, et c’est donc plein de ferveur et d’entrain que plus de 1000 individus se sont présentés et ont réussi en 2008 les entretiens et les examens préalables à l’embauche d’Air France.

On ne se présente pas à la sélection Air France comme à un entretien d’embauche « civil ». Pour prétendre au poste de PNC, il vous faut d’abord être titulaire du Certificat de formation à la sécurité (CFS) ou de l’Attestation de formation initiale à la sécurité, formations dispensées par des organismes privés, dont le coût reste à la charge de l’étudiant. Selon les écoles et les instituts, chaque personne désireuse de se présenter devant les relations humaines d’Air France devra débourser près de 3000 euros pour sa formation initiale, non remboursable bien sur. Le sérieux des organismes de formation des métiers de l’air a sérieusement été remis en cause récemment par les enquêtes de Capital sur la chaîne M6, mais cela ne semble pas affecter les critères de sélection d’Air France, qui n’indique pas d’écoles préférées pour effectuer ce cursus. On imagine donc la pression financière supportée par les aspirants navigants, et l’importance que peut revêtir la sélection à l’embauche dans une compagnie aussi prestigieuse qu’Air France : c’est la voie royale vers une carrière plutôt tranquille, avec un système de progression et de rémunération correcte et éprouvé, et donc l’assurance d’une relative stabilité.

En 2008, plus de 800 candidats sont ainsi retenus après les entretiens et les vérifications médicales et psychologiques réglementaires. Mais 2008, c’est aussi le début d’une crise massive, et Air France décide le gel des embauches. La compagnie aérienne met alors en place un système de liste d’attente, promettant aux candidats pré-sélectionnés qu’ils auront la primeur des ouvertures de poste dès la fin de la crise, leur laissant entendre sans rien écrire qu’il leur faudrait attendre une année entière au moins avant d’intégrer l’entreprise. Au bout d’un an, l’entreprise décide de remettre en cause la validité de la candidature des individus jusqu’ici persuadés d’être les poulains, les prochains sur la liste, sans aucune autre explication. Deux ans après la validation de leurs tests, les candidats seront convoqués une nouvelle fois pour passer les mêmes entretiens et vérifications médicales, et Air France décidera de faire l’impasse sur 400 d’entre eux. 400 individus, dument diplômés, et précédemment validés par le processus complexe du recrutement de la compagnie, qui ne correspondent plus en 2011 à l’image du PNC parfait.

Je comprends tout à fait qu’Air France décide de faire repasser une série d’entretiens et d’examens. Deux ans, c’est long, et la formation diplomante de PNC se fait seulement en quelques mois : la proportion ne joue pas en la faveur des candidats, qui pourraient avoir tout oublié, tout mélangé. L’examen médical et psychologique est important : comment penser qu’on est physiologiquement et psychiatriquement parfaitement semblable à ce qu’on a été 24 mois auparavant ? La grogne des candidats sur ces sujets me semble un peu malvenue. Ce qui est plus étonnant, c’est d’abord le nombre des candidatures révoquées, en gros, près de 50% des individus de correspondraient plus à l’image qu’ils avaient donné en 2008, c’est énorme il me semble. Ce qui est franchement dérangeant, c’est le détail qui semble rassembler tous les révoqués de la session 2011 : ils seraient tous des trentenaires. Ils avaient moins de trente ans en 2008, lors des premières épreuves, mais ils sont maintenant dans l’autre case, celle des 30-40. Cela s’explique sans doute facilement, en langage Air France : moins de postes disponibles, donner la priorité aux profils jeunes pour assurer une formation longue durée de son personnel, blah-blah-blah-discours-huilé-bla-blah-blah. Mais les 400 trentenaires refoulés et délestés de 3000 euros ou plus dans l’aventure ne sont pas du même avis, et ils commencent aujourd’hui à vouloir se faire entendre, le Vivier 2008 est en train de trouver sa voix sur Facebook.

Je ne sais pas si on peut condamner Air France. Une entreprise est libre d’embaucher, de recruter, tant qu’elle répond aux exigences du Code du Travail et à son éthique. Ce qui est intéressant, c’est la détermination des individus à vouloir intégrer cette compagnie, malgré les embuches, malgré les formations, les tests à répétitions. Il y a aujourd’hui des dizaines et des dizaines de compagnies aériennes qui opèrent en France, pourquoi ne pas tenter sa chance ailleurs ? C’est ce que font tous les salariés, c’est ce que je fais. Si je me fais refuser un poste, je vais voir ailleurs, j’envoie un autre CV, je passe à autre chose, je digère, j’oublie. Et même si Air France avait réellement opéré une discrimination systématique sur la base de l’âge, est-ce punissable pénalement ? est-ce même prouvable ? Je n’en sais rien, ou plutôt, je n’ai pas les compétences pour le dire. L’attitude des révoltés du Vivier 2008 est ambigüe. J’aimerai savoir ce que sont leurs démarches, ce qu’ils ont fait pendant ces deux ans d’attente, si ils ont tenté d’autres choses, d’autres carrières, d’autres voies. Je voudrais faire le tri entre le désespoir un peu déplacé du candidat refusé, et la discrimination réelle, si elle a eu lieu.  J’espère que de vrais journalistes me le diront bientôt.

2 réflexions sur « Air France et la vieillesse des trentenaires »

  1. Bonjour Daria,

    Je suppose que tu veux commencer une longue et palpitante carrière de journaliste, et je constate que tu en prends le chemin royal.

    En effet, tu écris bien, tu t’exprimes bien, tu sembles vouloir réfléchir, mais comme tout bon journaliste actuel, tu survoles le sujet en lisant deux, trois lignes sur facebook, et en faisant deux trois recherches internet.

    Consternant ….

    Je te laisse avec tes certitudes et préjugés, en espérant que ça te pousseras à rechercher vraiment, les trois à quatre incohérences de ton intervention.

    Ne défendant rien, ni dans un sens ni dans l’autre, je me souviens de la phrase de Coluche à propos de vous les journalistes : « Moi je dis que quand un journaliste n’en sais pas plus que cela, il devrait être autorisé à fermer sa gueule »

    Sans rancune et bon courage dans ta prochaine vie active

    Zorro ! Pour un vrai journalisme d’investigation !

  2. Hello Maître,

    Je crois que tu as pas mal raison en fait. Je vais donc mollement me défendre.

    J’ai entendu parler de ce truc vaguement à la radio, la journaliste était très vague. J’ai fait un Google bête, j’ai pas trouvé grand chose, à part un blog super mal fourni et des pages FB. Ca me semblait étrange que personne n’en parle. D’habitude les médias sont au taquet sur ce genre de trucs. D’où ce billet, bien léger en informations et en travail de recherche, complètement d’accord avec toi.

    Le seul truc qui me sauve, c’est que je n’ai jamais revendiqué une quelconque affiliation avec le journalisme. Vraiment jamais. Je fais d’ailleurs très rarement référence à l’actualité. Il y a des professionnels qui font ca mieux que moi. D’ou mon « J’espère que de vrais journalistes me le diront bientôt. » à la fin du billet. Parce que vraiment j’aimerai bien savoir ce qui s’est passé.

    Merci pour ton commentaire.

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