Féministe, chanson poétique et révolutionnaire

‎ »I don’t think every second of the day about the fact that I am a woman – I just am – but it impacts on every single thing that I do and how others perceive me. The same goes for being a feminist. I am a feminist because in so many things I do there is a form of inequality caused by being a woman, whether it’s walking down the street alone at night or the bill being presented to a man in a restaurant. »  Ellie Levenson

Je suis féministe, je l’ai toujours été, sans pourtant m’être jamais posée une seule fois la question de ma mouvance ou de mon courant d’appartenance. Je suis féministe, parce que je suis un être vivant de sexe féminin, dotée d’un système de reproduction de type utérus et trompes, et de caractéristiques sexuelles secondaires de type nichons, et que le monde qui m’entoure fait une différence entre ceux qui ont un pénis et celles qui n’en n’ont pas. J’ai le sentiment profond que mon appartenance physique à la grande sororité utérine s’accompagne de la nécessité de me battre pour notre égalité totale, comme si mon tour de poitrine m’avait été délivré avec un permis à point de féminité. Tu seras une bonne femme, ma grande, mais tu ouvriras les yeux, sur la place que tu tiens dans le monde, sur les possibilités que ce dernier t’offre, tu n’accepteras rien, tu prendras exemple et tu hausseras le ton, tu t’indigneras, tu dénonceras, tu t’informeras et tu éduqueras à ton tour. J’ai le sentiment d’être reliée aux autres femmes, d’une manière invisible, parce que nous partageons dans notre chair et dans nos existences, le poids des traditions des hommes, des décisions, des ordres et des lois imposées. Il serait illusoire de penser que je puisse me sentir semblable en tout point à une chilienne de 55 ans ou à une malienne de 18 ans, ou même à ma voisine de pallier, je crois juste de toutes mes forces à la puissance des femmes qui se rassemblent et qui pensent et travaillent ensemble, je crois à l’universalité d’une condition féminine et à l’urgence de nos demandes, quelles que soient nos conditions de vie.

Je suis une féministe, mais en grandissant, il m’a fallu apprendre. On ne peut pas dire qu’on est féministe sans se heurter aux deux questions qui semblent résumer la cause des femmes en Occident aujourd’hui : avortement et prostitution. Je trouve toujours terrible qu’on résume le féminisme pour le grand public à ces deux problématiques, la femme et ce qu’elle fait de sa chatte, comme si on ne pouvait pas en sortir, comme s’il n’existait pas d’autres injustices, d’autres violences, comme si seul ce qui rentre et sort de nos trous et la façon de le contrôler posait problème à la société. J’ai toujours refusé de rentrer dans un débat moralo-religio-éthique sur l’IVG, il ne m’intéresse pas, je respecte l’avis des femmes qui refusent d’avorter, je respecte l’avis des femmes qui refusent les IMG. Ce qui m’inquiète, c’est qu’on vienne empêcher celles qui choisissent cette solution légale et médicalement sure, c’est qu’on vienne pratiquer une politique grasse et laide de désinformation :  dans les lycées, dans les planning familiaux et sur Internet, en infiltrant les mots clés de recherche sur l’avortement,  en rachetant les noms de domaines comme ivg.net pour proposer une alternative « plus morale, plus catholique ». Ce qui me révolte, c’est la marche des chrétiens intégristes qui portent fièrement au revers de leurs vestes un pins représentant deux petits pieds dorés, censés être à l’échelle les pieds d’un foetus avorté, connerie médicale majeure, je sais, j’y étais. En plein débat sur la laïcité, on semble oublier que les religieux n’ont pas à intervenir dans le parcours de soin laïc dans nos hôpitaux, et ca me fout en rogne d’apprendre que des femmes sont obligées de faire la manche dans les services pour se faire avorter, parce que les médecins sont overbookés, parce qu’ils refusent de pratiquer l’intervention, ou juste parce qu’ils n’en n’ont pas envie. Combien de pétitions allons nous signer avant que l’état d’urgence soit déclaré et que le service minimum obligatoire soit exigé des médecins compétents ? Combien de femmes vont-elles continuer à se retrouver hors délais légal et à aller avorter en Angleterre ou en Hollande avec le soutien des associations qui connaissent la situation ? On adore dire qu’on refait des poitrines de rombières dans une clinique chic, mais on refuse de dire qu’on pratique l’avortement, parce que c’est un acte mal payé ? Je suis féministe parce que je refuse qu’on enlève ou qu’on rogne sur le droit des femmes à disposer de leur corps et de leur grossesse, parce que je conchie l’hypocrisie des médecins, et que je fais la différence entre ce que ma religion propre m’apprend et ce que je souhaite pour le bien global des femmes.

Je suis donc farouchement pour la défense du droit des femmes à disposer de leur corps et de leur cerveau. Et ca marche aussi pour la prostitution.Si je ne peux pas supporter l’idée qu’un réseau puisse utiliser le corps d’une femme pour le marchander et le monnayer, qu’un mari intimide et batte sa femme jusqu’à l’épuisement pour qu’elle accepte de se prostituer, ou toute autre situation d’échange prostitutionnel dans la force et la violence, j’accepte l’idée qu’une femme décide en toute conscience de « vendre son corps » (je rajoute les guillemets et une explication, il ne s’agit pas de marchander le corps mais bien d’une prestation) contre une somme d’argent, qu’elle assure une prestation sexuelle auprès de clients contre une rémunération. Il existe de nombreux courants féministes qui militent pour l’abolition de la prostitution, car le commerce du corps des femmes serait une violence faite aux mêmes femmes. Je crois que la prostitution existe en diagonale, et à divers niveaux de lecture, je crois aussi que la prostitution choisie existe, et que nous n’avons pas à juger les motivations et les chemins de vie de celles qui la pratiquent. Je n’imagine pas sucer des queues inconnues toute ma vie pour 30 euros, mais je n’imagine pas non plus mettre des knacki balls à la chaîne en boîte de conserve à l’usine pour 7,07 euros net de l’heure, et j’aimerai que les travailleurs du sexe puissent bénéficier des mêmes droits et des mêmes avantages que les salariés Herta. Les exemples espagnols et hollandais de la prostitution légale sont pitoyables, avec leurs hangars à filles de l’Est importées spécialement pour rincer le client, il est temps que nos parlementaires sortent de leur désir de légiférer contre les prostitués (Racolage passif), et pensent à des solutions viables et humaines. Je suis féministe parce que je ne tolére pas qu’on fasse violence à une femme, qu’elle soit rom, nigériane, chinoise ou française, parce que je persiste à penser que les lois françaises votées vont à l’encontre des prostituées et ne font rien pour mettre fin au traffic des êtres humains et aux violences dont elles sont victimes, et que je crois à la liberté de chacune à disposer de ses orifices, quitte à en faire commerce.

Je suis féministe parce que je n’ai pas d’autre choix. Je suis féministe parce que je refuse d’être un maillon de plus dans l’exploitation d’une image commercialement édulcorée du corps de la femme, je suis féministe parce que je refuse d’obéir à des lois et des coutumes que je ne comprends pas et qu’on ne m’explique pas, je suis féministe parce que je refuse de perpétuer chez mes nièces, mes filles, mes cousines, une image de la féminité passive et étranglée, je suis une féministe qui se fout que les femmes portent des burkas, des hijabs ou des bikinis, pourvu qu’elles l’aient décidé en conscience, je suis féministe parce que j’ai compris l’impact et de la force de la sexualité des femmes, je suis féministe parce que je m’étrangle de rage à chaque fois que je reçois mon relevé bancaire parce que le nom de mon conjoint apparaît systématiquement en premier malgré la logique alphabétique, je suis féministe parce que je prends conscience à chaque fois que je vais voter ou que je vais travailler du chemin parcouru en 70 ans seulement, je suis féministe parce que Germaine Greer et Camille Paglia, parce que Peggy Sastre et Virginie Despentes, parce que j’ai vu ma mère souffrir de sa relation aux hommes, parce que je l’ai vu s’en sortir, je suis féministe par défaut aussi, parce que j’ai grandi sans image masculine aimable autour de moi, et que mes idoles sont des femmes, parce qu’on a jamais eu besoin de paire de couilles pour se sortir les doigts dans la famille, je suis une féministe qui aime ses soutien-gorges et son mec, qui ne cherche pas à les brûler, qui se désespère des nanas qui reproduisent à l’infini le schéma de la pouffiasse Barbie, persuadées qu’elles ne peuvent pas être au monde et plaire autrement qu’enfermées dans une jolie boîte en carton coloré.

29 réflexions sur « Féministe, chanson poétique et révolutionnaire »

  1. J’étais tout à fait d’accord et j’allais même partager sur facebook dans un élan de connivence, jusqu’à ce que je tombe sur cela :

    « j’accepte l’idée qu’une femme décide en toute conscience de vendre son corps contre une somme d’argent, qu’elle assure une prestation sexuelle auprès de clients contre une rémunération »

    Non. La prostitution, ça n’est pas vendre son corps, c’est louer des services. Inconsciemment, en écrivant qu’une travailleuse du sexe vend son corps, c’est reprendre les impensés des arguments opposés, et en quelque sorte, leur faire honneur. En quoi une femme qui se prostitue vend-elle davantage son corps qu’une femme qui bosse 8h par jour en usine ? Vous avez fait le parallèle, et il est judicieux, car en usine, ton nom, ton expérience, ton enfant, tout le monde s’en barre, tant que tu fais ton travail, et vite. Tu n’es qu’un pion au service de la productivité, même les boîtes de Kiri t’oublient. Et ça n’est pas le point de vue d’une étudiante en philosophie ici, mais celui d’une fille d’ouvriers qui a bossé en usine toutes les vacances scolaires depuis 2008 et qui s’est promis de ne plus jamais y remettre les pieds et d’étudier pour pouvoir choisir son avenir. J’ai beaucoup de respect pour les gens comme mes parents qui tous les jours se lèvent à 4h du mat’ ou rentrent dans leur pieu à 5h pour n’en sortir qu’à 19h, encore plus fatigués, et ça ne me choquerait pas le moins du monde que quelqu’un vienne me dire qu’il/elle préfère se prostituer plutôt que de bosser en usine.

    Bon. Certes, on se fiche pas mal de mon expérience, et ce que j’ai dit de l’usine, une employée de bureau pourrait très bien le dire. Je suis peut-être une sale universitaire, mais je préfère d’abord parler de ce que je sais. En l’occurrence, je ne fais pas l’éloge de la prostitution, mais je pense que sur ce point, nous sommes d’accord, et que si je continue, je risque surtout d’empatouiller l’idée.

    Je suis d’accord avec tout le reste, sauf avec ces trois malheureux mots.

  2. @Lucie

    Tu as parfaitement raison, mes mots sont mal choisis. J’y vois réellement l’aspect « prestation de service sexuel ». Et pas vente de corps.

  3. Moi, je suis un mec. Mais je pense pareil (sauf le tout premier paragraphe, justement, qui dit « je suis feministe car femme »).

    Et que absolument tout ce que tu écris peut totalmenent être retranscrit avec masculiniste et « guerre » à la place d’avortement (cf actuellement Lybie et Côte d’Ivoire).

    Alors en fait j’ai l’impression que ce que tu (nous) défends(ons), c’est un droit à être égaux, ensembles, en harmonie. Dit comme ça, ça fait un peu con, mais en fait, je n’aime pas les étiquettes qui découpent en meutes (machistes, feministes…), bien que je reconnaisse évidemment qu’il y a des meutes (machistes) et surtout des cons.

    Et c’est pour ça que je te lis toujours avec plaisir.

    Bien à toi
    Merci

  4. « je suis une féministe qui se fout que les femmes portent des burkas, des hijabs ou des bikinis, pourvu qu’elles l’aient décidé en conscience »
    Pour ma part, tout se résume dans ces quelques mots. Le reste n’est qu’exemples. Mais il y aura toujours quelqu’un pour remettre en cause tes motivations et te dire que tes actions ne sont dictées que par la pression sociale…
    Pour prendre un exemple plus léger (et beaucoup plus anodin) que la prostitution et l’IVG, mes copines geeks comprennent souvent mal cette multitude de facettes qui fait que mon HTC Legend soit dieu, tandis que je me maquille de l’autre main ! Oui, on peut passer un week end sans voir le soleil à dévisser des ordis, se refaire Baldur’s Gates 2, et avoir envie, le lundi, de se faire une meilleure tête. Ce n’est pas être une fifille (par analogie à tes barbies 😉 ), c’est juste être soi, parce qu’à cet instant T, on en a envie, et qu’on l’assume ! Mais il y aura toujours quelqu’un, un maniaque du rangement, qui essayera de te mettre dans l’une ou l’autre case ! Par soucis de simplicité… Je pense que toute une éducation est à refaire de ce côté !

  5. Le féminisme m’ennuie. Profondément. Certes autant que le machisme. Je veux dire le féminisme en France. La condition de la femme dans notre pays n’a rien à voir avec ce que subissent les femmes dans beaucoup d’autres pays. Bon après je ne nie pas que dans notre société l’Homme a pris le dessus sur la Femme. C’est, à mon avis, une histoire de frustration sexuelle.

    Néanmoins, je ne peux qu’être d’accord avec toi en ce qui concerne ta position en faveur de la liberté d’avortement et la prostitution. Dans ce qui va suivre je ne vais parler que de la prostitution choisie. Je suis bien évidement opposé à toute forme de contrainte. Je n’ai jamais compris en quoi la prostitution était plus amorale que le travail. Lorsque quelqu’un se prostitue, homme ou femme, il utilise ses mains, sa bouche, son vagin, son cul pour gagner de l’argent. Et c’est son propre patron. Je rejoins Lucie sur l’idée que lorsque je vais travailler, mon employeur utilise mon corps pour son propre profit. Et pire que mon cul il profite de ce que j’ai de plus cher : mon cerveau. J’aurai tendance à croire que quelqu’un qui se prostitue « débranche » son cerveau lorsqu’il ou elle travaille (oui parce que ça reste un travail).

    Juste pour conclure, et pour ne pas qu’on se méprenne, je suis pour l’égalité homme-femme, mais je ne suis pas sûr que les femmes la veulent vraiment. Et puis les femmes qui veulent être l’égal des hommes manquent cruellement d’ambition non ?

  6. Ce billet est très intéressant, il me fait penser à un article que lisait hier dans Causette en rapport avec ce sujet.
    Du coup je tiens à dire que j’aime beaucoup l’image du féminisme que tu donne qui est réaliste et moderne. Il faut sortir de l’image des féministes enragées contre les Hommes, mais bien enragées contre ce que l’on fait aux Femmes.
    Merci !

  7. « Je trouve toujours terrible qu’on résume le féminisme pour le grand public à ces deux problématiques, la femme et ce qu’elle fait de sa chatte  » C’est exactement ce que je pense. Mais dès que tu le dis aux féministes patentées, elles ne comprennent pas. Dernier exemple en date avec le new manifeste des 343. Bref, en un mot comme en mille, merci Daria! Anaïs Misfits

  8. Je me suis rendue compte sur le tard que j’etais feministe, tout simplement parce que j’etais nee avec une personnalite de garcon, qui fait ce qu’elle veut ou elle veut quand elle veut. je ne ressentais pas alors de difference. Et evidement, c’est cette histoire d’orifices qui m’a foutue dedans. Dans mon reve de spiritualite, j’ai decide dans ma jeunesse de me tourner vers Dieu. Lui etait plutot sympa. Mais ses ouiailles ont tot fait de me montrer, avec le plus grand mepris, que j’etais une femme. Une inferieure en droit. Moi bien sur, j’etais encore un garcon, alors je parlais, je debattais, je mettais en doute. On me regarda comme une heretique que j’etais, et on pensait: » mais qu’elle eleve ses marmots cette conne et qu’elle la ferme! ». Apres 15 ans de combats, j’ai abbandonne la lutte contre eux et suis parti ailleurs etre un etre de droit egal. Et quand je suis partie, toutes ces femmes, qui me regardait avec le meme air severe que leurs maris quand ils me remettaient a ma « place » m’ont chuchote: « on aimerait bien etre comme toi ». C’est depuis je crois que j’ai compris combien j’etais une femme, et combien j’aimais ca

  9. Je suis féministe parce que….en fait je suis vraiment d’accord avec toi. 7 ans de réflexion sur la question m’ont amenée à la même position sur la prostitution et sur l’avortement. Il devrait y avoir beaucoup plus de femmes comme toi, qui ne voient pas le « féminisme » comme un gros mot mais juste comme une évidence, une manière intelligente de montrer son désaccord sur pleins de comporatements. Pas besoin de s’affilier, juste de se sentir concernée.
    Chapeau pour tes bons mots Daria !

  10. Coucou Daria,
    Je suis tout à fait d’accord avec toi sur l’avortement. Que ce droit fondamental puisse encore aujourd’hui être remis en cause dans notre société, me fait frémir de peur et de colère.
    Je ne suis pas d’accord avec toi sur la prostitution. Tant que les hommes sauront qu’ils peuvent acheter un corps, le pénétrer sans se soucier du désir ou de plaisir de celui-ci, alors l’ensemble des femmes ne pourra pas prétendre à son droit fondamental à une sexualité jouissive.
    Voilà, un sur deux c’est pas si mal 🙂

  11. @Coquillette

    Tout pareil – à part pour Dieu et le fait que je ne suis pas encore partie voir ailleurs mais ça ne saurait tarder.

    M’a fallu un sacré moment pour comprendre que j’avais pas une « personnalité de garçon » mais une personnalité tout court, qui n’a rien à voir avec ce qu’il y a entre mes jambes.
    Ce n’est pas moi qui suis anormale ou déficiente mais ces codes, stéréotypes et injonctions qui ne correspondent à aucune réalité – pas étonnant alors qu’on aie du mal à y coller. Ou alors ptêt qu’ya que moi qui fréquente des filles qui pwn à Starcraft et des garçons qui kiffent le crochet ?

    Par contre si y’a un truc qui me gonfle dans le (un ?) féminisme en France, c’est cette façon de perpétuer le système binaire genre « on est différents mais complémentaires ». Parce qu’à mon sens c’est pas le rapport entre les genres le problème, c’est le genre tout court. Comme disait Sylvain, « les étiquettes qui découpent en meutes » ça pue du cul.
    Mais bon, y’a pas de nom pour ça à ma connaissance… Le « dégenrisme » peut-être ?

  12. Un mot : merci.
    Double merci parce que tu cites Despentes et que Despentes en France semble bizarrement loin d’être prit en exemple, mais pas trop merci pour Peggy Sastre qui a des idées un peu strange niveau viols. Mais dans l’ensemble, thank, thank, thank .

  13. @Marquise je cite également Greer dont les théories sont bien éloignées de ma vision des choses, et qui pourtant a participe a la formation de mon « point de vue » 🙂

  14. Sincèrement, je crois que dans quelques années, ce texte je le ferai lire à ma fille. Et à mon fils également, d’ailleurs.

    Même si je ne suis pas forcément d’accord avec tout (so what…), notamment sur la question religieuse, il a l’immense qualité d’obliger le lecteur à se poser quelques très bonnes questions…

  15. merci daria, ça fait du bien. surtout quand on voit l’image que certains ont du féminisme : une prétendue haine des hommes… j’aime bien reprendre alors les mots de virginie despentes (enfin, je paraphrase en moins bien) : « l’oppresseur qui se plaint de ne plus pouvoir opprimer tranquillement »…

  16. C’est chiant le féminisme, comme toutes les formes de démarcation par la création de groupes. Au nom de quoi serait-il plus important de lutter pour les femmes que pour les végétaux, les animaux ou des concepts majeurs ? Le fait d’être vivant est le point commun de tout ce qui mérite qu’on se batte pour, sur cette planète. Et oui, c’est pas cool à lire, ça doit faire hérisser les poils de beaucoup de gens de faire de telles comparaisons, mais peu importe, j’m’en fous, c’est ce que je pense alors je le dis.
    Pour moi, ceux qui ne comprennent pas de manière naturelle et individuelle que la condition de la femme est difficile dans ce monde ne le comprendront jamais ou ne l’accepteront jamais même si on leur explique ou qu’on manifeste pour. Idem pour la cause des arbres, des baleines, des enfants, des nappes phréatiques, etc. C’est une question d’éducation alors ? Pfff, la belle excuse. Quand on a un cerveau et qu’il fonctionne un minimum, on est assez équipé pour réfléchir, à l’âge adulte, pour balayer ce que l’éducation a tenté de nous inculquer. Il faudrait « juste » que le Respect, sans distinction aucune, devienne la valeur la plus importante de notre espèce. Mais voilà, l’argent et le pouvoir sont bien plus attrayants, plus concrets, dommage…Mais j’ai encore l’espoir d’un monde meilleur, pas seulement pour tous, mais pour tout (sauf que je ne serai pas là pour le voir)

  17. Pour revenir sur un point. Je suis d’accord avec toi qu’il faut laisser aux femmes qui ont mûri leur réflexion, sans contrainte ou pression, le droit de porter la burka ou l’hijab.
    Mais je reste malgré tout mal à l’aise face au principe même. L’idée de la burka ou du hijab est de ne pas attiser le désir de l’homme. Donc même si c’est un choix, pour moi cela reste de l’emprisonnement volontaire, « à cause » des autres. Car même si le vêtement n’est pas gênant, j’ai du mal à imaginer que se couvrir le visage ne le soit pas.

  18. Pardonnez-moi de ne pas être d’accord avec vous mais je ne pense pas qu’il existe de réelle « prostitution choisie »…se battre pour améliorer la condition des femmes, se dire féministe je trouve ça logique et inhérent à la condition même de femme. Dire qu’en vertu de l’égalité hommes-femmes nous devrions pouvoir librement choisir de nous prostituer et de disposer de notre corps je ne le pense pas. La prostitution est justement le symbole le plus extrême de la soumission de la femme à l’homme quoi qu’on en dise et quoi qu’on veuille nous faire croire. Je ne peux comprendre que l’on compare le fait de travailler à l’usine avec la prostitution: la théorie voudrait que les femmes réussissent à dissocier leur corps de leur désir pendant l’acte de prostitution mais il est en pratique très difficile de dire que c’est le cas. La dissociation me semble difficile à concevoir: quand tu rentres chez toi après 8h de taff merdique tu peux penser à autre chose…Quand tu rentres chez toi après d’innombrables passes la triste vérité c’est que tu restes une pute, ce statut te colle à la peau. Sans compter le fait que que la prostitution reste quasi exclusivement féminine et concerne énormément d’enfants: tout comme on incite une femme à se maquiller et à jouer à la barbie dès son plus jeune âge, on formate ces personnes pour les inciter à procurer des services sexuels. Si l’on se bat pour casser les stéréotypes vicieux de notre société on ne peut que se battre pour faire cesser le plus abjects d’entre eux: la légende de la pute libérée qui ferait du fait de vendre son corps (car il s’agit de cela…) l’instrument de sa liberté.
    Triste constat de voir qu’une femme dans la misère se retrouvera inexorablement obligée de se poser la question suivante: « vais-je offrir des services sexuels pour m’en sortir? » Les hommes ont rarement à se poser cette question il me semble et c’est bien ce qui prouve que la prostitution ne pourra jamais être le symbole de la libération des femmes.

    Je voudrais enfin simplement préciser que toutes ces considérations purement théoriques, philosophiques ne m’empêchent pas de percevoir la réalité et de voir l’urgence qu’il y a à améliorer les conditions de travail de ces femmes, à leur reconnaitre un statut etc à défaut de pouvoir faire changer les mentalités sur le plus vieux métier du monde.

  19. j’ai juste une question : en quoi une pute ne peut pas passer à autre chose le soir en rentrant chez elle ? perso je passe 8h par jour sur un pc au boulot, j’ai pas pour autant l’impression d’être au travail quand je rentre chez moi et que j’allume mon propre pc.
    la prostitution, symbole de la soumission de la femme ? ce n’en est un que si les femmes le font contre leur gré. c’est comme cette guerilla contre le porno : non mais laissez les femmes décider ce qu’elles veulent faire de leur cul, à la fin ! si certaines aiment les gang-bangs, tant pis si ça hérisse le féminisme old school : l’essentiel c’est que la nana, elle y trouve son compte. et si elle y trouve son compte, de quel droit on intervient pour lui dire de faire autre chose ?
    je veux bien sauver les femmes, mais les sauver de quoi, lorsqu’elles sont épanouies dans ce qu’elles font ?

  20. Depuis que je suis une femme (et non plus une fille) je n’envisage même pas l’idée que je ne puisse être féministe, de la même façon qu’il est inconcevable pour moi d’être raciste, de tuer les bébés phoques ou de fumer sous le nez d’un enfant. Car ce n’est pas seulement un acte politique, mais une façon de se considérer par rapport à l’autre moitié de la population : étant donné que je sais ce que je vaux (autant que les hommes) et que la société fait tout pour que je sois autrement (inférieure aux hommes). Je ne peux pas être en accord avec elle, je suis féministe.

  21. Merci pour ce texte. J’en ai les tripes qui tremblent. Ca fait du bien de voir que ça n’est pas « mal » d’être féministe (comme on me le fait comprendre), et qu’il faut reconnaître qu’il y a un tas de choses qui ne tournent pas rond, même en 2011. Pour tous les moments où je me dis, mais comment on peut encore avoir l’idée de faire ça? Et pourquoi on dit rien? Et les autres en pensent quoi ? Rien. C’est souvent plus simple. On n’en pense que dalle pour pas se mouiller ou par peur de choper l’étiquette (ah l’étiquette) de la féministe, donc forcément en rage contre les hommes. Je pense (et je vois que toi aussi) qu’on peut soulever des absurdités sans avoir envie de butter les hommes pour autant. Je trouve que c’est ça le soucis de la stigmatisation. Le tout est de s’exprimer sans prendre la mouche pour pas faire trop flipper les moutons et moutonnes. Au vue de certaines situation, c’est parfois super difficile de garder son calme… C’est sans doute aussi une question de maturité sans doute… En tout cas ce qui me concerne. Merci encore pour ce post.

  22. Je commente un peu tard, me voilà sur votre blog par le biais d’un tweet de la Peste, dont j’apprécie le verbe, même si le fond nous sépare parfois.
    Je souscris à votre texte (et à son titre clin d’oeil à Renaud que j’adore) à l’exception d’un point.
    Vous dîtes d’abord qu’intuitivement (ce sont mes termes, je comprends que c’est sans adhésion à une idéologie particulière, juste par observation, expérience) vous vous êtes forgé des convictions féministes parce que vous croyez »à l’universalité d’une condition féminine et à l’urgence de nos demandes, quelles que soient nos conditions de vie. ».
    Puis vous dîtes plus loins « je suis une féministe qui se fout que les femmes portent des burkas, des hijabs ou des bikinis, pourvu qu’elles l’aient décidé en conscience »
    Et là, je suis plus emmerdée…
    Dans le fond, qu’une femme considère que son corps fait d’elle un individu de seconde zone et qu’elle doive le cacher entièrement pour pouvoir mener une vie sociale, je pourrais m’en foutre royalement.
    Sauf qu’elle m’emmerde…pour les autres. Les autres qui se battent pour ne pas avoir à voiler leurs cheveux ou se tondre la tête (toutes les religions se valent dans l’obsession du corps des femmes), ces gamines que j’ai rencontré en interv dans un lycée et qui me disent ne pas pouvoir porter de jupes, au risque de passer pour des putes (sic) et de se faire « tourner » à la 1ère occasion.
    Et je me dis merde, la liberté de porter le niqab en toute conscience déplace encore un peu plus le curseur de la limite entre la femme bonne et respectable, et la salope. Cette liberté là, elle entrave l’aspiration d’émancipation d’un paquet d’autres femmes et jeunes filles. Elle met des bâtons dans les roues à celles qui voudraient être respectées, même avec un corps de femme….
    Je crois à une certaine universalité de la condition féminine, et je crois surtout que la liberté des unes s’arrête là où commence celle des autres. Et que la liberté pour 500 gonzesses de porter un niqab fait regresser celle de plusieurs milliers d’autres.
    Après est-ce opportun d’interdire, c’est une question complexe et je ne prétends pas avoir de réponse simple.

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