Celle qui avouait ne pas aimer le porno.

Tout le monde regarde du porno, il paraît. Les hommes, les femmes, les petits et les grands. Du porno hétéro, du porno gay, du porno légal, du porno interdit, avec des animaux ou des nains, de l’amateur ou du sérieux, du Californien ou du Roumain. J’ai découvert ma sexualité avant Internet, et sans abonnement aux chaînes spécialisées du cable, ou même à Canal. Je te parle d’un temps où les sex-toys n’étaient pas vendus chez Monoprix, où les capotes coutaient 1 franc, et ou le comble de mon imaginaire érotique se limitait aux Nuits Fauves. Mon lycée était exclusivement féminin, et si nous parlions beaucoup de mecs, nous étions finalement assez prudes. En terminale, sur 25 élèves, seules 2 rebelles avaient perdu leur virginité.

Elles étaient bien sur l’objet d’un questionnement intense, mais plutôt sur le thème de la douleur et de la gestion de l’agenda parental, plutôt que sur celui des positions à adopter ou sur l’usage de gel lubrifiant. Je suis pourtant de cette génération Doc et Difool, rompue aux mots du sexe, mais ca n’avait pas eu l’impact prévu par Famille de France et les autres associations de protection de l’enfance. Nous savions que la pornographie existait, mais elle était encore cachée sous les blisters honteux des magazines pour routiers des aires d’autoroute, dans les coins interdits aux mineurs des video-clubs. Le sexe, ce n’était pas le porno, encore, c’était tout autre chose. Enfin c’est ce qu’on se disait.

Je suis relativement vieille, ou relativement jeune, question de point de vue, mais jusqu’à l’arrivée de l’ADSL dans ma vie, je crois n’avoir jamais vu de scène pornographique. J’avais feuilleté une fois Union, le mensuel des échangistes qui posent nus sur leurs tracteurs, mais j’avais trouvé le contenu plutôt grotesque qu’excitant. Mes jeunes amoureux ne m’ont jamais parlé de leurs goûts en matière de films de boules, par respect à l’époque sans doute. Et puis, magie des grandes ondes, le porno s’est démocratisé. Le porno, et puis les mots du sexe, le commerce du sexe, le commerce autour du sexe. Tout est sexe sur Internet, pour peu qu’on se trompe d’une lettre ou d’une fenêtre. La faute à qui ? A la demande et au marché, sans doute. Il est devenu normal de demander à son mec son genre préféré. Son tag parfait. Il est normal d’envisager de pimenter sa relation à l’aide d’un vibro à billes vibrantes et vitesses multiples. Ca l’était sans doute aussi avant, mais c’était beaucoup plus compliqué, il fallait souvent se contenter des modéles exquis de masseurs pour joues vendus par La Redoute dans le gros catalogue, juste après les pages lingeries. Rien n’est plus tabou, puisque tout est accessible.

On dit que les américains deviennent obèses car ils ont accés à l’offre la plus hallucinante du monde en matière de junk food. Je me demande parfois si nous ne devenons pas obsédés de pornographie juste parce que nous y avons accès, en libre service, de nos ordinateurs, de nos télévisions, de nos smartphones. Boulimie de cul, de petits et de gros, de seins et de bites, de curiosité, de situations, de scénarios, de hard et bondage, de snuff et de hentai, spirale masturbatoire infinie, puisque l’industrie se renouvelle sans cesse, soucieuse de capter la rétine hyper-active montée sur gland des clients masculins majoritaires.

Je n’aime pas le porno. Cela ne veut pas dire que je méprise les actrices, les acteurs, ceux qui participent à l’industrie de « l’adult entertainment », ceux qui aiment ca, ceux qui adorent, pas du tout. Bien sur, je rêve que les hommes (je le répète, ils sont majoritaires) puissent choisir de se distraire sexuellement sur des films propres et bios, sous entendu produits dans des conditions légales correctes, avec des actrices respectées,bien payées, des cadences de tournage leur permettant de ne pas se blesser, avec des acteurs évitant de se bourrer de produits pour bander, et des conditions sanitaires parfaites. Mais c’est un autre combat, un autre sujet. Je n’aime pas le porno, parce qu’il ne m’excite pas. Il ne remplit pas, pour moi, sa fonction d’outil de masturbation, puisqu’il me suffit de 32 secondes pour jouir, si j’ai envie, mon corps répond assez bien, pas besoin d’autres stimulis. Il ne remplit pas non plus sa fonction d’outil fantasmatique, je n’ai pas trouvé de pornographie qui réponde à mon univers, qui enclenche quelque chose, qui me donne envie de réaliser dans la vraie vie, de passer à l’acte, de reproduire.

Mes rares promenades à Pornoland se résument plutôt à des moment de #WTF total, où je tente de m’imaginer comment cette video sur Xhamster mettant en scène un couple de roumains niquant devant leur berger allemand sur un canapé défoncé peut récolter tant des clics et de litres de foutre. Ou alors, je vais voir des choses extrêmes, mais qui ne sont finalement que des match de catch, beaucoup de cris pour rien, et qui me font finalement rire. Il y a les jolies images, collectées par certains, les gifs animés, mais elles aussi me font l’impression d’une collection Panini, ou d’un calendrier des Dieux du Stade qu’on accroche quelque part. Ca ne marche pas pour moi, et je me fais parfois l’effet d’une connasse rétrograde. Tant pis.

21 réflexions sur « Celle qui avouait ne pas aimer le porno. »

  1. Sans dec’ ! Moi aussi, militante féministe et libérée, j’ai de longues années complexé de ne pas aimer le porno ! Serais-je dans le secret de mon cœur une connasse rétrograde, voire même une putain de coincée qui s’ignore ? Même Virginie Despentes me l’a dit dans King Kong Théorie : « les gens qui n’aiment pas le porno ne veulent pas savoir ce qui les excite. » Comment ne pas se sentir reléguée au rang des féministes cathos dans ces conditions ? Opprobre sur ta tête !
    Merci Daria, ça va un peu mieux.

  2. Je vois pas comment on pourrait te taxer de rétrograde sur ton ressenti. T’aimes pas, t’aimes pas.
    Ca se saurait si l’excitation était la même pour tout le monde. Et ce serait bien triste….

  3. En l’occurrence, le porno en accès libre partout et à toute heure depuis l’avènement de l’internet pour tous est responsable d’avoir biaisé la vision qu’a du sexe toute une partie de la population jeune.
    Peut-être que je vais parler d’un temps d’innocence mythique qui en réalité n’a jamais existé, mais j’aime croire qu’avant, l’idée de l’acte charnelle se rapportait davantage à un acte d’amour qu’à l’image de deux rumsteacks gigotant dans leurs fluides corporels en couinant.
    Ou en tout cas, n’était pas révéré uniquement en tant que source de plaisir et rapporté systématiquement au monde de la surenchère et du silicone, monde qu’on se doit d’imiter, puisqu’il offre le « modèle » de ce qu’il faut faire dans le domaine du cul.
    Ce qui implique les tenues d’infirmières et les gods 5 turbines 19 protubérances.

  4. Oh mais on n’est pas obligé d’aimer le porno, comme on n’est pas obligé d’aimer lire, les émissions débiles, les promenades qui durent deux heures, les conversations téléphoniques, les BD, le ska… et ça n’est pas rétrograde.
    J’aime beaucoup la simplicité avec laquelle tu exposes toujours tes points de vue. C’est clair, concis, drôle et ça en fait pas des tonnes. Tu as ton propre style comparé à plein d’autres blogs ‘en vogue’ qui se copient les uns les autres et se forcent à essayer d’être drôles. Une vraie bouffée d’oxygène.

  5. J’aime la manière argumentée avec laquelle tu nous expliques pourquoi tu n’aimes pas le porno, maintenant je reste un peu sur ma faim. Ma question est peut être beaucoup trop personnelle, mais vu que tu lances la conversation, je me permets : c’est quoi alors qui t’excite ? Juste pour comprendre, avoir un exemple de choses qui excite les filles qui ne regardent pas du porn.

  6. « En l’occurrence, le porno en accès libre partout et à toute heure depuis l’avènement de l’internet pour tous est responsable d’avoir biaisé la vision qu’a du sexe toute une partie de la population jeune. »

    Qu’on arrête avec ce genre de discours stupides ! Avant internet, une part significative d’hommes ne savaient pas ce que signifiait le clitoris.

    Et n’allez pas croire que les jeunes « veulent faire comme dans les porno », il s’y trouve aussi des choses qui ne nous attirent pas, qu’on n’a pas envie d’expérimenter ni même de regarder, la preuve avec l’article de Daria.

    Voyez le porno comme une sorte de catalogue découverte qui vous apprendra quels sont vos goûts. Et si les jeunes font tel ou tel truc dans leur vie sexuelle, ils le font parce que c’est ce qu’ils préfèrent.

  7. Edison, bien des hommes, malgré le porno, ne savent toujours pas ou est le clitoris. L’éducation par le porno n’est pas un argument recevable, puisqu’il met en scène à 95% la femme dans une situation de soumission. L’actrice porno joue la salope, c’est son métier. Ne leur demandons pas de devenir institutrices.

  8. J’ai mis des années à aimer du porno.

    On doit être de la même génération (ou je suis peut être un peu plus vieux) et c’est vrai que le porno canal+, les cassettes de videoclub c’étaient pas terribles . C’étaient laids, souvent ridicule répétitifs et formatés. L’adolescent boutonneux que j’étais avait un peu honte son kleenex à la main, mais bon les hormones sont quelquefois plus fortes que le cerveau.
    L’arrivée de l’internet, la multiplicité des genres pornographiques, l’anonymat et l’abolition des frontières qui sont allés avec mon permis de découvrir des beaux films que je regarde rien que pour le plaisir des yeux et pas forcément la bite à la main. Ca représente peut être que 0.0001% de la production et ce ne sont probablement pas les mêmes 0.0001% que pour d’autres.

    Alors effectivement tu n’as peut-être pas trouvé le truc qui fonctionne pour toi, peut être que tu ne le trouveras jamais (et la quête n’est pas forcément nécessaire). Mais c’est comme les gens qui affirment ne pas aimer la musique ou le cinéma, je me dis qu’il y a forcément quelque chose quelque part qui pourrait les faire changer d’avis.

  9. @DA, je suis d’accord que le porno est une vision biaisée de la sexualité, après est-ce que les discours que personnellement j’ai entendu partout enfant : « c’est un acte d’amour », c’est « romantique, doux, beau », etc, est-il plus juste ? J’ai de sérieux doutes ^^ L’acte sexuel n’est pas un acte d’amour, je ne suis pas d’accord, et l’image des deux rumsteaks gigotant dans leurs fluides comme tu disais, me semble à la limite plus proche de la réalité que l’amour plein de nuages et d’étoiles qu’on décrit souvent.
    Aussi je ne trouve pas l’avènement du porno néfaste de ce côté là, même s’il n’a pas vocation d’éduquer non plus.
    L’accès à une information correcte sur ce sujet là est rare, mais c’est un autre problème, un autre débat.

  10. Je ne trouve pas que ça fasse démodé de ne pas être excitée par du porno….chacun est excité par ce qu’il veut/ce qu’il peut, les images, mots, pensées qui lui parlent…

    Ce que je trouve démodé, c’est de ne pas oser dire à mes copines, que moi, je kiffe bien regarder un porno de temps en temps avec mon copain, ça le fait ET ça m’excite 🙂

    J’ai bien l’impression que c’est encore tabou d’aimer le porno.

  11. J’ai 43 balais et je n’ai évidemment pas attendu Internet pour accéder à la pornographie. Avant internet, j’ai eu Canal+ (je regardais le porno en crypté ! ça me suffisait bien). Et avant Canal, comme il était très difficile de trouver des images un peu cochonnes dans la lucarne (je me souviens d’une émission, très tard, sur Antenne 2, qui montrait de temps en temps des trucs qui m’excitaient). Avant encore, les magazines « pour homme » “empruntés” à mon père ou au père d’un voisin, les BD érotiques, les livres érotiques de la bibliothèque de nos parents, etc.

    Internet facilite énormément l’accès au « matériel » érotique – et sans doute perd-il de sa force avec cette abondance – mais la soif d’érotisme/pornographie ne date pas d’hier ni même d’avant-hier.

    J’aurais tendance à penser que ce qui change, aujourd’hui, c’est un point de vue plus féminin sur la pornographie (qui se “démocratise” aussi), même si c’est assez minoritaire. Et par exemple aussi le fait que l’offre actuelle en vibromasseur s’éloigne assez fortement de celle que nous avions il y a à peine 10 ans, tenant par exemple un peu plus compte de l’existence du clitoris.

    Après, pourquoi on y est sensible ou pas, je ne sais pas. Mais il me semble que le commentaire de pornogirl est intéressant et une réponse prolongerait le contenu de cette note.

  12. J’ai peur de devoir me retrancher sous le bête argument du « j’ai assez d’imagination pour m’en passer ». En fait, c’est surtout que je ne vois pas ma vie sexuelle comme un concours, comme un parcours d’obstacle ou même comme quelque chose à cultiver. Quand ca vient, quand ca monte, quand c’est bon, ca me suffit. Et ca entretient assez bien le reste des mes fantaisies.

  13. Daria, tu dis toi-même avoir très peu consommé de porno et donc de mal connaître ce domaine. Je me demande alors d’où tu tiens ces 95% ?

    Alors qu’en vérité, la majorité des pornos ne sont pas vraiment étrangers à la réalité, sans « perversion » particulière…

  14. Tu parles de porno sur internet, donc je m’assure bien qu’on parle de gonzo ; pas de scénario, juste des scènes. On ne parle certainement pas de films style Dorcel.

    Donc quand je dis « pas vraiment étrangers à la réalité, sans « perversion » particulière », je parle des scènes en elles-même, où ces actrices et acteurs font ce que madame et monsieur tout le monde font dans leurs vies de tous les jours, sans spécialement être dégradée ou dégrader.

    La majorité du porno sur internet, c’est ça, rien de bien original.

  15. point de vue interessant que je partage dans les grandes lignes, juste que moi j’aime bien ça quand même hihi
    (et accessoirement faudra que tu m’expliques comment tu fais pour partir en 32 secondes, ça m’intéresse lol)

  16. Dommage de réduire le porno a des clichés.
    Il l’a bien cherché ceci dit.

    Mais si vous faites un tour du côté de ifeelmyself.com, beautifulagony.com et autres x-art… Vous comprendrez sûrement (ou pas) pourquoi et comment le porno dont vous parlez fait effectivement toujours du clic, mais comment un autre se ramène et mise sur autre chose que le WTF que vous décrivez.

    Vous balayez d’un revers de main le côté « enseignant », pourtant détrompez vous, l’éducation sexuelle de collège ne vaut rien à côté de la pratique (même soumise). J’ai su ce qu’était un sexe féminin grâce au porno, où était un clitoris, à quoi ressemblait un orgasme (avant de rire, matez les sites au dessus).

    Je milite pas pour le porno pour tous, ou le porno partout. A la limite, les gens qui font ça, c’est aussi ceux qui le tuent à mon sens (Dorcel le premier). Au contraire, ça doit rester secret, un peu caché pour que ça soit toujours excitant. L’esprit fonctionne aussi.

    Comme d’habitude, comme pour d’autres domaines, c’est pas (du tout) la majorité visible qui vaut le coup.
    À bon entendeur 😉

  17. @Edison @AdH je comprends votre point de vue, mais je vois pas pourquoi j’irai pousser mes recherches pour quelque chose qui ne m’apporte rien en terme de sensation. Ma vie est porno free, et elle va bien, merci 🙂

  18. c’est parce que ces filsm sont faits par des homes pour des hommes, c’est normal qu’on n’y trouve pas notre compte. Ils ne sont pas faits pour exciter nos fantasmes à nous, alors à force, on est sur d’autres rails…

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