Jack Lang, Défenseur des Enfants, vraiment ?

Dans un article d’avril dernier, le Figaro nous informe de l’arrivée probable de Jack Lang au poste de « Défenseur des Enfants ». Drôle de nom pour ce poste fraîchement créé par la loi du 20 mars 2011, qui définit le poste comme suivant :

« Les attributions du Défenseur des droits reprendront celles du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) ainsi que de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).

Le Défenseur des droits sera nommé par décret pris en Conseil des Ministres, les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat pouvant s’opposer à une nomination à condition de le faire par au moins les 3/5ème des voix.

Le Défenseur des droits pourra être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’une administration ou d’un service public. Il pourra également s’intéresser aux agissements des personnes privées en matière de protection de l’enfance et de déontologie de la sécurité. Il peut être saisi de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France. La saisine du Défenseur des droits sera gratuite.

Le texte de la loi organique instaure une immunité pénale pour le Défenseur des droits et ses adjoints. Dans une de ses réserves, le Conseil constitutionnel a précisé que cette immunité ne pourrait s’appliquer qu’aux opinions et actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. En sont donc notamment exclus les violations des règles relatives à des secrets protégés par la loi ainsi que la violation des lieux privés.  » (Source ViePublique.fr)

Depuis cette annonce, de nombreuses associations de victimes de l’inceste ou de protection de l’enfance multiplient les appels à Nicolas Sarkozy pour qu’il considère les éléments les plus troublants du passé médiatique de l’homme politique plusieurs fois ministre. Ce dernier a en effet tenu a plusieurs reprises des propos jugés au mieux décalés , et parfois même inquiétants sur la sexualité mêlant mineurs et majeurs. Il se place dans la lignée des propos aujourd’hui regrettés par Daniel Cohen-Bendit dans les années 1970 sur la libération sexuelle de l’enfant, et on ne s’étonne donc pas de le voir signer un appel à la relaxe et à la solidarité avec trois hommes poursuivis pour « attentat à la pudeur sans violence sur des mineurs de quinze ans » dans Le Monde du 26 janvier 1977 :

« Les 27, 28 et 29 janvier, devant la cour d’assises des Yvelines vont comparaître pour attentat à la pudeur sans violence sur des mineurs de quinze ans, Bernard Dejager, Jean-Claude Gallien et Jean Burckardt, qui arrêtés à l’automne 1973 sont déjà restés plus de trois ans en détention provisoire. Seul Bernard Dejager a récemment bénéficié du principe de liberté des inculpés. Une si longue détention préventive pour instruire une simple affaire de  » moeurs  » où les enfants n’ont pas été victimes de la moindre violence, mais, au contraire, ont précisé aux juges d’instruction qu’ils étaient consentants (quoique la justice leur dénie actuellement tout droit au consentement), une si longue détention préventive nous paraît déjà scandaleuse. Aujourd’hui, ils risquent d’être condamnés à une grave peine de réclusion criminelle soit pour avoir eu des relations sexuelles avec ces mineurs, garçons et filles, soit pour avoir favorisé et photographié leurs jeux sexuels.

Nous considérons qu’il y a une disproportion manifeste d’une part, entre la qualification de  » crime  » qui justifie une telle sévérité, et la nature des faits reprochés; d’autre part, entre la caractère désuet de la loi et la réalité quotidienne d’une société qui tend à reconnaître chez les enfants et les adolescents l’existence d’une vie sexuelle (si une fille de treize ans a droit à la pilule, c’est pour quoi faire?)La loi française se contredit lorsqu’elle reconnaît une capacité de discernement à un mineur de treize ou quatorze ans qu’elle peut juger et condamner, alors qu’elle lui refuse cette capacité quand il s’agit de sa Vie affective et sexuelle. Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit. Nous ne comprendrions pas que le 29 janvier Dejager, Gallien et Burckardt ne retrouvent pas la liberté. »

Ces trois hommes, accusés d’avoir eu des relations sexuelles avec des jeunes filles de moins de quinze ans et d’avoir photographié et filmé leurs ébats, sont soutenus par toute une partie de l’élite intellectuelle. Jack Lang n’est pas le seul, il est aux côtés de Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Fanny Deleuze, Bernard Kouchner, Françoise Laborie,  Jean-Paul Sartre, Philippe Sollers, Gérard Soulier, et même de psychiatres et de psychologues. Cela n’enlève en rien sa responsabilité individuelle à l’individu Lang.

Il récidivera, en déclarant par exemple dans le magazine Gay Pied le 31 Janvier 1991 « La sexualité puérile est encore un continent interdit, aux découvreurs du XXIe siècle d’en aborder les rivages ».

Je n’aime pas les énigmes dans les déclarations des hommes publics. Je n’aime pas l’ambivalence. Et j’ai conscience que ces vieux dossiers, ces phrases que Jack Lang traîne comme des boulets, sont des arguments faciles contre un homme politique soucieux de son image. Mais encore récemment, lors de la terrible affaire Polanski, c’est encore Mr Lang qui assurait la défense du cinéaste dans la presse et sur les plateaux de télévision.

Je me place du côté des Filles de Rien. Et je relaie, à mon tour, cette demande : Mr Sarkozy, il doit y avoir dans votre entourage politique, dans l’opposition, chez vos amis ou chez vos ennemis utiles, quelqu’un qui puisse assumer le rôle de Défenseur des Enfants sans avoir à se justifier sans cesse de positions troubles ou de paroles maladroites. Il doit y avoir quelqu’un de plus clairement investi que Mr Lang.

(J’ai un mois de retard sur la polémique, mais je m’en fous) (au cas ou)

4 réflexions sur « Jack Lang, Défenseur des Enfants, vraiment ? »

  1. C’est définitif, si on en doutait encore, le pays est aux mains des forces du mal.

  2. Il y a aussi cette rumeur selon laquelle quand Jack Lang était ministre de l’éducation nationale, il mangeait un enfant chaque matin au petit dej. Et cette autre : c’est que Jack Lang n’est pas vraiment pressenti pour ce poste de défenseur des droits.

    Mais c’est sympa de relayer deux citations tirées du communiqué de presse de l’association de défense d’enfants victimes de l’inceste, repris au passage depuis un mois par tous les sites d’extrême droite et catho traditionalistes à qui ça fait toujours du bien de taper sur Jack Lang, défenseur du pacs et grand destructeur de la famille.

    Je précise que je n’ai aucune sympathie d’aucune sorte pour lui, je dirais même plus, aucune. Et encore moins quand il se range aux côtés de ses puissants amis accusés de viol. Mais à part lui reprocher d’être un homme de cour et de pouvoir sans attention pour la parole des femmes, bref un connard, c’est quoi le problème dans ces citations (sans contexte) ? il est où le scandale ? à part si le fait qu’il puisse exister une sexualité enfantine en soit un.

    Par exemple, le texte de 1977, également signé par Catherine Millet, Grisélidis Réal, Patrice Chéreau, peut aussi bien évoquer l’appel à une majorité sexuelle avancée, une réflexion propre à l’époque autour d’une sexualité sans tabous que la possibilité de niquer tout ce qui passait à leur portée pourvu que ce soit dépourvu de poil. De quoi s’agissait-il vraiment ?
    Et les droits des enfants ne concernent pas que les droits sexuels mais aussi ceux liés à la pauvreté, la violence domestique, le travail, les maladies, l’insalubrité.
    quelques trucs vraiment scandaleux, certes moins excitants que la pédophilie.

  3. Je précise, en fin de billet, que j’ai UN MOIS DE RETARD. Donc merci bien, je suis au courant.
    Je ne prétends pas que Jack Lang soit un infâme pédophile. Mon raisonnement est le suivant : ce mec n’a jamais été défenseur des enfants. Il a même clairement démontré que les problématiques d’abus sexuels lui en touchait une sans faire bouger l’autre. Quand à la sexualité des enfants, elle existe évidemment, doit-elle pour autant être filmée, photographiée et exploitée par des adultes conscients de leur ascendant, et Jack Lang a-t-il jamais renié son engagement auprès de ces mecs ? Non non non. Je ne suis pas fan de Cohen Bendit, mais il a au moins l’honnêteté intellectuelle de revenir sur les propos dans la même veine tenus à la même époque, de les mettre en perspective et d’en faire amende. Ce n’est pas le cas ici.
    Oui, Jack Lang ne sera pas appelé à être le superman des nouveaux nés, il aura d’autres fonctions s’il est désigné par notre président bien aimé (tu sais, généralement, quand je copie colle un texte, c’est que je prends la peine de le lire). Et alors ? Qu’est ce que ca peut me foutre ? Et parce que AIVI fait un communiqué de presse repris par connards, on doit ne pas parler ? Drôle de raisonnement.

  4. Quand je lis un post, je le lis en entier, majuscules et notes en petit en bas de page, tout. ça ne me gêne pas du tout que tu parles d’un truc un mois après, je m’en tape du décalage. Au pire, ça permet de prendre du recul sur les choses.

    Mon drôle de raisonnement est simple : si je manifeste avec certaines personnes de la même manière que ces personnes, ça m’intéresse de savoir qui elles sont, quelles sont leurs motivations, pourquoi elles font le choix d’évoquer certaines choses et pas d’autres. En gros, j’aime bien savoir qui est dans ma meute.

    Parce qu’au jeu de la citation (on peut y aller, l’homme a beaucoup parlé), l’AIVI pourrait évoquer aussi cette histoire où Jack Lang démontre que les problématiques d’abus sexuels lui en touchent bien une et peut-être même l’autre. Quand il écrit une lettre ouverte aux parents d’élèves de l’école maternelle de Bucquoy (affaire d’Outreau): « C’est avec stupeur et consternation que j’ai appris les actes scandaleux et odieux commis par l’époux de la directrice de l’école maternelle de Bucquoy où sont scolarisés vos enfants ». La justice accordera un non-lieu à la directrice de l’école et son mari. Jack Lang leur écrira des années après une lettre d’excuse. Si je cite ça, ce n’est pas pour dire que la cause de la défense des enfants ne doit pas être défendue, mais qu’en son nom, on fait souvent abstraction du raisonnement, drôle ou non.

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