Quand tu tombes sur le site de Belle et Rebelle, en bonne habituée des magazines en ligne, tu regardes d’abord le logo. Une pin-up sans visage, frange et tatouage, posant façon calendrier, un slogan qui envoie, Belle et Rebelle, après tout, pourquoi pas.
La mode est au burlesque, les tatoueurs passent leurs journées à encrer des petites cerises old-school sur les nuques fraîches et dodues des demoiselles qui s’encanaillent, l’équipe de France joue en marinière, tous les codes graphiques trendy du moment sont repris, jusqu’aux escarpins et au jean slim, pour séduire la jeune féministe rebelle qui sommeille à l’intérieur de toi. En liens apparents, le blog de Mauvaise Mère, un bisounours hardcore, la fondation Brigitte Bardot, rien qui n’appelle franchement à la méfiance, tu te lances dans la lecture d’un premier article qui prône les jouets économiques pour les mômes, c’est pas génial mais tu poursuis. C’est là que tu comprends que tu es arrivée en terre ennemie.
La page « Qui sommes nous » est en construction, dommage, on joue donc au devin. A priori, le site est recommandé par les identitaires de la France entière, ces groupes généralement proche de l’extrême droite, dont les préoccupations premières sont le retour à une France aux français, l’immigration, avec une angoisse toute particulière sur la multiplication du nombre de musulmans sur notre bonne terre gauloise. Terrifiés par l’idée d’une société faite de mixité des cultures, des couleurs et des religions, ils se replient en groupuscules, rattachés par l’amour d’une langue régionale (le breton, le provencal, le béarnais etc), et entretiennent parfois un flou artistique maitrisé sur la réalité de leurs ambitions politiques. Les identitaires sont intéressants dans leur démarche du refus total du grand capitalisme, empruntant souvent leurs théories économiques à leurs confrères et néanmoins ennemis des verts ou de l’extreme gauche. Ils utilisent parfaitement les vocabulaires de la décroissance, de l’économie localiste, et refusent toute importation, la France devant pouvoir subvenir seule à ses besoins, en autarcie financière, culturelle et politique.
Belle et Rebelle, on l’aura compris, c’est donc un peu le Elle + Glamour + madmoiZelle de la jeune militante identitaire. Et ca se vérifie très vite, puisqu’il y a un manifeste, encore un mot très à la mode dans l’univers de la presse féminine et du féminisme (manifeste des beautés plurielles, manifeste des 343 salopes etc).
Ce pamphlet se veut poser les bases de la femme « européenne », oui, puisque c’est le coeur de cible du magazine, autant ne pas s’emmerder à écrire pour les autres, le seul problème c’est qu’il représente à mon sens un véritable danger, jouant avec les codes et avec les frustrations et les incompréhensions des femmes pour mieux se les accaparer, petite explication de texte :
Face à ceux qui nous voient comme des porte-monnaie à détrousser
ceux qui nous voient comme des cœurs-de-cible
( Dangereux, puisque vaste. Je suis la première à hurler aux manoeuvres grossières des publicitaires, cela ne fait pourtant pas de moi une identitaire. Quand à être coeur de cible, là aussi, le manifeste est troublant, en appellant à la désobéissance, Belle et Rebelle sait qu’il peut séduire)
ceux qui pensent nous défendre en créant des quotas
(Dangereux, puisque je doute qu’il s’agisse de cracher sur la parité, mais bien de parler de quotas immigrés / français, ou européens / autres, mais dans le doute, la séduction peut opérer.)
ceux qui nous vendent l’esclavage salarié comme émancipateur
(Là encore, il s’agit de jouer sur le débat « une mère au foyer est-elle épanouie » ou « une mère au foyer mérite-t-elle la même considération qu’une femme qui travaille », qui sépare les femmes depuis deux siècles. Qui vend quoi, et surtout, qu’est ce que c’est que cette notion d’émancipation ? Emancipation de quoi ? du père ? du mari ? )
ceux qui veulent nous ôter notre féminité
(Je pense qu’il s’agit clairement d’une attaque contre les féministes poilues et porteuses de Birgenstock, sortes d’épouvantails brandies par les anti-féminisme de tout poil. Non, être féministe ne veut pas dire être qu’on ne se maquille pas, qu’on ne se lave pas et qu’on arrête de se torcher en signe de révolte, mais Belle et Rebelle aimerait bien vous le faire penser)
ceux qui nous veulent stériles et égoïstes
(Délire de la femme qui travaille, qui ne pense qu’à elle, on gerbe ici clairement sur la business woman qui refuse de céder à ses instincts les plus naturels en se mariant et en enfantant 6 mômes. Ca se vérifie dans un article un peu plus loin où l’on apprend qu’une femme a deux choix dans la vie : porter le café au lit à son mari le matin en épouse aimante, ou le porter à un patron obsédé, comme une esclave avilie. OKAY…)
ceux qui nous veulent converties ou insultées
(On parle ici clairement de l’angoisse majeure de la donzelle identitaire : voir sa copine Emilie se convertir à l’Islam)
Nous serons plutôt féminines que féministes
(Encore le délire jupe à volant contre Birgenstock imaginaire j’imagine)
plutôt louves que gibiers
(louve, comme celle qui donna son lait à Romulus et Remus pour construire Rome. AH ROME justement, ses symboles chers aux fascistes du monde entier … Je divague non ? Non.)
plutôt garces militantes que putes lobotomisées
(Dans la série tu préfères A VIE avoir une paire de couilles collées sur le nez ou l’anus qui chante la marseillaise, tu choisis quoi ?)
plutôt respectées que simples objets
(Etonnant quand l’ensemble des articles explique que la soumission conjugale est la pierre philosophale de l’épanouissement féminin)
plutôt touche-à-tout plutôt que bourgeoises
(Les bourgeoises ont à mon sens beaucoup plus de temps libre pour toucher à tout, justement. Mais je dois me tromper, on doit parler ici de la CLASSE des bourgeois, délire, une nouvelle fois.)
plutôt engagées que décérébrées
(Endoctrinées, c’est le mot plutôt, je crois)
Ni Lilith ni Lolita
(Ni pute, ni pute, si on résume.)
ni ingénue ni dépravée
(AH la dépravation, enfin, parlons en, cette saleté de dépravation féminine ! Dans un article, on apprend que plus ou moins toutes les femmes sont des putes et que c’est donc de leur faute si les hommes se comportent comme des porcs. Parce que coucher, c’est oublier de se respecter. Et le respect, c’est la chasteté. Voila, voila, voila.)
Ni bimbo ni hystéro
(Bimbo et hystéro, deux mots très connotés masculins pour un manifeste pseudo écrit par une fille. L’hystérie, ce mal qu’on traite à l’aide d’énormes godes électriques au début du siècle, autre mot pour dire alors qu’une femme avait les nerfs, devient ici l’inverse de bimbo, ce que je ne comprends pas.)
ni misérable ni irresponsable
(Le rapport entre les deux m’échappe. Merci de m’indiquer si vous le voyez)
Guerrière amazone et sainte
Mère et femme
(Ca me rappelle quelqu’un cette description … BON SANG MAIS C’EST BIEN SUR ! Marie, sainte mère de Jèsus ! Soyons saints ! Donc en fait, on est ici sur un webzine pour jeunes catholiques ? C’est ca ? non ? )
Parce que la civilisation européenne a créé la Femme libre et l’a toujours défendue. Nous sommes la femme d’Europe et nous avons fait le choix de la résistance. Vous nous vouliez simplement ‘jeune et jolie’, nous serons ‘belle et rebelle’.
(A chaque fois que je lis une déclaration qui commence par NOUS SOMMES, j’ai toujours envie d’hurler » TOUS DES ENFANTS D’IMMIGRES », mais j’ai l’impression que c’est pas tellement l’effet recherché. Je ne me sens pas femme d’Europe, et si j’ai fait le choix de la résistance, il n’est en rien comparable à ce programme. On pourra se demander pourquoi Belle Et Poubelle attend les dernières strophes de cette envolée pour marquer clairement le sceau de son appartenance identitaire …)
Je donne donne donc la note de 1/10 à Belle et Poubelle pour son webzine féministe. Parce que j’aime bien le logo. Mais que j’aime moyen qu’on fasse semblant, qu’on se déguise, qu’on ratisse large pour séduire. Et je ne mets aucun lien dans cet article, vous êtes assez grand pour trouver, non?
Belle et Rebelle est une production NOVOPRESS, agence de presse d’extrême droite, qui te fait écouter Radio Courtoisie pendant la visite de son site …
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(GODWIN RULZ)