Like a bird on an electrified wire

Je suis une éponge essorée. J’accepte, je comprends, je me tords, je me tais. Et puis je me vide de l’eau sale de ma tête trop pleine, en grands jets sales et noirs, panda neurasthénique, spectacle triste pour voyageur curieux. Je voudrais me jeter contre les gens plutôt que par la fenêtre. Je voudrais amortir ma peine contre leurs torses inconnus et leurs poitrines moches. Je voudrais courir vers ces gens qui ne me regardent pas et les heurter de tout mon poids. Je voudrais un embouteillage de chair, un mur de cuisses et de bras pour me retenir. Je voudrais rebondir sur des queues masquées, me faire baiser jusqu’à ce que mes jambes se brisent, je voudrais avoir mal, je voudrais gueuler. Je ne voudrais plus être celle que j’ai été. Je voudrais m’oublier dans les corps étrangers. Me faire pénétrer et me faire avoir. Me faire utiliser et me faire jeter. N’être plus qu’une masse inerte qu’on secoue de bas en haut, de droite a gauche, pour finir de se branler. Je voudrais qu’on me coupe la tête et qu’on me force a la regarder tomber. Je voudrais être chose. Ne plus avoir a penser. Ne plus me souvenir. Ne plus rien sentir.

Bien sur cela n’arrive pas. Et la laideur des petites choses continue a me grignoter les cheveux, ils tombent par touffes sur mon oreiller, dans la douche, partout ou je vais, je laisse derrière moi les traces physiques de ma peine, mes dents voudraient s’extraire de leurs racines et mes os semblent rétrécir, c’est mon corps qui se souvient quand ma tête lui ordonne de se la fermer. Je sais pourtant que tout est pour le mieux. Et quand je m’y applique, il me semble que j’arrive a m’imaginer après. Après le vide. Entre deux claquement de dents. Entre deux hurlements.

Et l’amour. Ceux des autres. De ceux que je rencontre et qui me
donnent envie de le serrer, de les chérir, parce qu’ils ont trouve le moyen un peu dingue de décupler leur capacité au bonheur. Ce truc qui ne veut pas de moi, qui me rabote systématiquement la tronche en sang contre le pave, ils l’ont compris, ils l’ont apprivoise. Ils l’ont fait a leur image. Et je les regarde et j’ai envie de chialer de jalousie, d’admiration, d’inaptitude a être. Je ne suis pas une assez jolie personne a l’intérieur. Je ne suis pas assez forte, pas assez intelligente, pas assez. Jamais assez. Toujours trop. Et mon cul qui déborde sur le Skaï de la banquette, comme un rappel a l’ordre. Ne rêve pas bordel. Et mes mots maladroits. Je m’entends parler et j’ai envie de me gifler. Et mes idées débiles. Il y a quelque chose de bouleversant et d’intimidant a être en présence de l’amour. Ou alors je suis conne. Ce qui est une sérieuse possibilité.

Auto Promo

Le coût d’un t-shirt à 8 euros 

Je ne fais d’habitude pas d’auto-promo pour les billets que j’écris ailleurs que sur ce blog. Ou alors pas trop. Ou en tout cas pas ici. Mais celui là me tient vraiment à coeur. Je ne suis pas née avec une conscience écologique développée. Je ne suis pas sûre d’en avoir développée une à ce jour. Je reste persuadée que ce n’est pas mon lavage de vitre au vinaigre ou mes trajets en RER plutôt qu’en voiture qui vont changer le monde. Je trouve que l’écologie appliquée au particulier est une masturbation morale. Tu peux uriner dans la sciure autant que tu le veux, toute une vie de miction sèche ne rattrapera pas l’impact d’autres actions. J’adore les enseignes biologiques, mais je suis souvent effarée par leur volonté de rester dans un cercle restreint de connaisseurs avisés. Non, tout le monde ne sait pas cuisiner la graine et la légumineuse, tout le monde ne trouve pas normal d’ingérer du soja pourri, et personne n’éduque vraiment le shopper lambda. Tout ca me paraît bien élitiste, et sans volonté d’ouverture, malgré les discours universalistes et bienveillants des stars de l’alimentation alternative. J’ai du respect pour ma planète, mais j’en ai encore plus pour le vivant. Pour les humains. J’ai développé une conscience sociale. Cette dernière s’imbrique dans l’écologie dans bien des cas, on maltraite aujourd’hui de manière globale l’organique et le végétal.

En quelques semaines, à force de me documenter et de m’intéresser, mon regard sur les objets et les choses a changé. Je ne vois plus de plastique, mais du pétrole. Je ne vois plus les sequins sur mon t-shirt, mais le travail d’une femme pauvre quelque part en Inde. Ca ne tourne pas à l’obsession, mais j’ai la conscience aiguisée. Je porte encore mes baskets adorées, mais j’ai un pincement à la gorge, pour de vrai. Je porte une certaine dose de culpabilité. Je ne peux plus ignorer que je porte littéralement à mes pieds le travail d’humains traités en esclaves. Bien sur, comme pour l’écologie, mon action seule ne suffit pas. Mais je n’ai pas ce goût amer quand j’urine dans mes toilettes. Sans doute parce que ma conscience n’a pas été réveillée assez fort. En attendant, j’ai décidé de limiter ma consommation de textile aux enseignes ayant une politique claire et forte de justice sociale et d’amélioration des conditions de travail de leurs salariés. Ca n’empêchera pas le monde de tourner. Mais ca me tient à coeur. Alors je voulais vous en parler.

Il est compliqué de s’y retrouver sur les sites des marques, de trier les informations et de se faire une opinion.

Pour le moment je me fie à l’Ethical Trading Initiative  (signé par ASOS et New Look par exemple). Il faut dire que la plupart de mes achats de vêtements sont anglais, ils sont plus cléments avec les dodus. Je consulte régulièrement les sites en lien ici , Business For a Better World, Anti Slavery, Clean Clothes.

Je boycotte en France tout textile de la marque TEX (Carrefour) et Jennyfer (opacité totale). Je vais tenir cette liste à jour dans les prochains mois.

 

 

 

 

 

Billes de melon

Y’a plus chiant au monde que d’inviter quelqu’un à diner en vérité ? Je ne crois pas. En fait j’adore ca. Mais comme je suis à peu près persuadée qu’à la moindre incartade, les gens vont me planter des clous dans les yeux et/ou décréter que je suis une vieille merde, la moindre collation dinatoire mother fucker apéro lunchatif me plonge dans une brume abyssale tendance gothique en 4ème B. Je me mets à hanter les forums de Super Toinette, le site où tout le monde a un putain d’avis sur tout, là où des nanas sont prêtes à porter plainte pour diffamation si tu émets la moindre critique sur la recette ultime du Veau Marengo En Papillotes de Haricots Blancs Et Sa Purée de Bigorneaux Au Safran. Et pourtant, dans la crise existentielle du qu-est-ce-que-je-vais-bien-pouvoir-faire-à-bouffer-bordel, ces hystériques aux orifices encombrées de concombres  sont mon espoir et ma lumière. Si Louloutte59 a réussi son fondant au chocolat au coeur de noisette et son coulis de mangue, moi aussi, j’ai la foi, je peux y arriver, j’y crois fort.

Après une nuit sans sommeil et des milliers de post-ils raturés et trempés de larmes de haine, j’ai généralement une vague idée de ce que je vais préparer. Et je pars à la chasse des ingrédients complètement débiles mais parfaitement indispensables pour la réussite de ma mission. Des violettes au sucre, par exemple. Je peux t’assurer que dans toute ma ville, il n’y a pas une seule putain de violette. Au sucre, en sirop, dans les plate-bandes municipales, pas la queue d’une fleur. Et sans elles, c’est tout la mise en place (Top Chef, tavu) de mon déssert qui passe à la trape. Et puis y’a le sketch du boucher. 1,8 kilos de bourguignon pour 4, bien sur que ca me va, et puis comme ca je peux nourrir l’étranger, laisser ma porte ouverte pendant le dîner, ca donnera un thème humanitaire et chic à ma soirée. Mais je dis rien, parce que c’est le boucher, et que j’ai toujours eu un peu peur de cette profession, depuis que j’ai lu Le Boucher justement, un petit bouquin prétendument érotique mais surtout tout à fait traumatisant. Je voudrais pas me retrouver en arrière boutique à me faire farcir d’abats et de merguez, une pomme dans la bouche et les cuisses saucissonnées dans de la crépine.

J’aime me faire du mal, je crois que c’est ça l’explication. Et puis je suis un putain de cliché de personnalité maternante, toujours la cuillère en l’air pour donner la becquée à quelqu’un, de peur qu’il manque ou qu’il en vienne à me haïr dans un stade de dénutrition avancée. Quand j’aurai des enfants, je suis sure que je serai la pire mère du monde avec la bouffe. Ca me fait d’autant plus flipper que mon rapport à la chose alimentaire est déjà bien niqué. Je me sens pourtant capable de prononcer la phrase clé « Mais pourquoi tu manges pas, tu m’aimes pas », qui enverra mes petits klougons consulter un psychiatre pendant environ une dizaine d’années.

Chiale tu pisseras moins

Je pleure tout le temps. Je pleure tout le temps et pourtant je ne suis pas triste, je ne suis pas malheureuse. C’est difficile de faire comprendre aux gens que tu pleures comme tu respires, un peu trop fort, un peu trop profond, pour un oui ou pour un non. Que tu pleures sans y réfléchir, que ca sort à la verticale d’un coup, comme un putain de serpent pour touristes quelque part sur une place sale, j’ai un crotale dans la rétine, il te saute à la gueule quand tu ne t’y attends pas. Je pleure parce que tout me semble trop à la fois, qu’il y a trop de beauté dans le monde et que ca doit te faire chialer, parce que si tu ne chiales pas, tu passes à côté des 24 images secondes qui pourraient tout changer. Et qu’on pourra me dire que je suis une connasse d’emo, que je suis hypersensible, que ca ne sert à rien de chialer, j’ai pas envie de changer. Mes pleurs c’est ma façon à moi de sourire ou de m’émerveiller, d’hausser les sourcils ou de tousser. C’est ma ponctuation, c’est ma respiration. Ca me vide le ventre et ca nettoie ma tête.  Et puis j’ai pas honte, je laisse couler, des grosses flaques dans les poches, des rivières de mascara fondu, je pleure comme une écervelée, parce qu’un môme est vachement beau ou qu’un pigeon vient de se planquer sous le bus au lieu de se faire écraser. Le reste du corps ne bouge pas, pas de soubresauts, pas de sanglots délirants, juste du mouillé, juste du salé qui vient s’écraser sur mon menton et que je vire d’un coup de tête bien placé.

C’est nouveau, toute cette eau. J’ai pas beaucoup pleuré, longtemps. Je gardais mes pleurs pour les grandes occasions, comme on vous l’apprend dans les manuels pour gens bien élevés. Décès, maladie, séparations et licenciements uniquement. La métaphore de l’huitre pleine de flotte à l’intérieur, qu’il faut attaquer à la lame pour bouffer, tu vois, c’est tout moi. Et je voulais empêcher tout le monde de pleurer, j’voulais faire rire, j’voulais les faire s’arrêter, parce que ca servait à rien, parce qu’il y avait toujours plus grave ailleurs quelque part. J’avais pas compris. Je ne voyais pas tout ce qu’il y avait juste en face de moi. La putain de multitude dingue d’occasion de se laisser heurter par toute l’immensité contenue dans le mètre carré juste à côté de tes pieds. C’est un peu comme apprendre à lire. Quand l’alphabet n’est qu’une succession stupide de sons sans liens, ca n’a pas de sens, rien ne sonne juste, rien pour s’accorder ou pour donner du rythme. Et soudain, comme par magie, tu commences à déchiffrer, et tu lis tout. Tu lis les enseignes des pharmacies et les lettres sur les affiches, tu lis le dos du paquet de céréales, tu lis des livres, tu lis de la merde, mais tout est accessible, tout est à faire.

Sans doute qu’un jour, mes yeux arrêteront de couler. Par habitude. Parce que j’arrêterai de vouloir tout lire dans chaque objet et dans chaque signe. Mais pour l’instant, je n’en ai pas envie. Et j’en suis incapable. Je suis hyperactive des lacrymales, c’est le symptôme de toutes ces images qui se collent et se découpent dans mon cerveau, c’est la joie et la beauté incroyable des toutes petites choses qu’on oublie de lire, caractères minuscules tout au bas de la page, ceux-là mêmes qui conditionnent tout le reste.

Y’a un bébé dans ton ventre ?

C’est charmant les enfants. Mais c’est compliqué aussi. Surtout quand ils posent leur regard sur moi, et que s’en suivent les questions d’usage. Tu attends un bébé ? T’es grosse hein. Et puis leurs yeux qui n’ont pas pris l’habitude de se baisser, et qui te regardent droit dans le gras. Pourquoi t’es grosse toi ? C’est vrai ca. Pourquoi je suis grosse ? Et surtout comment expliquer sans s’enfoncer dans quelque chose de trop compliqué, ou pire, comment éviter de faire trop simple et donc de stigmatiser la petite grosse de leur classe ? Je dis que je suis grosse parce que j’ai trop mangé. Parce que je n’ai pas appris ce qui était bon, quand j’étais petite. Je dis que je suis grosse, comme ils sont bruns ou blonds, petits ou costauds. Je dis que ce n’est pas pareil quand on attend un bébé. Que le bébé a besoin de place pour se lover à l’intérieur. Qu’il a besoin de manger à l’intérieur de sa poche, comme un kangourou. Je dis que je n’attends pas de bébé, mais que peut-être, bientôt, qui sait ? Et comme les enfants sont aussi mignons qu’ils sont cruels, ca ne s’arrête pas là. A la plage, je suis celle qui flotte le mieux. Parce que je suis grosse. Je deviens le bateau gonflable de la bande, on part à l’abordage de mes bourrelets pour mieux s’accrocher, se faire tirer ou plonger. Et je me laisse faire, et j’aime ca, et j’en rajoute, parce que je ne veux pas qu’ils puissent penser que je suis grosse et triste. Je suis le gros clown des enfants de mon entourage, parce que je n’ai pas trouvé de moyen plus simple de véhiculer un message positif et clair. Parce qu’on explique pas la boulimie et son histoire génétique  à sa petite nièce de 3 ans et demi.

Je voudrais pouvoir dire que cela suffit. Que mes pitreries de dodue leur permettent de comprendre que les gros sont des gens comme les autres. Juste gros. Pas stupides ou moches. Ce n’est pas le cas. Il y a les parents d’abord. Ils sont embarrassés. Ils ne savent pas quoi dire quand ils sentent les questions de leurs mômes arriver, et quand ils les surprennent en train de me reluquer la poitrine ou les hanches, leur premier réflexe est de faire taire, de créer une distraction, pour empêcher la question.Parce qu’ils sont mal à l’aise avec leur propre perception de mon « problème de poids ». Parce qu’un jour, ils ont dit « si tu manges trop, tu finiras aussi grosse que Tata ». Parce qu’ils savent que je vais l’ouvrir, que je ne laisserai pas passer. Alors ils étouffent la curiosité, et glissent un mot énervé dans l’oreille du petit, « on en parlera à la maison », « ne dis rien tu vas lui faire de la peine », et autres phrases toutes faites qui ne font qu’augmenter l’incompréhension du mouflet. Pourquoi on ne parlerait pas des gros aux enfants ? Ils n’en voient pas si souvent à la télévision ou dans leurs livres d’histoires. Ils comprennent très tôt qu’il faut être mince pour être beau. Les petites filles surtout, pas de surprise dans cette constatation. Elles ne veulent pas de glaces pour le goûter parce qu’elles vont grossir. Elles mangent des bonbons, mais pas trop, parce que ca pourrit les dents, mais surtout, ca rend gros. Les messages nutritionnels passent, tant mieux, mais en éludant toujours le gros dans la réfléxion. C’est qui, cet épouvantail obèse qui les effraie tant ? C’est moi. Ou alors c’est un autre enfant obèse. Qui est forcément gros parce qu’il mange trop et qu’il ne bouge pas assez. Et qui ne mérite donc pas leur intérêt ou de leur amitié. Parce que c’est souvent con, un enfant, malgré les jolies histoires qu’on se raconte en fiers parents. Ca cherche à ressembler, à imiter, à singer. Ca a du mal avec la différence, surtout si elle est mal expliquée.

Il n’y a pas que les enfants. Il  y a tout ces adultes bien attentionnés qui ont voulu me laisser leur place dans le bus ou dans le métro. Parce que je suis grosse. Et donc je dois être enceinte et faible. Quand j’ai la pêche, je refuse, et je réponds que je suis juste grosse. Ni malade, ni enceinte. Et je regarde leurs visages changer. Parfois ils s’excusent, rougissent et disparaissent. Parfois ils insistent. Comme si mon obésité me rangeait dans la case des handicapés. Je dois avoir besoin de m’asseoir, c’est fatiguant d’être comme je suis, de me porter. Ce qui est fatiguant c’est surtout de supporter la connerie et les manières des autres, mais ce n’est pas nouveau. Quand j’ai un coup de barre, j’accepte, et j’invente n’importe quoi. Des jumeaux consanguins, un cerclage barbare avec des litres de sang, tout y passe pour le passant. Il m’arrive même d’emprunter les caisses réservées aux femmes engrossées, petite revanche mesquine sur les cons qui poireautent en essayant de reluquer mon panier.