L’ascenseur

J’aime pas les ascenseurs. Ce truc encastré dans le béton qui va et qui vient à la merci d’un ordinateur maléfique. Descend ou monte, après tout tu ne contrôles rien, c’est Hal et les machines, tu pousses un bouton mais c’est une illusion, il suffit d’un rien, d’un fil ou d’un conduit, pour que les portes se referment ou que les rouages s’emballent, pour que ta tête vienne s’écraser 6 étages plus bas dans un amas  sanguinolent de câbles et de sacs de courses remplis. Et puis il y a l’espace, ou plutôt le manque d’air, le manque de portes et de fenêtres, les lumières artificielles qui ne te montrent jamais comme tu aurais voulu être. C’est le lieu des déceptions, des coups de fils coupés, des mots perdus, des cabas qui se renversent, du canapé qui ne veut pas rentrer, des déménagements et des emménagements, des bébés qu’on oublie. Et la culpabilité. Ce truc que tu n’imagines pas. Parce que les gens me regardent toujours quand je rentre, parce que je prends trop de place, parce qu’il y a une limite de poids. Alors dans ma tête, c’est les chiffres et les lettres, je me mets à additionner les poids supposés de ces étrangers, cette dame au manteau de fourrure semble malingre, mais son chien obèse compense, cet homme trop musclé doit souffrir de son IMC classé en obésité, et cet enfant, quatorze kilos, peut-être quinze, et moi, 480, encore 120 avant que la sonnerie de surcharge ne retentisse, on ne pourra pas m’accuser, on ne pourra rien dire, ce n’est pas de ma faute, cette fois je n’y suis pour rien. Et pourtant la machine refuse de s’élever et je sens les yeux qui se collent dans mon dos et qui m’accusent, l’homme tousse et la dame soupire, il faut que quelqu’un se décide à sortir et bien sur c’est moi, parce que je suis la plus lourde et que c’est de ma faute, si l’ascenseur ne décolle pas et si mon père ne m’aime pas.

5 réflexions sur « L’ascenseur »

  1. Ben comme si c’était toujours de notre faute !
    Je fais exactement le même calcul que toi quand je monte dedans avec ma petite famille.
    Le temps et l’expérience de notre ascenseur m’a prouvé qu’on pouvait y monter à 3, mon homme, mon enfant.
    Le 4ème qui suit, il attend le prochain. C’est tout.

    Et là, c’est pas de ma faute (c’est la faute à l’entreprise qui a réglé l’ascenseur, qui a pas pris en compte le poids de l’habillage de la cabine et qui nous a quand même collé une plaque 4 personnes – 480k) et surtout ça passe mieux avec un sourire 🙂

    Je me fais toujours des scénarios de oufs par contre … et c’est flippant quand j’y repense.

  2. @oh yes : étrange sondage de la part de Orange.
    Mais, pour avoir failli valser dans le décors à cause d’un abruti qui jouait avec une console portable en conduisant, je suis tout de même partisan d’une pénalisation de certaines conduites à risque.

    Risquer sa vie, ok -chacun est libre- mais mettre sciemment en danger celle des autres : niet !
    Il y a une très nette frontière entre la liberté individuelle et la connerie profonde.

  3. Je n’ai pas vu ce sondage, je pensais à l’énormité proposée très sérieusement par docteur Dukan: il veut mettre en place une option régime au bac!

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