Patte de lapin

Je voudrais le bonheur de tout le monde. Enfin, le tout le monde entendu, celui que tu connais, ceux que tu aimes, ceux que tu croises, le tout le monde familier, parce que le monde est trop grand, parce qu’il est trop dur et que je n’y peux rien, si ce n’est garder les yeux ouverts, secs, l’estomac noué, dire que ca passera, qu’on va tous crever ou qu’il n’est pas permis d’espérer. Alors à défaut de la paix universelle, je voudrais bêtement le bonheur des autres, à défaut du mien souvent, ca n’a rien de gratuit, c’est ancré, cette culpabilité qui voudrait que je me sacrifie, comme si s’offrir était une mission, comme si mon destin était de morfler, c’est stupide, je le sais, ce genre de fatalité acceptée, ne sois pas égoïste, partage tes jouets et ferme ta gueule, ferme la tout grand qu’on ne puisse pas te soupçonner de gueuler, offre ta douleur, offre la plus fort, et si ca ne suffit pas, fais toi mal, cogne toi partout, contre les murs et contre les autres, frappe toi, frappe les, envoie tout bouler, puisque les autres méritent, mais que tu n’es là que pour servir de faire valoir, si tu n’aimes pas le bonheur, n’en dégoute pas les autres.

Je voudrais le bonheur de tout le monde, mais souvent ils n’en veulent pas, de mon bonheur frelaté, rhum arrangé aux fruits en conserve, de mes solutions faciles pour jours de déprime, à croire que les phrases qu’on se répète tous pour arrêter de chialer ne fonctionnent vraiment jamais, serre les dents et regarde devant, demain est un autre jour, un de perdu, dix de retrouvés, après la pluie, le beau temps, c’est facile pourtant, souris putain, souris de toutes tes putain de dents, fais semblant, fake it bordel, qu’on puisse s’amuser, même pour de faux, même s’il faut boire un peu plus ce soir, même s’il faut se forcer. Repose la bouteille, reviens danser, plus fort la musique, plus connes les paroles, je ne veux plus penser, je ne veux plus de guitares qui me déchirent le bide, je ne veux plus de sa voix aux octaves troubles, je veux mimer cette chanson stupide, call me maybe, t’as compris, appelle putain, et si quelqu’un gerbe dans un coin, si la fête s’arrête, le visage grimaçant des autres bonheurs niais te rappelle à l’ordre, rien n’est grave, rien n’est jamais grave, rien que la mort peut-être, et encore.

Je voudrais être ta patte de lapin, ton trophée un peu pourri, morceau de cadavre flétri, un truc au fond de ta poche que tu caresses quand tu t’ennuies, ca te fait rire, je vois bien, je m’en fous, j’ai pas d’autres préoccupations en ce moment, j’ai rien d’autre à faire qu’à essayer de trouver ma place, alors ici, planquée, ca sera aussi bien. Un talisman niqué, comme une boule de cristal toujours pleine de buée, un grigi magique acheté 4 dirhams pendant des vacances que tu traînes sans jamais t’en séparer. Je voudrais te porter chance, je voudrais t’embrasser, je voudrais te serrer. Pour qu’on se tienne chaud, pour te voler un peu de ton creux, cet endroit au dessus de ton nombril, là d’où tu respires, ca bouge, ton ventre s’anime, et puis tu souris.

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