Facebook

J’ai pas de compte Facebook personnel. J’en ai un, juste là à gauche, avec mon identité virtuelle, mon personnal branling de blogueuse. Je ne m’en sers pas pour raconter ma vie, je partage des choses qui me tiennent à coeur, mes articles, et deux ou trois conneries. J’ai un peu plus de 1000 amis, merci, mais j’ai bien conscience du statut de cette amitié. Ce profil a d’avantage l’allure d’un flux rss amélioré que d’un véritable lieu de partage ou de déconne. Il me permet de recevoir des invitations aux events des potes, aux anniversaires et autres trucs sympas, mais il est surtout pourri par vos demandes sur Farmville et autres chianteries associées. J’allume le chat environ 10 minutes par année, parce qu’honnêtement, la plupart des mes vrais amis ont mon numéro de téléphone, mon twitter, mon gmail, je suis polymorphiquement joignable à tous les étages. Et si tu veux me faire bosser, y’a mon email ici, et si tu veux me dire que je pue du bec, pareil. Je n’ai jamais vraiment accroché à Facebook, même quand j’entretenais un vrai profil, avec mon vrai prénom, mon mec, sa famille étendue, mes copines de pension, le garçon qui me piquait toujours des stylos en TD d’histoire moderne mais dont j’ai oublié le nom, la nana qui essaie désespérément de me faire organiser une réunion tupperware de produits de beauté contre la promesse d’un pot de crème ‘super révolutionnaire’. Ca m’a toujours fait chier de tout mélanger, tous ces gens qui ne se connaissent pas dans la vie, sans doute pour de bonnes raisons, parce que tu ne présentes pas ta tata sénile à ton coup d »hier soir, que ton prof de stat’ se fout complètement de l’épisiotomie de ta meilleure copine. Et j’ai jamais cherché à ‘optimiser mon utilisation’ en créant des putain de groupes, des putain de restrictions, en bloquant machin pour permettre truc. Je vivais ma page Facebook comme une représentation du malaise collectif de ma vie, cet amas d’experiences, de rencontres, ces traces que tu laisses maintenant partout, parce que tout le monde se sent obligé de se prendre en photo et de te tagger, ce truc sans aucun sens et aucune forme qui finirait un jour ou l’autre par me péter à la gueule. Et puis mon père a décidé de me demander en amie, et ca a été la goutte qui fait déborder la gamelle de merde que tu mets sous la fuite des chiottes dans ton appartement d’étudiant, j’ai disparu.

J’ai tué mon profil, du mieux que j’ai pu, mais il refuse de crever, c’est un putain de zombie maintenu sous oxygène par la machine, c’est un peu comme le pitch d’un mauvais film d’horreur, personne ne quitte jamais Facebook, tu t’endors simplement. Ni fleurs ni couronnes pour mon enterrement, aucun mail pour me demander ce que je foutais ou si j’étais vraiment morte, kidnappée ou si j’avais enfin changé de sexe, je me suis volatilisée dans l’indifférence la plus totale, sans qu’un seul de mes 321 amis ne s’en inquiète. Preuve supplémentaire de l’inutilité totale de mon existence, virtuelle en tout cas. Ceux qui ignorent que je suis Daria Marx, c’est à dire 90%, c’est à dire à peut près 300 amis, ne me suivent plus d’aucune façon. Et je n’ai aucun moyen de joindre 70% d’entre eux. J’ai donc consciemment brisé le dernier lien merdique qui nous unissait. Fini le stalkage pour voir si la petite grosse de 4eme, celle qui avait fait pipi dans le car pendant le voyage de classe avait fini par se marier. Fini d’épier l’ex de mes 16 ans, fini les likes hypocrites sur la photo des enfants de mon ennemie jurée de dortoir. Rien à taper. Eux non plus. C’est parfait. Et un peu triste aussi, pour le bisounours qui aime à penser que quelqu’un pense toujours à toi quelque part, surtout si un avion passe dans le ciel et si ton nez te gratte. Les vrais savent qui je suis, je sais qui ils sont, pas besoin de s’envoyer des moutons et des semences virtuelles pour se kiffer. Et puis surtout, il y a Twitter. Je peux maintenant étaler toute ma vie au gré de mes impulsions, de la couleur de mon étron à ma dernière baston avec la vieille du supermarché. Et des gens me lisent. Et parfois même ils réagissent et on se marre. Ca dure quelques minutes, et puis on passe à autre chose, un message en chasse un autre, ce n’est pas là, gravé dans ton wall, exposé à tous pour toujours. Enfin si, tu peux faire une recherche Google, remonter toute ma timeline, faire des fiches sur des petits papiers bristol que tu ranges dans un mini classeur chic, mais honnêtement, je ne mérite pas tant d’intérêt, tu ferais mieux de chercher du travail, vraiment.

Je sais bien que je me trompe quand je pense que Twitter est moins intrusif que Facebook. Je m’y lâche 45 fois plus, pseudo protégée par mon anonymat. Ca n’empêche pas ma mère de m’engueuler quand elle voit que j’ai live tweeté une connerie jusqu’à 4h du mat’, que je suis sortie sans mon manteau ou que j’ai insulté quelqu’un. J’ai un deal avec elle. Elle peut lire ma Time Line, elle peut rager toute seule comme une grande derrière son écran, pas de souci. Elle doit juste le garder pour elle. Si tu viens me lire, tu es responsable de ce que tu viens trouver. Comme c’est ma mère, elle a bien sur du mal à s’y tenir. Mais elle respecte mon intimité, aussi bizarre que cela puisse sembler, puisqu’il n’y a rien de moins intime que de décrire en détail la couleur changeante de son vomi en 140 caractères, comme j’aime parfois à le faire. Mais je n’ai pas à gérer les réactions de tout un tas de connards que je connais quand je poste un truc un peu trash, ou même à débattre de mes opinions avec l’arrière petit cousin du fils de mon garagiste qui m’a ajoutée parce qu’il me trouvait charmante. Si un inconnu m’emmerde, je le bloque, je lui dis d’aller sucer les ovaires de sa petite soeur, ou je l’ignore. Sur Facebook, tout est là, exposé, liké, commenté sur le même fil. Y’a cette obsession du remplissage, du socializing à outrance, tout le monde répond oui à des events pourris, pour s’inventer une vie, pour dire qu’on fait des trucs, même si tu t’y pointes jamais et que tu passes ton samedi soir devant Danse avec les Stars en sirotant un soupe au kiri. Ca empêche pas des gens de créer des statuts pour raconter leur vie de merde, je te rassure. Faut croire qu’ils assument plus. Ou qu’ils ne se rendent pas compte du côté documentaire animalier de leurs éructations. En ce moment, plusieurs d’entre vous, chers amis, passez votre temps à écrire des statuts sur votre perte de poids, votre peau qui pend. Et vous vous adonnez publiquement à de longs soupirs sur les 300 grammes de Nutella que vous venez d’ingurgiter, sur l’impossibilité terrible d’être et d’avoir été. Bref. Vous êtes chiants. Arrêtez.

7 réflexions sur « Facebook »

  1. Haha
    Très fort, très juste, très lucide.
    Pour ma part j’ai envoyé bouler mon compte le jour où un ex, que je voulais à tout prix oublier, a tenté de forcer ma porte par ce biais. Ça a été ma goutte d’eau. Quand Facebook est utilisé « à découvert », ce réseau devient bien un biais, un talon d’Achille, pire que de vivre avec la porte d’entrée de son appart ouverte en permanence. Enfin je trouve. C’est aussi une invitation permanente à cultiver ses bas instincts en stalkant les autres sans arrêt.

    Moi non plus je veux plus de ça, par pitié. Maintenant je suis planquée derrière mon nom de femme mariée que personne ne connaît ou presque, sans visage, et je ne me sers de FB que comme un flux rss amélioré, pour suivre les mises à jour de sites et de blogs que j’aime bien.

  2. Près de 1300 mots pour dire « Je n’aime pas Facebook ».
    Et bien ce n’est pas plus intéressant que les 300 grammes de Nutella, la perte de poids, et tutti quanti.

    Puisque ceci n’est pas Facebook, mais un blog, j’en conclus que le problème, ce n’est pas le médium, ce sont les gens.

    Typhon

  3. J’ai le même deal avec mon fils ! Je m’y tiens mais c’est dur ! Il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas savoir… Mais la technologie existe et c’est trop tentant…

  4. Très prolixe en ce moment Daria 🙂 Si, par exemple, tu lis des bouquins et écris des articles, je ne dirai jamais que t’as trop de temps libre 😉

    J’aime particulièrement ce petit dernier-là, car je te rejoins sur beaucoup de points concernant fb qui n’est pas simplement un moyen de communication anodin comparable à tous les autres progrès, mais un émulateur de beaucoup de vils aspects de la communauté ; vanité, hypocrisie, mythomanie, voyeurisme, stalking, désordre social qui t’esseule en réalité encore +,…

    On dit toujours qu’un moyen de communication n’est justement qu’un moyen et n’en est donc que ce qu’on en fait, mais fb va au-delà de ça et incite aux comportements ci-dessus.

    Dans 25 ans, il y aura un historien venu piocher ici qui fera de ton billet un témoignage du « Déclin de fb »^^ Rien ne coûte d’espérer xd

  5. On me demande parfois si j’ai un compte facebook/ twitter/ grumagrog.
    Je suis bien obligé de répondre que non.
    Parce que j’ai rien à raconter, ou presque.
    Et que le « ou presque » ne justifie pas d’offrir gratos à fb des infos détaillées sur ma conso, mes amis, etc, qu’il revendra joyeusement au premier publicitaire venu qui en profitera pour m’envoyer encore plus de spam.
    FuckFB!

  6. J’ai quitté FB parce que ça devenait insupportable de voir des gens que j’aime sincèrement se vautrer à ce point et avec un tel 1er degré dans le personal branling… et puis j’ai réalisé que je ne valais pas mieux, j’ai vomi et je me suis enfui.

    J’y suis retourné il y a quelques semaines (pour vérifier comme un bon gros pigeon que mes messages privés de 2009 n’étaient pas étalés sur mon mur) (le chantage aux sordides secrets et autres misérables trahisons se confirme comme un moyen de pression diablement efficace…). Bizarrement, j’ai trouvé pas désagréable de prendre quelques nouvelles de personnes pour qui j’ai une vague affection mais qui ne m’inspirent aucune envie de décrocher mon tel.

    Bref, avec le temps j’ai un peu nuancé mon opinion sur l’objet (la vieillesse, sûrement…)

  7. Je partage cette opinion, même si… j’ai encore un FB (pas sous mon nom, ni sous un pseudo connu) qui me permet d’avoir le feed-back des activité de certaines asso et de certains artistes.

    Trop peu de temps à passer sur le toile, surtout en ce moment.
    FB est un gouffre à cerveaux.
    J’en ai connu qui le gardaient tout le temps ouvert de leur réveil (devant l’ordi) au boulot, en voiture, jusqu’au coucher.
    Jamais déconnectés.
    Schyzo jusqu’à regarder un film le phone d’une main, le portable posé sur la table basse de l’autre. Dialogues ?
    ponctués de rires en réactions aux SMS, au tapotage frénétique cassé en deux pour atteindre le clavier de l’ordi et de temps en temps, une vrai conversation… au téléphone.
    Sous techno-perf en permanence.

    A les croire, couper leur lien avec FB leur procurait une insupportable sensation d’étouffer.

    allez hop ! En cure de désintox en terre de feu pour trois mois !
    Et sans I-Phone hein !

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