Véronique Sanson

Le seul truc qui te reste, c’est l’amour. C’est bête. Quand tu es devant la haine, quand tu ne sais plus, quand tu visites un blessé, quand tu réconfortes un ami, quand tu as peur, quand tu oublies, la seule chose qui te reste, comme un réflexe, c’est aimer. Tu tiens une main, tu fermes les yeux, tu absorbes la douleur de l’autre dans ton ventre, tu l’enroules et tu la planques, et tu aimes, en silence, sans rien dire, en contrôlant le bruit de ta respiration, tu aimes en soleil, en rayons, tu aimes parce que tu ne sais plus quoi dire, qu’il n’y a rien à dire. C’est le même sentiment qui tu prends par surprise quand tu te retrouves en train de faire du bien par hasard, quand par erreur tu passes vraiment un bon moment, quand rien n’était prévu mais que tout se passe à merveille, ton coeur se détache de sa cage pour exister autrement, il cesse de battre pour brûler, il se consume, il se rappelle, et tu aimes. Je me souhaite d’aimer fort, de voir le bien dans les autres toujours, de me laisser avoir encore longtemps par les faux semblants et les mensonges, je me souhaite de croire toujours l’autre, de prendre sa parole comme elle vient, sans essayer de la juger, je me souhaite d’aimer au premier coup d’oeil, sans peur. Je me souhaite d’avoir la force d’aimer les laids et les abîmés, les menteurs et les biscornus, je me souhaite le courage de m’aimer, dans les pires angles du miroir, je me souhaite de l’amour, celui des autres, en pagaille. Je me souhaite de ne jamais oublier qu’il suffit d’un silence pour aimer, d’un mot pour être en empathie, je me souhaite de ne jamais connaître l’aigreur et la sécheresse, je me souhaite mystique, remplie d’amour, transpercée.

Je me souhaite de ne plus avoir peur de ne pas être aimée. Je me souhaite de voir dans l’autre ce qui se cache de meilleur. Je me souhaite de lire seulement les jolies choses, et d’être assez remplie d’amour pour ne plus craindre les mauvaises. Je me souhaite des rages amoureuses, des trances extatiques, je me souhaite d’être transportée de tout mon poids, de toutes mes craintes, de tout mon orgueil et de tous mes défauts, je veux être balayée par quelque chose de plus grand que moi, de plus imposant, de plus énorme. Je me souhaite le divin, dans ma vie quotidienne et dans les actes posés par ceux qui m’entourent, je me souhaite d’être bête, abrutie devant sa force, je me souhaite d’être humiliée d’amour, renversée. Je souhaite être capable d’être le miroir noble de l’amour qu’on me porte, je souhaite être bonne, comme on l’est sans tricher, être bonne dans mes regards et dans mes paroles. Je me souhaite d’être soudée d’amour à chaque articulation de mon corps, écartelée. C’est là, à l’intérieur, tout cet amour que je donne, que j’ai à donner, je voudrais qu’il porte plus que ma voix aigüe, plus que mes agitations désarticulées, je voudrais donner de l’amour comme on gueule dans une pièce vide, qu’il se heurte aux murs pour rebondir plus vite, bombarder l’autre, irradié. Je me souhaite d’être assez sure de moi pour être humble, sans devoir faire de discours, sans devoir hurler, sans chercher le bon mot toujours, sans faire rire de peur d’être sinistre, je voudrais que mon amour soit muet et gigantesque, discret et omniprésent. Je voudrais écrire tout cela sans avoir peur d’être jugée, d’être ridiculisée, parce que l’amour est idiot, parce que je lui prête moins bien de jolis mots, parce qu’il est niais, parce qu’il est sans défense. Je me souhaite de l’amour.

6 réflexions sur « Véronique Sanson »

  1. J’ai bien fait de passer par là ce matin
    Venir ici mets un peu de lumière dans mes errances

    Ça fait du bien!!!

  2. Ca me rappelle un poème de Jean Ristat… En mieux, bien sûr.

    « Je nous souhaite d’aimer,
    Je nous souhaite la folie de croire
    que le monde peut être transformé,
    c’est-à-dire plus juste et plus fraternel.

    Mais c’est en nous
    que la flamme doit être ranimée.
    Osons !

    Je nous souhaite la vigilance
    au milieu de la nuit
    et la force de rêver.

    Et la clarté des étoiles
    nous paraît encore lointaine,
    je demande la force du souffle
    qui conduit le coureur épuisé
    à transmettre à d’autres le flambeau.

    Peu importe si, parfois,
    le genou fléchit et le cœur se serre.
    Le feu est dans le ciel noir
    où nous ranimerons notre vaillance.
    Le feu est en chacun de nous
    comme un miroir
    où nous nous reconnaissons
    homme parmi les hommes. »

  3. Merci. C’est simplement magnifique.
    Je me souhaite la même chose, sans savoir le dire aussi bien.

  4. Je l’avais partagé il y a quelque temps, ce post, et là du coup je le relis et il me (re)fait du bien. Merci !

  5. Je ne sais pas si je dois t’en vouloir ou te remercier, mais ton texte me fait beaucoup pleurer (et je suis pas une tapette..).
    Merci !
    Et sache qu’on te lit en Nouvelle-Calédonie.
    <3

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