#safedanslarue

Un mec dans la rue me traite de grosse relou et de grosse conne parce qu’il est en double file devant un bateau, et que j’aimerais descendre du trottoir, je suis en scooter. Je lui demande de répéter. Il répète. Il m’insulte. Je l’emmerde. Il m’emmerde. Je monte en pression. Il m’insulte. Je descends de mon scooter. J’enlève mon casque. Je me plante devant lui. Répète. Répète ce que tu viens de dire. Il me pousse et m’envoie valser quelques mètres plus loin. Je ne suis pas une petite chose légère. Il m’a vraiment poussé. Je reviens me planter devant lui. Il tend les mains vers mon cou. Il serre et me fait reculer en me poussant par le même temps. Il m’étrangle, quelques secondes. Je suis sonnée. Par la violence de tout cela bien plus que par une douleur physique. Je lui dis que j’appelle la police. Il s’en fout. Il se casse. Il va déjeuner. Il se fout de ma gueule. Je bouge mon scooter au coin de la rue pour ne pas gêner. J’appelle la police. La police ne viendra pas. Je guette le mec. Il retrouve un ami, juste au coin. Il me montre du doigt. Il est mort de rire. Il me crie de me barrer. Je lui dis que j’attends la police. J’entends une sirène, je tourne la tête. Ce n’est pas la police. Je me retourne, le mec s’est barré.

Je porte plainte. Je suis secouée. J’ai la plaque de la voiture. La flic qui me reçoit dit que ce n’est pas grave. Que c’est pas bien grave quand même. Je raconte. Les mots, les mains sur mon cou, les insultes. Je raconte mes insultes aussi. Je dis tout. Mais pourquoi vous vous êtes énervée aussi ? Pourquoi vous avez répondu ? Je ne sais pas. Parce que je ne supporte pas qu’on m’insulte gratuitement. Parce que je supporte plus. Parce que c’est mon droit de ne pas le supporter ? Elle me propose un médecin, mais elle n’est pas officier, donc elle ne peut pas me donner le rendez-vous, il faudrait changer d’arrondissement et prendre rendez-vous, ca a l’air tellement compliqué que je laisse tomber. J’appelle ma mère, qu’elle vienne me chercher. Elle pense que je me suis fait arrêter à une manif. Elle ne s’attend pas à mon air défait. J’ai les nerfs qui lâchent. Je pleure. Je rentre chez moi. J’attends. Je suis convoquée pour la confrontation. Je me retrouve assise dans un petit bureau, avec le mec qui m’a étranglé. La flic lit ma déposition. Non, je ne veux rien changer. Elle lit la sienne. Je suis une racaille en surpoids qui l’a agressé car j’avais la flemme de faire le tour plutôt que d’éviter sa voiture mal garée. Je suis une personne aigrie qui répond aux insultes alors que j’aurais pu me taire. C’est incompréhensible pour lui. Oui, il m’a bien touché, mais pas à la gorge, qu’il dit. Au visage et aux épaules. Pour se défendre. Parce qu’il a peur de mon apparence monstrueuse. C’est marqué. Sur la déposition. Marqué. Silence. La flic s’attend à ce que je m’énerve. Vous ne vous énervez pas, qu’elle me demande. Non. Je ne dis rien. Et vous monsieur vous ne dites rien, qu’elle demande. Non rien. Ah super je vais finir plus tôt ce soir, elle nous fait signer un papier. Je descends l’escalier du commissariat, j’entends les pas du mec derrière moi. Je suis aussi humilié par cette déposition que par l’agression. Ca part au proc, elle a dit ca, la flic. Ca suit son cours.

Fallait pas répondre. Fallait que j’accepte de me faire insulter par le mec mal garé. C’est ce que je me dis. Fallait pas descendre du scooter, ca fait menaçant. Fallait pas être monstrueuse. Fallait pas. J’en sais rien. Maintenant je ne sais pas. Ce qu’il faut faire quand on te crache dessus pour rien, ce qu’il faut faire quand on insulte ta mère ou ton chien. Je ne sais plus. Je suis sure que ma plainte ne donnera rien. Quasi sure. Il me reste ce truc amer seulement, celui d’être le monstre. Je n’aurai pas réparation. J’ai juste ce truc, dans la rue, qui m’est arrivé, en plein jour, pour un trottoir, pour une insulte rendue, un mec qui a pensé normal de porter ses mains sur mon cou et de serrer. Et qui n’en démordra  pas. Qui est sur de lui. Qui me dit qu’il vient de Neuilly lui. Qu’il ne se bat pas. Qu’il n’est pas comme ca. Et moi je suis quoi ? Dans quel monde, pourquoi, au nom de quoi, est ce que je dois accepter de me faire insulter ? Dans quel monde, pourquoi, au nom de quoi, dois je accepter de baisser les yeux devant celui qui m’agresse verbalement ? Je ne sais pas. Je sais que répondre, ca ne marche pas.

22 réflexions sur « #safedanslarue »

  1. J’ai tendance à penser que moins on répond, plus ce genre de personnes se sent dans l’impunité. Et donc qu’il faut, comme tu l’as fait, ne pas baisser le regard, voire répondre.
    Maintenant dans la pratique, les idéaux se paient parfois très chers au niveau individuels malheureusement.
    Et le pire c’est ce manque de soutien des institutions. Le problème serait réglé si derrière ça suivait. Si ceux qui sont censés défendre les citoyens faisaient leur job.
    Quel est l’intérêt d’un gouvernement autrement ?

  2. Bravo pour ton courage! Bravo d’avoir tenu bon! Bravo d’être dessendue de ton scooter, de ne pas lui avoir céder un pouce de terrain. Bravo d’être aller jusqu’au bout, de ne pas avoir abandonner! Tu es magnifique de courage et de tenacité, c’est un vrai exemple pour toutes celles qui baissent la tête sous les insultes, qui font exactement ce que la société attend d’elles. Tu formidable et tu ne dois surtout pas donner d’importance à ses mots, ils reflètent le petit esprit triste et moche d’un type banal qui n’a pas l’habitude qu’on ne s’écrase pas devant lui, quand one st une femme!
    Mais oui ta colère est légitime, contre cet homme d’abord, puis contre nos institutions, si bêtement kafkaienne et dépourvue de la moindre empathie, de la moindre conscience de la valeur des choses.

    Esperont que le procureur fasse son travail correctement, simplement correctement! Tiens nous au courant!! 🙂

  3. La légitimité de ton action ? évidente.
    La légitimité de ta réaction ? évidente.
    Je « comprends » (sans l’avoir subie) ta douleur.

    Mais la question « alors que fait la police » ? est hélas n’est pas à mettre au même plan.
    Dansl’idéal, effectivement, l’institution aurait réagi.
    En pratique, vu le nombre d’infractions, vu le peu de moyens, la police « priorise » (angliscisme). C’est un fait. Ni une justification de leur attitude, ni une accusation.
    (cf. syndicats policiers qui se plaignent du manque de moyens…).
    On pourrait alors accuser le politique, qui lui, met en place une « politique judiciaire »…(avec beaucoup de démagogie).
    A l’heure, d’ailleurs, où certains se targuent de brandir le drapeau de l’égalité fille/garçon, ….et font/ont fait des campagnes publicitaires de lutte contre les violences exercées à l’ encontre des femmes.

    La question est donc sociologique.
    Et la responsabilité : individuelle.

    Car ce que tu soulèves dans ce cas d’agression, c’est la violence exercée contre les femmes dans nos sociétés. Violence que tu as souvent relevée dans tes posts sur ce blog.

    Donc, je le redis : ton action était légitime, ta réaction légitime.
    Tu as AGIS. Comme tu agis ici sur ce blog.
    Ce qui je me doute adoucit que peu ta douleur et ton incompréhension après cette agression.

    Take care !

  4. Je trouve également que tu as raison d’avoir répondu et de ne pas t’être laissée faire.
    Ce mec se croit permis de réagir comme il le fait car d’habitude personne n’ose se mettre en travers de lui.

    J’espère sincèrement que ta plainte sera traitée.

  5. J’attend que cet événement se reproduise d’ici 2 ou 3 ans avec une legere variante :
    Des google glass

  6. Bravo à toi d’avoir porté plainte, en pensant donc quand même un peu que si, c’était grave, et que cet homme n’était certainement pas dans son bon droit. C’est seulement depuis que je lis beaucoup de choses sur le féminisme sur le net, depuis que je m’instruis grâce à des comptes twitter ou des blogs comme le tien (merci !), que je me rends compte qu’en effet, je ne me suis jamais sentie en sécurité dans la rue.
    Avant ça, j’avais intériorisé le fait que ça devait être normal, c’était comme ça. Les femmes ne sont pas en sécurité dans la rue, et ça doit être parce que, bon, elles sont plus faibles, hein, sans doute. Alors j’avais peur, je marchais vite, je tenais bien mon sac, je baissais les yeux, je fuyais, mais ça devait être normal. Maintenant je fais encore tout ça, mais ce qui a changé, c’est que je ressens aussi de la colère face à cette injustice.

  7. Bravo sista! Tu as bien fait.
    Ce mec est un Tarzan des rues, qu’il s’étrangle avec sa liane. Amen.

  8. Ce n’est pas que contre les femmes, cette violence, c’est la violence contre les gens civilisés, la violence quotidienne de l’incivilité qui se drape dans l’arrogance.

    C’est le règne de la violence, celle qui sert de justification. C’est la seule forme d’existence que d’emmerder le monde pour son petit plaisir, pour faire le caïd, c’est la seule forme de revanche des mâles abrutis, désorientés, déboussolés parce qu’ils ne servent plus à rien, parce qu’ils sont tellement bêtes qu’on peut les remplacer par des machines.
    Ils feront tout pour ramener au pouvoir des systèmes ancestraux, où leurs muscles et leur connerie permettaient au moins qu’on les utilise à quelques tâches où ça les fatigue un peu et où ils ont l’impression de servir à quelque chose.

    Ces systèmes dans lesquels on est encore le chef, où l’on garde les cours d’école, mitraillette à la main, comme dans d’autres pays, où ces hordes de connards font régner la misère par la terreur, parce qu’ils ont toujours l’âge mental d’un écolier.

    La connerie masculine tue beaucoup plus que la plupart des maladies, et c’est le grand facteur d’arriération de la race humaine.

  9. Point de vue de la police: pas de preuve autre que celle des deux protagonistes, donc pas de traces. Testis unus testis nullus.
    Je pense que la fliquette était bien emmerdée pour toi, mais qu’elle savait que ça ne passerait pas. Elle te disait de ne pas t’énerver, parce qu’elle avait peur que devant le culot de ton adversaire, tu lui en colle une. Sauf que là ça aurait été devant elle, flic, témoin assermenté donc, et elle aurait été obligée de témoigner contre toi. Et de victime tu devenais coupable.
    Le seul élément probable de ton action, c’est que ta plainte a été enregistrée, et que ton adversaire (comme toi) êtes maintenant dans un fichier. Que si ton adversaire recommence, et que la victime, comme toi, a le cran de porter plainte, le précédent incitera le juge a le regarder d’un autre oeil. C’est le genre de précédent qui fait pencher vers la condamnation le juge: « l’accusé a tendance à se comporter de manière violente comme l’atteste le témoignage de madame Dariamarx en date du… ».
    Donc je pense que tu as bien fait, que tu as eu du cran, bravo!
    Et même si ça fait mal de se dire que le type en est sorti bien fier, dis-toi que lui aussi ça l’a bien emmerdé de se faire convoquer au commissariat, qu’il ne pensait pas qu’insulter et prendre à la gorge « une grosse relou [doublée d’une] grosse conne » ça lui vaudrait d’être obligé d’aller témoigner devant un flic au moment où il aurait pu être a se boire un cocktail allongé sur son canapé. Peut-être même que la prochaine fois qu’il insultera quelqu’un, il se dira que s’excuser/ se barrer ça vaut mieux que se faire chier à risquer que « la relou » le convoque au poste. Même si sur le coup il a fait le fier devant ses potes et les flics, parce qu’on ne s’abaisse pas devant une nana quand on est une paire de couilles sur pattes.
    En un sens Daria, tu as contribué à améliorer la sécurité des nanas de ton bled. Bravo et continue 🙂

  10. C’est parole contre parole mais plainte après plainte, l’agresseur ne pourra plus utiliser sa bonne foi. Dans mon quartier, les habitants ont reussi à faire tomber des flucs ripoux comme ça. Ce type d’aggression est certes « moins » grave que d’autres mais cela participe à la strategie de la vitre cassee…les gens sont oppresses et se sentent plus agresses avec les augmentations des incivilites et des agressions mineurs (selon la loi) auxquelles les policiers répondent en haussant les epaules et en essayant d’empecher la plainte. Pourtant ce sont ces actes qui marquent la population lambda pas le grand banditisme cache..

  11. Salut Daria , juste un petit mot de soutien d’une lectrice régulière, tu as eu raison de ne pas te laisser injurier sans répliquer et de porter plainte, j’espère que la plainte va aboutir. Take care, bises.

  12. Bonjour,

    Si vous n’aviez pas réagi, vous vous en seriez voulu. Vous n’avez donc à mon sens aucun regret à avoir.

  13. La méchanceté, la bêtise , malheureusement, c est incurable. Tu as bien fait de lui répondre, tu t en serais voulu si tu ne l’avais pas fait . J espère que ta plainte aboutira.

  14. Une bombe lacrymo un bon coup de pied dans les couilles et crois moi c’est LUI qui aurait baissé les yeux!C’est grave a dire mais les flics ne font rien,repartent la queue entre les jambes quand ils entrent dans les cités chaudes mais par contre se permettent ce genre de reflexion face a une femme victime de violences!NO PASARAN maintenant on combat nous mêmes ou sinon on se fait bouffer!Courage!!!

  15. Si on ne dit rien, ces violences continuent. Alors autant ouvrir sa gueule, faire comprendre que ce n’est pas ok de faire ce genre de conneries. Ton histoire est dure mais elle inspire. Malgré la haine qui reste dans la gorge, la souffrance de ne pas être reconnue par la police, il faut le faire. Hurler sa douleur à la gueule des gens, défier leur regard quand ils disent que « ce n’est pas grave ». Tu t’es défendue, tu as ouvert ta gueule et ça, c’est le plus important.
    Tu as tellement de courage. A l’avenir moi aussi je réagirai.Un jour viendra ou on gueulera trop fort pour être ignorées. De toute façon si on ne fait rien, c’est clair que rien ne changera. Je préfère essayer, malgrè les conséquences sur ma personne.

  16. Bravo d’avoir réagi, et de ne pas t’être énervée devant la fliquette, ce que ce porc attendait sans doute. C’est en réagissant qu’on fera bouger les choses, à la longue. Et merci pour ce blog.

  17. T’as tellement eu raison que j’aurais aimé être là pour frapper ce genre d’imbécile avec toi. Aucune honte à avoir, que de la fierté. C’est rageant de voir tous ces idiots s’en sortir avec rien, et nous les blessées, nous prendre milles remarques parce qu’on a riposté. Tu les emmerdes, on les emmerde, c’est toi qui a raison

  18. La violence est l’apanage des médiocres.

    Courage.

    Bravo pour votre repartie.

    Une seule remarque : scooter et vélo, c’est sur la route, pas sur le trottoir.

    La policière aurait pu vous verbaliser pour ça.

  19. Et pendant ce temps, des victimes de meurtre, des enfants orphelins attendent que ce policier s’occupe de leur cas.
    Et 200 morts/jours dans des guerres attendent de pouvoir être vengés.
    Mais t’a raison, y a plus urgent : un mec qui veut pas déplacer sa voiture pour que tu puisses passer.
    Très beau combat que tu mènes là. Continue : t’auras une statue à ta mort au royaume du superficiel peuplé par ceux qui applaudissent ici ( y a du monde visiblement)

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