2 semaines

Ma chérie, aujourd’hui je te serre dans mes bras, il y a quelques jours encore, je te croyais partie, vers le grand voyage des gentils qui partent trop tôt, de celui dont on ne revient pas. Alors tu pouvais dire ce que tu voulais, que tu regarderais toujours derrière mon épaule pour me surveiller, même de là haut, que tu serais toujours là, que tu m’aimais, moi je m’en foutais pas mal. Moi ce que je voulais c’était t’attraper et te retenir, te contenir de mes bras trop petits et te serrer tout fort, te retrouver pour t’étouffer de mon amour, tu voulais mourir, d’accord, mais pas comme ca, pas toute seule, pas sans moi. Et moi je ne veux pas mourir, pas du tout, même pas un petit peu les soirs de pluie, plus du tout, alors t’es obligée de rester, c’est comme ca, pas le choix. C’était difficile de te priver de la liberté de t’en aller. C’était difficile de savoir que tu allais être prise en charge par des étrangers, qui ne connaissent pas tes manies et tes envies, qui te traiteraient comme quelqu’un de plus dans un service, qui ne comprendraient pas la chance qu’ils avaient de s’occupe de toi, de pouvoir te voir, te parler, te chérir. C’était difficile de m’avouer que je ne savais plus t’aider. Que tout ce que je pouvais faire ne suffisait pas. Je suis désolée. Je me refais le film de cette journée, je me demande ce qu’il faudrait faire, ce que j’aurai du dire. Je ne peux plus relire nos échanges, je voudrais les effacer, ca viendra. Il faut que je passe à autre chose. Il faut que j’arrête d’avoir peur pour toi.

Ma chérie, ma soeur, mon sang, mes yeux. Tu as pris le temps pour m’apprivoiser. Tu m’as acceptée. Toute entière. Quand j’allais mal. Quand je ne sortais pas de chez moi. Quand le moindre pas dehors m’était impossible. Tu as pris ma main dans la tienne et tu ne l’as pas lâchée. A toi je peux tout dire. A toi, je n’ai presque plus besoin de parler. Tu sais mes angoisses, mes douleurs. Tu sais quand je me cache et quand j’en fais trop. Tu me décodes, tu me protéges, tu m’enveloppes. Tu as su voir en moi ce que je croyais mort. Tu m’as aidé à revivre. Ma confiance en toi est immense, ma loyauté presque stupide. Ni toi ni moi ne sommes parfaites, mais nous nous complétons, tu es liée à moi du dedans, les racines sont profondes, juste sous le coeur, elles passent entre les côtes pour appuyer dans le tendre. J’apprends à vivre sans toi. Sans tout te raconter de la moindre minute. Je n’ai plus personne à prévenir quand je vais chier. C’est un drame. Non. C’est juste triste sans toi. C’est juste nul. C’est juste moins drôle. Je sais que je te manque aussi. Tout ca je ne te le dis pas. Parce que c’est déja assez égoïste comme ca de le penser. Parce que tu as autre chose à foutre que de m’entendre me plaindre de ton absence. Pardonne moi de penser à moi. C’est juste que je ne sais pas quoi faire de plus pour toi. Alors j’occupe la place, en attendant. Je t’attends fort. Tout le temps. Je pense à toi.

Tu sais, si tu étais partie, j’aurai continué à t’aimer. Ca aurait été un drame. Vraiment. Je ne sais pas comment j’aurai fait. Pour gérer. Faire le deuil. Avancer. Mais j’aurai continué à t’aimer. Je ne t’en aurai pas voulu. Bien sur j’aurai été en colère, un peu. Quand même. Pour faire bien. Je t’aime de manière inconditionelle. Je te préfère juste vivante. Ca te va mieux. C’est plus gai. Je te préfère surtout heureuse. Pas masquée dans ton sourire d’à peu près. Vraiment bien, sereine, pleine de fougue, de conneries, de projets. Et je sens que t’es là, je sens ta force derrière tes yeux, je sens l’envie qui revient, même avec tes béquilles et tes doutes, avec les mauvais jours. T’es pas partie. T’es pas morte. T’es vivante là derrière. Juste secouée, déracinée. Prends le temps qu’il faudra, arme toi contre la vie dégueulasse et les gens toujours méchants, cale toi bien dans tes pompes, dors, rêve, fais le tri, oublie. Fais attention à toi, c’est ton rôle maintenant, laisse tomber les soucis des autres, arrête de nous porter. Y’a que toi qui compte là. On est tous tournés vers toi, on t’envoie nos bonnes ondes, notre amour, notre foi, on t’offre nos sourires, nos rires, tout ce qu’on fait, tout ce qu’on voit pendant que t’es pas là. On grattera longtemps derrière la porte en attendant qu’elle s’ouvre en grand, ne t’inquiète pas. On est ta famille, recomposée, déglinguée, bizarre, et t’es la notre, pas de pièce rapportée, la vraie. Reviens quand tu voudras.

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