Re, Rémy

Salut Rémy,

C’est Daria, tu sais, enfin non tu sais pas, Disons que je suis une personne avec des seins et un vagin, que je me déplace dans l’espace public et que j’ai le droit à la parole, un peu mais pas trop. Y’avait ton pote Guillaume PLEY qui s’amusait à rouler des pelles de force à des nanas dans la rue, par la force ou par la surprise, y’avait tout plein de Youtoubeurs américains qui s’improvisaient guides en séduction et qui mettaient en branle toute une rhétorique de la manipulation pour niquer. Ok. Et puis y’a toi, le mec qui se déguise en chien pour mimer des positions sexuelles. T’as gagné. Tu peux monter sur ton petit podium en forme de teub, t’as la place numéro 3, juste sur la couille droite, on va te poser une couronnes de cols de l’utérus séchés sur les oreilles, t’es le César de la misogynie, l’empereur de la culture du viol. T’aime pas hein, cette expression. Culture du viol. Ca te fait bien chier qu’on puisse parler de viol, de violeurs, d’agressions sexuelles, alors que toi, pauvre mec, tu fais ca pour rigoler. Tu fais ca pour faire rigoler. Tu fais rigoler avec l’idée qu’on saute sur une personne en public pour lui imposer un acte sexuel. Tu peux bien te déguiser en chien ou en licorne tu sais. Tu fais rigoler avec l’idée du viol. Ca te dérange pas. C’est pas la première fois que tu te sers de ce ressort comique. Se frotter à des inconnu-es, par surprise, se filmer en train de pénétrer leur intimité, c’est facile, ca marche bien, des dizaines de milliers de vues pour le courageux Rémy, le Flash Gordon des roupettes, pas vu pas pris, qu’est ce qu’on se marre putain.

Moi j’ai perdu espoir. Je sais que tu ne changeras pas. Pas d’épiphanie glorieuse et féministe pour Rémy Gaillard. Pas d’auréole de repentance. Non, tu vas rester un connard, je suis à l’aise avec ce concept. Parce que tu n’as aucun intérêt à changer. Ce que tu fais, ce que tu mets en scène, ça fonctionne. Tu gagnes même ta vie avec l’idée qu’il est drôle d’agresser sexuellement des individus dans l’espace public. La société dans la quelle nous vivons, toi le connard misogyne, moi la féministe, cet espace que nous partageons, va dans ton sens. Les personnes socialement reconnues comme des femmes sont des objets. Tu la connais l’histoire. Je vais pas te refaire le coup de l’inégalité des salaires, de l’éducation genrée, du nombre de décès de femmes battues, de la contraception masculine, du plafond de verre… Je vais faire taire mes belles velléités de pédagogie, je vais arrêter de prêcher dans le désert. Tu t’en fous. Tu fais toi, comme disent les ricains. Ta gueule, ta tune, ton succès. Et tant pis s’il faut enfoncer les portes de stéréotypes meurtriers pour y arriver. Tant pis si tu perpétues l’idée qu’un vagin est objet pénétrable sans autorisation préalable. Tant pis pour les adolescents, les adultes mêmes, qui trouveront fort à propos de faire une Rémy GAILLARD en se frottant contre leurs amies, leurs sœurs, leurs collègues. Tant pis pour toutes celles qui ont senti un jour un pénis dur et étranger venir se frotter puis éclabousser le tissu de leurs pantalons, de leurs jupes dans les transports en communs et qui ressentent de la honte, de la colère, de la peur. Tant pis pour celles qui ont été pénétrées par un sexe masculin alors qu’elles n’étaient pas consentantes, par surprise, par emprise, par manipulation, par peur panique de crever. Tant pis pour les victimes des tournantes de Fontenay, tant pis pour mon amie au périnée déchiré par son violeur. Tu t’en fous Rémy. Et tu veux pas qu’on t’explique. Tu veux pas entendre. Tu veux juste faire des vues sur Youtube. Ok.

Je vais juste te dire ceci, Rémy. Si un de tes petits cons, si un de te disciples vient à se frotter, vient à agresser, vient à reproduire ton comportement demain, déguisé en nain de jardin ou en cosmonaute, ne t’étonne pas des conséquences. Ne t’étonne pas des lames, des objets de défense, des gazeuses, des poings, des dents, des claques, des larmes, de la stupéfaction, des plaintes. Nous n’avons plus le sens de l’humour. Nous ne l’avons jamais eu. Nous nous laissions faire, nous rions car nous n’avons pas d’autre choix. Le temps est venu de poser les masques. Le temps est venu de se défendre. Chacune avec ses moyens, chacune avec son arme, nous nous préparons. Nous devenons plus fortes chaque jour, nous apprenons à dire non, à crier NON, à hurler NON. Notre consentement n’est pas à prendre. Notre consentement n’est pas facultatif. Notre envie de répondre grandit. Nos moyens de réponses aussi. Le temps des discussions, des négociations, des jeux de rôles, tout cela cesse, tout cela s’arrête. Nous exigeons le respect. C’est pathétique. Nous en sommes réduites à exiger le respect de nos intégrités physiques dans l’espace public. C’est dramatique. Nous devons, en 2015, réclamer l’égalité de traitement entre hommes et femmes, encore. Nous devons en 2015, répéter, rabâcher, décortiquer les idées brunes des ennemis du genre. Encore. Nous devons, aujourd’hui, dire que nous ne laisserons plus faire. Qu’une par une, nous dirons NON. Aujourd’hui ou demain, chacune selon son rythme. Nous ne voulons plus faire rire de nos trous ouverts à la consommation publique. Nous ne voulons plus que nos organes sexuels soient des fétiches guerriers à afficher. Nous voulons rendre les coups. Nous voulons faire taire. Nous voulons vous obliger à nous respecter, puisqu’il est impossible de vous arracher la moindre évolution volontaire. Alors Rémy continue.

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