Nice 11h06

Nous n’irons pas a New York. Nous n’irons pas aux Maldives. Nous ne mangerons plus de sushis. Nous ne nous appellerons plus. Je ne porterai pas ton enfant. Je ne t’attendrai plus au pied de mon immeuble. Nous ne nous aimerons plus. Tu pars, je reste. Peut être le contraire. Je perds le sens du Nord. Je ne sais plus quoi faire de mon corps. Il est ballant, tout entier, lesté de centaines de bulles de plombs, pustules d’avant, kystes de futurs avortés. Il faudra m’en débarrasser, un à un. Il faudra inciser dans le tendre pour me séparer de toi, pour de bon cette fois. Passer la lame entre deux artères descendre vers le ventre, ouvrir en grand. Laisser sortir les humeurs et les vices, les envies et les bis. Nous n’irons plus, mon amour, c’est ainsi, c’est pour de vrai cette fois, tu me l’as dit.

Nous avons essayé avant, partir, se regarder de loin, lâcher la main de l’autre, sauter dans le grand bain. Nous avons échoué, toujours, liés par le nombril, jumeaux maléfiques. Nous n’irons plus, le cordon se disloque, les chairs sont putrides, il faut s’y résoudre, il faut grandir. Tu me serres mais tu n’es plus la. Je serre les restes, les cendres, le vide. C’est rassurant. Ton odeur reste dans l’air encore quelques minutes, c’est comme si rien n’avait changé. Je me gave des dernières molécules de toi, je voudrais les attraper et les enfermer, un bocal pour ma soif, une boîte secrète pour les jours de manque. Nous n’irons plus, tu as raison, tout cela ne mène à rien, tout cela nous pese et nous fatigue. Bien sur nous nous aimons. Bien sur. Et alors. Nous sommes trop vieux pour nous en satisfaire. Nous sommes trop grands pour nous cacher les yeux derrière nos mains collantes, nous sommes arrivés, terminus, fin de la voie, dehors, plus rien.

Tu pleureras longtemps, en descendant du train. Gare de Lyon, RER, quelques minutes pour te refaire bonne figure. Je me pelotonnerai contre la vitre du taxi. J’essaierai de ne pas t’écrire. Je regarderai mon téléphone en espérant que tu le fasses. Tu ne le feras pas, et tu auras raison. Rien ne me consolera de toi. J’irai mieux bien sur, j’irai bien. Mais ta branche restera cassée, elle ne guérira pas. Je te garde tout mon amour. Je te souhaite d’être en paix. Je voudrais pouvoir t’´imaginer heureux. T’imaginer être à nouveau l’homme que tu étais toutes ces années avant nous. Avant la peur et l’ennui et l’angoisse et la mort et les cris et les ratés et les mensonges et le temps qui ne nous oublie jamais. Sois heureux mon amour, nous n’irons pas ensemble, tu iras avec d’autres, j’irai ailleurs peut être, dès que mes jambes me porteront, promis. Maintenant nous descendons du train et le quai tout au bout nous séparera. J’avance a tous petits pas.

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