Celui qui voulait boire mon lait

Je suis en terrasse, la nuit tombe, il fait encore bon, je suis avec ma meilleure amie, la vie est douce. J’échange quelques regards avec un mec pas trop mal, sans doute calfeutrant une calvitie sous bonnet, il s’en va. Et puis il revient. Se poste à ma hauteur et m’explique qu’il a décidé de vivre sa vie comme une comédie romantique, et qu’il ne veut pas passer à côté d’une belle rencontre, que je suis cette belle rencontre, et qu’il faut qu’on se donne une chance, et pourquoi pas prendre un café et apprendre à se connaître. Ok. Joli. Je donne mon numéro. On échange quelques textos. Il bosse dans la musique, il veut me faire écouter des trucs, passe donc à la maison, euh, non merci, j’ai une petite alarme dans la tête, un café, dehors, d’abord. On prend rendez-vous, il a tellement hâte de me revoir, et moi j’ai hâte de connaître la suite du romcom. Je chausse mes habits de lumière et me pare de mon plus beau trait d’eyeoliner, il faut donner sa chance au produit. On doit se rejoindre sur le parvis de Beaubourg, je trouve ca à moitié joli à moitié nul, ça m’évoque mes rencards d’ado devant le Quick de la place carrée, ok.

On se retrouve, et il me propose d’aller chez lui. Euh. Non. Merci. Il m’explique que c’est vraiment pas loin, qu’on sera bien. Porte des Lilas quoi. Pas loin de Chatelet. Euh. Non non, merci. Un café ou je me casse, le deal est clair, et j’ai déjà envie de me barrer. Il me reproche de pas être très fun, pas très flexible, de ne pas me laisser tenter par l’inconnu. Ca part mal cette histoire, très mal. On finit quand même dans le premier café venu. La discussion s’engage sur le féminisme, il va passer quarante minutes à m’expliquer que les femmes se victimisent, un peu comme les enfants victimes de pédophilie. Parce que l’univers ne nous envoie que la réponse à notre énergie. Et que si notre énergie est négative, on va attirer des choses négatives. Et que donc les femmes, et les enfants abusés, envoient de mauvaises énergies, et se font donc baiser par le karma. Les victimes sont responsables de leur énergie, tu vois. Non. Je ne vois pas. Mon vagin se referme en mode piège à loup, il se dessèche façon morue salée, c’est mort mec, même en levrette avec un sac sur la tête, en imaginant que c’est Seth Rogen, je te laisserai pas m’approcher. Le choix est simple, je me lève et je me casse, ou je mets 10 balles dans la machine pour voir jusqu’où ce mec peut aller. Je pose donc la question qui tue, mais en fait, pourquoi tu m’as abordé ?

J’aurai pas du putain.

En fait, il a un fantasme particulier. Il possède chez lui un tire lait. Et dès qu’il m’a vu, il a imaginé m’harnacher du dit appareil pour stimuler mes glandes mammaires, dans l’espoir fou qu’elles puissent produire du lait. Du faux lait maternel de femme pas enceinte, substance hautement érotique pour lui, qu’il aimerait téter à la source, voire plus si affinités (insérer ici des descriptions graphiques d’actes sexuels charmants mais rendus ignobles par l’ajour de lait materner dans l’équation). La lactation indue, ouais, j’ai lu des trucs là-dessus, je sais que ca fait partie de l’univers fantasmatique de certain-es, pourquoi pas, mais c’est vraiment pas ma came, et surtout pas avec lui, je décline, polie. Il insiste. Il fréquente plusieurs femmes « aux seins nourriciers », il lui arrive de passer des journées entières à se nourrir uniquement de leur « nectar divin », il est sûr que je lui assurerai une production « de grande qualité ». Non, non, non. Au secours. Partir. Heureusement il part pisser. Je jette 5 balles sur la table, je baisse la tête pour récupérer mon casque, il est déjà revenu. Il me gaule en plein départ, ses yeux se voilent. Et il me dit « bon, ok, j’ai bien senti qu’on accrochait sur rien et que je te plaisais pas, mais on peut au moins baiser non ? ». Non.

Make A Wish France – Discrimination psychophobe

C’est l’histoire d’une bénévole dans une grande association à renommée internationale, Make A Wish, l’organisation qui réalise les rêves des enfants malades en leur offrant des voyages, des rencontres avec leurs idoles etc. C’est l’histoire d’une meuf qui va aider cette association pendant une année, sans rien attendre, qui va aller sur le terrain avec les enfants malades, qui va passer ses journées libres à faire de la paperasse dans les bureaux parisiens de l’association. C’est l’histoire de mon amie, qui a du coeur et envie d’en donner à ceux qui en ont besoin, et qui le fait pour rien, juste parce que c’est ce qu’elle croit juste. Au bout de cette année de travail, un poste se libère dans cette association, un petit CDD de remplacement, on lui fait comprendre qu’elle serait la bienvenue, elle postule, et décroche le contrat. Elle se fait accompagner par le Pôle Emploi pour disposer d’un contrat aidé, tout est balisé. Et puis mon amie a un accident de la vie, un truc moche et triste, qui la plonge dans un état dépressif, elle east hospitalisée. Elle culpabilise de faire faux bond à l’association, elle les tient au courant de son état, de son traitement, elle recevra des encouragements de la part de l’équipe. Ce n’est pas grave, ca arrive à tout le monde, voilà ce qu’on lui dit, personne ne t’en veux, reviens quand tu veux.

Alors mon amie se soigne, et elle va mieux, et elle reprend contact avec l’association. Un remplacement de congés maternité s’ouvre bientôt, on lui en parle naturellement, elle connait le travail, elle connait l’équipe, elle a déja passé avec brio un entretien, ca semble bien parti. Elle rencontre la personne à remplacer chez elle, dans le cadre privé, elle est rassurée, personne ne lui en veut d’avoir été malade, le passé c’est le passé. Elle postule, officiellement, elle passe des coups de fil, tout le monde est enthousiaste, on étudie avec plaisir sa candidature. Elle attend. On lui dit qu’on suspend le recrutement pour le moment. Et puis cet après-midi, coup de fil de la responsable RH. Mon amie ne sera pas reçue en entretien, on ne prendra pas en compte sa candidature. Parce qu’elle est malade mentale. Parce qu’elle est donc peu fiable. Parce qu’on ne peut pas lui faire confiance. Parce que les gens ne se sentent pas à l’aise de travailler avec quelqu’un qui a connu un épisode dépressif. Comme ca, de but en blanc, un coup de fil assassin, pas toi, tu n’es plus digne de notre intêret. Il faut qu’on reprenne à 0, voilà ce qu’on lui dit, tu dois faire les preuves de ton équilibre, tu dois nous montrer que tu vas bien. Mais tu peux quand même travailler pour nous gratuitement, venir bénévolement, on a des urgences d’ailleurs. Mais pour te payer, ah non. On ne paye pas les malades. On en veut pas dans l’équipe.

Je voudrais dire que je suis étonnée, mais je ne le suis pas. C’est la discrimination. C’est de la psychophobie. Réduire quelqu’un à sa maladie mentale, s’en servir contre elle, balayer d’un coup de fil tous les efforts et toutes les compétences d’une personne, à cause d’un accident de la vie. On alimente tranquillement les clichés autour de la maladie mentale. Nous serions, nous les malades, des incompétent-es, des gens peu stables, des menteurs, des resquilleurs, des affabulateurs, comment embaucher quelqu’un de malade ? Nous ne sommes pas des battant-es, de vaillant-es cancéreu-ses qui défient la mort. Nous sommes des malades dont on a peur, et qu’on éloigne des autres. Des gens qui doivent sans cesse faire leurs preuves, prouver qu’ils vont bien. Pourtant un employeur n’est pas psychiatre, n’est pas médecin du travail. Il n’est pas là pour juger de notre ré-adaptation à la société, il n’a pas à juger de notre santé mentale. Il doit évaluer nos compétences pour une tâche donnée, et nos aptitudes à nous adapter à une équipe, à une organisation de travail. Mon amie est en guérison, elle va mieux, tout son entourage médical l’encourage à retrouver du travail. Mais Make A Wish sait mieux qu’eux. Make A Wish France ne s’embarasse pas de lois, de la HALDE, ou d’autres pinettes, l’association se veut « franche et honnête ». On ne travaille pas avec les gens qui ont subi une maladie mentale. Bam. Mais on veut bien qu’ils viennent faire des photocopies et du café gratos. Ca, ca passe.

Je voulais écrire ceci pour soutenir mon amie. Pour dénoncer la psychophobie. Pour expliquer pourquoi il est encore aujourd’hui difficile d’assumer ouvertement nos maladies mentales, quelques soient leur degrés d’handicap dans nos vies. Parce que des employeurs, des soignants, des proches, des institutions, nous font payer le prix de nos défaillances chimiques. Parce que qu’un schizophrène est un meurtrier dans tous les titres de la presse. Parce qu’une dépressive est quelqu’un de nocif pour Make A Wish. Parce qu’une bipolaire est ingérable, pas facile à manager dans une entreprise. Nos maladies ne se voient pas, elles ne s’expriment souvent qu’en temps de crise. Nous survivons le reste du temps pourtant. Nous nous battons, contre nous et contre vous. Et nous allons bien, souvent. Nous travaillons, nous contribuons à la société, nous aimons, nous militons, nous vivons. Et vous n’avez pas le droit de nous en empêcher à cause de votre ignorance et de vos préjugés.

Baisable, baisée

Depuis ma trop récente séparation, j’essaie de savoir si je suis encore baisable. C’est pathétique. Je cherche dans les clins d’oeils, dans les pokes, dans les sms quelque chose que je ne trouverai pas. Je creuse la faille de San Andreas de mon ego à chaque fois un peu plus. Au lieu de me rassurer de l’attention circonstanciée des pénis qui me sollicitent, je me sens seule et moche dans mon slip. C’est ca ma vérité du moment. Je ne suis pas une célibattante ou une autre connerie de périphrase inventée par les magazines féminin. Je suis une meuf un peu triste qui cherche à se distraire, mais qui n’y parvient pas. Je suis une meuf un peu assise sur son cul à se demander ce qu’elle fait là. Je prends conscience du violent chemin qui me sépare de moi. De ce qu’il va falloir soulever de montagnes de peine, broyer, digérer, jeter. Je m’aperçois du vide terrible juste à côté de mon gras. Ce vide qui était tout comblé de lui, quand il était là, même mal, même pas. Je tente de m’étourdir, je m’inscris sur un site, je réponds 3 fois, je supprime mon profil. Je swipe droit des abrutis qui taperaient dans une vache morte si ils en avaient l’occasion, un trou avec de la viande morte autour, voilà ce qu’ils me renvoient.

Ca ne me rassure pas de savoir que mon vagin est potentiellement pénétrable par beaucoup. Ca ne me rassure pas de pouvoir baiser quand je veux. Ca ne me plait pas d’être sollicitée pour la taille de de mes seins ou de mon cul. Ca ne me rassure pas qu’on me propose de me rejoindre à 3h du mat pour finir une soirée. Ca ne me fait pas envie non plus, passé le rictus débile de la nana qui pose un trophée sur sa cheminée. Lui, je pourrai l’avoir. Si je voulais. Je pourrai me vanter d’avoir attiré entre mes cuisses ce très beau mec qui ne m’assumerait jamais dehors. Super. Quelle chance vraiment. Que de vide. Quel néant. Je suis cette meuf un peu triste qui sait que des milliers de bites ne la rempliront pas. Que faire bander c’est facile. Ca n’engage à rien. Sans prise de tête en 5 à 7. Je connais le refrain. J’ai pas envie de jouir. Pourtant je vais chercher de l’attention. Pourtant je me laisse draguer, des mots, copier-coller, les mêmes à moi ou à Patula87, discussion automatique, tu fais quoi, t’es d’ou, tu cherches quoi, t’aimes quoi, t’avales. Next. Après quoi on court. Je ne sais pas ce que ca fait de pénétrer une meuf triste un peu vide. Même avec beaucoup de plein autour. Est ce que c’est pareil ? Est ce que sa chatte se serre sur ta queue quand même ? Est ce qu’on se laisse baiser, étoile de mer, penser à autre chose, prier qu’il ne reste pas après, se laver. Pourquoi je cherche à me remplir de vide, pourquoi je n’accepte pas le temps du rien, pourquoi chercher encore à exister dans le regard ou dans les bourses d’un inutile, d’un mec dont je ne saurai rien ? Allumeuse, tu promets, mais tu n’écartes pas, tu dis que tu ne veux pas, mais tu te laisses compter fleurette, sale garce vide et moche, qu’est ce que tu cherches ? Je les méprise, ceux qui voudraient se masturber dans mes chairs. Tu crois te taper un quintal de salope chaude comme la braise, tu rentres dans rien, ta queue s’émiette.

Je vais arrêter de me laisser solliciter. Arrêter de faire danser le vide. Je ne suis pas là. Regarde. Je ne suis pas là. Pas là, pas à attraper, pas à soumettre, pas à enculer, pas à doigter, pas à pénétrer. Tu crois que c’est plus facile de baiser de la grosse ? Qu’on s’échappe moins vite ? Le truc c’est d’arrêter de vivre dans son corps. De s’en foutre. Alors attrape moi, enfonce ta bite. Elle ne sera jamais assez longue pour me ramoner le crâne. Size does matter. Désolée. Ca sera le 18eme lapin, ca sera le 67eme correspondant bloqué, ca sera la 4eme experience gonzo-sociologique de la valeur de mon cul sur le marché. Toujours les mêmes cycles, les mêmes sites, les mêmes pseudos stupides, s’inventer une vie pour éviter de se souvenir de la sienne, qui je suis aujourd’hui, qu’est ce que je voudrais être, tout ceci ne compte pas, tout ceci n’a aucune importance. Je n’existe pas et ceux à qui je parle n’existent pas non plus, ils pourraient être des robots, ils pourraient être personne. C’est moi que je cherche dans cet amas de merde. C’est moi que je veux attraper, au milieu de la mort du reste.  Je me tape de la théorie du sexfriend, du PQR, de la relation libre, des codes ou des rites qu’on voudrait m’apprendre, je n’ai pas envie d’être éduquée, je veux rester sotte. En union de prière avec moi même. En totale autarcie sexuelle. Peut-être qu’un jour je rencontrerai quelqu’un de plein, qui n’aura pas besoin de me remplir pour se sentir exister. En attendant, j’arrêter de chercher.