La rentrée

Tiens c’est la rentrée, j’y crois plus qu’au premier janvier, ca recommence pour de vrai, les programmes àla radio, les horaires de piscine et les assos, ca sent la copie double et la ligne 8, tu te prends à dire que ca sera pas pareil, qu’on s’organisera mieux et qu’on fera mieux la vaisselle, t’es encore un peu bronzée, tu refuses de remettre des chaussettes, faudrait accepter les feuilles qui commencent à tomber, l’été se casse si vite que t’as déja la morve au nez. J’ai du mal à m’y remettre, ce septembre, du mal à monter sur la barricade, à m’indigner, à polémiquer, à débattre, à organiser, j’ai du mal à sortir de la torpeur bienveillante de mon climat de vacances, j’ai colmaté ma bulle au béton armé, verrou triple sur les horreurs du monde et surtout sur celles qui pourraient me faire chialer. Pourtant ca se casse la gueule, les belles résolutions de zen, de méditation et de réfléxion, je vois rouge déja, déja envie de casser des burnes à coup de batte, déja envie d’aller menstruer à poil devant l’assemblée, mais ca retombe comme une vieille crèpe molle, comme si j’étais devenue frileuse, comme si je craignais de m’abîmer. Peut-être que c’est l’âge, peut-être que c’est le cerveau mou comme mes fesses, peut-être que j’en ai marre d’en prendre plein la gueule, va savoir. Ce que je vois c’est que c’est septembre et que je peine à faire semblant que c’est juillet.

Faudra y aller pourtant, parce que tout ceci n’est pas supportable, parce que je n’oserai pas me regarder à poil dans le miroir sans celles qui ont gueulé avant moi, parce que j’y crois, parce que je le veux, pour le meilleur et pour le pire, dans la maladie ou dans la santé. Parce que j’ai passé ma journée d’hier à bloquer les commentaires insultants sur les réseaux sociaux, à cause d’une photo, à cause de mon utérus, à cause de mon gras. Parce qu’on a refusé de prescrire une contraception à une copine parce qu’elle était trop grosse pour se faire  baiser. Parce que la société chie à la gueule des gens que j’ai choisi d’aimer. Parce que je voudrais qu’elle soit juste, même pour ceux que je n’ai pas choisi d’aimer. Parce que ca fait partie de mon identité maintenant, que je ne sais plus faire autrement. Il faudra y aller et j’irai, comme on se traîne au premier cours de maths, en oubliant mon manuel et ma calculatrice. Faudra y aller, sans félicitations, sans fleurs ni couronnes, puisque c’est mon plaisir aussi, l’adrénaline, les coups à boire, apprendre, comprendre, avancer, aider. Se jeter dans le tas en sachant déja qu’on va en chier, qu’on va passer par les mêmes doutes et les mêmes cycles, ca ressemble à la définition de l’insanité, mais le reste est tellement joli, je refuse de m’en priver.

J’y vais mais j’ai mis mes genouilleres et mon casque de Derby imaginaire, ma cape d’invisibilité et mon badge Prozac Nation, on m’y reprendra pas. Moins de réseaux sociaux, moins de débats stériles, moins d’agacement systématique, plus d’écoute, plus d’actions concrétes, plus de Gras Politique, plus de yoga pour tousTes, plus de chasse aux fachos et aux empêcheurs d’avorter, plus de fête, plus de convivialité. Plus de temps pour moi aussi, arrêter de courir, prendre le temps de me poser, d’écrire aussi, mais plus long, plus dense, moins me disperser. Je me souhaite tout de même de belles crises de rage, de belles nuits à coller, des cordes à tenir et des coeurs à serrer, je me souhaite des journées pas assez longues, des alliances et des heurts, je me souhaite d’aller là où mon coeur et ma tête s’accordent à désigner comme juste, de sauter dans le train même si c’est long à en crever. Si je ne me bats pas pour moi , personne ne le fera. Alors imagine, si personne ne se bat pour les autres. Etc.

 

3 réflexions sur « La rentrée »

  1. « Si je ne me bats pas pour moi, personne ne le fera. Alors imagine si personne ne se bat pour les autres » …
    Tellement beau, tellement juste, tellement toujours si bien dit. Merci

  2. Bonsoir,

    J’espère que tu ne m’en voudras pas de te tutoyer. On ne se connait pas, mais je me permets quand même cette familiarité.

    Je suis un homme, et j’ai un souci similaire au tien au niveau du poids. Je te comprends, je le pense du moins.

    Mais si le monde et la vie sont loin d’être parfaits, il y a quand même du bon à prendre et plein de choses à faire.

    Alors s’il te plait, vis. Vis !

    A+

    Fredo

  3. Bon texte! Comme d’hab’ 🙂
    Bravo.

    Une remarque:
     » Parce que je voudrais qu’elle soit juste, même pour ceux que je n’ai pas choisi d’aimer. »
    La justice ne s’exige pas. Elle se crée. 🙂

    PS: des trolls insultants sur certains sites sociaux.
    me semble que le premier réseau d’échange social fut créé il y a un bail. Objectif des fondateurs: créer un espace d’échange créatif où le génie le disputerai au génie. Et en effet, les poésies splendides succédaient aux théories philosophiques merveilleuses.

    Un an plus tard, un observateur eu la surprise de constater que l’espace en question était saturé d’insultes et commentaires douteux.
    Quod Quomodo Quid?!
    Simple. Une école de collégiens avait été autoriser à accéder au réseau sans supervision. Les gosses en avaient profiter pour balancer tout ce que leurs parents et leurs profs leur interdisaient de dire.

    Etre poli ça s’apprend, et sur le réseau où tout le monde peut cacher son coté glauque, certains (beaucoup) en profitent.

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