Son nom est Marie

Y’a l’assassin de Marie en couverture des Inrocks. Voilà ce qu’on devrait dire. Pas l’artiste, pas le musicien, pas le poète maudit. Il y a l’homme qui a tué Marie sur le devant de ce magazine branché, et je ne m’explique pas, et je ne comprends pas. Je n’interdis pas à cette personne de vivre. Je comprends qu’il continue à respirer, lui. Il a purgé sa peine. Il n’est pas mort, lui. Il crée, il écrit, il chante, il produit, il pourrait fabriquer des fromages ou distribuer le courrier, il pourrait le faire discrétement, il pourrait nous laisser oublier qu’il a tué. Il n’a pas besoin de payer son loyer, il ne manque pas d’argent, il n’a pas besoin des lumières, il n’a pas besoin que nous achetions ses disques, il pourrait éviter le monde, travailler sous pseudo, écrire pour d’autres, se laisser la liberté de disparaître au monde, il pourrait continuer autrement, il choisit de se montrer. Il choisit la lumière, quand il a donné la mort, quand il a laissé mourir, quand les enfants de Marie se souviennent, quand nous nous souvenons, quand nous refusons d’oublier.

Voilà donc ce qu’on dit de l’incroyable violence subie par Marie. Voilà donc ce que l’on laisse dire des violences faites aux femmes. L’impunité des hommes s’étend donc à la mort. Un homme peut donc abandonner une femme à sa mort, seule dans une chambre d’hotel, après l’avoir frappée, et revenir en couverture papier glacé. Parce qu’il est un artiste. Parce qu’il a berçé nos adolescences. Parce qu’il est un personnage de roman noir. Parce qu’il était sous substances. Il existe une litanie d’excuses pour assassiner les femmes. Pour un diner mal cuit, pour une crise de jalousie, pour un appartement mal rangé, pour un regard, un jupe trop courte ou pour rien, les femmes sont tuées. Et ceux qui portent les coups, ces anonymes éventreurs, les voilà bien vengés, les voilà bien réhabilités, les Inrocks sont là pour toi, pour ton visage en A4, et tes mains bien planquées hors champ, les mains qui frappent, les mains qui tuent, elles sont peut-être trop timides encore. En son nom, dit la Une, au nom de l’homme qui tue, au nom de celui qui revient devant nous pour nous vendre des disques, et son nom, celui de Marie, froid dans le marbre.

Quand cesserons nous de pardonner les hommes ? Quanc cesserons nous de considérer qu’il y a toujours un élement perturbateur, quelque chose qui leur fait pêter les plombs, l’alcool ou la passion ? Combien de mois, combien d’années, avant d’ouvrir les yeux sur un système entier qui tue les femmes ? Des mains des hommes aux mains de ceux qui les mettent à la Une d’un magazine, des mains des policiers qui refusent les plaintes aux mains des médecins qui ne voient pas les bleus,des mains des parents qui encouragent les garçons à se battre et les filles à se cacher, ces milliers de mains qui étranglents des femmes partout, quand cesserons nous de les ignorer ? Et vous les hommes, quand cesserez vous de nier votre responsabilité collective dans les violences faites aux femmes ? Quand finirez vous par prendre votre part de responsabilité ? Cantat, DSK, Baupin, vous n’êtes pas eux, mais si vous ne prenez pas la résolution ferme de lutter contre vos propres comportements sexistes, vous alimentez la bête immonde, vous ajoutez vos mains sur les gorges des femmes, tranquillement, sans même y penser.

Une réflexion sur « Son nom est Marie »

  1. Bien dit. C’est insupportable ! Mais le pire, c’est quand on en parle, choqué, et que la seule chose qu’on nous renvoie à la gueule c’est la cruauté, le jusqu’au boutisme, l’acharnement contre un homme. Bref, tout ce dont il s’est rendu coupable, mais contre une femme donc bon. Je me sens moins seul là, avec ce texte.
    Et j’men fouts que tu t’en foutes parce que je suis un homme.
    cordialement

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