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Donner son corps avant son nom

J’ai mis longtemps à comprendre, j’ai mis trop longtemps, à dissocier le corps et puis l’esprit, à faire la paix avec celui que je porte et celui qui m’emporte, je voulais être juste un corps, pour jouir et puis pour leur montrer, que je suis grosse mais que je me fais baiser, comme toi la fille normée, regarde comme je les fais bander, ce corps que j’ai vomi est maintenant mon arme de destruction massive, je ferme les yeux et je dis oui, presque à n’importe qui, sans réfléchir, les endorphines et l’adrénaline des jeux de séduction font taire tous les principes, j’ai des choses à me prouver, et puis je veux me rattraper, de cette adolescence passée à me répéter que j’allais évoluer, sortir du cocon et devenir enfin normale et désirable, je n’y ai jamais vraiment cru, seulement je ne compte plus les nuits où je m’endormais en priant, qu’en me réveillant tout ca serait passé, que la graisse aurait fondu, qu’enfin on allait me regarder. Je me venge de toutes les humiliations, des pleurs et de mes dents qui se serrent quand je suce un inconnu, comme si la sexualité m’avait redonné un pouvoir, comme si enfin je servais à quelque chose, je voulais placarder mon tableau de chasse dans toutes les rues, je ne comprenais pas, je m’étais perdue, persuadée que la taille de mes seins et mon habilité buccale m’ouvrirait les cœurs les plus fermés, je n’ai ouvert que des portes à 3 heures du matin, des braguettes de losers et de paumés, quand tu fais n’importe quoi, lentement tu attires n’importe qui, tu te réveilles dans un lit étranger, tu te casses sans le réveiller, tu cherches les yeux encore collés le métro le plus proche et tu rentres te laver, te désinfecter, racler sur ta peau les restes de la soirée.

Peu à peu tu oublies comment séduire, persuadée que tous les hommes cherchent uniquement à te baiser, tu leur facilites la tâche, après tout où est le mal, finalement on arrive au même point, quelques minutes de moiteur et de complicité, tu t’en fous de ce qu’il pense, tu ne baises plus, tu te masturbes seulement, contre le corps d’un autre, tu oublies tes manières, tu ne leur offres plus à boire, tu ne leur demandes plus de rester, t’es seule malgré les corps qui passent, malgré la semence qu’ils laissent dans tes draps, t’es seule même quand tu jouis, l’autre n’est qu’un moyen, un outil dans ta course vers rien, je n’ai pas appris à faire les choses à moitié, parfois après qu’il aie passé la porte, je me fais vomir, comme pour expier, la rage et la culpabilité, pour se vider, pour être légère enfin.

(…)

Je ne fais plus la course imaginaire avec les filles plus minces et plus jolies, ma sexualité est plus calme, plus apaisée, c’est même tout le contraire, j’ai du mal à me donner, je recule à chaque fois l’échéance, je fantasme mais je n’agis pas, j’ai envie mais je suis comme marquée, par ces nuits un peu trop sales pour être racontées, par ces corps que je n’arrive pas à oublier, j’ai du mal avec l’équilibre, en anglais la balance, c’est ironique, mi-pute mi-sainte, je ne voudrais pas penser à ces visages flous quand je ferai l’amour la prochaine fois, je voudrais les effacer, les faire disparaitre à jamais, je n’arrive pas à assumer, si je ferme les yeux, ce n’est pas pour ne plus te voir, c’est juste pour ne pas me sentir observée par les fantômes qui squattent dans la chambre,qui comparent et qui murmurent, qui parlent de moi et qui ne me laissent pas.

Le Viol est un Etat d’Esprit ?

Ca me révolte, ca me fait mal au cul, ca me donne envie d’arracher les tripes des avocats et des journalistes, de les attacher et de les faire sodomiser par des centaines de brutes, oui vous comprenez, on ne peut pas parler de viol, cette femme est une prostituée, ca ne compte pas, après tout elle vend son cul contre quelques billets, une bite de plus ou de moins, qu’est ce que ca peut changer. J’imagine le calvaire d’une femme violée qui se présente au poste de police, pour porter plainte, elle est là souillée et traumatisée, mais on lui demande d’abord de décrire sa sexualité, si elle a plus de 20 partenaires chaque année, on considère alors qu’elle ne l’a pas volé, après tout, son vagin est déjà habitué aux pénétrations, une de plus, une de moins, est ce que ca change vraiment l’état distendu de son anatomie, cette nymphomane aura certainement aguiché le passant, bottes et la jupe courte, ce n’est pas la tenue d’une fille bien.

Les prostituées ne se font pas violer, c’est connu, elles sont toujours consentantes, elles ne sont jamais victimes, elles ne sont bonnes qu’à ca, pourquoi s’en inquiéter. C’est encore pire si elle est mineure, si jeune et déjà si vicieuse, comment reprocher à un homme de craquer ? On trouve des circonstances atténuantes aux violeurs des putes, il aura simplement oublié de payer, il se sera laissé importer par le moment et par la luxure de la situation, c’est de la faute de la travailleuse, elle écarte sans doute les cuisses de manière automatique, c’est l’usage dans la profession, une bite de plus dans sa collection, où est le mal finalement ? Les putes disent toujours oui, d’ailleurs une fille qui couche le premier soir est encore cataloguée comme pute par des organismes mono-neuronés, alors pourquoi poser la question, pourquoi s’inquiéter de son consentement, les hommes prennent et jettent, la pute n’a qu’à se taire.

C’est étonnant, que NON soit difficile à comprendre. Il ne me viendrait pas à l’idée de voler le portefeuille d’un ami, parce qu’il est bourré ou parce qu’il s’est endormi dans mon salon, il ne me viendrait pas à l’idée de toucher avec envie les cuisses d’un jeune homme parce que je me retrouve seule avec lui dans un wagon, je ne vole pas de baisers aux inconnus qui dansent sous influence, je ne frappe que rarement les hommes, et surtout pas pour les faire bander, ca doit être masculin, ce besoin de posséder, de prendre une femme contre son gré, qu’elle soit pute ou sainte, maman ou encore enfant, quelle est la valeur de notre parole contre le désir des hommes ? Pourquoi le viol serait il circonstanciel ? On viole sa femme, on viole sa maîtresse, on viole une prostituée, il suffit pour cela de lui faire subir une sexualité contre son gré, c’est aussi simple que cela, ca ne demande ni enquête de moralité de la victime, ni discussion sur la valeur symbolique de la pénétration par un objet, violer c’est prendre, c’est voler, c’est nier, tapin ou femme rangée, c’est la violence d’un homme qui se force au dessus de vous, qui maintient vos jambes et qui vous oblige à ouvrir la bouche comme on force un chien à avaler.

Arrache

Déshabille moi. Enlève mes vêtements, très vite, sans me laisser le temps de respirer, creuse dans ma chair et découpe la, rend moi esclave, attache moi, ronge mes ongles, mange mes lèvres, avale moi, dis moi de me pencher, ordonne moi de te regarder, serre mes mains dans les tiennes, tire mes cheveux, embrasse moi, je ne veux plus penser, je veux m’abandonner, me concentrer sur ta respiration, quand mes yeux sont bandés et tu es derrière moi, quand je devine à peine où tu guides mes pas, rien n’existe plus que tes mains et ta voix.

Plus besoin de respirer, je t’appartiens, je n’existe pas, tu le fais pour moi, tu expires le long de mes hanches et je sens l’air se charger, de tendresse, de sexe, de perversité, ta bouche frôle mes cuisses et se perd, tu me respires et tu m’aspires, tu es à genoux mais tu maîtrises tout, d’un souffle tu peux tout arrêter, l’instant ne tient qu’à toi, au rythme lent de ta poitrine qui se soulève, à ta bouche qui continue d’avancer, mes jambes qui s’écartent, je n’ouvre pas les yeux, je ne veux pas te voir, juste t’imaginer, être avec toi par l’air, par la pensée.

Du cul

Ce que j’aime vraiment c’est quand tu bloques ma tête contre la tienne et que tu colles ta bouche à mon oreille, ta respiration, le bruit de l’air, les mots que tu me dis, t’as pas besoin de me toucher, presque pas. Ce que je préfère aussi ce sont tes doigts, qui cherchent et qui se perdent à l’intérieur de moi, mes cuisses qui s’écartent sous la pression de tes mains, l’envie de n’être qu’à toi, d’être possédée, de t’avoir tout entier en moi. Ce que j’adore c’est ta queue, cachée sous ton fut à l’arrêt de bus, quand je me colle contre toi je la sens durcir contre ma cuisse, ca m’excite de te sentir, de t’imaginer bander pour moi, là, en public, on s’en fout des gens, il n’y a que toi et moi, ma langue qui cherche la tienne et tes doigts qui glissent le long de mes épaules.

Y’a ton corps aussi, quand tu viens sur moi, ta peau qui glisse contre la mienne quand c’est mouillé, quand ca glisse, quand tu soupires et que je gémis, ta bouche perdue entre mes seins, tes dents et puis tes lèvres, la couleur de tes yeux quand tu me regardes jouir, les battements de ton cœur quand ma tête descend le long de tes cuisses, ta main dans mes cheveux, quand tu m’agrippes, quand tu me caresses, quand tu te mords les lèvres et que j’ai envie de t’embrasser, de t’avaler, de te dévorer, ta peau appelle la mienne, c’est aussi simple que ça, tes bras collés à ma taille, ton bassin contre mes fesses, cambrée contre toi, je ferme les yeux et je suis bien, je pourrai me laisser faire des heures durant, ton déhanché et le son de ta voix, ta bouche et puis tes doigts.

Quand je te vois arriver je pense plus qu’à ça, être contre toi et me laisser aller, te dire avec mon corps ce que j’arrive pas encore à épeler, traduire en envie et en désir les sentiments plus compliqués qui n’arrivent pas à sortir, le long de ton dos laisser aller mes mains, dessiner du bout des doigts ce que j’espère, ce que j’attends, j’écris des phrases entières le long de ta colonne vertébrale, comme si tu pouvais mieux les comprendre, les absorber et les deviner, te les donner sans te le dire, juste en traçant les lettres sur ta peau, je sais que tu comprends, même si tu ne sais pas, je sais que tu m’attends, que tu es juste là.

Janvier

L’odeur du désinfectant et la couverture qui gratte, cette chambre à quatre lits, nous ne nous saluons pas, toutes là pour en finir d’un petit bout de nous en trop, chacune prise dans sa conscience, passer la première et sortir vite, oublier ces trois heures passées à se débarrasser de toi, reprendre la vie d’avant, travailler, aimer, ranger ces quelques heures dans la case des erreurs, surtout ne pas douter, c’est trop tard, tu as avalé hier au soir la première dose de médicament, il ne reste plus qu’à te débarrasser de cet amas de cellules encombrant, l’attente est difficile, voir revenir la première, attendre ton tour, serrer dans ta main les certitudes que tu te répetes en boucle, pas maintenant, pas comme ça.

S’installer sur la table, mettre ses pieds dans les écarteurs, descendre les fesses, le froid du spéculum et la main de l’infirmière qui serre la mienne, les premières piqures et le froid de l’anesthésie, le bruit de la machine et les mots rassurants du médecin, tout va bien, c’est presque fini, c’est presque rien, moi je pleure quand même, pour ce rien qui s’en va, malgré mon choix, malgré tout, je pleure en silence et les larmes coulent sur les doigts de l’infirmière qui les essuie une à une, je serre les dents et je prie pour que le temps s’accélère, le ronronnement des appareils berce ma peine, je ferme les yeux et je promets qu’il viendra un temps où je ne regretterai pas, le temps d’un enfant qui viendra quand je l’aurai choisi, avec un père pour l’aimer et une maman droite dans ses pompes, la machine s’arrête, il sort vérifier, que tout est bien parti, que je peux me relever.

Dans le couloir minuscule qui va du bloc à la chambre commune, un amas de chair sanguinolent coule le long de mes cuisses et s’étale sur le sol stérilisé, panique, réflexe, à quatre pattes en blouse de papier, les mains dans mon sang coagulé, ramasser, nettoyer, ne rien laisser, le regard inquiet de l’infirmière qui me relève, qui m’explique, que c’est n’est rien, encore, juste du sang et des tissus, que je me suis levée trop vite et qu’il n’y a rien dans cette matière qui ne soit fœtal, elle me lave les mains et me met au lit, m’apporte un mauvais thé dans un bol en verre securit, dans quelques heures vous pourrez partir, saigner seule chez vous pendant une semaine et reprendre votre vie d’avant, avant les deux traits sur la baguette de plastique, avant l’échographie et les réflexions malvenues de l’artiste, vous voulez qu’on cherche les battements de cœur, non merci vraiment, je voudrais ne rien voir, je voudrais repartir et vous le laisser ici, ce petit morceau de possible que je m’apprête à nier, je voudrais ne pas vous connaître et ne plus vous parler.

Des années plus tard je ne regrette rien, ni ma décision, ni les mains dans le sang, je pense parfois seulement à ce qui aurait pu être, à ce que j’aurai pu faire, aux options qu’on se laisse, persuadée pourtant de mon droit le plus strict à choisir pour moi ce qu’il advient de mes entrailles et comment je transmets mon sang, je n’oublie pas ce matin et les visages de celles qui passaient après moi, les matins juste après, réveils tachés de rouge et draps à balancer, le sentiment étrange d’avoir aimé si fort pendant quelques instants, cet amas de cellules, ce rien qui me fit tant pleurer, en avortant j’ai compris que je serai mère, qu’un jour j’aimerai encore instantanément, sans autre raison qu’il poussera à l’intérieur de moi, je ne sais pas quand, c’est lointain, c’est abstrait, je sais juste que ca viendra, et que je ne regrette pas.

Non

J’avais envie de t’embrasser pourtant, tu es beau, tu me plais, j’ai bu peut-être un peu plus que je ne devrais, ca fait quelques heures qu’on discute, tu me touches le bras et je sens que tu en as envie aussi, parfois je fais exprès de frôler ta main sur le comptoir, on est verrouillés les yeux l’un dans l’autre, on se drague, on se séduit, on se teste, je pensais savoir comment ca finirait, des baisers dans ce bar, dans la rue, jusqu’à l’arrêt de bus, un numéro de téléphone, un diner, peut-être plus.

C’est toi qui m’embrasse, qui te jette le premier dans le vide, ta bouche contre la mienne se fait violente, insistante, tu tiens ma tête avec tes mains, tes genoux serrés sur les miens, j’avais pas deviné, je pensais pas que tu serais ce genre de garçon là, c’est peut-être l’alcool, c’est peut-être la musique, c’est peut-être moi qui avait envie de plus de douceur, de plus de temps, mais tu es tellement ce que je voulais ce soir, je me laisse aller et je te rend tes baisers, tes mains lâchent mes cheveux pour passer sous ma chemise, tu vas vite, très vite, on est encore au milieu des gens, tu t’en fous, tes lèvres dans mon cou, tes jambes m’enlacent et ta respiration s’accélère.

J’ai un peu honte quand même, débraillée dans ce bar où je connais tout le monde, ce garçon inconnu qui me dévore, les regards de mes potes qui me regardent me laisser faire, je te propose de sortir, fumer une clope, prendre l’air, je laisse mon sac sur la banquette avec mes amis, dehors sous le parasol brulant ma cigarette se consume sans que j’ai le temps de la fumer, tu n’as même pas allumé la tienne, trop pressé de te coller à moi, le froid ne change rien, j’ai vraiment du me tromper, tu me mords la langue et tu meurtris mon poignet, quand je m’éloigne pour respirer tu recules avec moi, bientôt je suis contre le mur, tes bras m’encadrent, je commence à vraiment à regretter d’être sortie, on est à quelques mètres de mes potes, pourtant je me sens ailleurs, plus en sécurité, j’essaie de trouver ton regard pour ralentir ce qui est en train de se passer, tu n’as plus de visage, je n’arrive plus a te trouver, ta main entre mes cuisses commence à me fouiller, je te dis d’arrêter tu l’éloignes pour mieux recommencer, ton érection rentre dans mon ventre, c’est douloureux, j’ai peur mais je ne crie pas, ta main sur ma bouche écarte mes lèvres et fait office de bâillon, tes jambes à l’intérieur des miennes écartent mes genoux et m’empêchent d’avancer, je mord ta main pour te faire lâcher alors tu tords mes doigts, mon poignet et mon bras, quelqu’un va sortir, il faut que quelqu’un sorte, ca ne peut pas m’arriver, c’est impossible, je suis juste sortie fumer, tu pries et puis tu cries, à l’intérieur tu hurles et tu pleures, t’as beau peser plus lourd, tu peux rien faire t’es bloquée.

Il a fini, j’ai couru vers le bar, attrapé mon sac et je suis partie. Sans me retourner, sans expliquer, juste rentrer le plus vite possible, verrouiller la porte, prendre une douche et me coucher, oublier, refaire l’histoire, il ne s’est rien passé, te persuader que vraiment tu en avais envie, qu’on a pas pu te faire ça, pas à toi, c’était un jeu, tu ne pleures pas vraiment, les éraflures sur ton bras, c’est sur tu les avais avant. Tu mets des années à t’avouer que c’est arrivé, que tu ne voulais pas, que tu as dit non, tu repasses dans ta tête les diapositives de la soirée, ce que tu as pu dire, ce que tu as pu faire, la manière dont tu étais habillée, à quel moment tu lui as donné le droit de te violer, ce que tu aurais pu faire et pourquoi tu étais pétrifiée, pourquoi personne n’a rien vu, pourquoi personne ne t’a sauvé, ce mec que tu ne connais pas, tu crois le voir partout où tu vas, son visage t’échappe mais sa silhouette est partout, dans tes cauchemars la nuit et quand tu fais l’amour, ca te coupe l’envie, ca te réduit en cendres, tu t’en veux tellement, t’es coupable, jamais victime, dans ton raisonnement niqué tout est de ta faute, il fallait que ca arrive.

Armée des ombres

On est fortes. On est fortes dedans, la rage au ventre, l’envie qui tabasse, les crocs qui saignent et les mots qui assassinent, on a l’air douces comme ça, fait bien gaffe à toi, à l’intérieur c’est Beyrouth et puis la Serbie, c’est hardcore, c’est pointu, ca balance et c’est tendu, on t’attend pas pour réfléchir, pour penser ou pour agir, on est là, on est fortes et on est grandes, on est vener et on est puissantes, on est des survivantes.

On est des dizaines, des centaines, on se reconnait au premier coup d’œil, une phrase échangée suivi, j’ai capté, pas besoin d’en dire plus, on partage pas nos histoires, on les écrit peut-être, en demie teinte entre deux lignes, si tu comprends pas oublie nous, on ressent avec ses tripes ce qu’on devine dans nos mots, si ça te parle pas t’es pas de ma bande et j’ai rien à t’expliquer, y’a des choses trop graves pour être démontrée, y’a des matières assez peu précises pour qu’elles ne s’enseignent pas, je ramasse pas les copies mais je vois bien, dans ce que tu lis ce que tu choisis, ce qui te fait vibrer et ce que tu préfères jeter, j’écris pour moi et puis pour celles qui ont choisi de continuer, de vivre, de t’emmerder, qui courent après le bonheur alors qu’il s’est déjà sauvé.

Je voudrais les prendre toute dans mes bras et embrasser leurs escarres, sucer le pus et puis le sang, dire que je comprends et que rien n’est grave, qu’on se remet de tout, que le temps fait son ouvrage, qu’on est jamais vraiment seul à porter ces trucs pourris, qu’on partage avec tout plein de meufs la même histoire, le même ressenti, la même boule dans la gorge à des dates différentes, mais je suis de celles tu vois qui ne parlent pas facilement, qui ont dans la tête des milliers de mots qui rechignent et trébuchent, qui voudraient t’apprivoiser, te consoler mais qui n’y arrivent jamais, par peur de te blesser, de trop deviner ou de trop dire, de mettre des syllabes sur une douleur trop forte et qu’ils te fassent fuir.

Je voulais juste dire que je suis là, qu’elles sont toutes là, silencieuses, marche des ombres de toutes celles de notre club particulier, pas de banderole, pas de signe extérieur de reconnaissance, on marche ensemble, en rangs désordonnés, on se disperse et on se serre, selon le vent, selon l’humeur, on ne parle pas beaucoup, on respecte les non-dits, si tu nous croises dans la rue, ne cherche pas à comprendre, y’a pas d’enquête épistémologique pour nous recenser, pas de statistiques qui puisse refléter notre appartenance au gang des effacées, un regard, le silence, tu nous reconnais peut-être, mais tu comprendras jamais, ce que c’est de vivre sans lui, ce qu’on garde à l’intérieur, les coups et puis les cris, la violence du départ et de l’anéantissement, ce que t’étais, ce que tu voudrais être, tout est mort maintenant, tu reconstruis sans cesse, mais la greffe ne prend pas, ton corps rejette la vie et ton esprit range les dossiers trop lourds pour être digérés, à force de consulter tu finiras peut-être par oublier.

Ton cul

Ton cul m’excite, je sais que ca te fait peur, je le regarde bouger, vivre, dépasser de ton jean, j’ai envie de le toucher, de le pétrir, de l’écarter, profiter de toi, te forcer à te laisser aller, oublie tes préjugés, ce qu’on t’a dit, ce que tu as lu, laisse moi te prendre le cul. Pas de douleur, je te promet, je vais t’en donner envie, passer mes doigts et puis ma langue, caresser l’intérieur de tes cuisses, t’embrasser, te lécher, ma main sur ta queue, ma bouche dans ton cou, mes mains sur tes fesses, doucement, lentement, j’ai envie de te sentir te détendre, tes muscles se relâchent et mes doigts se perdent en toi, tu soupires, tu voudrais gémir, t’es un mec tu te retiens, tu bandes de plus en plus dur, je t’avais dit que tu aimerais ca.

Quelques minutes plus tard, tu as oublié ce que je faisais, concentré sur ta respiration et sur les mouvements de mes phalanges, tu te cambres, c’est beau, tu t’offres et tu te tords, ton ventre écrasé contre le matelas, tes mains crispées sur l’oreiller, ta tête tournée vers moi, tu ne me regardes pas encore, comme si la honte de te laisser envahir persistait, je te parle, je te questionne, tu m’assures que c’est bon, tu me demandes de continuer, j’ai peur d’aller trop loin, de te faire peur ou de froisser ta timidité, mais ta voix se mue en cri, alors je continue, je te prends et tu aimes ça, tu te livres et tu t’oublies, je ne t’ai jamais vu si beau, abandonné.

Tu me dis que tu vas jouir, tu oses te retourner, tu attrapes ma main libre, tu la comprimes dans la tienne et tu me supplies presque de te toucher, plus fort, plus profond, ta main droite sur ton sexe l’étrangle et le malmène, sa couleur violacée, innervé, mes lèvres se posent tout en bas de ton ventre, je dépose un baiser mouillé, tu frissonnes, tes mollets se crispent et tes cuisses se ferment, ton bassin se soulève, je te sens tout au bout de ce moment, si j’insiste je gâche tout, tu oublieras que tu as aimé ça, tu ne retiendras rien.

Mes doigts, un à un, se séparent et te quittent, jusqu’au dernier, celui que je laisse, pour te permettre de venir, je pose ma tête sur ton flanc pour te regarder jouir, c’est tellement troublant de t’observer, c’est presque plus intime que ce qui a précédé, j’ai l’impression que mes yeux trichent, qu’ils t’espionnent dans un instant critique, t’es tellement beau que j’en oublie de te parler, de t’embrasser, mes pupilles coincées sur tes doigts qui vont et qui viennent, et quand tu éjacules, ton râle, ta respiration qui cède, je ne regrette rien, j’attends quelques minutes et je demande le même traitement.

The good times are killing me

Parfois je ferme les yeux et je rêve que je suis comme tout le monde, que mon cul ne dépasse plus du siège et que mes seins ne débordent pas, que les émotions sont voilées, les sentiments tièdes, que mes angoisses n’existent pas, je flotte, comme quand tu vas à le piscine et que ton corps de vient léger, suspendu. Je provoque cet état, quand j’ai envie de partir loin sans bouger, à coup de Dramamine ou de Codéine, mon corps s’enfonce dans le matelas, ma tête se colle au plafond, voyage immobile, plus rien n’existe, le monde autour de moi devient comme brouillé, nuageux, mes yeux sont secs, rien ne m’atteint, la musique n’a plus de saveur, les mots ne veulent rien dire, mes neurones sont asphyxiées, afflux massif de sérénité, les cliquetis mécaniques de ma montre me semblent insupportables, je la balance contre le mur, ma tête se noie entre les coussins, tu n’as peur de rien.

Y’a pas d’attaques des souvenirs sous Codéine, pas de fantômes à chasser, pas de soleil, pas de nuit non plus, plus rien ne tourne, plus rien ne se presse, tu ne peux rien faire, les contrastes sont gommés, les bosses et les courbes, les dedans et les déliés, tu dors les yeux ouverts, tu regardes passer les rêves sans t’y accrocher, contemplative, le recul se définit en année lumière, si tu sautes hors de toi tu peux te voir, allongée, lourde et étalée, si transparente pourtant, le tein trop blanc, les yeux écarquillés, ni belle, ni laide, organique, respirante, et ca suffit. La substance ne te demande rien de plus, réduite à tes fonctions vitales pour laisser passer l’orage, coma obligatoire pour cocotte minute névrosée, repos forcé, le réveil est loin, profite, le goût métallique dans ta bouche, ta gorge qui s’ouvre enfin à l’air, tu respires, pour la première fois on dirait, depuis des jours, n’oublie pas d’expirer, recommence, les seuls ordres que te transmet ton cerveau sont simples.

Besoin de personne, envie de rien, plus d’affect, plus d’orgueil, si le téléphone sonne, tant pis, les autres n’existent plus, disparus, tu n’en veux plus d’ailleurs, les histoires que tu portes pour eux, les secrets qu’on te confie, celui qui n’appellera pas et celui auquel tu ne réponds plus, envolés, désintégrés, la chimie c’est l’acide dans la baignoire sur les cadavres de tes jalousies, de tes frustrations, rien ne lui résiste, même tes os se dissolvent, position yogi du fœtus déglingué, souplesse soudaine de ton corps qui se recroqueville dans un coin du lit, l’impression que des vagues de bon, de chaud, remontent de ta cage thoracique vers tes narines, flux discontinu des comprimés qui fondent sous ta langue, effet quasi immédiat, délivrance, sommeil éveillé, conscient.

Difficile de revenir, d’arrêter, le goût de recommencer, les heures qui deviennent trop courtes, réveil forcé, douche froide, café, les doigts engourdis encore de les avoir oublié sous toi, anesthésie s’en va, la douleur se réveille, le monde reprend vie, tes sens aussi, les appels manqués, la bouilloire que tu as oublié, la gêne d’avoir cédé, encore, à la facilité, d’avoir oublié de lutter, la honte, la trace des cachets volés dans la plaquette neuve, ce qu’il reste à faire d’avant la parenthèse codéinee, rien n’a disparu, la même liste de tâches, les mêmes responsabilités, ta gorge se serre.

J’encule Christophe Barbier

Alors quoi Monsieur Barbier, on se fait des frayeurs, on raconte n’importe quoi, tu t’es pris pour un mec bien ou quoi, qui te permet de dire le bien le mal, la volonté ou la paresse crasse, qui t’as permis d’ouvrir la bouche et de juger, regarder avec tes yeux pourris passer les tendances et les questionnements, j’croyais qu’un journaliste c’était intègre, c’était intéressé, j’croyais qu’un mec comme toi, payé à chier du signe sur du papier, ca prenait un peu ses précautions, en chiant pas en vrac sur 10% de la population juste comme ca, juste pour le fun, parce que c’est tendance de dire du mal des gros, parce que quand tu me croises dans le métro t’es juste bon à penser que je reste sur mon gros cul à bouffer des chips en matant la roue de la fortune, tu sais à quoi tu me fais penser, juste à un putain d’enculé.

Tu parles de responsabilité et de volonté, laisse moi te faire une démonstration simple :

Quand j’étais petite j’étais grosse. Ouais, c’est vrai, à 3 ans, j’avais une volonté assez peu développée, et pour parler de responsabilité, je pense pas qu’on puisse vraiment juger. Mes parents sont normaux, ma mère est même une folle de diététique, j’ai mangé sain, j’ai mangé bien, on m’a appris à faire la différence entre la salade et la patate, je viens même pas d’un milieu défavorisé, je rentre pas dans tes clichés, adolescente j’étais obèse, encore, pourtant j’étais loin, j’étais en pension et je mangeais la même chose que tout le monde, jeune adulte j’ai bouffé, j’ai avalé, j’ai dévoré, les troubles du comportement alimentaire tu connais ? Tu chiales quand tu regardes Capital sur l’anorexie, les pauvres tellement petites tellement fragiles, et tu te moques de celle qui fait la même chose en différent, celle qui bouffe pour crever, pour exister ou pour survivre, elle n’a pas de volonté, tellement plus beau de s’affamer, tellement plus chouette de plus bouffer, j’arrive pas à croire que les similitudes t’échappent, à croire que tu fais partie des abrutis qui gardent l’image du bon gros, de celui qui est toujours jovial et qui ne sera jamais méchant.

Mais mec les gros sont dangereux, ils croissent et ils se reproduisent, un jour ils seront maître du monde et ils viendront te faire regretter, te faire payer, te torturer, vis ma vie de grosse seulement un jour espèce d’enculé, commence par subir le regard des connards qui ta matent, les gens qui t’abordent dans la rue sans que tu ne demandes rien, pour te vendre de l’Herbalife ou des recettes miracles, va chez le médecin qui prend ta tension avec un brassard tellement petit qu’il te trouve 18/10 alors que t’as juste 12/8, quand t’as 6 ans et qu’on t’affiche à la visite médicale, pesée obligatoire et tu fais le double de tout le monde, tu chiales comme si ta vie était finie, premier stigmate de ce qui va arriver, s’endurcir et continuer, l’image qu’on te colle, qu’on te glue, t’es grosse t’es molle tu sers à rien, chez Mc Do y’a pas ta taille dans l’uniforme, pour être hôtesse d’accueil t’as pas la bonne présentation, dans les boîtes un peu chic tu fais pas assez dynamique, pour te saper ta mère t’emmène dans une boutique spécialisé, t’es habillée comme ta grand mère, pourquoi rendre beau quelque chose que la société condamne comme une maladie de la volonté, pourquoi faire de la sape pour des nanas qui n’ont pas le droit d’exister, juste bonnes à se cacher, prendre de la place chez toi dans ton canapé pour ne plus subir le mec qui tire déjà la tronche quand tu vises le strapontin dans le métro, arriver chez le toubib avec une angine, repartir avec un régime, mais tu crois qu’on tient comment, tu crois qu’on supporte ca comment ?

La volonté mec, la force, le courage, ne plus être esclave de ton jugement niqué, de ceux des tiens, ceux qui pensent que la normalité c’est trop bien, que ce qui dépasse est à couper, tu tailles tes mots dans ma chair comme un chirurgien esthétique la canule, tu voudrais me lipo sucer, me faire changer, m’adapter à ta vision d’un monde rangé, alors toi et ta bande vous inventez des techniques, coupe toi l’estomac en deux et agrafe toi l’intestin, ne mange plus que des pommes et du prozac, deviens enfin normale, même si ca te crève et que tu te nies, deviens normale, connasse de grosse inutile, ou alors au moins fait semblant, achète Top Santé, inscrit toi chez Weight Watcher mais surtout rassure nous, tu comptes pas déranger notre univers si joli et si normé, je bouscule ton sens du beau et ton sens de la santé, j’ai pas de problèmes, je fais un boulot physique et je porte mes 60 kilos en trop, et plus je lis tes conneries moins j’ai envie de me ranger, j’ai envie de porter ma graisse comme un putain de drapeau du pays des différents, des gens qui finalement te font flipper, qui représentent ce que tu peux pas appréhender, avec ta mentalité toute baisée, mon gras c’est mon histoire, 29 ans qu’il m’accompagne, si il te dérange contente toi de compter les deux fois et demies où t’as eu la moitié de ma force dans ta putain de vie, les occasions où t’as du batailler pour être accepté, les fois où t’as chialé de la méchanceté, de la lâcheté et de la mesquinerie de tes semblables, je suis sure que t’arrive pas à deux, compte encore et parle moi de ta volonté, la tienne, t’en fais quoi, à part choisir sur quoi tu vas zapper, les bouquins du service presse que tu vas lire, ca t’amène où, tu te bats contre quoi, t’es pas un guerrier mec, t’es juste un misérable gratte papier, tout niqué, tout blasé, tu te branles sur les gros en secouant ton tout petit chibre, met toi à quatre pattes, le reste arrive.