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#moiaussi mais pas moi

Ca doit être chouette de ne pas craindre qu’on force votre bouche avec des doigts pour y insérer un penis. Imaginez le luxe de la tranquillité. Ca doit être chouette d’avoir des relations sexuelles avec une partenaire qui ne risque pas de vous sodomiser alors que vous avez clairement mis un veto sur cette pratique. Imaginez comme cela doit être reposant. Cela doit être formidable de ne pas craindre pour son intégrité physique lorsque le métro est bondé. Imaginez le calme. Cela doit être formidable d’avoir 12 ans et de ne pas se faire solliciter sexuellement par une adulte avec autorité. Imaginez l’enfance.

Ca doit être plus facile ensuite de rire aux blagues sur le viol, sur la pedophilie. Ca doit être plus drôle de faire flipper les nanas en les suivant la nuit. Ca doit être un sport galvanisant que de commenter les tenues des femmes à haute voix à la terrasse des cafés. Ca doit être plus simple de balayer d’un geste sur les témoignages de femmes qui hurlent, qui pleurent, qui se taisent. Ca ne peut pas exister, puisque ca ne m’arrive pas.

Ca doit être plus simple d’imaginer que les violeurs, que les toucheurs, que les harceleurs sont de grands malades mentaux. Pas moi. Moi je suis viril. Moi je suis séducteur. Moi je suis féministe.
Ca doit être très bizarre d’entendre des hommes qui ont, eux aussi, été agressés. Ca doit être simple de mettre ça sur le coup de la déviance. Pas moi.

Est ce qu’en regardant votre histoire sexuelle à la loupe, vous pouvez assurer que 100% des partenaires étaient ok pour toutes les pratiques ? Qu’elles avaient consenti activement à toutes vos envies ? Pouvez vous vous demander si vous avez déjà laisser passer une blague sexiste, juste la, devant vous, sans vous y opposer ? Est ce que vous avez déjà pense que cette victime de viol n’était pas tres claire, qu’on faisait beaucoup de bruit pour quelque chose de pas très grave ? Est ce que vous pensez que le harcèlement sexuel n’est qu’une forme de drague un peu poussée ? Est ce que vous croyez plus facilement un homme qui parle de sexisme qu’une femme qui témoigne ? Est ce que vous refusez de voir que vous pouvez participer, meme par votre inactivité, meme par votre passivité, a un climat anxiogène et dangereux pour les femmes ? Est ce que vous parlez à vos amis, à vos frères du consentement ? Du slut shaming ? Est ce que vos fils demanderont la permission avant de toucher les seins d’une fille ?

Son nom est Marie

Y’a l’assassin de Marie en couverture des Inrocks. Voilà ce qu’on devrait dire. Pas l’artiste, pas le musicien, pas le poète maudit. Il y a l’homme qui a tué Marie sur le devant de ce magazine branché, et je ne m’explique pas, et je ne comprends pas. Je n’interdis pas à cette personne de vivre. Je comprends qu’il continue à respirer, lui. Il a purgé sa peine. Il n’est pas mort, lui. Il crée, il écrit, il chante, il produit, il pourrait fabriquer des fromages ou distribuer le courrier, il pourrait le faire discrétement, il pourrait nous laisser oublier qu’il a tué. Il n’a pas besoin de payer son loyer, il ne manque pas d’argent, il n’a pas besoin des lumières, il n’a pas besoin que nous achetions ses disques, il pourrait éviter le monde, travailler sous pseudo, écrire pour d’autres, se laisser la liberté de disparaître au monde, il pourrait continuer autrement, il choisit de se montrer. Il choisit la lumière, quand il a donné la mort, quand il a laissé mourir, quand les enfants de Marie se souviennent, quand nous nous souvenons, quand nous refusons d’oublier.

Voilà donc ce qu’on dit de l’incroyable violence subie par Marie. Voilà donc ce que l’on laisse dire des violences faites aux femmes. L’impunité des hommes s’étend donc à la mort. Un homme peut donc abandonner une femme à sa mort, seule dans une chambre d’hotel, après l’avoir frappée, et revenir en couverture papier glacé. Parce qu’il est un artiste. Parce qu’il a berçé nos adolescences. Parce qu’il est un personnage de roman noir. Parce qu’il était sous substances. Il existe une litanie d’excuses pour assassiner les femmes. Pour un diner mal cuit, pour une crise de jalousie, pour un appartement mal rangé, pour un regard, un jupe trop courte ou pour rien, les femmes sont tuées. Et ceux qui portent les coups, ces anonymes éventreurs, les voilà bien vengés, les voilà bien réhabilités, les Inrocks sont là pour toi, pour ton visage en A4, et tes mains bien planquées hors champ, les mains qui frappent, les mains qui tuent, elles sont peut-être trop timides encore. En son nom, dit la Une, au nom de l’homme qui tue, au nom de celui qui revient devant nous pour nous vendre des disques, et son nom, celui de Marie, froid dans le marbre.

Quand cesserons nous de pardonner les hommes ? Quanc cesserons nous de considérer qu’il y a toujours un élement perturbateur, quelque chose qui leur fait pêter les plombs, l’alcool ou la passion ? Combien de mois, combien d’années, avant d’ouvrir les yeux sur un système entier qui tue les femmes ? Des mains des hommes aux mains de ceux qui les mettent à la Une d’un magazine, des mains des policiers qui refusent les plaintes aux mains des médecins qui ne voient pas les bleus,des mains des parents qui encouragent les garçons à se battre et les filles à se cacher, ces milliers de mains qui étranglents des femmes partout, quand cesserons nous de les ignorer ? Et vous les hommes, quand cesserez vous de nier votre responsabilité collective dans les violences faites aux femmes ? Quand finirez vous par prendre votre part de responsabilité ? Cantat, DSK, Baupin, vous n’êtes pas eux, mais si vous ne prenez pas la résolution ferme de lutter contre vos propres comportements sexistes, vous alimentez la bête immonde, vous ajoutez vos mains sur les gorges des femmes, tranquillement, sans même y penser.

Tuer

Je me réveille souvent depuis quelques mois avec la nette conviction d’avoir tué quelqu’un. D’avoir assassiné, puis découpé un individu, d’avoir enterré le corps. Je me dresse dans mon lit, haletante, persuadée que je suis recherchée pour mon crime, plongée dans la culpabilité et l’incompréhension. Il me faut quelques minutes pour composer avec la réalité, reprendre mon souffle, redescendre dans mon corps, réaliser qu’il s’agit encore de ce rêve étrange. Cela ne suffit pourtant pas à me rassurer. Des heures encore après être sortie du lit, je fouille ma mémoire, j’interroge mon conscient. Qui ai-je bien pu tuer ? Comment ai je pu passer à l’acte ? Est ce que je suis vraiment capable de découper un corps, encore chaud, un corps connu, un corps mort ? Je sais rationnellement qu’il m’est impossible de tuer, que la vision seule d’un cadavre me rend malade, et que je suis incapable de tout cela, mais l’odeur de la culpabilité reste, âpre et collante, elle m’accompagne toute la journée, jusqu’au coucher, jusqu’au prochain rêve.

Je ne crois pas à l’interprétation encyclopédique des rêves. Perdre ses dents n’apporte pas la fortune, tomber dans un puit ne déclenche pas la mort, ce ne sont pour moi que des prédictions païennes, des élucubrations de comptoir. Je crois à l’inconscient, rendu palpable quand mon cerveau le laisse s’échapper pendant la nuit, quand je l’autorise à sortir de sa prison, verrou trois points et chaîne rouillée, je contrôle tout, toujours, tout au long de la journée. J’en viens donc à me demander pourquoi je m’en veux si fort, en quoi ma responsabilité d’humaine est engagée. Il me semble que mon inconscient veut me condamner à perpétuité pour un crime que je peine à identifier, que je porte le poids du monde sans l’avoir demandé. De quoi suis je donc coupable, quelle est ma faute, je frappe ma poitrine avec mon poing mais rien ne sort, ma cage thoracique est vide, l’air résonne, mea culpa, mea maxima culpa, mais de quoi ?

Une théorie psychanalytique voudrait que l’on soit tout dans son rêve, si je l’écoute, je suis à la fois celle qui tue et celle qui est tuée, je suis le couteau, le sac, le sang, l’os, l’odeur de la chair décomposée. Je peine donc à me débarrasser de mon corps découpé, je peine à me défaire de la culpabilité des mues successives que j’impose à mon être. A force de travail, j’ai cessé peu à peu d’obéir aux injonctions des normes, j’ai abandonné un partenaire toxique et 10 ans de ma vie, j’ai déménagé 4 fois en 18 mois, j’ai testé mes limites, j’ai ouvert mes shakras (ou le peu que j’y crois), j’ai dansé sur des tambours, j’ai respiré par mon troisième oeil, j’ai arrêté d’exiger du monde, j’ai pris ce qu’il m’apportait sans demander, je me suis apaisée, j’ai changé, j’ai confiance en moi, en ce que je suis, j’ai aimé tout ce qui m’a emporté jusqu’ici, je ne regrette ni les falaises, ni les tempêtes. Ce qui reste, les peaux d’avant, les espoirs, les vies avortées, les autres moi, il faut les abandonner, voyager léger. Ce sont eux que je tue et que je découpe dans mes rêves, ce sont eux que je finis d’achever dans les recoins de ma tête. Adieu les amis, c’était bon de vous avoir, ne partons pas fâchés, cessez de vouloir me hanter.

Chère Marlène

Tu m’excuseras la familiarité de cette interpellation. On vient du même endroit il paraît, de la blogosphère. De la même ville, mais pas de la même rive, tu entreprends, tu réseautes, tu start-up, je gueule et je m’essouffle à être la grosse féministe de service. Et puis je ne peux pas te donner du Madame la Ministre, ton patron n’a pas voulu. Alors ça sera Marlène.

La dernière fois que j’ai parlé de toi ici, c’était pour ton livre à la Musardine. En 2011, tu mettais ton nom sur la couverture d’un opus particulièrement grossophobe et sexiste. Tu as lu mon article, tu m’as envoyé plusieurs messages où tu m’accusais de l’écrire uniquement pour faire le buzz sur ton dos. J’ai l’habitude. Tu ne t’es pas excusée, tu n’as pas décidé de revoir ta copie. Sans doute étais tu déjà occupée à bâtir le reste de ta carrière, et tu estimes sans doute avoir réussi, puisque te voilà aujourd’hui au gouvernement  secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, placée auprès du Premier ministre.

Quand j’ai appris ta nomination, je n’ai pas été surprise. Tu corresponds j’imagine au modèle de femme que notre président aime. Tu es dynamique, tu aimes la valeur travail, tu pourrais faire la couverture d’un magazine pour cadres supérieurs avec une banderole « ces femmes qui gagnent ». C’est chouette pour toi. Pas étonnée donc, mais tout de même un peu déçue. On ne vas pas se mentir, tu n’incarnes pas tout à fait mon féminisme, celui que j’ai envie de voir grandir. Je me réjouis néanmoins de lire que tu n’es pas abolitionniste, j’espère donc te voir à l’oeuvre pour les droits des travailleur-ses du sexe. Je suis aussi heureuse que tu défendes le droit des femmes à porter un foulard si elles le désirent, dans l’espace public comme à l’école. J’espère donc te voir te battre pour l’abrogation de la loi sur le foulard à l’école. Et puis tu connais bien la double journée des femmes qui travaillent, l’effort constant que demande la gestion d’une carrière avec des grossesses, je me dis donc que tu vas mettre ton expérience au service des femmes. Tu vois, je ne te diabolise pas. J’espère que tu feras honneur à ton poste, même si j’ai peu confiance dans le gouvernement et l’état en général.

Depuis ta nomination, on me demande de réagir, de dire ce que je pense de toi, moi la grosse énervée derrière mon ordinateur. Je me demande bien à quoi je peux servir. Mais comme on me donne l’opportunité de l’ouvrir un peu publiquement sur des sujets qui me tiennent à coeur, j’en profite.  Tu vois, je fais le (petit) buzz, comme tu me le reprochais. Je parle de grossophobie et de sexisme, ces deux oppressions que j’ai reconnu si fort dans ton livre. Je dis que j’ai peur que tu ne sois pas la secrétaire générale chargée de l’égalité de toutes les femmes. J’ai peur que tu ne travailles que pour les femmes comme toi, que tu oublies que tu es aussi là pour ouvrir les droits à d’autres femmes, à celles qui cumulent d’autres oppressions en plus de celle du sexisme, à celles qui ne se reconnaissent pas dans ton modèle de réussite. J’ai peur que tu n’identifies même pas les oppressions subies par les femmes, puisque tu refuses d’admettre à quel point ton livre est insultant pour les personnes grosses directement concernées.

Je ne me sens pas très à l’aise avec l’idée de te taper dessus, de fournir aux journalistes des billes contre toi. Tu es une femme, et même si elle est illusoire, j’aime l’idée d’une certaine sororité. Et je me rends bien compte que les articles contre toi alimentent aussi les réseaux de la fachosphère. Je suis désolée. Tu n’as sans doute pas besoin d’autres ennemis. Mais tu comprends que je ne peux pas me taire alors que ta position te confère le pouvoir certain d’initier un changement dans la vie des femmes oppressées. Que tu as le pouvoir de mettre en place les éléments systémiques d’un mieux vivre. Il faut que tu saches, il faut qu’on te rappelle, c’est trop important.

Il n’est faudrait pas beaucoup pour que j’arrête d’avoir peur. Que tu reconnaisses que ton livre était une erreur par exemple. Des excuses, ouais. Ca serait bien. Parce qu’en 2011, moi aussi, j’ai du dire et écrire un paquet de conneries. Et à chaque fois qu’on me le fait remarquer, j’essaie de comprendre ce qu’on me reproche, et de faire des excuses sincères. Ca m’a appris ça aussi, le féminisme. Qu’on devait laisser la parole aux concerné-es. Que fermer sa gueule, c’était souvent opportun quand on ne savait pas. Que tu assures que tu seras la porte parole des droits de tousTes les femmes (oui, même celles qui ne sont pas né-es avec un utérus), de celles qui se font refuser l’accès à la PMA à cause de leur poids ou de leur orientation sexuelle. Que tu n’imposeras pas à tousTes ton rêve d’entrepreneuse au détriment de nos vies. Que tu sauras t’entourer des collaborateurs – trices qui sauront t’orienter vers un féminisme plus offensif, plus intersectionnel si j’ose le mot.

Je lis qu’une de tes premières mesures sera de permettre la verbalisation des insultes sexistes par les forces de l’ordre. Je grince des dents. Et je te laisse lire l’article de Joao, qui articule bien le problème de ta proposition.

La plaque

Depuis toi, depuis deux ans, j’ai comme une plaque d’égoût sur le coeur. Quelque chose de lourd et de noir, qui empêche les humeurs de passer, quelque chose de fonctionnel et de pratique, qui ne donne pas envie d’être soulevé. Quelque chose gronde pourtant, à l’intérieur, dans les tuyaux et les valves, quelque chose pousse la fonte, mais la plaque ne bouge pas. Elle me garde à distance du torrent, de ce qui m’emportait avec toi, elle m’empêche les grands moments niais, les gestes amoureux transis, elle me ramène sans cesse à la raison, à la patience, au raisonnable. Elle ne me permet plus de m’abandonner, de m’imaginer tout quitter pour quelqu’un comme je l’aurai fait pour toi, elle me prive du scénario parfait, je ne rêve plus les yeux ouverts, je ne rêve plus d’ailleurs, je vois venir, je fais des paris, j’attends. J’ai cassé quelque chose en restant avec toi trop longtemps, tu n’es pas le seul fautif. Tu m’as brisé, cent fois, tu m’as laissé croire, tu t’es défendu, tu m’as laissé t’aimer, je n’aurai pas du. Je n’ai dit à personne les longues semaines de solitude à ne vivre que pour toi. Je n’ai dit à personne ta violence, tes non choix. J’ai protégé ton image pour les autres, parce que je refusais de me la salir, à moi. J’avais choisi ma peine, j’assumais pleinement ma croix. J’ai vécu de quelques moments magiques, de promesses et d’un espoir un peu sot, croire que tout irait bien puisque nous étions fait l’un pour l’autre, puisque nous nous étions reconnus, ce soir là, parmi tant d’autres, parce qu’il n’y avait que toi dans cette soirée, que tu n’avais vu que moi, que tout finirait par s’arranger. Mon coeur s’est arrêté quand je t’ai vu. Cela a suffit à me porter toutes ces années. Je me suis nourrie d’escapades de notre réalité, de milliers de textos, de ton odeur que tu laissais partout, je me suis mentie, je me suis gâchée, je nous ai inventés.

Je ne sais pas ce que tu t’es raconté toi, toutes ces années. Je ne sais pas ce que tu as inventé pour tenir. Bien sur tu m’as trompé, bien sur tu m’as menti, bien sur tu m’as déçu, bien sur tu m’as fait violence. Je ne t’en veux pas. Je ne m’en veux pas non plus. Je constate, je ne regrette pas. Je suis comme ces conducteurs qui ralentissent pour regarder les accidents, je suis aussi morte sur le bas côté. Il y a les corps, les lumières, le sang, et les secours qui s’activent pour me réanimer. De battre mon coeur s’est arrêté. Pourtant je me regarde du dehors, et je continue à avancer. J’ai juste ralenti pour me regarder réapprendre à respirer. Nous sommes liés à tout jamais dans ce grand accident, dans ce grand incendie qui nous a animé. Il me reste les débris, les eaux usées, et cette plaque si lourde qui m’empêche encore de vibrer. Je ne t’aime plus mon amour tu sais, cette fois je suis guérie, mais je suis trop abîmée. Ma tête m’interdit les embardées, je sens pourtant que je tremble, je me sens vivre, je me sens désirer, mais la plaque retombe sur mes doigts crispés au bord du bitume, je reste tout dessous, dans la pénombre avec ma peur, mes regrets, la lumière n’est pas franche, je devine à peine les marches qu’il me reste à grimper, je m’accroche, je vais y arriver. J’ai cherché les explosifs, les sensations, les expériences, pour me faire exploser, mais ca ne fonctionne pas. J’ai besoin de temps, pour la première fois, moi qui fait tout vite, moi qui suis toujours pressée. Je te quitte chaque jour un peu, petit morceau par petit morceau, souvenir par souvenir, je t’abandonne un peu plus chaque minute, deux ans après. Je règle à présent ce que j’aurai du affronter avant. J’étais trop occupée à faire semblant.

Bien sur on m’aide à soulever la plaque. Avec bienveillance, avec douceur, avec patience. Et elle devient plus légère. J’apprends à être moi, à dire ce dont j’ai vraiment besoin. Je ne joue plus à être parfaite pour toi. Ca a été long. Arrêter de me demander ce que tu penses, si tu aimes, et si tu me voyais. Commencer à trouver qui j’étais sans toi, juste moi, sans déguisement et sans pression. Cultiver mes bizarreries, loin de ton jugement, de ta volonté de bien présenter, m’autoriser à explorer, à ne pas avoir de plan, à me laisser aller à moi sans avoir peur de ce que je vais trouver. Je reste persuadée que tu me connais mieux que quiconque. Mais tu n’as jamais voulu me connaître en entier, elles ne t’intéressent pas, mes pulsions et mes envies, tu avais trop peur des tiennes pour me les laisser partager. Je me suis façonnée à ton moule, cela n’a pas suffit, je me suis oubliée, ce n’était pas assez. J’ai compris, plus jamais. J’ai de la peine pour celle que j’ai été. Je l’embrasse et je la prends contre moi dans les moments de doute, je la rassure, elle a pris le devant de la scène pendant 10 ans à tes côtés, c’est notre tour maintenant, c’est elle et moi, et toutes mes insécurités, c’est mon histoire douloureuse, mes daddy issues, c’est ma peur panique de n’être jamais bien aimée, ce sont mes compulsions, mes qualités, mon humour et mes grands yeux, on est tous là, on y va, on est presque prêts.

Les routes

Je n’arrive pas à méditer. Ou alors pas quand il le faudrait, pas pendant le cours de yoga, pas lorsque l’angoisse arrive et qu’il faudrait débrancher. Je n’arrive pas à faire le vide, tout prend vie quand je demande à mon cerveau de s’éteindre, les craquements s’intensifient, les douleurs se réveillent, je pense si vite qu’il m’est impossible d’attraper une idée pour la garder. Les minutes semblent des heures, les respirations des autres prennent l’allure de basses mal réglées, toute ma partition interne joue forté. Se détendre mais pour quoi faire, quand tu fonctionnes sur les nerfs depuis des années, j’imagine mon réseau sensitif parcouru de rails rouillés, de cordes qui ne tiennent plus qu’à quelques fils, des autoroutes hystériques liées et déliées dans des noeuds infinis et embouteillés. Je respire par le nez, je pense à tous les soucis au même moment, je les passe en revue et je les classe par ordre de malaise, puis par ordre de taille, puis par ordre chronologique, j’oublie d’expirer, je m’étouffe, j’angoisse car j’étouffe, je me souviens qu’il faut expirer, je ne sais plus respirer.

C’est quand je roule qu’il me semble m’approcher le plus de ce qu’on m’a raconté de l’état méditatif. Rouler, c’est un grand mot, je suis calée à 40 sur une file de droite quelque part sur les maréchaux, une clope se consume dans mes doigts, j’oublie de la fumer, je tire une latte au feu. J’ai le temps avant d’arriver, je connais la route par coeur, il ne pleut pas, je n’ai rien d’autre à faire que d’avancer, assurer les réflexes, ma tête peut arrêter de tourner. Là, je ne pense à rien. J’ai l’impression d’être mon passager. Je me conduis, mais j’ai le temps de regarder le paysage, Paris qui change, ce qui sort de terre et ceux qui y rentrent, je me transporte dans les quartiers de mon enfance, je me souviens des odeurs, elles n’ont pas changées, la ville sent toujours la même chose, la saleté épicée des sorties de métro, le bitume trop chaud des fins de journées. Je pourrais me souvenir du pire, je pourrais pleurer en passant devant ce café, mais ça n’arrive presque jamais. Je visite mon musée personnel, rien n’est effrayant, rien n’est étranger. Si mon cerveau n’est pas arrêté, il bloque les mauvais souvenirs et m’empêche les détours déprimants. J’avance, doucement mais surement, et si personne ne m’attend, ce n’est pas grave, j’ai plaisir au voyage, je fais la paix avec les rues et les quartiers, je respire à plein gaz l’air vicié mais rassurant, familier. Je suis bien.

Quand j’étais petite, les trajets en voiture étaient des moments précieux. Bébé, maman m’endormait en me faisant faire des tours en voiture. Mon père et ma mère travaillaient beaucoup, les heures passées dans les embouteillages me permettaient de profiter d’eux. Dans les fumées mentholées ou ambrées, fenêtres ouvertes sur le périphérique, mes parents se confiaient, se racontaient, la radio en fond sonore. Il n’y avait pas de téléphone, pas de tablette, pas de films à regarder, juste mes parents pour moi pendant des heures. Les trajets avec mon père étaient importants, ils étaient le seul moment où j’avais l’impression de compter, la sensation que mon existence impactait la sienne, il prenait du temps pour moi, pour me conduire. Il était obligé. Et puis il a dérogé à cette unique obligation. Il m’a planté devant un RER en m’expliquant qu’il n’avait pas le temps. J’ai cru que j’aimais l’indépendance, la clé autour du cou, les trajets seule trop tôt, j’avais 10 ans, je me rassurais. J’ai détesté être oubliée, à la sortie de l’école, quand il ne se souvenait pas que j’existais. Alors c’était mieux que rien, j’étais sure d’arriver en ne comptant que sur moi, j’étais sure de le retrouver. Je déteste encore le métro le RER. Mais je me suis trouvée, et j’aime encore avancer.

L’atelier Zinzolin a besoin d’aide

En partant bosser le matin, je passe une tête à Zinzolin, pas longtemps, juste quelques minutes, dire bonjour, se saluer, faire le point sur l’urgence et sur les progrès, se donner du courage, s’embrasser. Ils sont déjà là, autour de la table, sortis des camps ou des hôtels, ils attendent les professeurs, cahier, bic, bonnet. Ils parlent pachto, ourdou, dari, arabe, anglais, ils boivent du café et trouvent que le français c’est plutôt compliqué, mais que ca vaut le coup, que c’est la clé. Ils sont une bonne soixantaine à venir tous les jours passer la porte de l’atelier, avec leurs histoires, leurs silences, leurs espoirs, leurs échecs, mais surtout avec leurs rires, leurs jeux de mots incompréhensibles, leurs blagues en franglais, leur terrible volonté de survivre à tout, partout, quelles que soient les conditions, les souvenirs, les cauchemars, la faim, l’ennui. Ca sort parfois de manière incontrôlable, entre deux exercices de prononciation, l’air de rien, tu sais ma femme est morte en Autriche sur le chemin, tu sais ils ont poignardé ma mère alors je suis parti, et puis ils reprennent comme si rien, les hon et les han, les b et les ba, et toi tu ne sais pas quoi faire de la confidence, alors tu fais comme eux, tu la ranges pudiquement et tu continues, survivre, verbe du 3eme groupe, futur, je survivrai, tu survivras, ils survivront, nous survivons.

A midi ils sont quelques-uns autour de la table, des familles confinées dans les chambres vétustes des hôtels sociaux, sans cuisine, sans rien pour faire cuire, sans espace et même sans air. Les enfants voudraient tout savoir et tout comprendre immédiatement, comment ca s’appelle, courgette, fourchette, chourchette, les parents sont exténués, les yeux vides. M. aura bientôt un bébé, elle a fait une partie du voyage à pied, enceinte, elle a dormi à même la terre pour se cacher à la frontière, elle a traversé la mer accrochée à l’espoir d’accoucher ici, elle a laissé là-bas sa famille et son premier né. A la PMI, hier, elle a entendu le cœur de son bébé pour la première fois, jusqu’ici elle ignorait s’il était encore en vie. Tout va bien dans son ventre, c’est son dos qui lâche, mais le médecin pense que c’est normal, après toute la route, après toute la nuit. C’est l’AMAP de la ville qui donne des légumes, ce sont les volontaires qui cuisinent, ce sont les grands-mères qui font les gâteaux, il faut un village pour faire corps autour du leur, il faut une armée de petites mains bienveillantes et discrètes pour les porter sans les étouffer, pour les accompagner sans les commander. Les adultes traînent autour du thé, il faut doux, les enfants ne veulent pas jouer dehors, ils sont comme les vôtres, devant l’écran, fascinés. La semaine prochaine ils retournent à l’école. Ils viendront faire leur devoir ici, les bénévoles iront chercher les plus petits à 16h pour les faire goûter. Pendant ce temps, Papa est en bas qui court au CAFDA, Maman est en haut et fuit le CAO. Chaque semaine, le temps se suspend en attendant les décisions de placement et d’hébergement, on fait pression comme on peut, mais ils peuvent être envoyés à l’autre bout de la région, assignés à résidence ou convoqués en rétention. Nos solutions sont des pansements, des inventions dans l’urgence, mais nous ne pouvons rien contre l’administration. On voudrait pouvoir les installer juste à côté de Zinzolin. Ils y ont leurs repères, leurs ami-es, leurs cours, leurs formations, mais ca ne suffit pas. La semaine prochaine, Formule 1 de Cergy pour F. et ses deux enfants, à 1h30 de l’école en transports, sans aucune allocation ou possibilité d’acheter des tickets de transports. Manger ou s’instruire il faut choisir. Liberté, égalité, fraternité vous disiez ? Les exilé-es sont des numéros sur des fichiers, des pions qu’on déplace au gré des politiques, des avis, des experts en humanité, sans jamais les écouter.

En rentrant du travail, Zinzolin est encore plein. C’est la fin du dernier cours de français, R. rentre juste du karaté, c’était son rêve depuis l’Afghanistan, il vient juste de commencer. Il préfère son prof à sa maîtresse, difficile de rester 6 heures sans bouger quand on est venu de Kaboul à pied. Il retrouve son père, qui a passé sa journée entre le commissariat pour pointer et à faire la queue pour récupérer son courrier. Tout est long quand on n’a pas de papiers. Dans le bureau, on essaie de traduire en franglais-dari les étapes nécessaires à la cuisson des bolanies, des chaussons afghans aux pommes de terre et aux épices. Dans la salle principale, des enfants du quartier sont venus prendre une leçon de dessin, chut, il faut les laisser travailler. M. passe chercher les médicaments qu’un bénévole a pu passer acheter, elle repart avec un colis de nourriture, ca tombe bien, ils n’avaient plus grand-chose à manger. Le téléphone sonne, c’est A. qui annonce une bonne nouvelle, il vient d’être accepté dans une formation au CAP, il va être logé et même un peu payé ! Il ne parlait pas français il y a quelques mois, il traduit maintenant à Zinzolin pour ceux qui viennent d’arriver. Le week-end arrive, ceux qui restent iront au cinéma grâce aux dons de tickets, d’autres seront reçus au vestiaire pour leur trouver des chaussures et des bonnets, dimanche c’est art thérapie, on se lance des bulles imaginaires pour apprendre à se parler, on pleure de rire de se comprendre mieux par onomatopées que par dictionnaires interposés. Zinzolin ferme cette nuit, mais pas toutes les nuits. Parfois il faut préparer un recours au tribunal administratif en urgence, parfois il faut trier des dons, parfois il faut cuisiner, parfois il faut refaire le monde ensemble, bénévoles et exilé-es pour imaginer ce qu’on pourrait faire de mieux ensemble, ce qu’on pourrait inventer.

L’atelier Zinzolin est le point de repère de centaines d’exilé-es et de réfugi-és dans le Sud de Paris. Nous avons besoin de votre aide pour continuer à le faire vivre, et principalement pour faire les travaux nécessaires à la réfection et à l’installation de sanitaires aux normes. Si vous le pouvez, merci de faire votre don. Tous les euros comptent !

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La râle de janvier

L’obligation au bonheur est un peu passée de mode, plus personne n’a plus les tunes pour aller au Club Med, et la dépression saisonnière a raison des plus optimistes. Si je veux, quand je veux, le bonheur mon cul, on nous vend à présent le hygge, aspartam danois pour accros à la gratification immédiate, moins bling-bling et plus champêtre, le bonheur d’une vie c’est foutu, tant pis, reste la possibilité de pouvoir faire la sieste sous un plaid. On aspire plus au bonheur mais on prend soin de soi, on cultive son jardin, on se tricote sa petite chemise de contention maison, renforcée aux œillères pour éviter de se prendre la réalité en face, dès fois qu’on se rendrait compte que la vie est une tartine de merde et qu’il faudrait vivre avec, épée de Damoclès du pauvre, tu sais qu’elle tombe toujours du mauvais côté et souvent sur ta gueule, faut pas se louper. Alors plantons des succulentes dans des bacs en béton brut, nourrissons nous de porridge et de bols de bouffe molle, investissons nos canapés comme des enfants qui refusent de s’endormir dans leurs lits, chiants et épuisés. Le bonheur est mou et mouillé, comme des feuilles pourries à la fin d’automne, édulcoré à grands coups de pastel dans les cheveux et de bébés licornes sur les cahiers, plus rien n’a de saveur dans ce ragoût triste et fadasse de mignonneries usées.

Moi je préfère le bonheur en fluo, qui te gueule dans les oreilles et qui t’explose le tympan, même si cela ne dure que 3 secondes, même s’il faut en chier des années pour rien. Je préfère les contrastes, même s’ils crament la pellicule, même s’ils déforment les images. Attraper le bonheur comme on chope la gastro, sans vraiment savoir comment, pas longtemps et intensément. Chercher à faire de l’économie durable des sentiments de joie, c’est de la branlette intellectuelle pour universitaire frustré, il n’y a pas de banque à bonheur, pas de coffre-fort où l’enfermer, il n’obéit à personne, il se manifeste sans que tu puisses l’emprisonner ou l’acheter, il se casse quand tu t’y attends le moins, sans demander la permission et sans s’assurer que t’as le cœur bien accroché dans ton baudrier. Tu peux préparer ton champ, vidanger tes eaux usées, lui construire un petit matelas bien douillet en plumes vintages de canards arc-en-ciel, c’est pas toi qui a la main, c’est pas toi qui décide. Être heureux c’est accepter de ne pas l’être en majorité, se contenter des grandes lumières qui éclairent jusqu’au bout de l’hiver, se réjouir d’apercevoir la fin de la nuit quand t’arrives à te réveiller. Pas de formica, pas d’aggloméré, tu te prends tout en plein cœur et t’essaie d’en retenir le souvenir, puisque l’essence va s’évaporer.

Je déteste aussi qu’on force les gens à se trouver belles. T’es belle, on s’en fout non. Pourquoi il faudrait être belle ? Pour qui ? A force de chercher la beauté obligatoire partout et tout le temps, on la porte comme valeur essentielle au respect, comme si on ne pouvait pas en accorder aux vrais moches, à ceux dont on arrive vraiment pas à sublimer les attraits. C’est ok de ne pas s’extasier sur la beauté des choses et des gens, de laisser de côté la recherche méticuleuse des compliments à faire sur les attributs physiques de quelqu’un. T’es trop mignonne, ca va trop marcher. Et si t’étais moche, comment on ferait ? Et nos critères de beauté, malgré nos déconstructions à la dynamite, restent si imprégnés des autres, des attentes sociales et de l’avis de la rédac chef de Vogue US, qu’il est presque insultant de se faire appeler belle. Bien sur j’aime les compliments, en faire et en recevoir, ce n’est pas cela qui m’agace, mais de placer la beauté comme seule monnaie d’échange pour confiance en soi défaillante. En quoi soumettre quelqu’un-e à la grille de lecture biaisée de nos normes culturelles et oppressives sur le beau est-il un service à lui rendre ? En quoi est il rassurant d’être validée, même un petit peu, même sur un détail, dans son apparence par un système qui détruit nos particularités tout le reste du temps ?

31 décembre

C’était le dernier jour de l’année et c’était le plus étrange. Le 31 décembre à 08h du matin, devant le tribunal administratif, nous étions tous mal-peignés, mal réveillés. Tous, sauf celui qui devait passer devant le juge, bien sûr. Celui-là n’avait pas dormi de la nuit. Il serrait contre lui une chemise transparente remplie de papiers froissés, ses yeux scrutaient le ciel, puis ses pieds, puis le ciel, puis la porte du tribunal, puis ses pieds. A la queue-leu-leu, nous présentons nos papiers aux forces de l’ordre, tous, sauf lui bien sûr, il n’en a pas, c’est bien pour ça qu’il est là. Son fils se faufile contre moi, les policiers ne l’arrêtent pas, tant mieux, c’est ça de moins à subir. A 10 ans il sait déja marcher des jours durant, se cacher, présenter son identité, dormir sur des draps qui ne sont jamais les siens, se cramponner à l’espoir de faire du karaté, il a vu sa maman assassinée, les talibans, les chiens tués, les coups de couteaux, Papa devant le juge, la faim, le froid, les refuges crades et les promesses qui ne se réalisent pas. Alors pour aujourd’hui c’est bien qu’on l’oublie, qu’on le laisse passer sans rien lui demander.

On attend dans la grande salle, pas perdus et tronches défaites. Les papiers sont sortis du plastique, ils s’étalent sur une table en formica, il y a un avocat, ca parle français-pachto-anglais, il a de la chance, les autres attendent serrés sur un banc sans rien vraiment comprendre, les pupilles dilatées par le faste de la république, jolies pierres et moulures, c’est beau, c’est sinistre. On joue sur un téléphone avec le petit, je le bats au skate-board entre les trains, ca l’énerve, on rit, on se fait des farces, il a 10 ans mais je vois bien qu’il sait qu’on fait semblant. Qu’on se distrait pour ne pas penser à ce qui arrive. On joue chacun notre rôle, il est le petit garçon courageux et souriant, je suis l’adulte optimiste, tout va bien se passer, voilà ce qu’on se ment. Il est l’heure de descendre dans la salle d’audience, du bois, du velours, l’estrade, les micros, d’un côté les prévenus, de l’autre les accompagnants. Le petit est avec nous, et puis on lui demande de rejoindre son père. De l’autre côté. J’ai envie de chialer. C’est seulement 5 mètres de différence. C’est seulement toute sa vie qui peut changer.

Les affaires se succèdent. Ce n’est pas un très joli métier, avocat du ministère de l’Intérieur. Même le diable, voilà ce que je me répète pour ne pas exploser. Même le diable a le droit de causer. Il ne s’en prive pas. Il exige, il demande, il requiert, il doute, il expose. Il nie, la réalité, les récits, les demandes, les larmes, les suppliques. C’est à eux. Le père tout droit derrière son avocate, tête baissée devant la juge impassible, main croisée dans le dos, la peur tatouée sur la colonne. L’interprète susurre à son oreille, il entend, il encaisse, il se tait. Une remarque ignoble de la juge. Affaire mise en délibérée. Nous sortons, petite marée rose sur tapis rouge, accolades maladroites au papa, sourires forcés, on écoute l’avocate raconter ce que l’on savait déjà. Ca sent pas bon. Il faut refaire semblant, vite. Rire trop fort, chatouiller, jouer à chat dans le couloir. Tout est normal, tu vois, tout est comme avant. En délibéré.

Plus tard, champagne, bonne année, meilleurs voeux. Et surtout la santé.

Et surtout des papiers.