Cimetiere des Elephants

J’arrive pas à oublier, j’arrive pas à oublier, ce que ca fait d’être dans tes bras et ce que ca fait quand tu ne rentres pas, j’ai 11 ans je m’en fous, c’est anormal c’est dépressif, c’est mon putain d’Oedipe, j’arrive pas à m’y faire, je veux pas grandir, je veux régresser, redevenir petite dans mon jogging vieux rose compagnie de Californie, préparer ton café dans la cafetière de la cuisine, que tu m’emmènes me balader dans la BMW défoncée, y’avait que toi et moi, y’avait que nous, j’étais le centre de ta vie, tu pleurais quand je partais, rappelle toi, je voudrais que ca te hante, je voudrais que ca te tue, que les larmes rentrent de ton corps pour te rendre malade, je voudrais te voir encore pleurer quand j’emporte mes affaire dans la voiture de ma mère, je veux que tu souffres comme j’en chie pour ne pas t’oublier, cette douleur que j’entretiens pour te permettre d’exister.

T’as ta place dans ma vie, je te porte dans mon corps, le poids de mon père mort, le poids de la crainte de te recroiser, au détour d’une rue, dans tes quartiers préférés, lire sur ton visage que tu as oublié qui j’étais, pour de bon effacés les souvenirs et ta paternité. J’aurai du m’en douter, ca commençait mal, je suis née un jour maudit, deuil national, j’avais pas les bonnes fées, y’a les photos pourtant, tu me portes près de ton coeur et ta bouche est posée sur mon crâne déformé, t’étais là quand je suis née, il parait même que t’as pleuré, est ce que déja tu t’en foutais, t’avais déja prévu de me quitter, de me laisser, de m’abandonner. J’en sais rien et quand je te demande de m’expliquer tu ne me réponds pas, tu te contentes de me répondre que je n’existe pas. J’arrive pas à t’en vouloir, j’arrive pas à comprendre, chaque jour je me demande, ce que tu fais comment tu vis, si tu es heureux et comment c’est ta vie, je cherche tes enfants à  chaque sortie d’école, je croise des visages qui me ressemblent et que je ne connais pas, je suis veuve de mon père, je suis une fille mère, je pousse mais tu refuses de sortir, j’ai ta tête bloquée entre les deux estomacs, je veux accoucher de toi, et puis t’abandonner, répéter une dernière fois le schéma pourri que je fais subir à ceux qui ont le tort de m’aimer, je les aime à la folie et je les laisse tomber, je ne sais pas aimer sur la durée, ce qu’il me faut c’est de l’intense, de la folie, du rêve, du fugace et de l’immédiat, parce que rien ne dure jamais, les gens refusent de crever et il faut les achever, coups de pieds dans le ventre pour les faire avorter, je suis la boule nauséabonde dont tu veux te débarrasser, je suis le fœtus sanguinolent retrouvé noyé, je suis l’accoucheuse et l’accouchée, ma maïeutique ne connait pas la logique, je suis tout à la fois et finalement je ne suis rien, je ne suis qu’une merde puante et asphaltée, accrochée au sol, refusant de décoller.