In the dead car

Je suis muette, tu comprends ca sort pas, j’ai des mots et puis des phrases, ca m’écorche la gorge et ca fait saigner mes gencives, ca bouillonne et puis ca se bastonne, ca veut pas mourir, ca veut pas se taire, ca me pousse à dégueuler, tout en une fois, sans réfléchir et sans pouvoir modérer, ca sort comme ca peut, quand j’ouvre un peu trop la bouche ca s’échappe et ca s’enfuit, la boue, la merde, ce que je pense tout au fond, ce que je n’ose pas dire, ce que je ne veux pas avouer, ca m’oxyde les dents, dépose une mousse de dégout sur ma langue jaunie, nicotine et café soluble, mensonges et regrets.

Je danse pas, je respire, pas, j’arrête de bouger, la tête dans mon écran toute la journée, écrire des trucs qui ne veulent rien dire, aligner les mots les verbes les adjectifs, ne pas chercher à comprendre, les doigts qui frappent les touches de plus en plus fort, de plus en plus énervée, de ne pas sortir, de ne pas parler, de ne rien dire et de tout garder, j’appuie sur les touches et je frappe mes mots, j’ai des courbatures aux phalanges et mes mains sont gonflées, je me punis d’être muette, d’être une handicapée momentanée, je me punis mais c’est bien, je mérite et c’est bon, la souffrance d’exister, juste se réveiller et respirer, s’émerveiller d’être encore là en attendant que le nuage se repose sur ta tête, les quelques minutes que tu grappilles pour sourire et te souvenir comment c’était.

J’ai pas d’histoire de cul à raconter, y’a pas de sexe dans ma vie, j’ai même oublié comment c’était, j’ai pas envie qu’on me touche, j’ai pas envie de me montrer, je reste seule au pieu et je ferme les yeux, y’a rien qui vient, rien qui me donne envie de faire descendre ma main, j’arrive plus à jouir, ni dans ma tête ni dans mon cul, ca passe plus je te dis, c’est fini, c’est déconnecté, j’ai les connexions nerveuses qui finissent de griller, c’est incendie collectif dans les caves, les synapses arrosées à l’essence, je craque l’allumette et je regarde mes émotions flamber, c’est beau une caisse qui crame, c’est beau une ville la nuit, tu contemples les flammes qui viennent lécher les portières, ca va finir par exploser, ca monte dans l’air, c’est presque bleu, c’est presque invisible et pourtant ca ne va pas finir, les vitres qui implosent et le capot qui se soulève, c’est le moment du boum final, le souffle qui caresse tes lèvres, écrase ta clope à terre, reprend ton chemin, ca sera fini demain.