Automatique

D’abord il y a eu ce matin, vers 9h, peut-être un peu avant, je dormais fort, parce que ma nuit a commencé vers 6h, alors tu vois vraiment je dormais, alors quand ça sonne à la porte et que ca tambourine, je me dis que le facteur est énervé, et que vraiment, c’est pas le moment, alors avec le chat, on reste sous la couette et on se dit qu’on ira chercher le recommandé au guichet, comme ça, parce qu’on a pas envie de se faire chier la bite à encadrer un employé des PTT mal réveillé. Seulement ca s’arrêtait pas, alors je me suis levée, et comme je dors à poil, j’étais emmerdée, j’aime pas m’habiller, alors j’ai mis une robe, un pull de marin et comme c’était trop tard pour me coiffer, j’ai mis le bonnet en laine qui trainait sur la porte d’entrée, enfoncé par dessus les oreilles en mode couvre chef de l’extrême, je devais être super jolie, vraiment, une beauté.

J’ouvre la porte, et là, y’a trois personnes, un grand tout maigre, un petit gros et puis une fille un peu vieille et un peu moche, le grand me dit qu’il est huissier, et que je dois beaucoup d’argent au Trésor Public et qu’il va devoir sévir, alors comme j’ai pas vraiment peur des huissiers, rapport à ce que j’ai pas grand chose de toutes façons, je leur ai dit de rentrer, et puis avec Monsieur Ramirez de la trésorerie, on s’était mis d’accord, que je lui dis, à l’huissier et aux deux autres qui restent derrière lui comme si j’allais frapper le grand maigre à coup de casserole ou de sac poubelle rempli, ils avaient pas l’air rassurés. Il fait le tour avec ses yeux, c’est là qu’on voit que c’est un grand professionnel de sa profession, il a même pas fait un pas en avant pour s’assurer d’un panorama plus avancé, il a fait le tour du salon avec ses petits yeux bleus plissés, il m’a demandé combien ca coutait ma télé, j’ai dit je sais pas, parce que d’abord elle est pas à moi, et j’ai cherché la facture dans le tiroir de l’entrée, ca l’a calmé, le grand blond avec ses petits yeux qui savent chercher.

Ca a duré quelques minutes, il a même pas voulu que je lui montre les toilettes ou la salle de bain ou même la pièce du fond du couloir où il n’y a rien, à croire que la vision dévastée de mon salon de pauvre l’avait dégouté, il m’a filé des papiers, et le plus marrant c’est que sur ces papiers, y’a la liste des trucs qu’ils pourraient saisir, si jamais Mr Ramirez décidait qu’il en avait assez de transiger. Sur la liste y’a marqué : ITEM 1 : un lot de DVD. J’aurai du lui expliquer que j’avais un ordinateur et que Hadopi, bon, comment dire, j’avais pas trop peur, et que j’avais cent fois plus de films dans mon ordinateur, d’ailleurs il a pas noté mon ordinateur, il est tout neuf pourtant, à croire que lui aussi est atteint de laideur post pauvreté, même l’huissier n’a pas voulu l’emporter. Après ça, je me suis recouchée, mais j’ai eu du mal à m’endormir, parce que je savais qu’il fallait que j’appelle Mr Ramirez, et qu’il m’énerve, avec son air condescendant et son petit bouc à poils écartés et transparents, on dirait qu’il y a trop de peau sur son menton et qu’il va tomber.

Après j’ai tapé des trucs dans Google et j’ai vu que des gens de ma famille, comme des grands-pères, étaient morts, et comme j’étais un peu triste, j’ai juste essayé de continuer à respirer, ca m’a bien pris trois heures pour y arriver pour de vrai.