Je venais pour une angine. J’étais là avec mon mal de gorge et mes amygdales dans mon sac à main, installée dans le bureau de ce nouveau médecin. Je venais pour une angine, mais je savais bien qu’on me prescrirait un régime, parce que c’est comme ca, c’est le rôle du médecin, j’ai l’habitude. D’abord elle m’ausculte, la gorge, les poumons, et puis elle prend ma tension, j’ai 11 et des patates, elle s’en étonne, vous n’avez pas de tension, c’est bizarre. On repasse derrière son bureau, elle imprime mon ordonnance, prend mon chèque, et puis me demande si je sais que je suis en surpoids. Je me demande vraiment qui peut poser ce genre de question à la con. Oui je sais que je suis en surpoids. Merci bien. Elle me demande ensuite quels autres médicaments je prends, pour ma maladie mentale, elle note, elle s’emporte, sur les les psychiatres qui font grossir les gens, sur la responsabilité des molécules. Je lui dis que j’ai toujours été grosse. Ca la souffle, un peu. Mais j’ai surement tort, parce qu’un ami qu’elle connait a fait une bouffée délirante, et que lui, lui a pris 30 kilos. Alors j’ai surement faux.
Ca fait 7 minutes que je suis dans le bureau de ce médecin. Dès l’annonce de mon diagnostique psychiatrique, j’ai compris que je ne serais pas traitée comme une patiente normale. Elle ne m’a même pas demandé la spécificité de ma pathologie. Elle a juste noté, en gros en gras sur son logiciel de merde, dans son petit catalogue à souffrance, que j’étais malade. A la huitième minute, elle me demande si je veux me faire opérer. Je lui réponds que l’anneau est un échec autour de moi, et que le bypass me fait peur, compte tenu de mes antécédents. Elle s’emporte un peu, m’explique que je vais mourir. Je sais que je vais mourir, tu sais, j’ai envie de lui dire. Je sais que je vais mourir, comme toi, comme les autres, peut-être un peu plus tôt, peut-être pas. Mais je ne dis rien. Je lui dis que je fais attention, qu’on me teste et qu’on prend ma tension. Que je n’ai pas tout à fait perdu espoir. Elle me demande si je connais la sleeve. Oui, je connais. Non, je n’ai pas envie de me faire couper les 7/8eme de l’estomac. Non, je n’aurais pas l’accord psychiatrique, compte tenu de mes troubles du comportement. Oui, je suis foutue. Voilà son constat. Elle ne le dit pas vraiment. Elle m’annonce juste qu’effectivement, personne ne m’opérera. Que c’est même pas la peine. Que j’ai qu’à faire avec. Et que vraiment, je vais mourir.
Voilà la réponse de mon médecin traitant à mon problème d’obésité. Elle n’a même pas imprimé le régime habituel, format AP/HP, 2 biscottes ou 25 grammes de pain le matin, elle a abandonné avant d’appuyer sur Print, pas la peine. Inopérable, foutue. Tas de gras. Vous savez, moi aussi j’ai des problèmes de poids, me dit-elle. Bien moins important que les vôtres, Dieu merci. Ok. Peut-être qu’il faut que je m’adresse directement à lui. Pour être soignée comme un patient normal, au lieu d’un tas de viande malade. Pour espérer qu’un jour, on propose autre chose que la mort imminente en réponse à l’obésité. Le pire, c’est qu’elle est de bonne volonté, cette toubib. Qu’est ce que j’espérais, en dix minutes, après tout ? Peut-être faudrait il se taire, quand vous n’avez pas le temps, Docteurs et Soignants, plutôt que de prononcer des sentences terribles. Peut-être faudrait il arrêter de prendre les gros pour des imbéciles heureux, coulant des jours paisibles dans la vallée de Willy Wonka. Je vais mourir, grassement, sans doute. Pardon Sécu, pardon mutuelle, pardon Nation. Dis toi que j’aurais essayé. Dis toi que ce n’est pas sans peine que je partirai, digne et aplatie dans mon cercueil XXL en pin rabougri.