Grossophobie, same shit, different day

Je me réveille, en retard. Je monte sur mon scooter. A chaque fois, une pensée pour cette image utilisée contre moi quand j’ai eu le malheur de demander à mes proches un coup de pouce financier pour l’acheter, cette femme en obésité monstrueuse sur un scooter médical, je n’arrive pas à l’oublier, est ce donc cette image que je renvoie aux autres ? Au premier feu, un mec en moto me parle, je dois soulever mon casque pour l’entendre m’insulter « tu feras mieux de prendre tes pieds », il se marre avant de démarrer. J’arrive au boulot, passage à la cafétéria, tous les jours le même allongé, « tu devrais passer à l’aspartame, c’est quand même meilleur pour ce que tu as’, merci collègue, j’avais failli oublier mon obésité, merci pour tes conseils, je garde mon demi sucre, merci. Boulot, passage sur les réseaux sociaux, la grosse Daria, Daria imbaisable, Daria inviolable à cause de ses bourrelets, même merde chaque jour déversée par les trolls, je bloque je passe, je ne fais presque plus attention. Midi, cantine, je ne choisis que des légumes, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec un régime, ca n’empêche pas l’invective « oh mais si tu manges que des crudités à midi, tu dois surement te goinfrer le soir, tu ferais mieux de bien manger maintenant, tu sais ce qu’on dit, le matin comme un roi, le midi comme un prince, le soir comme un pauvre si tu veux maigrir hein! », je ne connais pas la personne qui me parle, mais elle est à priori autorisée à me dispenser ses conseils diététiques. Parce que je suis grosse, et que l’humanité doit me sauver. Ou parce que ca la rassure de penser qu’elle n’est pas comme moi, qu’elle est mieux que moi. Je ne sais pas.

Boulot, pause, je prends l’ascenseur, deux hommes sont déjà là, conversation légère, « oh tu sais moi les thons c’est surtout les grosses, une mince, même moche, ca peut passer ». Fin du travail, retour sur mon scooter, pensée pour cette femme que je suis peut-être, en fait. Passage chez Monoprix, je voudrais des collants, la taille 6 dans les boîtes jaunes, je ne les trouve pas, je demande à l’employée « oh ici on a arrêté de les stocker, on a pas trop de clients comme vous dans le quartier ». Je shoppe donc dans un quartier sans gros, je ne me sens pas du tout stigmatisée. Respire, sors, tu trouveras pas de collants, c’est pas grave, remets ton legging troué et commande sur un site allemand les mêmes mais plus cher, parce que t’es grosse mais en plus t’es grande, pas de bol, fallait naître rentière. Sur le chemin, un petit con en vélo me traite de grosse pute, on échange quelques plaisanteries, il finira par lâcher un très joli ‘moi les grosses je les encule », fin de partie. Je rentre chez moi, une voisine est en train d’emménager, il y a une chiée de cartons dans le hall d’entrée, son mec me demande de l’aider à porter un meuble lourd, parce que sa copine « elle a pas les os aussi solides que vous, ca se voit tout de suite ». Si je refuse je suis une grosse enculée, j’accepte donc, je suis déja difforme, il ne manquerait plus que je ne sois pas aimable, si t’es pas jolie, sois au moins polie. Je me cale dans le canapé, la vidéo du casting des mannequins du défilé Victoria Secret’s tourne, on plaint ces filles superbes qui subissent le jugement des casteurs, s’ils savaient … Le téléphone sonne, une copine désespérée de faire un 40, je comprends, j’ai pas de souci avec la dysmorphie des autres, chacun sa merde, seulement parfois c’est un peu trop à supporter, la plainte de la nana normale qui m’explique qu’elle souffre affreusement de ne plus pouvoir se fringuer, de ne plus être désirable, de se sentir diminuée par 3kg en trop, « oui mais toi c’est pas pareil, tu le portes si bien », mon cul, c’est pas pareil parce que c’est pire, mais ca t’emmerde d’y penser.

Je prends un bain. Je regarde mon corps que je ne peux pas m’empêcher d’aimer. Mais il y a des soirs plus difficiles que d’autres, de ceux où tu t’attardes sur le moindre centimètre, où ton enveloppe te semble juste bonne à foutre en l’air, puisque tout le monde te le dit, puisqu’en ce qui te concerne, tout est permis, on peut tout te dire, tout te faire subir, puisque tu es grosse, et que tu ne mérites pas le respect élémentaire. On peut te donner des conseils sur ta présumée maladie, on peut te dire comment t’habiller, on peut contrôler ce que tu as dans ton assiette ou dans ton panier, on peut te conseiller de maigrir avant de soigner ton angine, on peut te dire que tu es imbaisable, que tu finiras seule, que tu ne pourras pas avoir d’enfants juste en te regardant, on peut te rabaisser sans cesse. Et ne me parlez pas d’incidents isolés, il n’y a pas une seule journée où je ne suis pas confrontée aux remarques intrusives, aux regards mal placés, est ce que vos vies sont à ce point vides et tristes pour que vous ayez le besoin de vous rassurer en crachant sur la grosse qui passe, est ce qu’il n’y a pas un espace secure où je pourrais évoluer ? Non, ni Internet, ni la rue, ni le travail, ni les relations intimes, ni ce que je pense, ni ce que j’écris, ne semble échapper à une lecture pondérale, tout est lu et analysé dans le prisme de mon obésité. Tu dis ca parce que t’es grosse. Tu penses ca parce que t’es grosse. Tu t’habillerais pas comme ca si t’étais maigre. Merde.

Au moment où je poste ce billet sur Twitter, voilà ce qui passe dans ma TL.

Joyeux Anniversaire

J’essaie, tu vois. Je ferme la porte. Je n’écoute pas cette chanson. Je change de chaîne. Je tourne en rond. J’allume fort la lumière, même la nuit, je brûle de l’encens, des bougies. Je ne regarde pas derrière l’armoire, il n’y a rien sous mon lit. Je chante fort dans les parkings, dans les tunnels, je remplis mes oreilles de cris. J’essaie, mais je n’y arrive pas. Tu me rattrapes, tu me cherches, tu ne me laisses pas. Tu es là. Une ombre, un détail, une lettre qui tombe de la bibliothèque, d’autres ouvrent la Bible pour deviner le hasard, je n’ai qu’à te laisser la place de venir pour que tu te manifestes. Barre toi putain. Dégage. J’y crois même pas, à ces conneries, aux esprits. Je conchie les voyantes et les tireuses de cartes, je crois aux morts qui reviendront pourtant, c’est un élégant paradoxe. Mais pas maintenant. Pas comme ca. Tu reviendras gonflé de chair dans ton corps d’adulescent, le sourire narquois, la clope au bec, tu reviendras en te marrant, certainement pas en te planquant dans un courant d’air.

Si c’est toi, c’est pas drôle vraiment. Tu vois bien que ca me rend triste. Tu vois bien que je n’ai pas oublié. Pas la peine de me torturer. Je respecte nos rituels. Je t’attends devant notre café. Je me plante là, l’enseigne a changé tu sais, plus de cascade de bulles cheaps  à l’entrée. Tu détesterais. J’allume une cigarette, je guette le bout de ta rue, pour quelques minutes je me persuade que tu es seulement en retard.  13 ans de retard, qu’est ce que ca fait, je peux bien t’attendre encore, le temps de te revoir, en transparence, comme une décalcomanie que je rajoute à un décor en papier mâché. Je t’assois, sage, à la table près de la fenêtre. Tu es là, ou presque. A chaque fois, la même larme débile, celle de l’oeil droit, la larme unique, radine, j’ai trop pleuré déjà, c’est la fumée dans mes yeux, c’est le film qui repasse en boucle, celui de la dernière fois, ta voix que je reconstitue maladroitement, pour la conserver, pour ne pas l’oublier. Tu es mort, je peux bien te manipuler, en choisissant de te retirer, tu m’as donné le droit de tout réécrire, de tout refaire cent fois quand le sommeil arrive, d’imaginer des retours mièvres, des envolées fantastiques. Tu n’as plus rien à dire. Tu ne diras plus jamais. Rien.

Je fais du bruit contre ton esprit, pour qu’il s’éloigne de moi, je fais du bruit dans ma tête pour tuer les souvenirs de toi, rien n’y fait, je te porte entre deux côtes, là où c’est tendre, là où c’est chaud, là où ca coince, où ca tord, je te porte comme un mal de coeur, comme une exigence, je te porte et je ne peux pas t’abandonner. Je ne suis pas la seule, je sais bien, à souffler dans l’urne pour que tes cendres ne retombent jamais, je n’avais pas le monopole, quand tu vivais, maintenant que tu es mort, je suis libre de m’imaginer que tu n’aimais que moi, je suis libre de dégommer les autres, pan l’autre brune, pan le boulot, il n’y a plus que nous. C’est moi qui décide, quand tu viens et quand tu pars, je n’ai plus à céder à ton emploi du temps, je ne concède plus rien. Je te convoque au gré de mon envie, tout le reste, je bloque. Tu râles je vois bien. Tu fais tomber les livres, tu fais claquer les portes. Tu es mort, mon vieux, il faut que tu t’y fasses.

Cher Jacquie et Michel

Je viens en amie. C’est vrai, je n’aime pas le porno. Mais je ne cherche pas à l’éradiquer. Je ne suis pas une abolitionniste. Je respecte les travailleurs du sexe. Tout doux bijou. Il est vrai aussi que je passe souvent sur votre site. Pas vraiment la main dans la culotte, prête à exploser de désir, mais plutôt avec l’air incrédule de la nana qui ne comprend pas comment une de vos actrices peut accepter de se faire « défoncer » par 4 inconnus sur le bord d’une air d’autoroute, sans aucune condition de confort ou de sécurité. C’est sans doute très bourgeois de ma part, mais le bruit des voitures qui filent au loin pendant la double pénétration m’empêche toute échappée sensuelle, j’ai l’impression d’une orgie plantée au milieu des 24 heures du Mans, entre deux passages au stand et trois bières tièdes. C’est un genre, me répondrez vous, le porno low cost pour un maximum de sensation, le côté exhibition sauvage, tout peut arriver, j’imagine que cela doit fonctionner. Et puis soyons honnête, cela vous évite sans doute de louer une chambre d’hôtel, un studio, ou d’emprunter une chambre de bonne mal rangée à un « fan », comme vous le pratiquez habituellement. Si je m’étonne de vos méthodes, je ne les remets pas en question, après tout, c’est votre business, je le vous souhaite florissant.

Venons en donc au propos de mon billet. D’abord, parlons des actrices. Elles postuleraient, pour la grande majorité, directement avec vous, dans l’espoir de vivre un moment sexuel incroyable avec vos équipes du chibre. Fort bien. On devine parfois qu’elles sont un peu plus introduites dans le milieu du porno que vous aimeriez nous le laisser croire, mais après tout, vous êtes des conteurs d’histoires, pas des journalistes. On vous accordera donc cette licence poétique. Certaines semblent moins rompues pourtant aux exercices que vous leur demandez de pratiquer, elles semblent parfois mal comprendre ce que vous leur demandez, ou ne pas être dans l’état nécessaire à leur consentement éclairé. Vous avez récemment retiré une vidéo où vos camarades besognaient sans ménagement une femme complètement ivre. Vous publiez encore des vidéos d’une demoiselle et de son compagnon, apparemment limités intellectuellement, timides et patauds, qu’on observe se faire écarteler avec l’impression tenue que quelque chose n’est pas normal, qu’on pourrait aisément profiter d’eux et de leur naïveté. Dans une autre oeuvre, encore, vous imposez une sodomie brutale à une jeune femme qui vous signifie pourtant clairement ne pas désirer jouer côté verseau, qui le verbalise nettement à la caméra, sans même que vous ne coupiez le passage. Vous lui intimez l’ordre de subir cet acte au nom de Jackie et Michel, comme si elle vous était redevable de son anus, comme si vous la possédiez son consentement. La scène qui suit n’a rien d’agréable, et les spectateurs avisés reconnaissent sans peine les cris de souffrance et les grimaces de douleur qui animent votre star d’un jour. Nous vivons malheureusement dans une société où la douleur sexuelle des femmes fait bander le chaland, je doute donc que la majorité de vos internautes le remarque ou s’en offusque. Mais vous, les éditeurs de ces vidéos, les tourneurs, les professionnels du sexe, vous savez. Et vous êtes donc responsables de ce que vous donnez à voir gratuitement aux spectateurs. Vous assumez le côté porno-réaliste de vos vidéos, mais vous allez trop loin en pensant qu’il est normal de passer outre le consentement d’une femme. Vous me répondrez sans doute qu’elle  a signé un contrat, que son droit à l’image est encadré par des règles strictes. Soit. Je ne cherche pas à vous prendre en défaut sur la légalité de votre entreprise. Mais vous ne pouvez pas ignorer que ces manquements sont graves, qu’ils peuvent avoir des répercussions importantes sur les femmes qui les subissent, et qu’ils entretiennent la culture du viol. Le mot est lâché.

La mécanique bien huilée de votre site repose sur un scénario simple. Une femme, la plus normale possible, se révèle être « une grosse chienne » « une bonne salope ». C’est le concept de « girl next door », cette voisine ni moche ni belle qu’on croise tous les jours, et qu’on imagine s’agenouiller dans l’ascenseur et se jeter sur sa bite. On voit facilement comment cette imagerie peut séduire. Toutes les femmes deviennent des partenaires sexuelles potentielles, de la marchande de vin en passant par la maîtresse d’école, toutes sont affamées de sexe et attendent en secret d’être arrosées de sperme. Toutes les femmes sont donc des trous à combler, n’ayons pas peur des mots. Les femmes qui viennent tourner pour vous sont d’ailleurs en général loin des canons de beauté exigés par l’industrie mainstream du sexe. Elles sont toutes ces femmes que vos internautes croisent ensuite dans la rue, au travail. Cela stimule leur univers fantasmatique, me répondrez vous. Certes. Mais la mise en scène de vos vidéos, qui laisse à penser que n’importe quelle femme est prête à accepter sans mot dire une double pénétration anale, biaise les choses. Les pratiques sexuelles que vous choisissez de montrer semblent de plus en plus hard, de plus en plus dégradantes pour les femmes qui choisissent de tourner. Le bukkake, cette pratique consistant à recevoir le sperme de multiples partenaires sur le visage et le corps, se généralise, ne parlons même pas des pénétrations multiples, des fellations doubles, des sodomies violentes qui crispent de douleur imaginaire et empathique vos spectatrices. Ces femmes « normales » comme vous aimez à les montrer, sortent déja de la norme en acceptant de se retrouver cul nul sur Internet, mais vous jouez à faire croire à vos internautes/clients qu’elles ont aussi une sexualité « hors norme », toujours plus souillées, toujours plus abîmées au sortir de leurs scènes. Vous n’êtes pas sans ignorer que de nombreux mineurs, de nombreux jeunes adultes, visionnent vos vidéos, malgré l’avertissement en bonne et due forme que vous donnez. Que retirent ils de cette vision des femmes ? Que pensent ils de leurs professeurs, de leurs petites amies ? Quelle vision du sexe, et du consentement des femmes, leur donnez vous à penser ? Vous n’êtes pas les seuls responsables de la dégradation flagrante des relations entre femmes et hommes, mais soyons honnêtes, vous y participez en alimentant ces scénarios et ces mises en scènes. Vous êtes pornographes, pas philosophes, mais pensez y, effectuer un tri dans les vidéos publiées, ou choisir de montrer une scène de consentement de l’actrice aux pratiques qui viennent, comme il est d’usage dans les vidéos SM par exemple, peut être facile à implémenter.

Mon dernier grief porte sur votre vision très flou du safe sex. Si vos acteurs portent une capote lors des pénétrations vaginales et anales, bon nombre d’autres pratiques laissent à penser qu’elles ne comportent pas de risques. Lorsqu’une femme mélange, avale, joue avec sa bouche ou ses muqueuses, avec le sperme de plusieurs hommes, elle risque une contamination aux IST ou MST. Lorsque le sperme d’un premier partenaire est transporté sur la verge d’un second partenaire, il y a risque de contamination. Lorsqu’un partenaire homme va d’un sexe de femme à un autre sexe de femme avec sa langue ou ses doigts, sans prendre le temps de mettre un gant, de passer sa main sous une solution hydroalcoolique, les risques de transmissions de femme à femme existent. Lorsque vos acteurs, jusqu’ici porteurs de préservatifs, choisissent de « finir » leur prestation sur l’anus ou sur la vulve d’une femme, les risques de contaminations sont là aussi présents. Nous n’avons pas d’information sur le statut sérologique de vos acteurs ou actrices, sur leur statut herpétique ou autre.. Nous connaissons très peu les conditions de tournage, les tests obligatoires ou non. Vous ne faites aucun rappel de prévention dans vos vidéos. Faire apparaître un préservatif sur une verge par magie du montage n’apprend rien aux internautes. Le porno Queer féminin, comme celui de Courtney Trouble, donne l’exemple dans ce sens. Les acteurs travaillent dans la sécurité, utilisent gants, digues dentaires, changent de préservatifs à la caméra entre partenaires. Et il reste un porno bandant. Alors pourquoi pas vous ?

J’espère avoir une réponse  à ce billet. Merci  d’avance,Jackie et Michel.

Edit 

Je reçois par mail le témoignage d’une actrice passée par cette production.

Elle m’a donné les moyens de vérifier son identité.

Je le copie ici, fidèle au mail, en protégeant les détails personnels.

« Je sortais d’une période difficile et traumatisante de ma vie, j’étais bourrée de médicaments psychiatriques.

Je suis sous traitement psy et je dors 15h par jour. J’ai 20 ans, j’ai besoin d’argent.

Donc j’ai envoyé divers mail à des annonces vivastreet amateur qui annonçaient rémunération, finalement j’ai été contactée.

On m’as contacté sans me dire que c’étais pour « Jacquie et Michel », on m’as fait venir sur les lieux du tournage à mes frais (mais ça limite j’en ai rien à foutre comparé au reste). Sur place, le réalisateur s’est présenté à moi et m’as expliqué qu’on allais tourner pour ce site. Je connaissais de loin et j’étais pas franchement enthousiaste à l’idée, mais j’ai été reçue de manière correcte, j’avais fait le trajet, je pouvais plus dire non. En fait si, j’aurais pu. Mais je l’ai pas fait. Bref.

Au départ le réalisateur me propose deux scènes, une avec un garçon, et une avec deux. Je ne veut pas pratiquer la sodomie et c’est ok, même si il a l’air très déçu, les pratiques seront orientées comme cela. Les prix aussi, j’apprendrais plus tard par une actrice plus expérimentée l’ampleur de l’arnaque.

On arrive sur les lieux du tournage. du bon Jacquie et Michel dans les règles de l’art.  Je suis décomposée intérieurement par le message sur le consentement que véhiculelce scénario mais j’ai signé le contrat, j’ai besoin de cet argent.

Quand l’acteur vois mon malaise, il essaye de me réconforter, me dis « de toute manière on est là maintenant hein, tu va voir, dans une heure c’est fini ». Le pire c’est qu’il a pas l’air méchant, juste très paumé, avec sa boite de cacheton pour tenir ses érections, lui qui a 27 n’as plus de libido à cause de son métier.

Je fait la scène, et celle du lendemain, pendant laquelle un des acteurs se met à me secouer et à me dire plusieurs fois de crier « Merci Jacquie et Michel », et me met plusieurs baffes parce que je le crie pas assez fort. J’ai qu’une envie c’est que ça se finisse, je m’exécute. Je m’attendais pas à ça.  Le pire c’est qu’en écrivant ça je sais que les amateurs de ce genre de porno riraient à la lecture de mon récits. Bienvenue dans le monde du porno amat.

Fellations et éjaculations sans préservatif, le réalisateur m’assure qu’on « passeras faire des tests après ». On n’est jamais allé les faire.

Le réalisateur préfère tourner un film par jour. Un des lendemains, il me sort avec un sourire malsain « ta croupe a une super odeur, je suis venu hier, quand tu dormais ». Malaise. Je me suis fait violer plusieurs mois avant et comprend très bien qu’il a peut être joué avec moi sans mon consentement. Du moins c’est ce qu’il déclare. Plusieurs mois après je lui ai fait savoir ce que je pensais à propos de ça… sa réponse: tu n’as pas d’humour, tu ne comprend pas le second degrés. Bien sur. Comme c’est marrant, le sexe non consenti!

Après les deux scènes tournées, on me propose d’en tourner deux autres. Je peut dire non mais le réalisateur, qui a bien capté depuis le départ qu’il a entre les mains une gamine de 20 ans sous l’influence de psychotropes qui a besoin de tunes, insiste « tu te rend compte , ***€ en une semaine!! tu réalise pas ce que tu rates si tu dis non ». Je finis par céder. Mes limites que j’avais fixé au départ aussi cèdent. J’accepte l’anal et la double, après en avoir discuté avec eux pendant plusieurs jours ça me faisais moins peur, et comme le dis bien salomé sur twitter, ces mecs là sont dans un discours genre « on est trop subversif avec notre porno du terroir », tout va bien se passer… Bref.

Le pire dans l’histoire c’est que j’étais consentante. Plein de fois, j’aurais pu dire non, mais je l’ai pas fait. C’est dur de dire non une fois les contrats signés et l’argent en poche, quand on est dans une situation précaire et qu’on a pas 36 000 façons de se faire de l’argent. Quand j’ai revu les vidéos, il n’y en a pas une sur laquelle je ne grimaçais pas de douleur. Sur le coup j’ai considéré que ça faisais « partie du contrat », mais j’ai eu super mal. Et quand je lui ai dit, à l’acteur, il m’as répondu « putain, et j’y suis allé doucement avec toi ». Bizarrement depuis ces vidéos l’idée de la pénétration me répugne.

Bon là j’arrête d’écrire ça me donne des douleurs dans tout le corps d’évoquer ça.

Pour mon message, c’est sorti tout seul… Je pensais que ça pourrais fournir de « la matière » sur le sujet, et je pense que c’est important de mettre au jour des pratiques aussi limites et peu pro.  Moi ça va je m’en suis bien remise depuis, juste j’ai encore un peu la nausée (…).

Je viens de recevoir ton 2eme message, je comprend tt à fait ta demande  ( Daria : j’ai demandé une preuve de crédibilité, suite à l’affaire du faux témoignage dans le milieu féministe de ces derniers jours) j’ai suivis l’affaire j’ai trouvé ça vraiment abject de leur part. D’une part si tu parle de mon témoignage, n’hésite pas à préciser que je suis toujours travailleuse du sexe et ce que je fais actuellement n’est nullement traumatisant, et j’ai pour projet de faire des vidéos érotiques/porno artistiques safe et queer, j’étudie l’art et la philo pour avoir une certaine base théorique, c’est donc bien leur « méthodes » et celles d’autres boites de prods qui sont en causes.

Édit : un témoignage d’expérience réussi avec cette boîte de production est a lire dans les commentaires.

Edit du 26/11 : un autre commentaire me parvient avec autorisation de publication

Je viens de lire ton article sur Jacquie et Michel (http://dariamarx.com/2013/11/11/cher-jackie-et-michel/). Je me permets de te raconter mon histoire.

Il ne va pas forcément dans ton sens, mais tant pis. Je ne critique pas ton article, chacun ses opinions sur la question. On est en droit d’aimer ou non le sexe (ouvertement ou non).

Le contexte. J’ai 34 ans, et je me suis séparé de mon compagnon il y a bientôt 5 ans et aucun petit copain depuis. Au début de l’année, j’étais non pas en détresse financière mais détresse sentimentale. Je vais le dire crûment, mais j’avais juste envie de me faire sauter (rien de plus). Je suis passé par un site de petites annonces, et j’ai été contactée par un gars qui voulait me faire tourner un porno en me disant que c’était pour le site J&M.

Hésitante au départ, le RDV que j’ai eu (dans un bar) avec le gars m’a mise à l’aise et je me suis dit après tout pourquoi pas ! Dans ce RDV, on donne déjà nos tabous, si on a des fantasmes, envie particulière (genre black très bien monté, plusieurs mecs) etc …

Je tiens à dire que dans mon cas, c’était vraiment « clean ». Le contrat est clair, on doit AVANT le tournage fournir un test HIV + hépatique de moins d’1 mois. Le contrat mentionne nos droits à l’image (on cède les droits pour le site), mais bien sur on peut revenir sur cette prise de position par la suite (sympa en cas de changement de taf etc…). On peut a tout moment dire NON. Perso, je n’ai pas souhaité qu’on passe par la petite porte et cela a été respecté (même si la nana qui « dirige » a un peu insisté pour que je cède).

Arrive le jour J. On a rendez vous dans un jardin public, tournage de la « pseudo interview » avec le cameraman. Puis on va dans un hôtel (très classe avec une chambre très spacieuse) pour le « vif du sujet ». Là, ben je vois l’acteur et une nana, les spots de lumières. La nana m’indique comment va se passer le tournage, me donne quelques consignes (genre « n’hésites pas à crier »). Bref, j’étais un peu morte de trouille ! 

 

Puis on passe au chose sérieuse et au début la nana m’a pas mal donné de consignes etc. Le mec au début était un peu « bourrin » puis je me suis détendu et finalement çà s’est bien passé.

 

 

 

J’ai bien aimé pour l’expérience, mais je dirais pas que j’ai eu du plaisir non. Entre la nana qui dirige, les gens autour, les spots et tout ca « intimide ».


Fin de l’histoire ! 


Non pas tout à fait. Au boulot, plusieurs mecs ont commencé à me chauffer me coller etc … j’ai appris qu’ils avaient vu ma vidéo sur le site ! Et du coup, je suis plus une collègue de travail, mais « la pute de service ». Avec le recul, si on est mère, çà reste délicat vis à vis des ces enfants …

 

Un cousin aussi m’a vu et a refuser par la suite tout contact avec moi, car pour lui j’étais devenu « femme immorale » (genre je mate des pornos mais surtout pas de cul dans mon entourage). J’ai eu d’autre personnes dans la famille qui y ont fait allusion et j’avoue que çà mets mal à l’aise même si pas de mal à en parler car j’assume totalement mes actes. Mais avec le recul, je n’avais pas pensé à l’impact en acceptant … je pensais pas que mon entourage (amis familles) le saurais (enfin pas autant de personnes). Pourtant je ne l’ai pas crié sur les toits.

J’ai par la suite été recontacté par eux. Je n’ai pas renouvelé l’expérience, et cela ma fait réfléchir au fait que tourner une fois pour « s’amuser » OK, mais finalement, le pas vers la prostitution n’est pas loin. On est quand même payée 350€ et dans mon cas, je suis resté un peu moins de 2H avec eux !

Donc des nanas un peu naïve, en galère etc … je conçois qu’on puisse sombrer dans le porno.

Conclusion, ben j’ai aimé le faire, j’assume totalement  (çà demande aussi un caractère fort ce qui est mon cas, pour les « conséquences »). Ca ouvre les yeux sur l’hypocrisie des gens, je pensais pas qu’autant de personne me verrait. J’ai été aussi étonné d’une copine qui est célibataire, soit disant sainte ni touche et qui me demande pourquoi j’ai fais çà (comment l’as t-elle su ?)

Voila pour mon témoignage. Libre à toi de l’utiliser ou non dans ton article. Je tiens a préciser que je ne suis pas « payée » par J&M pour te dire çà.

Le sourire

J’ai souri sans raison. Ca ne m’arrive pas souvent. D’abord parce que je déteste mon sourire, mes dents tordues malgré les efforts du bourreau aux grosses pinces, mes gencives trop basses, ma lèvre supérieure inexistante. Et puis surtout parce qu’il y a un certain abandon terrorisant dans le fait de sourire. Les muscles s’animent sans qu’on puisse les contrôler, j’ai du mal à me représenter souriante, j’ai l’impression que je deviens difforme, j’ai l’impression d’être laide, je me sens bête, je cherche mon reflet dans la pupille de l’autre pour me corriger, pour ne pas paraître plus laide. J’aime rire pourtant, je ris fort, trop fort, à pleines dents, sans réfléchir aux soubresauts de mon corps, à la déformation de mon double menton, le rire est plus fort que mon complexe, il balaie tout, je ne retiens rien, je pleure de rire sans honte, je glousse et je cherche ma respiration. Mais il y a dans le sourire quelque chose de plus intime, de plus secret, que je n’ose pas encore afficher, que je garde pour mes essais devant la glace, à mes tentatives de rééducation ratées. Et si je haussais un peu les joues, et si j’inclinais la tête de quelques degrés, et si je n’étais plus moi même mais cette jolie femme que j’aimerais tant donner à regarder.

J’ai souri sans raison comme vient l’orgasme, comme se déchaîne la pluie. Je connaissais les signes, ce sentiment incroyable de vide heureux, cette conviction de n’être plus que dans l’instant, de ne plus désirer autre chose que de vivre les dix prochaines secondes. Ne plus avoir à penser, ou plutôt ne plus avoir à faire barrage aux centaines d’idées et de mots générés par mon cerveau incapable de se laisser aller. Ma tête avait enfin cédé. Je n’avais plus à considérer avec angoisse si les mots qui allaient sortir de ma bouche étaient corrects ou stupides,les bruits du dehors étaient sourds, je n’entendais plus rien, enfin. J’ai senti les muscles de mon front se détendre, mes sourcils se reposer, fatigués, sur mes paupières fardées, ma bouche s’est ouverte, juste assez pour que mes dents cessent de vouloir déchirer ma lèvre. J’étais bien, comme je le suis rarement, rassurée, vide mais pleine de tout ce qui me fait vibrer. Une chanson, presque une préférée, presque une parfaite, est arrivée au même moment, comme par magie, comme si tout s’alignait. J’ai souri, avec le dedans, avec tout ce qu’il y a d’encore vivant dans moi, j’ai souri fort, d’un sourire qu’on explique pas. Je me fous de savoir si j’étais belle, si je présentais bien, je me souviens de ce moment précis, de ce sourire, et il me réchauffe, il m’habite, je le serre contre moi, de peur d’oublier comment le faire revenir, de peur de le laisser s’en aller.

Je n’ai pas les complexes qu’on pourrait croire. Je ne hais pas mon ventre, je ne déteste pas mes cuisses, mes bras mous ne me dérangent pas. Je hais chez moi ce qui semble m’empêcher de me ressembler. Je déteste les attitudes engoncées qui traduisent mon manque d’assurance, ma peur de parler, je maudis mes reflexes stupides d’attardée sociale, cette volonté féroce de m’effacer, de disparaître, dès que la situation m’échappe. C’est sans doute mon cerveau qui me joue les pires tours, cette voix qui me répète sans cesse que je ne sais rien, que je ne suis pas cultivée, que je n’ai pas assez lu, que je n’ai aucune légitimité. Cette angoisse omniprésente de ne pas être à la hauteur de mon interlocuteur, cette impression de devoir y aller au culot, dès que je l’ouvre, cette obligation de me faire violence, ou d’être condamnée à ne lier aucun lien profond, de peur d’être rejetée à cause de ma bêtise. Ce sourire, cette preuve que je suis capable de sortir de ma bulle, c’est presque rien, dix secondes, mais il existe. J’ai souri parce qu’un instant, je me suis sentie exister, sans culpabilité, sans avoir à me justifier de respirer en faisant trop de bruit, en cherchant à me faire remarquer.

Recherche volontaires

Hello

 

Dans le cadre de la journée contre la violence faite aux femmes, on recherche 300 volontaires (féministes ou alliés ou sympathisants) pour une action de 15 minutes le 25 novembre 2013 au matin à Paris ou en RP.

 

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Merci

Pénalisation des clients, prostitution, en vrac

Je ne suis pas abolitionniste. Je crois qu’on peut faire commerce de services sexuels, avec ses mains, sa bouche, son vagin ou son anus, sans que cela soit plus dégradant qu’un autre travail manuel. Je ne suis pas aveugle. Je sais que la prostitution est majoritairement étrangère, sans papiers, maquée, exploitée. Je cherche comment réconcilier ces deux données dans mon cerveau sans le faire imploser. Je crois que le problème de la prostitution, tel qu’on nous le présente partout, est un problème de traite des êtres humains, un problème de misère et de désespoir bien plus qu’il n’est un problème de morale. Je crois qu’il faut pénaliser les souteneurs, les passeurs, les mamas, je crois qu’il faut inciter les jeunes femmes à rester dans leurs pays d’origines en développant les aides, la formation, les micro-crédits. Je pense qu’il faut lutter contre la pauvreté, en France mais surtout ailleurs, éduquer, développer les échanges entre les services de Police français et ceux des pays concernés, je crois qu’il faut tuer les volontés esclavagistes des hommes dans l’œuf, là où elles se développent.

Je pense que pénaliser les clients est une fausse bonne idée. Je pense que nous pousserons ces femmes déjà précaires à prendre toujours plus de risques pour gagner un peu d’argent. Nous ne ferons que multiplier les codes secrets, les allusions sexuelles dans les annonces, les jeux de planque dans les bois, toujours un peu plus loin, toujours un peu plus dangereux, nous ne ferons que tendre les relations déjà difficiles entre les prostituées étrangères et leurs clients souvent peu soucieux de leurs conditions de travail. Croire que les prostitué(e)s joueront de leur droit à dénoncer le client auprès des services de Police est un leurre. Un client qui ne paiera pas sa passe ou qui violera une travailleuse du sexe ne sera pas retenu par l’idée qu’il pourrait être balancé aux flics par l(e)a prostitué(e). Ce(tte) dernièr(e), souvent persuadé(e) d’être dans l’illégalité en pratiquant, terrorisé(e) par son réseau ou craignant la reconduite à la frontière, élevé(e) dans la crainte des forces de l’ordre dans son pays d’origine, n’ira pas plus porter plainte qu’aujourd’hui. Je pense que nous n’aiderons pas suffisamment les femmes et les hommes prisonniers des réseaux pour qu’elles trouvent un intérêt financier à sortir de la prostitution. Je pense que la France refusera de régulariser la totalité des prostitué(e)s étrangèr(e)s sur son territoire, les renvoyant sur le trottoir avec des titres de séjours courts et ne leur permettant pas de travailler. Je pense que nous déplacerons le problème à nos frontières, en Espagne, en Belgique, en Allemagne, où les filles s’entassent dans des hangars du sexe.

Je crois que les femmes ont le droit de se prostituer. Qu’elles ont aussi le droit de le faire en étant protégées par le droit du travail. Qu’elles devraient avoir le droit à une sécurité sociale, à une retraite, à une protection juridique, qu’elles devraient avoir le devoir de cotiser, de payer des impôts, de déclarer leur activité comme on le fait pour n’importe quel métier. Je ne crois pas aux maisons de passes, aux visites médicales imposées, aux velléités hygiénistes de certains légalistes. Je crois que les putes sont des femmes et des hommes comme les autres, responsables de leur santé et de leur bien être. Je ne les pense pas plus sales, plus à risque, moins informées, au contraire. Je crois au droit des putes à être amoureux(ses), à vivre avec leurs partenaires sans que ce(tte) dernier(ère) soit accusé(e) de proxénétisme. Je crois aussi qu’on ne tombe pas dans la prostitution comme on tombe en amour, qu’on puisse choisir dès l’enfance d’être travailleur du sexe, comme on ne rêve pas d’être tourneur-fraiseur ou caissier chez Bricomarché. Je crois que nous sommes contraints à des choix professionnels qui correspondent souvent peu à nos espoirs d’étudiants, à nos soupirs d’enfants. Mais que nous faisons du mieux que nous pouvons pour nous sortir de la précarité et de la pauvreté. Et que la prostitution n’est pas un métier indigne, et qu’il mérite les mêmes égards et les mêmes règles qu’un autre.