Projection/Discussion autour du droit à l’IVG

Je vous propose de regarder ensemble un documentaire qui a eu beaucoup d’impact sur ma vision de l’accouchement et de l’avortement, de la lutte féministe et de ses enjeux. Cette projection nous permettra de discuter du droit d’accès à l’avortement en France, des menaces qui pèsent sur ce droit, et de prendre la mesure des actions et des réflexions à mettre en œuvre. Le documentaire est aussi intéressant, car il témoigne de la dynamique militante des membres de la MLAC.

La Cantine des Pyrénées lieu d’entraide et de solidarité, nous accueille.

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Projection du documentaire

 

Regarde elle a les yeux grands ouverts

de Yann Masson

 

Suivi d’une discussion sur :

 

Le droit à l’IVG en France : accès, surmédicalisation,

culpabilisation.

Dimanche 23 février, à 18h

à la Cantine des Pyrénées

331, rue des Pyrénées

Métro Pelleport ou Jourdain

Bus 96 ou 26

Autolib : Paris Pyrénées 330

Vélib : Station 20042 Pyrénées

Regarde elle a les yeux grands ouverts :

« Les « Filles d’Aix », des jeunes et des moins jeunes, toutes militantes du MLAC (Mouvement de libération de l’avortement et de la contraception) entre 1975 et 1982, certaines d’entre elles vivant l’expérience communautaire, avant et après la loi Veil. Leurs pratiques résolument collectives à tous les niveaux (soutien, accouchement à domicile, avortements, procès de 1977) sont montrées, la plupart du temps sur le vif, avec gravité, intimité sans voyeurisme, et toujours leur dynamisme et leur courageuse bonne humeur. Les manifestations de soutien devant le Palais de justice sont si bouleversantes que le policier lui-même est étreint par l’émotion. Dans les scènes d’accouchements à La Commune, Yann Le Masson s’en donne à cœur joie dans des images complexes, peuplées de femmes affairées ou prévenantes, d’enfants sidérés par ce qu’ils voient, d’hommes discrètement là en arrière-plan, Nicole regardant son enfant naître dans un miroir et le sortant elle-même à pleines mains. Du bonheur sans douleur, pratique collective aussi du grand cinéma. »

Bipolaire

Je déteste qu’on me dise que je vais mal. Que je suis « fatiguée ». Qu’il faut que je dorme. Toutes ces périphrases qui me rappellent que je suis bien malade, là, quelque part au fond de ma tête, malgré les médicaments et la thérapie, cette épée de Damoclès, peut-être que demain, peut-être que la semaine prochaine. Je me souviens ce que c’est d’être trop déprimée pour réfléchir à uriner dans mes draps, tant les quelques mètres qui me séparent des toilettes sont trop difficiles à parcourir. C’est ça la dépression, celle du fond, du milieu du tunnel. Pas juste un épanchement de l’âme sur la tristesse absolue du monde et des enfants qui meurent de faim. La dépression ne pense plus à rien, ni à soi ni aux autres. La dépression laisse sécher sur ton visage les jours successifs de morve, de croûtes, de bave, de pleurs, sans que tu trouves la force de les effacer. Tu ne vois plus ni la crasse, ni les poubelles qui font une montagne au milieu du salon, ni la litière du chat qui déborde de merde. Tes draps puent, tu pues, tes cheveux collent visqueux en paquet autour de ton visage halluciné d’angoisse. La dépression n’est pas romantique. Elle ne récite pas Goethe au soleil couchant. Elle ne s’étend pas sur les tombes anciennes pour attendre la mort. Elle est la mort. L’arrêt de toute la vie.

Pourtant, il faut vivre. Avec l’idée que ça va recommencer. Avec l’œil sans cesse braqué sur la courbe de mon humeur, sur mon cahier d’humeur. Repérer les signes, le manque de sommeil, le trop de sommeil, l’énervement permanent, l’hyper activité, la créativité même devient problématique, écrire trop ou pas assez peut être symptomatique de l’arrivée d’une tempête ou d’une défaite. S’interroger, en permanence, sur ses réactions, est-ce-que j’en fais trop ou pas assez, si je crie, est-ce parce que je suis légitimement agacée, ou est-ce que je me laisse emporter trop loin, est-ce que tout est proportionnel à l’événement, est-ce que je suis dans une fourchette de normalité, est-ce que je dois m’inquiéter. Et puis les gens, ceux qui ne comprennent pas ou qui ne veulent pas voir, qui demandent sans cesse, si j’ai bien pris mes médicaments, si j’ai bien dormi, si je suis énervée, si je suis triste, si je suis angoissée, qui se rassurent eux même de leur propre santé mentale en m’écoutant énumérer mes soucis, mes molécules et mes échecs. Ces gens qui disent bipolaire comme on dirait lunatique, sans voir ce qui se cache derrière le mot, ceux qui disent maniaco-dépressif, et qui ne voient en toi qu’un tueur en série putatif, une grenade dégoupillée prête à péter à n’importe quel moment, qui te donnent de handicapé sans attendre que tu t’en donnes le nom. Les mots qu’on ne dit pas pour te décrire, les mots qu’on utilise qui ne sont pas les bons, les mots qui blessent, ceux qui servent contre toi pour t’anéantir. Elle est malade, comme pour dire elle ne compte pas, ne l’écoute pas.

J’ai le luxe de pouvoir réfléchir. J’ai le luxe de pouvoir anticiper ma prochaine dépression, ma prochaine hypomanie. J’achète ces chances à grands coups de molécules, de discipline, de travail sur moi même, de surveillance constante. J’ai trop joué avec mon cerveau, je n’ai plus de tickets pour le manège. J’ai trop peur pour déconner. L’alcool, les substances, tout m’effraie dans vos excès. J’ai vu des gens comme vous, perdre la tête, pour quelques grammes d’herbe, pour quelques verres de trop. Je me rapproche de la fenêtre quand tu allumes ton joint, c’est peut-être idiot, j’ai peur de ta fumée, j’ai peur de la respirer, peur de perdre le contrôle, tu ne peux pas comprendre, puisque c’est ce que tu recherches toi, la détente, les muscles qui se relâchent. Je veux rester tendue, pointue, sûre et rassurée. Je suis une mauviette de ma tête, j’ai trop à y laisser.

#safedanslarue

Un mec dans la rue me traite de grosse relou et de grosse conne parce qu’il est en double file devant un bateau, et que j’aimerais descendre du trottoir, je suis en scooter. Je lui demande de répéter. Il répète. Il m’insulte. Je l’emmerde. Il m’emmerde. Je monte en pression. Il m’insulte. Je descends de mon scooter. J’enlève mon casque. Je me plante devant lui. Répète. Répète ce que tu viens de dire. Il me pousse et m’envoie valser quelques mètres plus loin. Je ne suis pas une petite chose légère. Il m’a vraiment poussé. Je reviens me planter devant lui. Il tend les mains vers mon cou. Il serre et me fait reculer en me poussant par le même temps. Il m’étrangle, quelques secondes. Je suis sonnée. Par la violence de tout cela bien plus que par une douleur physique. Je lui dis que j’appelle la police. Il s’en fout. Il se casse. Il va déjeuner. Il se fout de ma gueule. Je bouge mon scooter au coin de la rue pour ne pas gêner. J’appelle la police. La police ne viendra pas. Je guette le mec. Il retrouve un ami, juste au coin. Il me montre du doigt. Il est mort de rire. Il me crie de me barrer. Je lui dis que j’attends la police. J’entends une sirène, je tourne la tête. Ce n’est pas la police. Je me retourne, le mec s’est barré.

Je porte plainte. Je suis secouée. J’ai la plaque de la voiture. La flic qui me reçoit dit que ce n’est pas grave. Que c’est pas bien grave quand même. Je raconte. Les mots, les mains sur mon cou, les insultes. Je raconte mes insultes aussi. Je dis tout. Mais pourquoi vous vous êtes énervée aussi ? Pourquoi vous avez répondu ? Je ne sais pas. Parce que je ne supporte pas qu’on m’insulte gratuitement. Parce que je supporte plus. Parce que c’est mon droit de ne pas le supporter ? Elle me propose un médecin, mais elle n’est pas officier, donc elle ne peut pas me donner le rendez-vous, il faudrait changer d’arrondissement et prendre rendez-vous, ca a l’air tellement compliqué que je laisse tomber. J’appelle ma mère, qu’elle vienne me chercher. Elle pense que je me suis fait arrêter à une manif. Elle ne s’attend pas à mon air défait. J’ai les nerfs qui lâchent. Je pleure. Je rentre chez moi. J’attends. Je suis convoquée pour la confrontation. Je me retrouve assise dans un petit bureau, avec le mec qui m’a étranglé. La flic lit ma déposition. Non, je ne veux rien changer. Elle lit la sienne. Je suis une racaille en surpoids qui l’a agressé car j’avais la flemme de faire le tour plutôt que d’éviter sa voiture mal garée. Je suis une personne aigrie qui répond aux insultes alors que j’aurais pu me taire. C’est incompréhensible pour lui. Oui, il m’a bien touché, mais pas à la gorge, qu’il dit. Au visage et aux épaules. Pour se défendre. Parce qu’il a peur de mon apparence monstrueuse. C’est marqué. Sur la déposition. Marqué. Silence. La flic s’attend à ce que je m’énerve. Vous ne vous énervez pas, qu’elle me demande. Non. Je ne dis rien. Et vous monsieur vous ne dites rien, qu’elle demande. Non rien. Ah super je vais finir plus tôt ce soir, elle nous fait signer un papier. Je descends l’escalier du commissariat, j’entends les pas du mec derrière moi. Je suis aussi humilié par cette déposition que par l’agression. Ca part au proc, elle a dit ca, la flic. Ca suit son cours.

Fallait pas répondre. Fallait que j’accepte de me faire insulter par le mec mal garé. C’est ce que je me dis. Fallait pas descendre du scooter, ca fait menaçant. Fallait pas être monstrueuse. Fallait pas. J’en sais rien. Maintenant je ne sais pas. Ce qu’il faut faire quand on te crache dessus pour rien, ce qu’il faut faire quand on insulte ta mère ou ton chien. Je ne sais plus. Je suis sure que ma plainte ne donnera rien. Quasi sure. Il me reste ce truc amer seulement, celui d’être le monstre. Je n’aurai pas réparation. J’ai juste ce truc, dans la rue, qui m’est arrivé, en plein jour, pour un trottoir, pour une insulte rendue, un mec qui a pensé normal de porter ses mains sur mon cou et de serrer. Et qui n’en démordra  pas. Qui est sur de lui. Qui me dit qu’il vient de Neuilly lui. Qu’il ne se bat pas. Qu’il n’est pas comme ca. Et moi je suis quoi ? Dans quel monde, pourquoi, au nom de quoi, est ce que je dois accepter de me faire insulter ? Dans quel monde, pourquoi, au nom de quoi, dois je accepter de baisser les yeux devant celui qui m’agresse verbalement ? Je ne sais pas. Je sais que répondre, ca ne marche pas.