Like antennas to heaven

Je ne dors plus, ca fait un mois maintenant. Mes nuits n’existent pas. Je n’en fais rien. Je ne dessine pas, je n’écris pas, je ne rêve pas, je ne sors pas. Je me contente de rester là. Immobile. Concentrée. Faire taire l’intérieur de la tête. Un moment d’inattention et tout pourrait sortir, les monstres, la peur, les regrets, la culpabilité, ils sont là, juste derrière. On se regarde, eux et moi. Ils se cachent dans les plis de mon crâne, ils se planquent derrière mes yeux, prêts à bondir, ils m’attrapent le pied qui dépasse de la couette et me dévorent en silence. Mes monstres, recette personnelle, mélanges de visages, de souvenirs, de solitude et d’abandon. Mes affreux, mes chéris, j’ai oublié qui j’étais sans eux. Je les aime, tout simplement car ils sont les seuls témoins, mes seules vigiles. Personne ne me connaît aussi bien qu’eux. Personne ne sait.

Ils sont agités ces temps-ci, car je travaille dur à les laisser s’en aller. A regarder la réalité, sans fantômes et sans effets spéciaux. Alors ils s’accrochent, ils font des caprices, les sorciers. Je me force à pleurer, clous rouillés dans les tempes, je me force à avancer, ils zonent quelque part dans mon système nerveux, mes paupières tremblent. Tout bouge, trop vite pour que mes pupilles s’adaptent, je ne peux plus me regarder. J’ai la nausée, le manège s’est emballé, je veux descendre mais j’ai payé pour le grand frisson, serre les dents, ca va passer. Mon visage m’apparait flou dans la glace, je me trouve changée. Je ne sais plus qui je suis, je reconnais bien mes traits, mais je ne sais plus les animer. Qui-suis-je au fond, sans mes traumas qui font si bien mon identité, qui-suis-je sans ma légende, qu’est ce qu’elle me veut, cette grosse dans le miroir sale, tout est si compliqué.

Je voudrais bien l’été. J’oublie qu’on est aussi très malheureux, l’été. Je voudrais bien la paix en tout cas, ne plus trembler. Tout passe. Tout ira bien, c’est écrit sur la grosse bouée. Je ne me laisse plus le choix, je n’ai pas le temps de laisser passer. J’accepte de chanceler, sans bien savoir comment je vais me relever. Cette fois, c’est juste moi, j’ai compris que c’est une chance de m’avoir dans mon camp, d’avoir arrêté d’espérer qu’on vienne me sauver. C’est joyeux, mais c’est terrible, c’est vieillir. Je porte le deuil, j’en reconnais les étapes, j’en suis à la colère. Un jour les monstres devront se taire, et je vais les pleurer. Sans eux, je suis seule à pouvoir m’accompagner. Sans eux, je n’ai plus rien pour me cacher.

5 réflexions sur « Like antennas to heaven »

  1. Très beau texte. Ce que tu écris résonne beaucoup, d’autant plus avec ce morceau de Godspeed You, ou avec n’importe quel autre. Les monstres parviendront à se taire, tu n’as plus besoin d’eux pour avancer. Bon courage.

  2. Un long chemin nécessaire. Merci pour ce beau texte qui me parle tellement

  3. Je viens de voir le documentaire dans lequel vous livrez votre témoignage avec force et justesse. Comprendre que l’apparence « parle » est déjà une prise de conscience pour les autres.
    Votre implication dans cette belle association et vos multiples actions sont autant de signes de qui vous êtes et de ce qui vous motive dans la vie.
    Apporter du bien être aux personnes autour de vous, de la gaieté mais aussi beaucoup d’intelligence et d’humilité. Bravo à vous pour votre courage.
    Les démons se détacheront peu à peu de vous, c’set le travail de toute une vie…bien sur qu’ils reviendront dans les moments de doute et de désespoir mais vous saurez les apprivoiser et vivre avec eux malgrè tout car au fond, ils font aussi ce que vous êtes : une magnifique personne!!

  4. DÉCLARATION D’AMOUR DU 2 MARS 2020 – PUBLIÉE AU JOURNAL OFFICIEUX
    Alinéa 1 – Les monstres ne sont pas sous nos lits, comme nous le craignions lorsque nous étions encore petites filles. Ils se blottissent entre nos neurones, ceux du cerveau et ceux du système entérique (tu sais que ces derniers produisent 95% de la sérotonine circulant dans notre corps ?).

    Alinéa 2 – Daria + GYBE! = ravissement suprême.
    Sache que présentement, je me mets sur la pointe des pieds, je vacille certes un peu à cause des bourrasques de vent, mais brandis haut-le-coeur dessiné avec mes doigts noueux. Pour t’in-onder d’admiration, mes petits poings d’anorexique levés comme une antenne jusqu’au Paradis.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *