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La poussière.

Quand tu es mort je n’y ai pas cru. Je t’attendais. Tu allais revenir, c’était sur. Les gens merveilleux ne s’en vont pas, ils n’ont pas le droit. Et puis ton sens de l’humour de merde, ta mentalité post gothique, ca collait. Mourir pour mieux revenir, différent. Je t’attendais.

C’est pour ca que je n’ai pas été à ta crémation. Je ne voulais pas regarder les particules de poussière organique toucher l’herbe de la pelouse du souvenir, là haut au Père Lachaise, puisque tu n’étais pas mort. Ne pas rentrer dans ton jeu, je suis plus forte que toi, je n’y crois pas. Et puis ce jour là il pleuvait, il faisait froid. Pas un jour à aller regarder ton corps inerte rentrer dans un four, les rideaux se fermer comme pour préserver sa pudeur à la mort, le bruit de la fournaise qu’on allume, et l’attente désespérée, attendre que l’employé des pompes funèbres remette à ta femme ce qui reste de toi, quelques grammes de poussière à répandre, grain d’os et sang brulé, les quelques pas du crématoire à la pelouse, et ce cérémonial maladroit, quelques mots pour dire toute une vie, tu retournes à la poussière, à la terre, tu détestais la campagne, tu avais peur des arbres et des bêtes, rien de logique, rien de cohérent, tu n’es pas mort.

C’était il y a cinq ans. Peut être six. Les indices sont là. Les chansons que tu aimais reviennent en random dans mon casque, le coin de rue où tu m’embrassais n’a pas changé, le mec à la moustache du café me demande toujours de tes nouvelles. Je dis que tu vas bien, que tu es en voyage. Que je t’attends. Je reprends un café, au comptoir, comme d’habitude. Tu seras peut-être la bientôt, si seulement je reprends ce café. Dans le métro, à ta station, il m’arrive de descendre, de laisser passer un métro, au cas ou. Tu prendras peut-être le prochain. Je reprends le métro et tu n’es pas là, encore. Demain peut-être. Souvent je pleure aussi, gros sanglots désordonnés, hurlements presque. J’imagine ton corps plein de médicaments, tu marches jusqu’au canal, tu butes dans le trottoir, tu n’as déjà plus toute ta tête, tu vois double, il fait froid, janvier, il pleut, tu montes sur le pont en ferraille, on y a bu des litres de bière pourtant, l’été, en regardant l’eau, en se moquant des bobos chez Prune, ta tête ne répond plus, tu te laisses tomber dans l’eau glacée, et tu te laisses mourir, assommé par les opiacés et par le mal-être, l’eau rentre dans ta bouche et bientôt tu arrêtes de respirer. Ton corps remonte peu à peu à la surface, gonflé d’air et d’eau. Dans une heure, les pompiers viendront te repêcher, mort, froid, mouillé, désarticulé.

Il m’arrive d’être en colère contre toi. L’abandon, je connaissais déjà. J’avais pas besoin de toi. Et puis les autres aussi, ta femme et tes enfants. Ils grandissent eux aussi. Je les aperçois parfois. Ils ne me connaissent pas, mais j’aime les regarder, c’est un peu malsain sans doute. Pour eux tu reviendras, c’est sur. Pour eux au moins. Il faut être un grand connard pour laisser autant des gens qui t’aiment. Connard.

Quand tu es mort, personne ne m’a prévenu. Je n’avais aucune légitimité à l’être. Mon numéro de téléphone, tu le connaissais par cœur. Ni répertoire ni carnet où noter mon nom, pas d’indice de mon existence. Pour les gens de ta vraie vie, je n’existe pas, je n’ai jamais existé. J’ai appris ta mort en te téléphonant. Tu prévenais qu’il était inutile de laisser un message, parce que tu étais mort. Puis sur le net, ils ont parlé de toi, un peu, ils ont dit combien tu étais quelqu’un de bien, de drôle. Ils ont parlé de ta femme, de tes enfants, de ta famille. J’avais envie de hurler. Tu m’as tué un peu aussi, ce soir là. Je n’existe pas. C’est égoïste, mais tu t’en fous. Tu es parti, tu n’as aucun droit.

Tu sais tu aurais pu avoir un enfant, un autre. Avec moi. Mais le fantôme d’un papa mort, c’était beaucoup. Alors rassure toi, lui aussi, tu l’as tué.

Du désir, et autres contrariétés.

Saloperie de désir de merde. Envie qui te prend aux tripes d’être dans les bras de l’objet de ta lubie, de compter les poils de sa barbe un par un, de retenir dans la paume de ta main l’emprunte de sa joue, de son pied, de sa queue. Entre l’envie de vomir et la crampe pré-menstruelle, entre l’hystérie d’avoir gratté 3 euros au Banco et la joie réelle d’avoir attrapé le dernier métro, le désir, l’envie, ce truc lancinant qui t’attrape le cerveau, qui te retourne le ventre, qui broie toute tentative de réflexion. Un peu comme un mec qui finit sa plaquette de Néocodion, comme un réveil après 6 dolipranes codéinés, l’urgence du désir comme obligation de résultat, sous peine d’intense douleur morale immédiate.

Le désir, quelle merde.

Tu n’aimeras point, tu ne désireras point la femme de l’autre, tu ne feras pas d’avance à l’homme marié et no zob in job, autant de dogmatiques affirmations qui sont écrasées comme des merdes par l’envie. Tu porteras des capotes à chaque fois, tu ne coucheras pas au premier rendez-vous, tu ne coucheras pas pendant tes règles, tu ne suceras pas un mec dans des chiottes crades, principes de base pour la serial-fuckeuse en bonne santé, terrassés par la bête immonde, le crabe de l’hormone, qui pour 20 minutes de plaisir incroyable te font flipper pendant 3 mois et faire la queue au centre de dépistage le plus proche, subir les questions étonnées de ta gynéco, et  jurer que, promis, ca ne se reproduira plus.

Un jour tu fais tout ce qu’il ne faut pas. Tu deviens la maîtresse de l’homme marié avec qui tu couches dans des hôtels miteux, et pendant que tu le suces tu entends les vibrations de son portable sur la table de nuit, sa femme sans doute. Alors tu t’acharnes à être mieux que cette connasse qui a emprisonné le mec que tu aimes, tu lui imagines des atouts incroyable, un physique de nymphette et un mental de Viet-Cong. Dans ta tête, c’est la loose, tu rejoins le clan des meufs qui ne peuvent pas présenter leur mec, tu passes ta vie à attendre qu’il appelle, prison mentale que tu te fais toute seule pour avoir un peu plus mal, encore, parce que si t’as mal, c’est que ton histoire existe.

Après en avoir bien chié, bien pleuré, bien insulté sa race de vie la pute, tu fais le point. Ce mec, parfait, finalement tu ne le connais pas. Et finalement, à part lui servir de vide couilles parce que Madame a mal à son épisiotomie, entre vous y’a pas grand chose. Ce que tu aimes c’est l’histoire, le drama, les murmures, les rendez-vous, le secret. Et puis sexuellement, c’est moins bien. T’as moins mal au ventre quand tu l’attends dans ton string des grands jours. Parfois tu te fais même un peu chier quand il te parle de son boulot, de ses collègues, de ses mômes.

Tu veux lui dire que c’est fini, mais avec un mec marié, rien ne se passe jamais comme tu voudrais. Au moment où tu es prête à lui dire que c’est la dernière fois qu’il te lèche sur le parking d’Ikea, lui il t’annonce qu’il t’aime, qu’il est prêt à quitter le confort de sa grande maison familiale pour te rejoindre dans ton studio du 4e, que ce sera dur mais tant pis, qu’il veut recommencer avec toi.

Merde.

Une seule solution pour éviter ce genre de situation pourrie : la DLC.

Niquer avec un mec marié, l’aimer un peu, le kiffer beaucoup, après tout, ca arrive, tout  le temps, et souvent ca n’a aucun impact sur rien. Les amants se séparent, chacun reprend sa vie. Mais pour s’en assurer, la Date Limite de Consommation de 4 mois est ton amie.

4 mois c’est le temps moyen qu’il faut pour comprendre que tu fais de la merde, pour qu’il tombe amoureux de toi.  4 mois c’est suffisant pour avoir exploré pas mal de délires sexuels, pour avoir réussi à passer une nuit entière avec lui, pour prendre le meilleur d’un truc pas terrible.

Et mieux encore, tu dois lui annoncer tout de suite que le compte à rebours à commencé. Le mec marié se sentira obligé de te faire changer d’avis, sera encore plus charmant, encore plus performant, encore plus lovely rha rha.

Au bout de quatre mois, pas la peine de s’expliquer, de pleurer, de s’engueuler.

Tu repars faire la fête, rencontrer des mecs libres et chiants, il repars avec sa femme, ses gosses, et vous gardez chacun pour vous le souvenir impérissable du parking d’Ikea la nuit, du Formule 1 de la porte de Châtillon entre midi et deux, mais surtout de ce qui aurait pu être, de l’infinité des possibles, de ce que tu devinais de lui et de ce qui l’excitait chez toi, des moments où quand même, tu y as cru, même si t’avais pas le droit.

J’ai été un génie.

De 13 ans à 16 ans. Parfaitement. En tout cas, tout le monde s’accordait à le dire. Dans ma petite pension du fin fond de la forêt, académie Amiens, mes professeurs n’en connaissaient pas d’autres, j’aimais lire, j’aimais avoir raison, je sors d’un an au Canada, toute seule, où j’ai appris à faire la lessive et à parler anglais, j’ai sauté deux classes, je suis une rebelle, j’écoute NIN et Einzerstunde Neubaten, mes copines écoutent les Fugees, j’ai pas la gueule de l’adolescente qu’on séduit alors je me venge en fermant la gueule de tout ceux qui m’emmerdent, j’aime pas les gens ou alors les gens ne m’aiment pas, je fume derrière les grands arbres dans le noir alors que c’est strictement interdit et ca me fait passer pour une fille forte, une rebelle. Je passe mon bac défoncée sous le regard inquiet de mes professeurs qui tiennent à la réputation 100% boîte à bac de leur établissement, ils comptent sur ma mention pour faire mousser leur potentiel, moi j’ai la tête dans l’été qui arrive, l’appartement que je vais partager à 50m de ma prépa, enfin pouvoir écouter de la musique, lire ce que je veux, téléphoner, parler à des garçons, tout ce qui était rigoureusement passable de lapidation immédiate dans mon école tellement old-school qu’on y portait un uniforme.

L’été justement, je suis un autre genre de génie, le génie de l’embrouille, du stop jusqu’en Espagne, de ces boîtes immenses qui passent un son tellement brutal et tellement mauvais que tu es obligé de consommer, je rattrape en deux mois mes 4 ans d’enfermement, j’ai de mauvaises fréquentations qui ont mal lu Kerouac, pour la première fois j’ai l’impression d’avoir une place quelque part, sur la banquette arrière d’un break détruit, enfin j’ai une bande, je me reconnais en eux, sentiment d’appartenance, de vivre un peu aussi, j’oublie que dans quelques jours mon cerveau devra fonctionner normalement, je me perds un peu, je ne lis rien de la bibliographie obligatoire pour fille sérieuse qui rentre en hypokhagne.

Septembre tristesse, mes potes repartent et c’est pire qu’un au revoir, je partage un petit appartement glauque avec une fille qui est mon opposé complet, famille nombreuse normande, catholique et fière de l’être, chef scoute, fiancée, qui porte fièrement à son caban marin les petits pieds dorés sensés représenter ceux d’un foetus avorté. Si elle savait seulement le monstre ignoble qui partage son frigo, elle le comprend vite, les larmes et les sermons quand je rentre un peu trop tard un peu trop heureuse, j’ai quitté ma pension pour vivre avec un père spirituel en culottes bleues marines.

Septembre, angoisse aussi, rentrée en prépa, je ne suis plus un génie, c’est fini, autour de moi des gens hallucinants, un moche à cheveux longs arrive d’un conservatoire russe, des jumeaux en Barbour font des concours de latin, ils sont tous tellement épanouis dans leur habit de maître du monde futur et j’en ai tellement rien à foutre que le contraste se nique complétement sur la photo de classe. Je rends mes premières dissertations, et je les récupère avec en option un très belle envie de mourir consécutive à la note récoltée, mais surtout aux appréciations lapidaires, aux remarques glacées, aucun encouragement, vous n’êtes rien mademoiselle, vos opinions n’en sont que trop, veuillez utiliser votre langue maternelle qui est à priori le français, petits mots en rouge sur mes doubles copies, que je déchire souvent dans des accès de rage terrible. L’émulation, la vie en groupe, l’étude à la bibliothèque, les conférences et le Collège de France, toutes ces choses que j’aimerai aujourd’hui revivre mais qui à l’époque devenaient torture, des pages et des pages de notes, de fiches de lecture, de bachotage sur des sujets de colle stupides, combien de lampadaires à Bruxelles en 1907 mademoiselle ?

Je travaille et je deviens médiocre, c’est déjà beaucoup, j’ai la chance de ne plus être ridiculisée complétement aux résultats des galops des concours, je sais que je ne serai jamais normalienne, ni rien d’autre d’ailleurs, je ne dors plus non plus, je commence à voir des choses étranges, la nuit parfois j’imagine des milliers de rats qui courent derrières les plinthes de l’appartement, ca me rend folle, je saute dans un taxi et je me réfugie à 4h du matin sur le canapé de l’appartement familial, expulsée à 7h par ma mère furieuse d’être surprise au saut du lit par son amant du moment, je ne vais pas bien mais mes notes s’améliorent, la khâgne se rapproche et j’ai ma chance, et si je khâgne je passe le concours, tout devient possible, peut-être.

Ma colocataire me quitte fin mai, décidément je suis insupportable, et c’est un peu la fin de mes efforts, de mes petits succès, sa chambre devient salon, elle a laissé son matelas, je m’y affale pour fumer au lieu de relire mes notes, peu à peu mes potes reviennent, ma libido aussi, mon envie de lire, de voir, de penser hors de ce qui m’est imposé, envie de libérer du temps de cerveau pour être, mauvaise décision, convoquée par la directrice de promotion, mademoiselle on voit vos doigts de pieds à travers vos baskets trouées, et alors, et alors, mes ongles sont vernis et c’est ca qui compte.

Fin juin, prise de décision, le pour et le contre, le pire et le meilleur, l’avis de ma mère et le mien, je ne fais pas partie de ceux qui pleurent en attendant les résultats des délibérations, j’ai envie de pouvoir khâgner pour prouver que je n’ai pas tout à fait perdu mon temps, avoir mes équivalences en fac aussi, mais quelle que soit la décision, je n’irai pas, c’est fini, j’abandonne dans ce lycée les heures de gloire prévues par ceux qui pensent encore que je suis un génie, j’abandonne derrière moi les mots qui comptent entre deux virgules dans Breton, les silences de Flaubert et l’importance de la verge dans Shakespeare, pour moi le voyage au bout de la folie s’arrête ici.

Géraldine, la vengeance.

Je m’appelle Géraldine, j’ai 24 ans. Dans la vie, je suis chômeuse, ascendant Bac STG, mes employeurs s’appellent Mc Do ou KFC, en interim, c’est la crise, personne peut embaucher. J’ai un chat, Milouz, rapport aux Simpsons, et j’habite à Aubervilliers, mais de la fenêtre de mon T1 je vois le périph, c’est comme si j’étais à Paris. Mes hobbies c’est le shopping, mes copines, les sorties en boîte et le scrapbooking. Tout les étés je pars une semaine en club avec mes BF4E, on s’éclate. Je voyage beaucoup grâce à ca : la Tunisie, la Turquie, le Sénégal, mais j’ai pas vraiment vu la différence, le petit-déjeuner est le même à chaque fois. Pour 2010, j’ai pris une grande résolution, je vais trouver l’homme de ma vie, le vrai, le père de mes enfants, celui qui fera battre mon coeur plus fort que Pitbull sur la piste du Metropolis, celui qui me demandera de l’épouser, de lui faire un enfant, avec qui on achetera une maison et une voiture, qui me fera mon café le matin et qui n’oubliera jamais mon anniversaire. J’ai 24 ans et j’ai besoin d’amour, j’ai pas vraiment eu de chances de ce côté là, mon père je le connais pas, et ma mère était trop occupée à trouver une solution pour gérer qu’elle a oublié de m’en parler. A la télé, ils disent que les filles sans pères ont des déficits affectifs, moi, je sais pas, je crois pas qu’on puisse manquer de ce que l’on ne connait pas.

Ce que je sais, c’est que l’homme de ma vie, je vais le reconnaître tout de suite. Depuis le temps que je l’imagine, que je découpe des mannequins et des acteurs dans les magazines pour en faire des collages sur les murs de ma chambre, depuis le temps que j’essaie des mecs qui ont l’air de lui ressembler, je sais exactement ce que je veux, et je ne ferai aucune concession.

Déja sur la taille, il faut absolument qu’il fasse au minimum 6 centimètres de plus que moi. Sinon c’est juste pas possible. En plus la mode est aux talons en ce moment, alors j’imagine même pas sortir avec un mec petit. Pareil pour le poids, impossible de sortir avec un mec plus maigre que moi, j’ai pas envie de me taper des complexes tout les matins, merci beaucoup, et puis je vais pas me taper un gros non plus, je suis pas au bout du rouleau.  Non l’idéal, c’est qu’il soit quand même baraqué, j’aime bien me sentir toute petite quand il me prend dans ses bras, mais qu’il soit quand même pas trop massif, pour être sur qu’on le confonde pas avec un gros, et surtout qu’il aie des muscles au dessus des hanches, zut, je sais plus comment ca s’appelle, mais en tout cas qu’on voit le muscles en dessous de la peau, même si j’attends pas la tablette de chocolat non plus. Bref, un mec normal, grand et musclé mais pas trop. Jusque là, rien de bien compliqué. Si tu es une fraicheur  d’1m80, 76kg de muscles, et que tu te sens concerné par ma recherche, tu peux m’écrire.

Sur le visage, j’aime pas trop les bruns. Ma came, c’est plutôt les blonds ou les châtains clairs, mais surtout pas avec les cheveux longs, moi j’aime les crânes rasés, les bad boys de la capillarité. Les yeux doivent être clairs, verts ou bleus, parce que marron ou noir c’est vraiment trop commun, et puis ca risque de gâcher mon capital génétique pour les enfants.

Au niveau du style, soit un bad boy looké en streetwear, ou alors un minet super bien habillé, avec des marques, genre le jean Diesel, la ceinture DG, le pull Paul Smith et les dernières Nike Id. Pour le bad boy, évite quand même le survet, mais j’aime bien les skaters, les baggys, et si tu veux mettre une casquette Homecore, tu peux.

Faudrait aussi que tu gagnes bien ta vie, genre commercial ou alors agent immobilier, pas parce que je suis vénale, mais c’est important que tu puisses m’offrir des cadeaux, payer le restaurant, m’offrir des fleurs, et puis quand on aura des enfants, je serai surement mère au foyer.

Je te préviens, j’aimerai pas tes amis, mais je les inviterai quand même à la maison parce que je suis la copine parfaite, j’achéterai des bières et je te fera des friands à la saucisse pour tes soirées foot, mais tu le paieras une fois tes potes partis, je te ferai la misère et ca finira en dispute.

Ta famille m’adorera, parce que je suis mignonne, sympathique, mais moi je peux pas les blairer parce qu’il faut toujours les aider à déménager ou à nettoyer la cave le dimanche, et le dimanche, tu le sais, c’est notre journée à nous, celle où tu vas me chercher les croissants, où on fait le ménage ensemble dans notre nid d’amour, où je te saoule pour qu’on aille se promener la main dans la main dans le froid comme dans les films, et toi tu préferes jouer à la XBOX, mais c’est pas grave, on est tout les deux à côté, toi devant ton jeu, moi devant le forum d’aufeminin, on partage. Le samedi j’ai déjà fait tout notre programme d’amoureux, le matin on fait les courses chez Auchan, il faut y aller tôt sinon la bonne viande est déja vendue, on déjeune chez KFC sur le chemin du retour (j’ai mes entrées), et l’après-midi on discute de nos sentiments, de la manière dont on veut faire évoluer notre relation pendant que je regarde le téléfilm d’M6 en repassant tes chemises pour la semaine prochaine. Si tu veux passer l’aspirateur, tu peux.

Samedi soir, j’aime pas trop sortir, et puis on a vraiment pas les mêmes goûts au cinéma, pas question d’aller en boîte avec toutes ces pétasses qui cherchent un homme. Soirée DVD sur le canapé, et si tu es sage, je te laisserai me toucher les seins pendant le film. Si tu veux me laisser choisir le film, tu peux.

Au début de notre relation, au lit, je te ferai le grand jeu, je te sucerai tout les soirs et je te dirai que j’adore la sodomie. On achètera des toys et tu me parleras de tes fantasmes secrets avec ta coiffeuse, je te dirai que tu as le droit d’avoir un jardin secret, et je t’encouragerai à tout me dire. 6 mois plus tard quand tu voudras m’enculer je te dirai que j’ai mangé un bolino pas frais, je te sucerai pour Noël et ton anniversaire, et je vérifierai tout les soirs ton portable, ton ordinateur, tes poches et l’état de ton caleçon, parce que cette pute de coiffeuse, j’ai compris son petit jeu, et je vais pas me laisser faire. Si tu veux acheter une tondeuse pour que je te coupe moi même les cheveux, tu peux.

Tu vois, on sera heureux tout les deux, on ne fera plus qu’un, on verra les mêmes films et on sortira dans les mêmes lieux, si seulement on pouvait travailler ensemble, notre harmonie serait parfaite.

Parfois je te trouve un peu triste quand tu rentres, comme si ca ne te faisait pas plaisir de me retrouver après ta longue journée. Pourtant j’ai préparé la dernière recette de spaghettis aux courgettes de Marmiton, j’ai changé la litière du chat, et j’ai même choisi le programme télé pour ce soir, on regarde la Nouvelle Star.

J’ai l’impression que tu t’ennuies alors que tu as tout pour être heureux, une fille gentille et jolie qui fait la cuisine et qui se souvient de l’anniversaire de ton père. Bien sur tu as fait des concessions, tu crois pas que j’allais supporter longtemps ton poster des X-Men sur le mur du salon, maintenant il y a un joli paysage romantique, c’est bien plus chic. Pour ta fête je te prépare une surprise, on va à un stage de deux jours de cuisine pour couples, il paraît que c’est très bon pour renouer notre communication, tu vides le poisson pendant que je coupe les oignons, et on goûte le fruit de notre collaboration, en espérant que ca soit bon, sinon je le supporterai pas, tu voudrais pas qu’on passe pour une équipe de perdants.

Tu vois je cherche pas quelque chose de compliqué, juste un mec normé, normal et pas trop chiant, sans trop de saveur et sans trop de piquant, un mec à aimer comme j’aime mon chat, pour le serrer contre moi et lui gratter le ventre quand il a froid, sans opinions et sans passions, je veux pas passer mes week-ends à parler tunning avec tes potes du Team Auto-Gaga, un mec gentil et qui surtout qui m’aimera comme je suis, qui changera tout pour moi, de sa personnalité à sa coupe de cheveux, en passant par ses goûts musicaux et pour qui il votera.

Dedans Dehors

Dedans, le froid des courants d’air des couloirs immenses, qui s’étirent vers rien, succession de hublots aux paysages glauques, des cris souvent, un murmure informe, les lumières bleues de la télévision, blanche d’un néon, rouge arrêtez vous, vert, passez.

Dehors, le vide jonché d’objets, paquets de cigarettes vides, conserves aplaties, piles usagées, cantines cabossées, papiers roulés en boule qu’on déplie pour y lire une lettre, un mot. Plus loin un mur, terne, un vide encore, un mur encore.

Dedans le temps, ordonné par l’institution, levez vous, couchez vous, lavez vous, urinez, toussez, avalez, parlez, taisez vous, dormez encore. Ballet chorégraphié à la minute par ceux qui décident, pas de résistance possible, la couleur naïve des médicaments dans un gobelet de papier, bleu, rouge, rose.

Dehors entre deux murs, des gens qui fument, parlent, courent, dessinent ensemble sans le savoir la topographie de la folie, sillons dédaléens de chacun des pas, l’envie de mourir discute musique avec la schizophrénie, l’autiste adulte tape dans un ballon que lui renvoie le délire de persécution.

Dedans ensemble, au signal, ils parleront, leurs parents, la vie qui passe, la peur des autres, les hurlements à l’intérieur, les armes de destruction intime, au signal encore ils se taisent, se regardent et se jugent silencieusement, celui là est plus atteint que moi, celle là est irrécupérable.

Dehors il pleut maintenant, et les adultes sont inquiets, le temps se joue des fous, certains collés à la vitre contemplant l’eau qui fait ce qu’elle veut, suinte et dégouline sous la porte du préau, d’autres pleurent, la pluie comme injure, injustice personnelle, d’autres encore se battent pour la télévision, fenêtre vers un dehors où il ne pleut pas.

Dedans tu regardes les minutes défiler sur l’horloge de la salle de vie. Cachée derrière tes cheveux tu tentes de te concentrer sur ton livre, ignorant les borborygmes de ton voisin de canapé, qui récite depuis ce matin la même mélopée incompréhensible.

Psychiatrie de secteur, dépôt des malades mentaux en fin de course, des petits, des pauvres, des effrayants, des alcooliques, des toxicomanes, des déprimés, des autistes, des anorexiques, des malheureux, Ville Evrard, ville du non-droit total, de l’abrutissement aux psychotropes, et de la thérapie forcée, royaume des fous qui pleurent.

Ville Evrard, erreur d’aiguillage, demain tu sors.

RasHa. Atik saha !

Ce soir j’ai la rasHa. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le terme, ca se prononce <Rass><rra>, et c’est un terme oriental pour désigner la mélancolie, le regret, l’angoisse.

C’est un sentiment particulièrement “de chez nous”, le sentimentalisme de l’exilé, le soupir de celui qui pense au pays, ta grand-mère qui te raconte le soleil sur sa terrasse, les makrouds qu’elle achetait chez le pâtissier à côté du grand cinéma, qui te donne de la fleur d’oranger dès que tu as mal quelque part, du mazar, c’est bon pour tout, les mots du cœur comme ceux du corps, en cataplasme comme en infusion, ca sent l’orange douce et le miel, les pignons de pin et les épices, la feuille de rose séchée dans le couscous et la menthe ciselée dans les boulettes, elle te raconte en boucle son arrivée à Marseille, le train jusqu’à Paris, ce qu’elle a laissé là bas, les couleurs, les gens, la robe de ses 18 ans, comment elle a retrouvé ton grand-père en France, exilé lui aussi quelques années plus tard, qu’ils étaient voisins là bas mais qu’ils ne se parlaient pas, tu lui montres Google Earth et tu passes trois heures à zoomer pour qu’elle retrouve son immeuble, son école, la gare du petit train pour aller à l’Ariana, elle pleure un peu, elle te tient la main, et toujours les soupirs, plus lourds, plus profonds, les soupirs de l’exil, du pays, de sa jeunesse aussi, de ses parents qui sont morts maintenant sans jamais retourner, les mots en arabe qu’elle t’apprend, les sors qu’elle jette aux méchants, la façon toute particulière qu’elle a de taper dans ses mains pour rythmer la musique, la graine du couscous qui s’égraine dans ses mains, rajoute de l’eau ma fille, rajoute de l’huile, tourne ta main au fond de la gamelle en fer blanc, fait tourner la graine entre tes doigts, la graine c’est la base de ta cuisine ma fille, si tu fais une bonne graine à ton mari, il restera avec toi toute la vie.

Le mari justement,il arrive ? Belle comme tu es ? Tu as personne à me présenter ? tu sais je ne pourrai pas mourir tant que je ne t’aurai pas vue mariée, ma fille, mon amour, mes yeux, je t’aime tellement que lorsque je te regarde respirer j’ai peur que tu t’arrêtes, le mercredi après-midi je venais te chercher et on allait à Belleville, trainer chez les textiles, je t’ai bien gaté ma fille, tu étais la petite la mieux habillée de la classe, on allait chez Gabin manger un complet poisson en terrasse, tu te souviens, la testira sur le pain italien, le thé à la menthe que nous offrait le garçon, et la boule au miel qu’on partageait en remontant aux Buttes Chaumont donner du pain au canards, on a fait tout les Guignols de Paris, toi et moi, tu étais tellement belle petite, ma fille, mon amour, mes yeux, les cheveux tellement blonds que tout le monde me demandait d’où je te sortais, à qui je t’avais volé. Mais moi je te volais pas, mais tes parents, les pauvres, ils travaillaient tu sais, alors moi j’étais là, quand tu étais malade, la varicelle, les oreillons, pour les vacances et pour les mercredis, tu l’aimais ta mamie quand tu étais petite, maintenant je comprends plus rien à ce que tu me dis, j’arrive même pas à expliquer à mes copines ce que tu fais comme métier, c’est trop compliqué, et puis moi j’ai jamais travaillé tu sais, ton grand-père il était pas pour, alors les ordinateurs, la technologie, les téléphones, moi ca me dépasse.

J’ai 95 ans maintenant ma fille, mon amour, mes yeux, et tu sais, même si jusqu’à 120 ans je suis là, il y a un jour où je vais partir, alors je vais te montrer où je cache les choses. Parce que j’ai peur des voleurs, alors je cache. La bague de ma mère, sous la pile de draps pour les invités, les relevés de banque sous la latte du parquet qui grince, mes petits billets dans le coussin du grand fauteuil bleu, il y a un trou sur le côté pour les attraper, je te montre tout à toi, parce que tu as tout à construire, tout à vivre, et puis tu n’as pas encore de mari, alors tu auras besoin de mes petits trésors quand je serai partie, quand tu n’auras plus ta mamie pour te cuisiner la kamounia que tu aimes tant, embrasser ton front quand tu pars, et jeter un verre d’eau derrière ta porte pour t’enlever l’œil, personne ne fera ça pour toi, ils ont tous oublié, mais toi ma fille, mon amour, mes yeux, je t’ai montré comment jeter un sors au boucher qui te donne des mauvais morceaux, comment choisir les grenades et comment rouler la graine sous tes doigts, je t’ai emmené avec moi au hammam, je t’ai appris le savon noir et le rassoul, je t’ai dit à l’oreille les secrets des femmes alanguies, celle qui n’aime plus son mari et celle qui a un fils déja parti, je t’ai appris à écrire ton nom en arabe, à faire le gâteau sans beurre sans farine et sans œuf, je t’ai montré comment faire le youyou pour les mariés, comment mettre du khrol sur tes yeux, je t’ai dit tout mes secrets, mes amoureux d’avant, ma façon de cuisiner le mulet, retourner un balais pour chasser tes invités, à toi j’ai tout appris, j’ai tout dit.

Quand ma grand-mère est partie, 120 ans c’était un peu long finalement, j’ai retrouvé dans un couloir de sa cuisine, celui où elle cachait ses cigarettes, un petit cahier, aux marges passées, à l’encre délavée, les mots de ma grand-mère, ses souvenirs, avec une introduction simple, en arabe, “je préfère pleurer que tout oublier”. La rasHa, c’est ca.

Cerveau Pute

Ta peau qui me brûle, ta montre jetée par terre, ta main dans mes cheveux, l’heure qui passe pourtant, mon corps dans la lumière, mon cerveau dans ma bouche, ta bouche sur la mienne, pas un bruit, je suis en apnée, j’ai peur de respirer, si je bouge tu disparais, je vais me réveiller, pas de musique pour notre étreinte, parfois le bruit de nos corps qui se cherchent, les chaussures qu’on balance à travers la pièce, bruits sourds presque utérins, je ne respire plus.

Tu te perds sur moi, tes mains ne savent plus où aller, il y a trop à toucher, trop à sentir, trop à appréhender, comme écouter de la musique sous LSD, tes mains se perdent puis retrouvent des chemins connus, mes seins, ma chatte, mon cul, j’entends tes mains parler, je deviens folle, raconter le chemin jusqu’à cet appartement, les baisers sur le quai, ta langue ou la mienne, est-ce que ca compte vraiment, l’envie des jours d’avant, ton cerveau dans ma bouche et ma bouche sur la tienne.

J’ai oublié comment on fait, sucer, branler, caresser, mes mains sont informes, mes gestes maladroits, je me regarde faire sans comprendre les raisons du pourquoi, pilote automatique sous emprise, mes doigts ne racontent rien, ils sont paralysés, je suis molle, je suis morte, je revis, je te prends dans ma bouche et c’est comme la première fois, je te bouffe, je te mord, je m’étouffe de toi, je bave, je m’en fous, je m’oublie entre tes cuisses, j’embrasse, je lèche, je suce, je t’imprime dans ma joue, mon cerveau dans ma bouche et ta queue dans la mienne.

Je ne me souviens pas du reste, je sais que tu m’as prise, que j’ai joui, encore, toi aussi, qu’on a ri, qu’on a bu du mauvais thé et qu’on a recommencé. Je me souviens seulement du moment juste avant, juste avant que tu ne viennes en moi, mes hanches qui viennent vers toi, tu t’éloignes, c’est cruel, tu te poses à l’entrée de ma chatte, et je jouis. Je jouis parce que je sais que je vais jouir, je jouis parce que tu me tiens, mon désir entre tes doigts, ta queue plantée en moi.

Résolutions de merde.

Ouais, on change bientôt d’année ! Ouais !

J’ai jamais vraiment compris pourquoi c’était une occasion heureuse en fait. A part avoir le plaisir d’utiliser le calendrier offert par ma banque, mon boucher et mon restaurant chinois, vraiment, je vois pas. C’est juste encore un événement mis en branle par les concepteurs de ce putain de bonheur obligatoire, il faut donner de l’espoir à la plèbe des petits et des laborieux, on va leur donner une occasion de se mettre une mine monstrueuse et de croire aux lendemains qui chantent, d’effacer les erreurs et les problème des 365 jour précédents.

Et puis comme il faut être dans le développement personnel à tout prix, ils ont ajouté le petit cadeau Bonux du concept des résolutions. Faudrait pas qu’on se mette à croire que tout est beau comme une soirée de réveillon à la salle des fêtes de Bourg en Maroeil, que la vie n’est qu’une succession de coupes de mousseux et de canapés de mousse de canard, de chansons de la Compagnie Créole et d’embrassades sous le gui.

Non, la vie c’est pire qu’une baston dans Assassin Creed 2 (que je viens de finir), il faut s’améliorer, se donner des objectifs, rentrer dans une productivité de l’être, être heureux, être conforme, avoir les dents blanches et arrêter de fumer, perdre du poids avant les fêtes, perdre du poids après les fêtes, perdre du poids avant l’été, s’abonner au Moving, s’engager à passer de temps avec ceux qu’on aime plutôt que de jouer à la PSP, être gentil avec les vieux et embrasser ta tante Hughette, arrêter de dire des gros mots et s’habiller comme un adulte dynamique, penser à faire des économies et vérifier le taux d’intérêt de son Livret A, conduire selon les règles et sourire au mec du péage.

Tout ca m’emmerde. Mais vraiment. Quitte à faire des résolutions que je ne tiendrai pas, parce qu’elles sont castratrices de bonheur et de liberté, chiantes comme la pluie et tristes comme Adamo sans sa perruque, je préfère en faire des complètement folles. Des impossibles, des fantasmatiques, des masturbatoires. Je les garde dans un coin de ma tête, et elles me foutent la pêche comme l’intro de Your Mangled Heart les jours où je suis forcée d’embrasser ma tante Hughette.

Mes résolutions :

Devenir une putain de rappeuse. Mais ouais. Je suis sure que je suis capable de pondre des textes qui déglinguent ta maman à quatre pattes sur la table basse en formica. Évidemment j’ai une voix de daube et aucun sens du rythme. Mais je suis capable de dire tout Demain c’est Loin sans respirer, et si tu me donnes deux cuillères, je te refais Belsunce Breakdown a capella. En privé. Devant mon miroir.

Jouer de la guitare avec les cheveux dans le vent. Donc, apprendre à jouer de la guitare, et me faire poser des extensions. Ok, ca contrastera un peu avec mon look de rappeuse, mais je peux le faire en baggy, ca me gène pas. Je veux prendre le TER région Oise avec ma guitare en bandoulière et parcourir le marais poitevin en chantant dans les bars PMU, des chansons pas connes et profondes qui racontent la mélancolie et le goût de la bière chaude, mes cycles menstruels et mes rapports conflictuels à l’ordre. Un genre de Fat Janis Joplin Unplugged, version rurale du Larzac, une Joni Mitchell avec des textes qui parlent de cul et de chatte, une bête de hippie post-moderne.

Faire un putain de documentaire sur Sarcelles. Parce que j’adore Sarcelles. Sans déconner. Pourtant j’ai vécu 20 ans à Paris, et j’étais parisienne-parisienne, je prenais mon passeport pour passer la porte d’Orléans, et mon Dramamine pour prendre le RER. Mais Sarcelles c’est juste un truc incroyable. Tellement des gens, tellement d’histoires, tellement de traditions, de cultures, d’associations, d’enjeux politiques, quand tu y réfléchis c’est fou. Et comparé à Paris, c’est tellement vivant pour de vrai. A Paris, tu as tout, l’accès à tout, mais les gens sont morts. A Sarcelles on a quasi rien, mais ca respire, ca parle fort, ca hurle, ca se tape, ca réfléchit, ca se bouge. Bien sur je généralise à mort, mais je ressens quelque chose comme ca.

Finir d’écrire l’essai que j’avais commencé. Pour de vrai. Et l’envoyer à des gens plus intelligents que moi pour en avoir une lecture critique, et me fermer le clapet sur mes possibilités intellectuelles. Et dans mes rêves les plus fous, le faire publier à compte d’auteur à l’Harmattan. Ou un truc qui sent l’intelligence quoi. Et, fière de mes 12 ventes, (ma mère), partir faire des interventions de terrain dans les maisons closes de la frontière belge.

Comme d’habitude, je sais par avance que je ne tiendrai aucune de ces résolutions. Parce que je suis une flemmarde, parce que je bosse pour payer mes clopes, parce que j’ai pas les capacités requises pour les réaliser, parce que souvent je préfère regarder la rediffusion de Belle Toute Nue plutôt que de ré-ouvrir mon fichier Word et de m’astreindre à ma page quotidienne, parce que j’ai trop peur de me crouter pour penser à sauter, et que les fantasmes ne sont pas tous fait pour être réalisé.

Twitter Parano

Faudrait se mettre d’accord. C’est quoi Twitter finalement? Un outil de micro-blogging, une plateforme de publicité pour se self masturber, un Meetic tu niques, un truc sérieux pour faire du link, un concours de popularité en mode élection de la Reine de la Promo ?

Pour moi Twitter c’est d’abord un genre de défouloir géant, un mix entre ce que je pourrai écrire dans mon petit carnet Moleskine (oui, je me la pète) et ce que j’aimerai dire aux gens que je croise dans la rue mais que je ne peux pas, parce que je suis une fille polie, un moyen de ne plus regarder la télé toute seule, un moyen parfois de se créer un groupe de potes IRL, un moyen de faire découvrir des trucs, bref un outil de communication. Je ne réfléchis pas à ce que je vais écrire, je ne m’empêche pas de twitter, je me fous d’être vulgaire, partiale, connasse. Je n’ai pas pensé mon usage de Twitter, je n’ai pas établi de stratégie, normal, je n’ai rien à vendre, rien à buzzer, je n’attends rien de Twitter, ni colis gratuits de crème de jour, ni invitations à des soirées de la hype du Net, bref, je m’en carre, je m’en balance, et je me l’enfonce jusqu’au coude.

J’entends déjà le cœur des influents répondre : Mais oui Daria, c’est normal, tu n’es rien, tu ne réponds pas aux critères de monétisation, tu ne présentes rien, tu n’as pas d’existence, tu n’es rien. Nous, on est des gens importants, on fait du name dropping avec des @ devant, quand on clash quelqu’un c’est pire qu’un upercut de Tyson, si tu nous critiques en 3 RT on te catalogue niquée de la tête, et quand on se réunit dans nos réunions secrètes de branleurs influents, on se gausse de ta petite prose facile et on conseille à nos amis de te suivre tellement t’es hors sujet, on écrit sur des blogs mode, des blogs beauté, on a des vraies informations, des vrais scoops, on a 8900 abonnés, on pèse lourd. On a du concept, du gros, des vidéos de de test de l’huile sèche Nivea, des billets sur l’importance capitale d’avoir le bon téléphone, du contenu quoi, de la vraie information qui crée du trafic, qui fédère. Quand on marche dans la rue les gens s’agenouillent et crient notre nom, lèchent nos Louboutins en nous suppliant des les RT pour qu’ils puissent gagner en popularité.

Ouais, ouais ok, j’avoue vos arguments sont intéressants. J’avais jamais pensé à établir la Daria©, allez c’est parti je monte mon business plan pour le succès.

De quoi parler d’abord ?  La banlieue, l’obésité, c’est sympa, mais c’est pas très sexy, le cul ca fonctionne mais les lettres b-i-t-e de mon clavier commencent déjà à s’effacer.

Ok, ok j’ai trouvé. Je contacte Diet Avenue, Weight Watcher et tout les autres marchands de rêves pour pouffiasses complexées, et je leur vends un concept unique : une vraie grosse de la vraie vie, sponsorisée par vos produits, qui écrit chaque jour la merveilleuse histoire de son retour à la société normale des vrais gens beaux et glamour, grâce à l’unique effet de la poudre de pancake gout morve de chien hyper proteinée.

Bien sur au départ, je dirai pas que je suis sponsorisée, je commence en douceur par installer l’histoire de ma vraie vie désespérante et moche, je raconte les humiliations de mon adolescence et les remarques de la médecine du travail, et dès que j’ai le bon deal avec la bonne marque, je me lance à fond dans l’amaigrissement à fin lucrative. Ca y est, j’ai des fans, et du hate mail, les gens suivent ma progression et j’arrête pas de maigrir, d’ailleurs quand j’ai envie de bouffer une patate, je pense à mon contrat de sponsoring et à mes lecteurs, ca me motive. Bon ok, je perds un peu mes cheveux et mon mec m’a largué parce que je suis insupportable, mais j’ai la gloire, j’ai la thune, y’a même un article sur moi dans Closer, ultime reconnaissance.

Sur Twitter j’ai un nombre d’abonnés hallucinants, toutes les petites grosses de France me suivent, mais aussi les mecs qui attendent de voir quand je vais devenir socialement baisable, y’a des paris sur le premier qui me prendra ma virginité de mince, je me clash avec des nanas qui me reprochent de prostituer ma perte de poids sur l’autel d’un quart d’heure de gloire virtuelle, mais tout ca c’est bon pour moi, ca fait parler de moi, prochaine étape je suis invitée chez Delarue pour raconter aux ménagères mon incroyable transformation, je fais des videos avant après dans lesquelles je me moque de moi même, je chie à la gueule de ce que j’étais avant, je me vante de shopper chez Zadig & Voltaire et j’adopte un ton condescendant avec mes copines grosses qui me voient me rouler dans la fange des propositions d’articles, de piges dans Top Santé, je suis une putain de valeur sure de la génération mangez-bougez, même si avec mon haleine de phoque d’anémiée, je fais fuir tout ceux que je rencontre IRL, je me met à rêver, opération de chirurgie esthétique offerte par un tour operator des vacances-bistouri en Tunisie, en l’échange des photos post-op de mon abdomen défoncé, publiées en temps réel depuis le bloc.

Ce que personne ne sait c’est que la nuit je bouffe et je me fais gerber, que j’ai plus de vrais potes, que j’ai une frange parce que c’est cool, que mes mains deviennent bleues quand il fait froid, que j’ai pas pécho depuis 6 mois parce que je suis trop occupée à entretenir ma hype de fou, que je me tape la tête contre les murs parce que mon cerveau tourne à vide, le sucre ca nourrit les neurones, mais le sucre c’est l’ennemi de ma gloire, la fin de ma destinée de Porn Star de l’amaigrissement sponsorisé.

Un jour sur le quai du RER, j’écoute un podcast santé qui parle de mon blog, et soudain tout me revient à la gueule, l’envie d’affirmer qu’un autre moi est possible, les serments avec mes potes de ne jamais être une pute à frange, mon directeur de thèse qui ventait la justesse de ma réflexion, la première fois que j’ai milité, j’ai jeté tout ca aux chiottes, en vomissant du Nutella par dessus, tout ça pour gagner des euros, des week-ends gratuits en thalasso avec trois connasses qui bloguent, je passe ma vie à boire des cocktails dégueulasses avec des agences de marketing qui veulent vendre la graisse de ma lippo au gramme, avec des gens qui puent la merde et qu’il y a un an j’aurai même pas calculé. Mon cerveau en mode colique néphrétique de la conscience, j’attrape mon lexomil de secours mais ca ne passe pas, j’ai envie de cramer mon serveur ftp, je pense à tout les gens que je hais et à qui j’ai donné raison en devenant une connasse, prend le deuxième quart de lexomil, mais toujours rien, le cœur qui s’emballe, la bouche sèche, envie d’appeler mon mec mais j’en ai plus, envie de crier maman et de me blottir contre les gens, sur mon Iphone les mails n’arrêtent pas d’arriver, propositions grotesques destinées à une nana que je ne suis pas, le RER arrive et tu ne sais pas pourquoi, t’as juste envie de sauter, de balancer ton corps diminué de moitié sur la locomotive du ROVA de 8h56, parce que tu ne sais plus comment t’en sortir, parce que tu peux pas avouer que t’es en train de reprendre du poids, et que tout va s’arrêter, tu vas redevenir la risée de ton e-quartier, parce que ta crédibilité est en train de crever, parce que tu fais une overload de merde, tu fais deux pas en avant et tu te laisses tomber.

Ci git @DariaMarx, blogueuse amaigrie,

Qui à vouloir mincir, finit aplatie,

Connasse en bikini à l’âme endolorie,

Ni fleur, ni couronne pour cette grosse bouffonne.

(Vos donations paypal sont à envoyer à dariamarxisdead@weightwatcher.com)

Fat bitch.

Dans l’immensité des déviances sexuelles, j’ai la chance d’attirer particulièrement deux genres de pervers tout à fait particuliers : l’admirateur de grosses et le soumis.

Le premier trouve en moi tout les critères physiques nécessaires à la réalisation de son fantasme, prend du plaisir à te caresser les bourrelets que tu tentais jusqu’alors de dissimuler habilement dans ta nuisette noire, secoue son appendice entre ses seins en te faisant remarquer qu’il disparait complétement, ca le fait sourire, ca ne l’inquiète pas plus que ca, te demande de l’écraser de tout ton poids, de t’asseoir sur sa tête jusqu’à ce qu’il devienne tout bleu, technique qui demande une certaine maitrise si tu ne veux pas te retrouver en zonzon pour homicide involontaire. Si le pervers à grosse t’invite au restaurant, il t’encourage à prendre les plats les plus caloriques et les plus pantagruéliques de la carte, s’assurant ainsi de la continuité de ton obésité, et donc de la survivance de son objet de jouissance. Il prend ensuite un plaisir quasi sensuel à te regarder manger, comme si ta fourchette devenait une extension subite de sa queue, d’ailleurs lui, il ne mange pas, il est trop occupé à te regarder baffrer, la vision de toi finissant ton tiramisu ayant pour lui une portée érotique inégalable. Si tu parles de régime au pervers à grosse, il connaît son sujet et te démontre avec fougue pendant une demie heure que tu es parfaite et que tu n’en as pas besoin, que la société est pourrie et que tu es dans le vrai. Le pervers à grosse est souvent marié, avec une fille pas moche mais très maigre, qu’il a choisi en désespoir de cause, n’osant pas faire son coming out de pervers à sa famille et à ses potes. Il passera des heures à soupeser tes seins, à les comparer mentalement avec ceux de sa copine, en soupirant et en se flagellant de n’avoir pas le courage d’avoir une femme hors norme.

En bon fétichiste, le pervers à grosse est un collectionneur. Tu l’amuseras et le contenteras un instant, mais sache que si il croise une femme plus grosse que toi, il oubliera ton numéro de téléphone en moins de temps qu’il ne lui faut pour dire 200 kilos.

Le soumis lui, est attiré comme le premier par ton image de femme forte. Chez le soumis, le poids prend un sens symbolique, et fais de lui une petite chiffe molle et insignifiante, ce qui l’excite énormément. Au delà des sévices classiques d’une bonne relation Ds (qui n’a jamais rêvé d’être fouetté aux orties fraichement coupées devant un parterre de dominatrices, je vous le demande), le soumis voudra devenir ton tabouret, ton chausse pied, ton lit. Transformé en meuble, tu pourras t’appuyer de tout ton poids sur sa faible colonne vertébrale, pendant qu’il hurle à la mort, mais que non, surtout n’arrêtez pas madame. Le soumis fera ton ménage, ton repassage, tu peux même, si tu es un peu vénale, te faire offrir des bas en PVC et autres accessoires sexuels, dans lesquels tu défileras, sous le regard de vénération absolue de ton généreux donateur. Le soumis est également souvent marié, et te demandera dans un murmure de ne pas laisser trop de traces sur son postérieur, Madame pourrait se douter de quelque chose. Le soumis est extrêmement élastique du croupion, et donc si un jour tu ne sais pas où ranger l’aspirateur, dans son cul est un endroit indiqué.

Le soumis, trop heureux d’avoir trouvé laisse à son collier, ne partira pas. Il deviendra insistant, collant, voudra connaître les détails de ta vie, t’enverra des sms désespérés en te suppliant de bien vouloir le recevoir. Si jamais tu te prends d’affection pour le soumis et que tu tentes de le voir en dehors de vos séances de zizi-panpan, tu t’aperçois qu’il n’a aucune conversation, aucun répondant, aucune vie derrière ses lunettes, et qu’il ne s’anime qu’à la perspective d’une nouvelle technique de bondage à essayer. Il est mono maniaque. Pour t’en débarrasser, tu devras mettre en scène une cérémonie ou tu lui rendras sa liberté, avec pyrotechnie et effets spéciaux, et il repartira chasser une nouvelle Dame avec ta permission, et ton soulagement.

Je critique, je critique, mais moi aussi je suis fétichiste. J’aime les barbus, j’aime les petits, j’aime les drôles, j’aime les grands, j’aime les crânes rasés, j’aime les légionnaires, j’aime les muscles qui entourent le nombril et qui descendent vers les cuisses, j’aime les poignées d’amour, j’aime les mecs à lunettes, bref, je suis bien pire.