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Aish Tamid

Ce que j’écris ici, ce que les gens pensent de moi, tout ça ne compte pas, tout ça n’est rien il manque la foi, ce truc qui me tient au corps et qui me fait me lever le matin, les rituels et les habitudes, les gestes qu’on répete depuis des siècles déja, si mon âme quitte mon corps le soir, je sais qu’elle me sera rendue au matin, que rien n’est trop difficile à endurer, à vivre ou à pleurer, qu’on ne m’envoie à vivre que ce que je peux supporter, j’ai la foi des enfants, celle qui fait arrêter la pluie et apparaître les objets, celle qui fait chanter trop fort et prier tard le soir, celle qu’on attrape et qui ne quitte pas.

Je suis paradoxale, je ne suis pas une croyante exemplaire, j’ai des défauts terribles, j’ai quelques valises à trainer, quelques défauts bien  noirs à gommer, malgré tout ça, malgré mes idées, malgré le chemins niqués, je me sens aimée, embrassée, aidée, portée, je ressens le respect et la peur, l’anticipation des fêtes et l’angoisse des jours de deuil, je crois au dessein divin, aux livres qu’on ouvre pour tracer ton histoire et qu’on referme le jour où tu t’en vas, je crois aux hommes qui prient pour moi, aux gestes magiques qu’on fait pour éloigner le mauvais oeuil, touche tes yeux, embrasse tes mains, bénis les enfants et endors toi en murmurant, que demain sera meilleur, qu’aujourd’hui est fini, remercie, demande pardon, ouvre les yeux et respire, on t’a rendu ton âme, tu peux encore pour un jour, aish tamid pour toute la vie.

Le sentiment qui te prend là où tes côtes se rejoignent, la chaleur et la force, l’instant irréel où tu reprends confiance, juste pour une minute, juste pour te permettre de passer une épreuve ou de continuer, l’énergie que tu trouves dans la musique ou dans les textes, l’aspiration à une vie tournée vers une forme de beau et de bien, l’impression de faire partie d’un clan, de ceux qui comprennent, de ceux qui ont vu, les mots quand je prie en silence le matin, je ne fais pas l’aurore, j’ai besoin de quelqu’un, admettre qu’on est presque rien, juste quelqu’un de presque bien, se remettre complétement dans ses mains, même pour une seconde, même si on oublie, même si on se trompe et qu’on ment, retrouver ce silence béat, celui qui fait taire tous les bruits, le silence quand je lui parle, quand plus rien n’est que lui.

Jizz in my pants

Il y a ceux qui veulent venir dans tes mains, sur tes seins, entre tes fesses ou dans ta chatte, ceux qui aiment gouter, ceux qui veulent t’embrasser juste après, ceux qui voudraient que ca n’arrive jamais, ceux qui viennent trop vite et ceux qui n’y arrivent pas, ceux qui ont besoin d’aide, ceux qui veulent se regarder, ceux qui choisissent tes pieds, ceux qui mentent pour te surprendre, ceux qui veulent viser, les mecs sont comme passionnés par ce qui sort de leur intimité, comme si ils voulaient garder le contrôle jusqu’au bout, s’assurer que leur sperme ira au bout de sa destinée.

La façon qu’ils ont d’éjaculer en dit parfois long sur leur personnalité, sur ce qu’ils aiment vraiment, sur ce qu’ils ont peur d’avouer. Les narcissiques aiment être regardés, ils reprennent la chose en main, juste à la fin, se caressent et laissent monter, ils sont surs d’eux, ils savent qu’ils vont y arriver, ils se laissent regarder, ils ont besoin d’une spectatrice dévouée, ils aiment recevoir flatteries et encouragements, ils rentrent le ventre et serrent les poings, et quand ils viennent enfin, c’est le bouquet final, c’est l’accomplissement, ils gémissent et hurlent, mais restent ordonnés, déposent leur offrande en un petit trait rangé, à droite du nombril, sperme sur papier glacé.

Les timides, les complexés, les petits et les névrosés ne font que peu de cas de leur pénis, ils ne le montrent que furtivement, entre deux positions, presque par erreur, presque en s’excusant. Ils jouissent discrétement, leur visage se contracte, à l’intérieur, cachés dans la chair, ils se retirent et filent à la salle de bain, ou pire, aux toilettes, retirer leur capote, laver et stériliser, ils reviennent en courant vers le lit, se couchent sur le ventre et viennent enfin vous caresser, rassurés d’avoir réussi leur prestation, contents d’avoir preservé leur pudeur, pas d’éjaculation ostentatoire, pas de cris démesurés, juste le sentiment du travail bien fait, de l’épreuve passée.

Tu peux fumer comme un monsieur des cigarettes

Debout dans le salon, devant mon public imaginaire, je tiens un récital, je donne concert, les lumières sont tamisées, c’est le moment des chansons un peu tristes, les briquets s’allument au fond déjà, je chauffe un peu ma voix, quelques mots pour les remercier d’être là, d’un geste je détache le micro de son socle, et télécommande en main je m’approche du bord de la scène, et dans un souffle je commence ma version d’un medley de Dalida, d’abord seule, les musiciens me rejoignent peu à peu, doucement sans se presser, “ma complainte c’est la plainte de deux cœurs”, je prends des poses lascives de diva essoufflée, mes mains se crispent dans l’air pour marquer le rythme lent des notes que j’égraine, la foule suspendue à ma voix se soulève, ils reprennent avec moi, “c’est la seule chanson du monde qui ne finira jamais”.

Non, ce soir je ne chanterai pas “Mourir sur scène”, j’ai l’âme gaie tu vois, je suis en pleine période Disco, j’ai mis mon marcel à paillettes, celui qui moule mes bourrelets qui refusent de se cacher, comme je m’ennuie un peu j’ai le visage peinturluré, du violet sur les paupières et du rose sur les joues, sous la lumière on ne verra rien, je serai magistrale, je serai magnifique, si je m’essouffle entre deux pas, personne ne me verra, ce concert dans ma tête c’est juste pour moi, après Dalida, sans transition je passe à Sweet Home Alabama, je suis pas encore sure de la set list, je travaille encore le déroulé parfait, il y a les accessoires aussi, cette toque en fausse fourrure me parait pour le moment essentielle, mais tout peut changer, rien n’est figé.

C’est cliché de chanter Dalida, c’est très Filles Perdues Cheveux Gras, j’en ai rien à foutre, si seulement tu me voyais, j’ai le déhanché d’une fille des sables et je secoue la tête comme si ma vie en dépendait, ma main dans mes cheveux se donne un air coquin, je suis ridicule, je suis géniale, je suis moi, je finis échouée sur mon canapé, le sentiment d’avoir vécu, c’est con, c’est rien du tout, c’est l’effet Bambino, c’est prendre le temps de faire n’importe quoi, ca donne la force de faire la queue à la Poste et de payer ses impôts, parce que je sais qu’au fond de moi, je chante aussi fort que je veux.

Soirée Ratée

Danse et puis oublie, au milieu de la piste, ton verre à la main, lève le bras et souris, la lumière qui frappe la rétine, en cadence comme le rythme, transe ordinaire des samedis soirs, rituel ancien de la fin d’après midi, quelques bouteilles, une table basse et du whisky. Le regard des filles se charge de noir, sous la frange épaisse, les garçons les observent, gel dans les cheveux et baskets neuves, cigarettes allégées, bière blonde et bottes hautes à lacets. Personne n’y va pour draguer, personne n’en parle en tout cas, mais c’est comme un dimanche, parfum pour mâle et décolleté, à l’heure d’embarquer ils sont surexcités, cinq par voiture, cortège sur l’autoroute, quelques kilomètres vers la ville, autoroute et périphérique, la fête commence déjà, les vitres tremblent et on avale du redbull vodka.

Bientôt le parking, couloirs pisseux et ascenseur qui ne fonctionne pas, la plus belle avenue du monde, celle qu’on ne regarde plus tellement on l’a usée, les lumières et la foule, le froid en brume qui sort de la bouche, une dernière clope avant de tenter d’entrer, la dernière fois ca a marché, peut-être que ce soir ce sera une soirée privée, peut-être qu’il va nous reconnaître et qu’on aura même pas à se la donner, les filles tirent sur leurs robes et les garçons ajustent une dernière fois le col de leur chemise, sans y penser, il sont six, c’est le nombre parfait, tourner à droite, quelques mètres encore, se retenir de glousser car le videur les voit de loin, assurer, faire les grands, pour quelques secondes seulement.

Ce soir ce n’était pas possible, trop de garçons, pas assez de filles, ils repartent sans s’attarder, ne pas croiser le regard de ceux qui viennent de rentrer, retour râleur vers le parking, vers la banlieue et ses boîtes toujours un peu moins chics, les voitures roulent un peu trop vite dans le tournant de la Porte de la Chapelle, c’est la frustration, c’est les nerfs, arrêt d’urgence sur un parking, une des filles doit vomir, ils en profitent pour finir la dernière bouteille, les bulles roses acidulées du Redbull finissent de les énerver, direction la fin de la nuit, virée stupide dans les rues piétonnes de St Denis, insultes et conneries, retour à la case départ, quelques grammes de plus dans le sang, rien d’autre de différent.

Don’t you know it’s the end

Elle repose la tasse en porcelaine blanche sur la soucoupe. Quelques grains de sucre s’échappent et elle les ramasse sans y penser du bout des doigts. Dehors, la pluie s’arrête juste, le garçon secoue l’auvent. Elle hésite à sortir, elle n’a rien à faire dehors, elle n’a rien à faire du tout. Ce café qu’elle vient de finir, c’est son seul objectif quotidien. Faire l’effort de se doucher, de s’habiller, mettre des chaussures, comme si quelqu’un l’attendait. Descendre l’escalier qui grince, passer devant la loge de la gardienne, éviter la boîte aux lettres qui menace d’exploser, refuser encore pour un matin de prendre le courrier.

Quelques pas dans la rue, sa tête qui commence à tourner, ne pas renoncer, continuer à marcher, vaincre pour quelques mètres l’angoisse qui l’étreint, au moins jusqu’au café du coin. Parfois elle n’y arrive pas, elle tourne les talons et reprend l’escalier, aussi vite qu’elle peut, elle a du mal à retrouver ses clés, ses mains tremblent encore quand elle retourne se coucher, elle allume la télévision, elle ferme les yeux, peut-être que demain ça ira mieux. Des années qui passent sans qu’elle les aperçoive, les mois qui défilent au rythme étrange de ses insomnies, les souvenirs qui ternissent dans son cerveau embrumé, le tunnel qui devait s’arrêter et qui ne finit jamais.

Elle compte une à une les pièces sur le marbre de la table, deux euros quarante, chaque matin, c’est son seul vice, un café allongé, parfois une tartine. Les bruits rassurants du percolateur qui vrombit, les pigeons qui passent sous ses pieds, son quartier qui change et qui ne l’attend pas, les nouveautés dans les boutiques, les fruits et les saisons chez le maraicher, la dame de la librairie morte et enterrée, plus rien qui ne la retienne, plus rien qui ne lui fasse envie, le sourire du patron du café qui n’en finit pas de vieillir, les feuilles et puis la pluie.

Demain je n’irai pas. Je descendais ces escaliers pour la dernière fois. Demain je vais rester allongée, je suis prête à attendre, longtemps s’il le faut, immobile et prostrée, les yeux collés par le poids des années de sommeil, des années d’immobilité. Je ne veux plus faire semblant, je ne veux plus me forcer. J’attends qu’elle vienne et qu’elle m’emporte, qu’elle mette fin à ma peine, qu’elle finisse pour de bon ce qu’elle a commencé, j’attends la mort, résignée et contente, sans rien emporter d’autre avec moi que le gout du café.

Mister Boss Man

“poetry readings have to be some of the saddest damned things ever, the gathering of the clansmen and clanladies, week after week, month after month, year after year, getting old together, reading on to tiny gatherings, still hoping their genius will be discovered, making tapes together, discs together, sweating for applause they read basically to and for each other, they can’t find a New York publisher or one within miles, but they read on and on in the poetry holes of America, never daunted, never considering the possibility that their talent might be thin, almost invisible, they read on and on before their mothers, their sisters, their husbands, their wives, their friends, the other poets and the handful of idiots who have wandered in from nowhere. I am ashamed for them, I am ashamed that they have to bolster each other, I am ashamed for their lisping egos, their lack of guts. if these are our creators, please, please give me something else: a drunken plumber at a bowling alley, a prelim boy in a four rounder, a jock guiding his horse through along the rail, a bartender on last call, a waitress pouring me a coffee, a drunk sleeping in a deserted doorway, a dog munching a dry bone, an elephant’s fart in a circus tent, a 6 p.m. freeway crush, the mailman telling a dirty joke anything anything but these.” — Charles Bukowski

Mathilde

Mathilde a quarante ans, Mathilde est maman. Elle ne travaille pas, personne ne paie plus et puis se lever c’est compliqué, de son lit elle voit tout; la fenêtre et la télé, la porte d’entrée et le frigo pour le goûter. Mathilde n’est pas déprimée, ca va même plutôt bien, elle n’est juste pas pressée de se lever, de se laver, de s’habiller, d’aller pointer et de recommencer, elle n’en a rien à faire du rang social ou des vacances au soleil, de la voiture du voisin ou du sac avec un chaîne de sa copine, Mathilde n’aime que Johnny, depuis 30 ans déja, quand il a repris Daniela, son père grattait un peu une vieille sèche qu’il avait trouvé quelque part, la vie n’est qu’un jeu pour toi.

Les hommes de Mathilde ne sont jamais restés assez longtemps pour qu’elle tatoue leur prénom, alors elle a choisi un soleil, encré bleu marine sur son avant-bras frêle, un soleil pour dévorer les peines d’avant, qui brûle tout sur son passage et qui irradie du dedans. Elle ne connaît pas la tristesse, elle ne pleure pas souvent, ou alors pour rien, parce que le film est triste et qu’il ne finit pas bien, parce qu’il n’y a plus de café le matin, des petits riens stupides qui mouillent les yeux de Mathilde. Sur son visage pas de rides au coin des yeux, pas de pattes d’oies assassines, pas de ridules à son sourire, juste deux trainées grises et verticales qui coulent le long de ses yeux jusqu’à sa mâchoire, tranchée lacrymale creusée d’avoir trop pleuré pour de vrai avant. Quand elle se regarde dans la glace elle se dit qu’elle ressemble à la vierge Marie, elle a beau sourire et prendre son fils contre son cœur,pietà ordinaire, elle a beau être heureuse maintenant, tellement, elle garde le faciès déformé de la peine, rien ne l’efface, ni l’eau ni les crèmes.

Mathilde est coquette quand elle le veut, le bâton noir charbonneux qu’elle glisse entre ses yeux, les cils qu’elle maquille un à un pour les agrandir, les yeux ni gris ni bleus, elle regrette parfois le temps de sa grossesse et de sa poitrine alourdie, elle triche avec des artifices, sauve la silhouette à coup de soutien-gorge rembourré et de décolletés étudiés, pour son quarantième anniversaire ses ongles sont manucurés, papillons argentés et vernis transparent, ca durera ce que ca durera, mais pour ce soir, ca suffit. Les cheveux ondulés encore noir jais, l’odeur des fruits et de vanille du parfum, son rire qui raisonne dans la cage d’escalier pendant qu’elle range ses clés.

Jupiler pression, changer les fûts et les bidons, derrière son comptoir Mathilde c’est la reine, la plus belle, la seule et l’unique, pas besoin de se retourner pour attraper les pintes encore chaudes d’être lavées, accoudée sur le bois usé elle regarde les hommes passer, petit noir ou whisky baby, elle les connaît les habitués, leurs histoires et leurs mensonges, ce qu’ils racontent et ce qu’ils font vraiment, celui qui a divorcé mais qui dit toujours en partant qu’il ne doit pas rentrer tard pour ne pas réveiller sa femme, et puis il y a moi le matin, un café crême, Libé et Le Parisien, le sourire de Mathilde qui s’ouvre sur son incisive dorée, ses ongles papillons blanchis par l’eau de javel de la serpillère qu’elle vient de passer, l’odeur du détergent qui se mélange à la blonde qu’elle fume à la porte d’entrée.

Géraldine 2

Géraldine a un enfant maintenant, un garçon qu’elle habille chez Zara Kids, des baskets pour nains qui valent le prix d’une Air Max import, elle a réussi, tu vois, elle ne travaille pas, tout les matins c’est l’autre qui se lève, qui prépare le gosse, biberon, bonnet et gants, école et embouteillages, Géraldine a trop à faire, le ménage et le repassage, les coups de fils aux copines et les embrouilles avec sa mère, sa maison c’est un mausolée, y’a rien qui bouge, les coussins du canapé, la vaisselle toujours rangée dans le meuble en formica blanc laqué, la chambre du petit c’est thème Winnie l’Ourson, des rideaux au tapis, pour la petite qui arrive ça sera Blanche Neige et les Sept Nains, elle a déjà repéré la parure de lit chez Giga.

A 16h, c’est le rush, la sortie de l’école, ne pas manquer à sa réputation de mère encore jeune et jolie, maquillage et cheveux tirés en arrière, aller chercher le petit, la concurrence n’existe pas, mais tout le monde se regarde, tout le monde l’épie, elle sait bien qu’elle dérange avec son jean taille basse et ses talons, les mères qui se déplacent à la sortie de l’école sont stressées, pressées, le boulot et puis les courses, le mari parfois, l’air absent devant la grille qui tente de se souvenir pour quel enfant il attend, prendre la main du gamin, caler le portable entre la mâchoire et l’épaule, remonter l’avenue grise, s’arrêter devant les vitrines, le plus lentement possible, à pas d’enfant, l’angoisse de rentrer seule dans sa maison si bien arrangée, avec ce gosse qu’elle ne comprend pas la plupart du temps, qui pleure et puis qui crie, qui demande et qui supplie, le gouter, le bain, le coucher, tellement seule, tellement perdue, Géraldine craque parfois, allume une cigarette et regarde par la fenêtre, oubliant un instant les caprices et puis ses cris, ceux qui viennent de l’intérieur, ceux qui lui hurlent de partir, s’enfuir, ouvrir la fenêtre et sauter, s’écraser sur le noir du parking usé, recommencer.

Faire des enfants c’était la suite normale de la jolie histoire, un homme enfin comme on voudrait, comme on l’avait dessiné, le prince charmant urbain, le gentil toujours prêt à aider, quand il rentre, crevé, Géraldine voudrait bien parler raconter, sa journée et puis ce qu’elle voudrait, les vacances qu’ils prendront peut-être, la voiture qu’il faudra changer, mais y’a rien qui sort, tu vois, à l’intérieur c’est bloqué, il ne le voit pas mais Géraldine s’enfonce, touche le fond et ne rebondit pas, il la trouve couchée dans le noir, seule la télévision est allumée, sous la couette elle ferme les yeux si fort que son front est crispé, si elle ouvre les paupières elle devra s’expliquer, pourquoi le petit est encore sale, pourquoi le diner n’est pas prêt, la poussière sur le meuble du salon qui commence à s’accumuler, les mégots de cigarettes qui s’accumulent sur le rebord de la fenêtre du salon, elle ferme les yeux, elle essaie de ne pas entendre, le bruit du petit, le bébé qui frappe dans son ventre.

L’oreiller à côté du lit du petit, sa respiration qui ralentit, ses pieds qui dansent dans le vide, les mains crispées sur le drap jaune et bleu, les poings maintenant, la force de la folie, de la douleur, les spasmes si violents du corps si petit, la fin ensuite, le silence encore, le corps sans vie de l’enfant qu’elle vient de serrer trop fort, l’oreiller qu’elle repose doucement, tiré à quatre épingles, chaque chose à sa place, le petit dans son lit, endormi pour longtemps, Géraldine à la cuisine allume une dernière cigarette, il faut arrêter de fumer, c’est mauvais pour le bébé, écrase le mégot encore brulant sur la paume de sa main, comme si la brulure pouvait la réveiller, la télévision privée de son envoie les derniers messages que Géraldine reçoit, mangez, bougez, consommez, soyez heureux et travaillez, slogans à vivre pour fille paumée, dernier recours de la société pour la sauver, publicité pour une vie qu’on vient de rater, 25 ans c’est long, lumière blanche du néon de la salle de bain, lexomil, atarax, aspirine, tout y passe, le gobelet au trois brosses à dents se remplit de pilules, elle avale et attend, son esprit n’existe plus.

J’ai pitié

J’ai pitié de toi, t’es une merde, c’est commun mais ca résume tellement bien ce que je pense de toi, une merde un peu chaude encore étalée grassement à mes pieds sur le trottoir, restes de bol intestinal frais et bière peu digérée, la substance même de ce qui te définit a la couleur de cette boue nauséabonde, t’es plein de toi même, imbu de ta personne, gorgé de matières fétides, déchets de la pensée, quand je te lis j’ai la nausée, mais j’ai quand même envie de continuer, accident sur l’autoroute, je ralentis comme tous les autres, spectacle immonde et public aux abois, dégueule encore pour voir, il t’en reste, fais toi plaisir, y’aura toujours quelqu’un pour trier, classer les restes toxiques et les enterrer.

Je te raconte n’importe quoi, tu gobes tellement bien, t’es tellement content, croire qu’il y a enfin quelqu’un de plus sale que toi, de plus pervers, de plus dégueulasse, je pourrais dire que je baise avec une chèvre ca te surprendrait même pas, c’est tellement rassurant de se croire mieux que moi, c’est tellement confortable de te sentir normal pour la première fois, ce besoin primaire de se définir face à quelqu’un, tu cherches ta place au pays des enculés, tu crois que j’en suis présidente, mais mec tu t’es trompé, tu confonds la forme et le fond, la chatte et le croupion, j’en peux plus de lire tes insanités, tellement hardcore, tellement tristement vraies.

Je sais ce que tu penses, j’ai ce que je mérite, à trop l’ouvrir, à préférer parler de bite, je dresse un portrait caduque, il manque une cale sous mes pieds, je branle et puis je tombe, pas sur que je me relèverai, j’ai une seule chose pour moi, la possibilité de te rayer, ne plus lire tes messages, refuser de te parler, j’oublierai tes horreurs, les plans que tu me proposes, les images que tu copies-colles à la mienne, ta situation familiale dégueulasse et tes envies sadiques, tu me donnes envie de changer mec, de mettre des cœurs autour de mes injures, de mieux parler, de moins parler, de choisir au moins mes interlocuteurs, petit test de QI à l’arrivée.

Paris Twitte

Paris twitte, il bande et il se touche aussi, il se parle et il envoie, ca crie et puis ca murmure, dans les coins les plus sombres on s’explique, pourquoi t’as dit ça, je te promets je suis pas comme ça, la timidité aussi, si tu me followes pas, j’ai du mal à venir vers toi, je cherche ton étiquette pour m’assurer qu’on a quelque chose en commun, quelque chose sur quoi partir au moins, lancer la discussion et puis après on voit, l’IRL c’est terrible, ca next plus vite que sur chatroulette, les prétextes les plus foireux sont les meilleurs, je vais chercher un verre, j’ai aperçu mon ami, je te plante là et je reviendrai pas, désolée meuf, mais vraiment je peux pas, j’ai essayé mais tu m’intéresses pas.

Les stars font des apparitions, ca se moque et puis ca se jalouse, les influents et leur clique, les admirateurs et les haters, ca pourrait se clasher mais soyons raisonnables, c’est tellement plus simple de se niquer planqué derrière son écran, ce soir pas de sang, ca vanne mou, ca bande mou, ca jouit pas, ca se poke à peine et ca se réconcilie déja, stratégie de l’évitement maximum pour les plus lâches, je fais semblant de ne pas te reconnaître et tu me le rends bien, demain on reprendra nos joutes débiles, je dirai de tes articles qu’ils puent le sponsors, tu diras que je suis aigri, finalement nos personnages sont indémélables, les contrastes ca sert, ca vend, le noir sur le blanc, tu sers mon ego quand je pisse sur le tien, qui de nous deux est le plus pute, c’est à démontrer.

Au milieu de vous tous, ceux qui comptent, ceux que je connais déja, celles que j’avais envie de voir, ce mec qui me tient la main et à qui j’ai envie de rouler des pelles, seulement tu me connais, je suis pas comme ça, alors je cherche ailleurs et je provoque les puceaux, ceux qui se disent vulgaires alors qu’ils sentent encore le savon et le propre, le business du gros mot au kilomètre, ca me fait rire, ca m’amuse, mais finalement ca me débecte un peu aussi, comme si t’avais rien d’autre à dire, thérorisation du néant, bite chatte couille pipi, tu me résumes à ça, mais mec t’as vraiment rien compris, être vulgaire et grotesque c’est plus qu’une pause de branleur, c’est un choix symbolique, cherche un peu dans ta tête et reviens dans quatre heures, évidemment je ne suis pas comme ça, évidemment c’est déliberé et choisi, seulement pour assumer faut se connaître, savoir ce qu’il y a à l’intérieur.

J’ai peur de rien en soirée, t’es avec moi, jamais loin, jte cherche des yeux, je me rassure de te savoir dans un coin, t’es mon pilier, je compte sur toi, tu me donnes sans le savoir la force d’être moi, si je me plante, si je me fais jeter, t’es là et tu comprends, dans tes yeux y’a les miens et puis ma tête aussi, la foule n’y change rien, je te retrouve toujours, t’es mon aimant face nord, t’es mon référent, mon exemple, t’es tellement jolie, tu sais t’es belle, j’ai envie de te protéger et de te prendre sous mon aile, mais j’suis pas comme ça tu sais, alors j’me fais dicrète, j’parle fort, je dis n’importe quoi, mais j’oublie pas, j’ai l’oeil qui trâine à côté de toi.