Où vont les canards quand il géle ?

T’es toujours avec moi, dans un coin de ma tête, dans le fond de mon sac, la couverture raturée, usée, les dessins dans les marges et la liste de course qui sert de marque page, je peux pas compter exactement le nombre de fois où je t’ai lu, dans les moments bien lourds, comme dans ceux plus joyeux, je t’ai appris par coeur, je t’ai aimé, je t’ai hai, t’étais ce que je n’étais pas, tu voyais les choses à travers un prisme bien à toi, le recul sur les choses, la fugue surréaliste, les mots qui s’enchaînent, le style si particulier, les mots, la musique dans ta voix, les jazzmen et puis l’argot.

Holden c’est moi, en mieux,  le paradoxe de la gouaille et de la fragilité, le cœur en toc, la façade qui envoie quand dans ta tête la peinture n’est pas encore sèche, le corps qui vibre, l’esprit qui hésite, la joie exubérante, la tristesse qui te donne envie de te mettre une balle dans le ventre, la folie qui te prend les tripes, ça s’installe peu à peu, tu sais pas comment ca va finir, tu racontes juste ce truc dingue qui s’est passé avant Noël, après tout ca pourrait m’arriver, trois jours dans un lieu étrange, entre la liberté et la contrainte de l’angoisse, le spectre de la psychiatrie barbare, définit ton bonheur et court derrière, c’est l’aventure initiatique parfaite, trois jours d’errance, de petits rien qui prennent leur sens, qui s’inscrivent à jamais dans ce que tu deviens demain, l’alcool pour oublier, pour faire taire les voix des connards, les autres que tu croises si différents, si déglingués, tous des hypocrites, personne ne comprend rien, même celle que tu paies, l’aliénation que tu t’infliges, passage nécessaire vers le reste de tes rêves.

Holden, tu veux partir loin, ta sœur sous le bras, l’Ouest te tend les bras, le soleil et puis la vie plus facile, loin de la ville grise, de l’anonymat des clubs de jazz où tu te bats pour te faire servir à boire, peut-être que là bas les gens répondent quand tu poses des questions, qu’ils te parleront, qu’ils partageront ton goût pour le cinéma, peut-être même que les morts reviennent à la vie, que le fantôme de ton petit frère disparaitra, qu’il sera vraiment là, t’auras plus à le porter, trop lourd à gauche de la poitrine, tu parles mal, t’es grossier, mais t’es juste arraché, dévasté, même les putes te font de la peine, alors tu les laisses parler, même si ça coûte cher, tu respectes pas tes congénères, même pas tes professeurs, t’attend qu’ils se rendent compte que tu existes pour les accepter, pour échanger, comment parler à des sous-merdes qui te méprisent déjà, parce que rien n’est apparence pour toi, malgré le bling-bling de ton hôtel et le luxe que tu décris, t’es né ailleurs de l’intérieur, t’as rien à foutre ici.

Holden, t’es prêt à tout plaquer, tout oublier, tout effacer, te barrer avec la première fille qui dit oui, dans une ferme, vivre d’amour et puis surtout de rien, il paraît que c’est un signe de ton instabilité, on m’a dit que c’était de l’immaturité, je suis pas sure tu vois, pour moi c’est ce qui te rend humain, ca n’a rien de dramatique, c’est le sursaut de vie dans tes trois jours de deuil, de peine et de folie, c’est tout larguer pour se réinventer, encore, devenir un étranger pour mieux se faire aimer, cette fille que tu ne connais pas et à qui tu donnes déjà tout, elle t’attrape le cœur et tu te prends à rêver, t’as plus peur de ce qui arrive après, et même si c’est dingue et si ca n’arrive jamais, au moins tu l’as imaginé.

Holden, je sais pas pourquoi j’écris tout ça, parce que Salinger est mort et que ca me met dans un drôle d’état, y’a des gens que tu idéalises, dans ta tête y’a tout le film, ca c’est pour lui, j’ai lu tout ce qui est sorti, ce que sa fille a écrit, c’était un drôle de type, reclu, bizarre, secret et mystique, finalement pour moi il ne compte pas, celui qui m’a marqué, Holden c’est toi, t’es un peu mon meilleur pote, un peu mon idole, un peu le frère que j’aurai voulu avoir, je serai ta môme et tu peux m’appeler Phoebe, on partira ensemble, on fera les pires conneries, on se posera des questions et on y répondra jamais, on vivra toi et moi dans un inceste spirituel permanent, je t’écouterai parler, et promis, je te fais rien payer.

Tu peux pas test

J’ai pas la drague subtile, j’ai juste envie de te choper, depuis le temps qu’on se parle et qu’on s’observe, tu me tournes autour et j’aime ca, alors on attend quoi pour se tester, s’embrasser, voir si on s’emboîte et passer à l’instant d’après ? J’aime pas l’amour courtois, les fleurs de paki, les diners et les bla-bla, j’aime quand tu me regardes en coin et que tu me coinces contre un mur, que tu me dis dans l’oreille que je suis vraiment trop belle, si tu dis que je suis bonne, t’inquiète je t’en veux pas, j’aime sentir que tu me sens contre toi, que ca te plait de m’avoir juste là, que mon esprit t’a fait bander, mais que mon corps aussi, la beauté intérieure, c’est sympa merci, ca remplace pas l’attraction physique, le truc qui te fait que te retournes dans la rue et qui te donne envie de suivre quelqu’un, juste pour le regarder, juste pour voir si il est libre, le flash que tu ressens dans le métro quand il s’assoit en face de toi, t’arrive pas à arrêter de le mater, tu le déshabilles du regard et dans ta tête c’est déjà fait, descente au même arrêt, t’as pas du feu et tu t’appelles comment, on prend un verre si t’as le temps, ca se fait jamais ce genre de plan, mais si j’avais trois couilles, ca arriverait plus souvent.

Pourtant je crois que je suis romantique, que je suis une vraie fille, je suis sensible et j’ai besoin de me sentir aimée, désirée, j’ai juste pas la même notion de l’acceptable amoureusement, j’aime les choses spontanées, les voyages au bout de Paris en bus de nuit, tu mets ta main dans ta poche parce que j’ai oublié mes gants, on a froid mais c’est bien, la nuit nous appartient, au bord d’un quai de Seine on partage une clope avec un vagabond, on oublie l’heure et puis le temps, on se pose par terre et on balance une pièce dans la fontaine des innocents, ca dure qu’une nuit, quelques heures, je connais juste ton prénom, je sais pas si t’as entendu le mien, mais pour l’instant y’a que toi qui compte, les heures qui passent et la façon dont tu m’embrasses, les potes qu’on a quitté y’a trois arrondissements, pour partir se planquer, juste nous deux, profiter de l’instant.

Je sais même pas si je pense à plus tard, si tu prendras mon numéro et si j’oserai te demander le tien, si on ira au cinéma voir le dernier truc un peu primé, bien sur que j’imagine tout ça au fond, mais ca compte pas vraiment, si on en reste là après tout c’est déjà bien, on gâchera rien, on gardera tout ça pour nous, on aura pas d’anniversaire, pas de cadeaux à se faire, si tu pars de l’autre côté du quai quand arrivera le premier métro, j’garde pour longtemps au fond de mon sac les preuves tangibles que tu as existé, le ticket de carte bleue des bières qu’on a acheté ensemble, le dessin un peu pourri que tu m’as fait sur la main, ca me rassure, je me dis que j’ai pas rêvé, et quand je rentre pour me pioter je m’endors avec l’impression d’avoir vibré, d’avoir rencontré un mec vraiment bien, même si c’est pas vrai, que finalement t’es un gros con obsédé, on s’en fout, je garde toi ce que j’ai choisi, et je compte pas changer de version.

J’ai l’esthétique de nos premiers instants qui diffère surement des autres filles, je préfère qu’on aille se balader sur la fin d’un chantier, qu’on colle des mots débiles sur les vitres d’un bus, qu’on fasse quelque chose d’un peu barré, d’un peu décalé, si tu m’invites au restaurant je deviens conne et puis je m’éteins, y’a rien qui me bloque dehors la nuit, ni l’espace ni les gens, si t’as choisi de me suivre c’est que tu le voulais, t’es pas bloqué derrière ta chaise en attendant la fin de la date, y’a pas de règles à l’américaine, tu m’appelles si tu veux, et je t’envoie trois textos de suite si j’ai envie, je déteste réfléchir et calculer, te fuir pour que tu me suives, te chasser pour que tu te barres, je vois pas les bons moments dans ceux qui nous emmènent de toutes façons vers le coït obligatoire, alors je suis un peu abrupte, je te provoque et puis j’te serre, je tombe avec toi très vite très fort, pour combien de temps j’en sais rien, pour cette nuit et puis peut-être demain, si t’as toujours envie et si je suis toujours là, si j’me suis pas déja barrée avec un autre qui passait par là.

Pas de face

J’aimerai trouver une ligne claire entre ce que je partage et ce que je garde pour moi, entre ce que je ressens et ce que j’écris, ça me permettrait peut-être d’être moins sensible, moins prompte à tout foutre en l’air, détruire pour se protéger, se recroqueviller pour ne plus rien sentir, ne plus se laisser atteindre, laisser passer les mots et les attaques, cachée derrière soi, oublier qu’on parle de moi, ne plus lire les mails assassins que tu m’envoies, se faire oublier, retrouver mon banc et puis mon arbre, mon cahier et puis ma page. C’est terriblement prétentieux, et si ca fait de moi une connasse sans face, tant pis, j’avais besoin d’écrire que je suis touchée, blessée, par ce que je lis, parce que j’entends parfois, parce que ce que j’écris ici n’est pas journalistique, la thématique est unique, c’est moi et puis ma gueule, mes ennuis et puis mon orgeuil, mes souvenirs et mes obsessions, les gens que je vois et ceux que j’ai perdu, y’a pas de volonté d’éclairer le monde de mon intelligence, de décortiquer les événements ou d’avoir même une opinion, y’a juste ce qu’il m’est arrivé, ce que j’ai envie de raconter, ce qui sort de mes doigts ne m’appartient plus, je le pose ici et je me sens moins lourde, j’ai lâché prise, je peux commencer à vivre sans.

Alors quand tu m’analyses et que tu tentes d’y trouver du sens, quand je réponds pas à tes attaques et tu deviens trois fois plus méchante, rappelle toi que tu parles à une meuf qui écrit juste pour elle, qui ne demande rien et qui t’emmerde, qui se contente de 30 lignes tout les soirs pour aller mieux, qui ne cherche pas d’histoire, de billet sponsorisé ou de gloire, qui n’atteindra jamais tes 2000 followers et tes 60 000 pages vues, mais qui s’en fout, merci pour elle, tu peux retourner compter du click tranquille, faire l’imbécile dans les soirées où on te bourre la gueule au mousseux dégueulasse, être la princesse des connasses, moi j’reste chez moi et j’demande rien à personne, je veux pas faire d’échange de liens et quand je lis tes articles, honnêtement c’est vrai, je me fous de ta gueule, ma réputation virtuelle est ce qu’elle est, je cherche pas partiulièrement à en faire une carte de visite, je suis une No Life, comme toi, juste en un peu moins démagogique.

Je te propose un marché simple, t’arrête de me lire et tu m’oublies. En échange j’lis plus tes conneries et je classe tes mails en spam, on s’évite, on se regarde loin, enfin surtout toi, parce que j’aurai vite fait de tourner la page, quand j’aurai envoyé ce billet, t’auras déja disparu, mais fallait que je lâche ça ici, tu comprends j’en suis sure, t’es exhib toi aussi.

Toutes des salopes

J’ai pas de pitié pour les filles connes, celles qui mentent et manipulent, celles qui te volent et puis t’enculent, j’ai pas de respect pour mes sœurs les connasses, celles qui font du mal pour se payer un sac, j’ai pas envie d’être comme elles, de baisser mon froc pour me sentir plus fière, elle te suce et elle a déjà la main dans ta poche, tu t’en rends pas compte mais crois moi y’en a, des salopes intéressées qui comptent en dollars quand elles choisissent leur plat, des encéphalogrammes plats qui te font croire n’importe quoi, qui te tiennent par la queue avec leurs yeux de chienne triste, que tu laisses te toucher sans te rendre compte qu’elles sont pleines de vice.

Y’a ce mec que je connais, il rencontre cette nana, elle est à moitié jolie, il est totalement soumis, il devient son mec de sorties, celui qui paie et qui se tait, parfois ils couchent ensemble mais c’est rare tu vois, il a pas compris que les règles n’arrivent qu’une fois par mois. Ce mec là n’est pas stupide, il a un métier sérieux, des projets et des envies, il est juste tombé sur la mauvaise pute au mauvais moment, il baisse sa garde trop vite et il tombe pour 3 ans. Ce qu’il apprend plus tard, c’est qu’il n’est pas le seul, qu’elle n’habite pas chez sa cousine mais bien chez son mari, qu’elle rentre tout les soirs et qu’elle lui prépare à diner, qu’elle couche avec lui, avec d’autres, et qu’elle est complétement niquée.

Si l’histoire s’arrêtait là ca serait encore trop facile, cette meuf est tellement malsaine que ca pouvait pas, un jour elle tombe enceinte et elle se demande lequel choisir, lequel l’a engrossée, son mari si gentil, mon pote, si soumis, ou les autres connards qu’elle suce quand elle s’ennuie, l’avortement c’est trop dur et puis ca paie pas, elle peut pas choisir de géniteur, et puis après tout pour quoi faire, elle dit à mon pote qu’elle est en cloque, lui tape 4000 euros pour l’accouchement et la clinique, vend la même merde à son mari qui attendait d’être papa, et pendant neuf mois c’est la princesse au petit pois, ses hommes au garde à vous lui passent tout, les caprices et les crises, le shopping et les envies, la reine du monde c’est elle, et puis elle semble si courageuse, elle dit qu’elle assume à mon pote qui voudrait se marier, elle dit à son mari qu’elle est trop fatiguée pour travailler, j’connais pas de grossesse qui puisse mieux se passer, deux chauffeurs, deux traiteurs, deux comptes en banque à volonté.

Dix jours avant le terme, mon pote au téléphone en train de chialer, elle a perdu le bébé, elle est détruite, déprimée, cassée, rien ne sera plus pareil, d’ailleurs elle le quitte, il ne sait pas quoi lui dire, il pleure aussi pour lui, pour elle et pour l’enfant, il fout à la poubelle les cadeaux et les rêves, il boit, il fume, il se fout contre un mur, la caisse encastrée dans le béton pour rien, pour un mensonge et pour une pute. Parce que l’enfant est né, la maman se porte bien merci, elle a accouché tranquille sous péridurale quand il se fracassait sans anesthésie, c’est une petite fille, elle s’appelle Virginie, la liste de naissance est disponible sur internet, mais une enveloppe c’est bien aussi.

Je l’ai croisé six mois plus tard, elle trotte derrière une poussette, morte de rire derrière son téléphone, ca a l’air d’aller, comment on peut oublier, pourtant la petite qui hurle devant, c’est peut-être un morceau de lui, sa chair et puis son sang, la bonne moitié au moins, elle ne me reconnait pas et je me retiens. De lui cracher à la gueule, de lui faire hurler sa mère, de lui arracher la face et de la trainer par terre, j’vois sa tête qui rebondit mollement au ralenti sur le rebord du caniveau, j’ai des flashs plein de sang qui coule et je kiffe déjà la scène, seulement j’ai pas le courage, j’ai pas les couilles, j’arrive pas à bouger, peut-être à cause du bébé, peut-être parce que c’est trop violent, de la voir là, en vie, maquillée et apprêtée, quand mon pote est en fauteuil et qu’il a encore du mal à parler, j’voudrais lui dire que je la méprise et que j’ai honte de partager son sexe, que les meufs comme elles me font vomir, mais y a rien qui sort, tout ce que j’arrive à dire c’est sale pute.

The good times are killing me

Parfois je ferme les yeux et je rêve que je suis comme tout le monde, que mon cul ne dépasse plus du siège et que mes seins ne débordent pas, que les émotions sont voilées, les sentiments tièdes, que mes angoisses n’existent pas, je flotte, comme quand tu vas à le piscine et que ton corps de vient léger, suspendu. Je provoque cet état, quand j’ai envie de partir loin sans bouger, à coup de Dramamine ou de Codéine, mon corps s’enfonce dans le matelas, ma tête se colle au plafond, voyage immobile, plus rien n’existe, le monde autour de moi devient comme brouillé, nuageux, mes yeux sont secs, rien ne m’atteint, la musique n’a plus de saveur, les mots ne veulent rien dire, mes neurones sont asphyxiées, afflux massif de sérénité, les cliquetis mécaniques de ma montre me semblent insupportables, je la balance contre le mur, ma tête se noie entre les coussins, tu n’as peur de rien.

Y’a pas d’attaques des souvenirs sous Codéine, pas de fantômes à chasser, pas de soleil, pas de nuit non plus, plus rien ne tourne, plus rien ne se presse, tu ne peux rien faire, les contrastes sont gommés, les bosses et les courbes, les dedans et les déliés, tu dors les yeux ouverts, tu regardes passer les rêves sans t’y accrocher, contemplative, le recul se définit en année lumière, si tu sautes hors de toi tu peux te voir, allongée, lourde et étalée, si transparente pourtant, le tein trop blanc, les yeux écarquillés, ni belle, ni laide, organique, respirante, et ca suffit. La substance ne te demande rien de plus, réduite à tes fonctions vitales pour laisser passer l’orage, coma obligatoire pour cocotte minute névrosée, repos forcé, le réveil est loin, profite, le goût métallique dans ta bouche, ta gorge qui s’ouvre enfin à l’air, tu respires, pour la première fois on dirait, depuis des jours, n’oublie pas d’expirer, recommence, les seuls ordres que te transmet ton cerveau sont simples.

Besoin de personne, envie de rien, plus d’affect, plus d’orgueil, si le téléphone sonne, tant pis, les autres n’existent plus, disparus, tu n’en veux plus d’ailleurs, les histoires que tu portes pour eux, les secrets qu’on te confie, celui qui n’appellera pas et celui auquel tu ne réponds plus, envolés, désintégrés, la chimie c’est l’acide dans la baignoire sur les cadavres de tes jalousies, de tes frustrations, rien ne lui résiste, même tes os se dissolvent, position yogi du fœtus déglingué, souplesse soudaine de ton corps qui se recroqueville dans un coin du lit, l’impression que des vagues de bon, de chaud, remontent de ta cage thoracique vers tes narines, flux discontinu des comprimés qui fondent sous ta langue, effet quasi immédiat, délivrance, sommeil éveillé, conscient.

Difficile de revenir, d’arrêter, le goût de recommencer, les heures qui deviennent trop courtes, réveil forcé, douche froide, café, les doigts engourdis encore de les avoir oublié sous toi, anesthésie s’en va, la douleur se réveille, le monde reprend vie, tes sens aussi, les appels manqués, la bouilloire que tu as oublié, la gêne d’avoir cédé, encore, à la facilité, d’avoir oublié de lutter, la honte, la trace des cachets volés dans la plaquette neuve, ce qu’il reste à faire d’avant la parenthèse codéinee, rien n’a disparu, la même liste de tâches, les mêmes responsabilités, ta gorge se serre.

Try a little tenderness

Tu sais finalement je suis pas compliquée. Ce soir j’ai pas envie de baiser, je serai la salope de personne, ce soir j’ai juste besoin de me lover, contre quelqu’un, ma tête dans tes creux, respirer ton odeur, regarder passer l’heure, les ombres se dessinent sur les murs, le soir tombe et je ne bouge pas, juste toi et moi et le temps qui passe, sans parler, sans bouger, parfois tu t’étires et je me retourne, mais nos corps l’un contre l’autre se joignent toujours, dans l’épaule ou dans les reins, y’a pas de bande originale à ma rêverie, juste le silence et ta respiration, tu pourrais être n’importe qui, mon amant ou mon ami, sentir une présence bienveillante, laisser aller ma peine au rythme de mes soupirs, tu t’endors parfois, mais ta main ne me lâche pas, quand tu fermes les yeux j’ouvre les miens et je te regarde, je voudrais dire merci, simplement, mais j’y arrive pas, les mots se bloquent, je suis pudique des sentiments, alors je murmure que c’est bien et je me rapproche encore un peu de toi, l’odeur de ton parfum passée sur ta chemise froissée.

Y’a pas de fin à mon envie, pas de chute à ce que j’écris, j’ai juste besoin d’une présence humaine, refuge à la folie, me sentir le droit d’être fragile, d’être petite et légère, de murmurer au lieu de hurler, poser mon masque sur la table de nuit, démaquiller l’audace et le culot, poser mon sac loin de ton lit, l’oublier quelques heures, ne plus penser, recharger mon âme à la chaleur de la tienne, avoir le temps enfin, sans train à prendre ou rendez-vous à honorer, les minutes qui s’égrainent dans la ouate de ta couette, ton pied qui cherche le mien, la douceur de tes bras qui me serrent, le joli silence de nos deux airs qui se mêlent, sans ambiguïté, sans questions et sans attentes, la simplicité bête d’un moment sans artifice, sans théâtralité, tu pourrais être mon ami, si j’en avais un comme toi.

Quand je t’aurai tout pris, quand tu m’auras tout laissé prendre, quand il fera noir et qu’il fera froid, quand ma tête sera pleine de guimauve et qu’il faudra partir, ne t’inquiète pas, je connais le chemin. Ne te lève pas, ne te dérange pas, reste là. Je reprends mon sac, ma vie et le reste, ce que j’ai laissé dans le couloir, je ne te laisse rien, pas de noir dans tes rêves, pas des vases communicants de ma tête à la tienne, je n’ai rien dit, toi non plus, c’est presque mieux, juste des heures de silence qui nous lient, c’est intime le silence, bien plus que la parole, bien plus que le sexe, les bruits reviennent, la rue et puis le téléphone, les lumières blanches du dehors qui m’appellent, c’était bien, merci.

Il y a du soleil, soleil dans tes yeux

D’abord la chaleur, la descente de l’avion, le soleil, écrasant, les vêtements qui collent et la douane à passer, si t’as de la chance c’est rapide, les jours où t’en as pas, ca peut durer des heures, coincée dans le no man’s land, entre deux pays, entre deux états, le soleil à travers les baies vitrées de l’aéroport, ta valise qui tourne seule, abandonnée, sur le tapis roulant des arrivées, ce que tu as mis dans ta valise pour tes amis, pour ta famille, la barrière, la dernière, le soleil en pleine tronche, enfin, les corps et les odeurs de ceux que tu aimes à distance, les retrouvailles après onze mois passés loin d’eux, les larmes sur le béton du parking, les promesses de revenir plus souvent maintenant, le trajet en voiture, tu t’en mets plein les yeux, les panneaux de l’autoroute et les palmiers, rien qui change et pourtant tout a changé, les immeubles qui poussent au milieu du désert, des neveux qui viennent de naître à rencontrer, tellement de gens à embrasser, et le soleil, encore, permanent, le contraste de ta peau si blanche et des leurs si halée, dans trois jours tu seras cramée, comme à chaque fois, l’odeur de la chaleur sur ta peau, la crème solaire et les pastèques sur la plage, les soirées les pieds dans le sable, la journée tu appartiens aux tiens, la nuit tu fais la fête et tu vis vraiment, cocktails à 20 shekels, tu croises tout Paris, ta voisine, ta cousine et le beau gosse du restaurant, tous là, en transe, les soleils la nuit sont nombreux, alcools et mélanges, tu sors pour prendre un verre tu finis au petit déjeuner, avec trois expatriés et trois soldats en uniforme, le uzi et les tongs, ray-ban dans la poche arrière du treillis, ici la guerre civile fait partie de la vie, plus rien ne t’étonne, te faire fouiller quand tu vas prendre un café, ouvrir ton sac avant d’aller danser, les regards lourds de sens quand tu montes dans le bus, les contrastes entre les autres et toi, ceux qui vivent toute l’année ici, qui ont oublié qu’on habite ici dans des maisons sans abris blindés, ca sert de buanderie, pour toi c’est flippant, ca te rappelle que ceux que tu laisses derrière sont vulnérables, fragiles, et quand à 4000 kilomètres tu regardes les infos, tu passes un coup de fil même si tu sais que rien n’est arrivé, juste pour te rassurer, juste pour partager avec eux, la peur et puis l’angoisse, le souvenir des jours d’été.

Tu vis dans l’insouciance, pour toi c’est facile, tu ne restes pas, parfois tu joues avec l’idée, et si tu partais, et si tu changeais de vie, rejoindre le soleil permanent dans ta tête, t’oublie que là bas aussi l’hiver il neige, tu dépenses ton argent en taxis et en sorties, ton cousin a deux métiers et 6 enfants, tu calcules pas bien le contraste entre ce que tu vis un mois et ce qui se passe vraiment, les contrastes blanc sur noir sont moins flagrant la nuit, les soucis tu les partages de loin, par mail ou par téléphone, quand t’es là bas tout va toujours bien, tu passes à l’endroit où hier ca a explosé, mais bizarrement t’es habituée, tu respires cet air particulier, qui te donne la foi, qui te donne un peu plus de cœur, t’admire ceux qui luttent, résistent et qui donnent de la voix, mais t’es contente de repartir, ta révolte s’arrête dans la salle d’embarquement, tu manges ton dernier Mc Do de l’année à Tel Aviv, tu rapportes des cigarettes et du sel de la Mer Morte, le fil rouge à ton poignet, les images du coucher de soleil sur Akba, si tu nages un peu trop loin t’es au point zéro de l’humanité, l’Égypte à droite, à gauche la Jordanie, derrière toi ton pays, les garçons au regard sérieux, les gens en noir que tu admires de loin, les filles si jolies, le temps qui passe sur la terre qui n’appartient à personne, surtout pas à toi qui la consomme , tu prends le meilleur, t’embarque le reste dans ton appareil photo, les images, les odeurs et puis les gens, tu t’en lasses pas, dans ta tête ca reste, l’attachement à la poussière et au calme, le soleil et l’euphorie des nuits, la condensation sur la vitre, l’impression que l’essence de ton être est restée là bas, que les vies d’ici s’annulent, que rien ne compte cette chaleur là, qui te prend aux tripes quand t’entends la Hatikva, blédarde de là bas, finalement c’est pareil, le même sentiment d’être exilée que ceux qui viennent d’ailleurs, tata du bled ne m’oublie pas, dans onze mois je reviens m’en mettre plein la tête, les yeux et puis les mains, les cailloux de ton jardin dans ma poche, arrachés au sol pour le prendre avec moi, vivre par procuration les tremblements, les secousses, les serrer quand j’ai l’impression d’avoir oublié, d’avoir épuisé les réserves, pensée magique qui me ramène, je ferme les yeux et je suis avec toi, sous le porche, un spring mangue et une cigarette, ma main dans les cheveux de tes enfants, les yeux perdus dans l’immensité des lumières de Jeru, tu sais qu’on voit jusqu’au Liban ?

–> Haut

A l’intérieur c’est pas trié, des milliers de boîtes, ouvertes ou fermées, des boites en carton, des dossiers, ca prend un peu la poussière, t’as pas la force de ranger, parfois t’en pousse une pour faire rentrer l’autre, Tetris géant, y’a pas de chemin tracé, y’a pas d’index pour retrouver, l’odeur de ta mère et quand t’es tombé en vélo, ta première bouffée de tabac et la dernière fois que t’as baisé, ça arrive comme ca peut, ca te tombe dessus quand tu t’y attends le moins, overdose sensitive, dans le métro pour rien, parce que ton œil se pose un peu trop longtemps, parce que le son dans tes oreilles devient brouhaha, t’es ailleurs, t’es plus là, t’ouvre une boîte et reviennent les souvenirs.

Le jardin et puis ton chien, l’arbre qui t’aimait et l’odeur du soleil dans ses cheveux, la fête de l’école où on te force à danser sur les Gipsy Kings, la différence entre le désert et le dessert, en bas du grand escalier ton père qui rentre de la clinique crevé, ta mère dans la cuisine et l’odeur des oignons qui brunissent, les images te reviennent mais t’arrive pas à t’y placer, les autres existent mais toi t’es à l’extérieur comme gommée, t’observe tes souvenirs comme on regarde un DVD, marche, arrière, retour rapide, c’est ton enfance qui défile, ou pas vraiment juste les lieux et puis les gens, les sensations et puis le temps, le temps qui passe mais qui ne t’enlève rien, t’as tout gardé en toi planqué, caché, haute sécurité, ne rien dire, ne rien parler, surtout ne pas oublier de respirer, t’avance et les boîtes s’accumulent dans ta tête, si tu les ouvres sans être prête, c’est le passé qui te pête à la tête.

Tu forces un peu le verrou quand tu rentres en thérapie, tu racontes ta légende personnelle, t’envoies valser les peurs et les contraintes, dans ta bouche les boîtes s’animent et tu reprends vie, la gomme se barre et c’est du typex qu’il te faudrait à la place, tu voudrais tout blanchir, tout raturer, tout annuler, mais t’as pas le choix, faut ranger les boîtes pour dégager le passage, faire de la place pour de nouvelles boîtes, trier, ordonner, classer, comprendre enfin, finir avec les idées noires des cartons les plus bousillés, empiler les dossiers pour mieux pouvoir les archiver, ta mémoire vive dégagée, ton disque dur défragmenté, chaque chose à sa place, ne part pas les mains vides, gerbe la poussière de tes plus vieux cauchemars, continue à avoir peur, à te poser des questions, mais maintenant t’es forte, construite de l’intérieur, t’as viré assez de merdes pour retrouver l’interrupteur.

Ca te rend pas différente, plus intelligente ou plus accomplie, ca change complétement ta vie, le regard que tu portes sur toi et celui que tu poses sur les gens, la façon d’analyser la manière dont tu réagis, tes synapses au garde à vous relèvent la garde toutes les secondes, les connexions se multiplient, c’est plus facile, plus cruel aussi, voir sa vie en face, ni délirante ni déprimée, faire le constat objectif de sa médiocrité, s’avouer qu’en fait on est juste tous pareils, les défauts et les qualités, les obsessions et les échecs, ce qui fait de toi un être, comme le mec qui te regarde sourire dans le métro, dans le vague et juste pour rien, parce que t’es partie dans les boîtes que t’as choisi de garder, t’as pas tout balancé, et celle que tu gardes font la différence, elles t’emportent et elles te réchauffent, elles te rappellent d’où tu viens et les routes que tu prends pour y retourner sont les plus belles, parce que cette fois tu choisis.

J’encule Christophe Barbier

Alors quoi Monsieur Barbier, on se fait des frayeurs, on raconte n’importe quoi, tu t’es pris pour un mec bien ou quoi, qui te permet de dire le bien le mal, la volonté ou la paresse crasse, qui t’as permis d’ouvrir la bouche et de juger, regarder avec tes yeux pourris passer les tendances et les questionnements, j’croyais qu’un journaliste c’était intègre, c’était intéressé, j’croyais qu’un mec comme toi, payé à chier du signe sur du papier, ca prenait un peu ses précautions, en chiant pas en vrac sur 10% de la population juste comme ca, juste pour le fun, parce que c’est tendance de dire du mal des gros, parce que quand tu me croises dans le métro t’es juste bon à penser que je reste sur mon gros cul à bouffer des chips en matant la roue de la fortune, tu sais à quoi tu me fais penser, juste à un putain d’enculé.

Tu parles de responsabilité et de volonté, laisse moi te faire une démonstration simple :

Quand j’étais petite j’étais grosse. Ouais, c’est vrai, à 3 ans, j’avais une volonté assez peu développée, et pour parler de responsabilité, je pense pas qu’on puisse vraiment juger. Mes parents sont normaux, ma mère est même une folle de diététique, j’ai mangé sain, j’ai mangé bien, on m’a appris à faire la différence entre la salade et la patate, je viens même pas d’un milieu défavorisé, je rentre pas dans tes clichés, adolescente j’étais obèse, encore, pourtant j’étais loin, j’étais en pension et je mangeais la même chose que tout le monde, jeune adulte j’ai bouffé, j’ai avalé, j’ai dévoré, les troubles du comportement alimentaire tu connais ? Tu chiales quand tu regardes Capital sur l’anorexie, les pauvres tellement petites tellement fragiles, et tu te moques de celle qui fait la même chose en différent, celle qui bouffe pour crever, pour exister ou pour survivre, elle n’a pas de volonté, tellement plus beau de s’affamer, tellement plus chouette de plus bouffer, j’arrive pas à croire que les similitudes t’échappent, à croire que tu fais partie des abrutis qui gardent l’image du bon gros, de celui qui est toujours jovial et qui ne sera jamais méchant.

Mais mec les gros sont dangereux, ils croissent et ils se reproduisent, un jour ils seront maître du monde et ils viendront te faire regretter, te faire payer, te torturer, vis ma vie de grosse seulement un jour espèce d’enculé, commence par subir le regard des connards qui ta matent, les gens qui t’abordent dans la rue sans que tu ne demandes rien, pour te vendre de l’Herbalife ou des recettes miracles, va chez le médecin qui prend ta tension avec un brassard tellement petit qu’il te trouve 18/10 alors que t’as juste 12/8, quand t’as 6 ans et qu’on t’affiche à la visite médicale, pesée obligatoire et tu fais le double de tout le monde, tu chiales comme si ta vie était finie, premier stigmate de ce qui va arriver, s’endurcir et continuer, l’image qu’on te colle, qu’on te glue, t’es grosse t’es molle tu sers à rien, chez Mc Do y’a pas ta taille dans l’uniforme, pour être hôtesse d’accueil t’as pas la bonne présentation, dans les boîtes un peu chic tu fais pas assez dynamique, pour te saper ta mère t’emmène dans une boutique spécialisé, t’es habillée comme ta grand mère, pourquoi rendre beau quelque chose que la société condamne comme une maladie de la volonté, pourquoi faire de la sape pour des nanas qui n’ont pas le droit d’exister, juste bonnes à se cacher, prendre de la place chez toi dans ton canapé pour ne plus subir le mec qui tire déjà la tronche quand tu vises le strapontin dans le métro, arriver chez le toubib avec une angine, repartir avec un régime, mais tu crois qu’on tient comment, tu crois qu’on supporte ca comment ?

La volonté mec, la force, le courage, ne plus être esclave de ton jugement niqué, de ceux des tiens, ceux qui pensent que la normalité c’est trop bien, que ce qui dépasse est à couper, tu tailles tes mots dans ma chair comme un chirurgien esthétique la canule, tu voudrais me lipo sucer, me faire changer, m’adapter à ta vision d’un monde rangé, alors toi et ta bande vous inventez des techniques, coupe toi l’estomac en deux et agrafe toi l’intestin, ne mange plus que des pommes et du prozac, deviens enfin normale, même si ca te crève et que tu te nies, deviens normale, connasse de grosse inutile, ou alors au moins fait semblant, achète Top Santé, inscrit toi chez Weight Watcher mais surtout rassure nous, tu comptes pas déranger notre univers si joli et si normé, je bouscule ton sens du beau et ton sens de la santé, j’ai pas de problèmes, je fais un boulot physique et je porte mes 60 kilos en trop, et plus je lis tes conneries moins j’ai envie de me ranger, j’ai envie de porter ma graisse comme un putain de drapeau du pays des différents, des gens qui finalement te font flipper, qui représentent ce que tu peux pas appréhender, avec ta mentalité toute baisée, mon gras c’est mon histoire, 29 ans qu’il m’accompagne, si il te dérange contente toi de compter les deux fois et demies où t’as eu la moitié de ma force dans ta putain de vie, les occasions où t’as du batailler pour être accepté, les fois où t’as chialé de la méchanceté, de la lâcheté et de la mesquinerie de tes semblables, je suis sure que t’arrive pas à deux, compte encore et parle moi de ta volonté, la tienne, t’en fais quoi, à part choisir sur quoi tu vas zapper, les bouquins du service presse que tu vas lire, ca t’amène où, tu te bats contre quoi, t’es pas un guerrier mec, t’es juste un misérable gratte papier, tout niqué, tout blasé, tu te branles sur les gros en secouant ton tout petit chibre, met toi à quatre pattes, le reste arrive.

Hip Hop

Je sais pas rapper, je chante pas, je dessine pas et je code pas, j’aime pas la science fiction et je fais pas de sport, ce que je fais de mieux c’est gueuler, m’énerver, me taper, contre moi, contre toi, contre les murs quand la nuit je me réveille et que j’ai fait le même rêve, encore, pour la millième fois, j’ai arrêté de compter tellement j’ai l’impression que tout les soirs il m’attend, que mon fantôme personnel c’est ce putain de cauchemar, bourrée, à jeun, sous cacheton ou après l’orgasme, quand je m’endors il est là, planqué, prêt à attaquer, tout le monde te dit qu’il faut en parler, l’écrire pour l’exorciser, rien qui marche, rien pour me l’arracher, le scalpel ripe, la croute résiste, pas de frappe chirurgicale sur l’inconscient.

Tu sais quand tu rêves et que tu veux arrêter, tu luttes pour te réveiller, tu secoues dans ta tête ta volonté, t’arrive pas à arrêter le film, la télécommande est pétée, t’appuie plus fort sur les touches mais y’a rien qui bouge, pas d’arrêt sur image, pas de pause, ca continue, lay back and enjoy the ride, tu fermes les yeux, mais ca sert à rien, tu dors déjà et tes yeux sont scellés, pas de paupière de sureté dans tes rêves, t’es obligée, t’es attachée, tu sais comment ca va finir, pas de suspens, et pourtant à chaque fois tu pleures, tu trembles, la boule dans la gorge comme si tes amygdales allaient exploser, ca fait tellement mal que t’as envie de gerber, mais si tu gerbes c’est le vomi symbolique de tout le rêve qui reste coincé, juste là entre la glotte et l’œsophage, entre ta tête et ton cœur, alors t’avale ta salive, t’avale la peur et puis les pleurs, tu te réveilles, tu tapes dans le mur et t’écoute le masque et la plume, tu dors pas, tu respires plus, t’attends juste que ca passe, que le jour se lève et pour arrêter d’avoir peur.

Y’a rien qui me soigne de mes terreurs nocturnes, des monstres sous mon lit et de ceux qui hantent les recoins et ce qui pourrit doucement dans mon ventre, y’a rien qui me rassure, ni ta bite, ni tes bras, ni le Lexomil, ni le Temesta, parfois j’y crois, si tu soignes ma peur je m’accrocherai à toi, j’arrêterai de faire de la merde et je deviendrai une fille normale, j’aurai plus besoin de m’endormir en pensant que je vais me réveiller en crevant, si tu me sauves de moi je te donne tout, je te donne toutes les clés, je me rends, pour l’instant t’as mon cul, bientôt t’auras le droit à ma tête, je sais qu’il faudrait mais je n’y arrive pas, y’a rien qui me calme, rien qui m’apaise, sauf ma main droite dans le mur, et tu sais comment ca finit, d’abord le poing, ensuite le reste, droit dans le mur, rien derrière à cacher, pas de matelas pour rebondir à la fin de la pirouette, moustique sur ton pare brise.

Dans l’avion quand je pense à la boîte qui m’enferme dans le ciel, je prends la main de mon voisin et je le force à me raconter quelque chose de drôle, quand le métro s’arrête j’ai des rituels pour faire passer l’angoisse, quand dans le RER je me fais serrer j’ai encore ma bouche et mes bras pour m’en sortir, la nuit y’a quelqu’un d’autre à l’intérieur qui m’empêche de faire tout ca, y’a les voix que je n’entends pas mais que j’imagine, y’a les ombres sur le balcon et les bruits dans la cage d’escalier, si je dors avec un couteau sous mon matelas, ce n’est pas seulement culturel, c’est pour taillader sa mère l’autre qui ne dort pas, celle qui pionce la journée à l’intérieur de moi, qui se réveille à 3h32, qui me nique mes journées et qui détruit mes plus jolies nuits, je l’attends et dès qu’elle se montre je la tue, je la saigne, et quand elle sera crevée je la découpe et je la range en morceaux minuscules dans des boîtes scellées, je l’entrepose sur ma table de nuit et je la force à me regarder pioncer.

Grosse féministe