Non

J’avais envie de t’embrasser pourtant, tu es beau, tu me plais, j’ai bu peut-être un peu plus que je ne devrais, ca fait quelques heures qu’on discute, tu me touches le bras et je sens que tu en as envie aussi, parfois je fais exprès de frôler ta main sur le comptoir, on est verrouillés les yeux l’un dans l’autre, on se drague, on se séduit, on se teste, je pensais savoir comment ca finirait, des baisers dans ce bar, dans la rue, jusqu’à l’arrêt de bus, un numéro de téléphone, un diner, peut-être plus.

C’est toi qui m’embrasse, qui te jette le premier dans le vide, ta bouche contre la mienne se fait violente, insistante, tu tiens ma tête avec tes mains, tes genoux serrés sur les miens, j’avais pas deviné, je pensais pas que tu serais ce genre de garçon là, c’est peut-être l’alcool, c’est peut-être la musique, c’est peut-être moi qui avait envie de plus de douceur, de plus de temps, mais tu es tellement ce que je voulais ce soir, je me laisse aller et je te rend tes baisers, tes mains lâchent mes cheveux pour passer sous ma chemise, tu vas vite, très vite, on est encore au milieu des gens, tu t’en fous, tes lèvres dans mon cou, tes jambes m’enlacent et ta respiration s’accélère.

J’ai un peu honte quand même, débraillée dans ce bar où je connais tout le monde, ce garçon inconnu qui me dévore, les regards de mes potes qui me regardent me laisser faire, je te propose de sortir, fumer une clope, prendre l’air, je laisse mon sac sur la banquette avec mes amis, dehors sous le parasol brulant ma cigarette se consume sans que j’ai le temps de la fumer, tu n’as même pas allumé la tienne, trop pressé de te coller à moi, le froid ne change rien, j’ai vraiment du me tromper, tu me mords la langue et tu meurtris mon poignet, quand je m’éloigne pour respirer tu recules avec moi, bientôt je suis contre le mur, tes bras m’encadrent, je commence à vraiment à regretter d’être sortie, on est à quelques mètres de mes potes, pourtant je me sens ailleurs, plus en sécurité, j’essaie de trouver ton regard pour ralentir ce qui est en train de se passer, tu n’as plus de visage, je n’arrive plus a te trouver, ta main entre mes cuisses commence à me fouiller, je te dis d’arrêter tu l’éloignes pour mieux recommencer, ton érection rentre dans mon ventre, c’est douloureux, j’ai peur mais je ne crie pas, ta main sur ma bouche écarte mes lèvres et fait office de bâillon, tes jambes à l’intérieur des miennes écartent mes genoux et m’empêchent d’avancer, je mord ta main pour te faire lâcher alors tu tords mes doigts, mon poignet et mon bras, quelqu’un va sortir, il faut que quelqu’un sorte, ca ne peut pas m’arriver, c’est impossible, je suis juste sortie fumer, tu pries et puis tu cries, à l’intérieur tu hurles et tu pleures, t’as beau peser plus lourd, tu peux rien faire t’es bloquée.

Il a fini, j’ai couru vers le bar, attrapé mon sac et je suis partie. Sans me retourner, sans expliquer, juste rentrer le plus vite possible, verrouiller la porte, prendre une douche et me coucher, oublier, refaire l’histoire, il ne s’est rien passé, te persuader que vraiment tu en avais envie, qu’on a pas pu te faire ça, pas à toi, c’était un jeu, tu ne pleures pas vraiment, les éraflures sur ton bras, c’est sur tu les avais avant. Tu mets des années à t’avouer que c’est arrivé, que tu ne voulais pas, que tu as dit non, tu repasses dans ta tête les diapositives de la soirée, ce que tu as pu dire, ce que tu as pu faire, la manière dont tu étais habillée, à quel moment tu lui as donné le droit de te violer, ce que tu aurais pu faire et pourquoi tu étais pétrifiée, pourquoi personne n’a rien vu, pourquoi personne ne t’a sauvé, ce mec que tu ne connais pas, tu crois le voir partout où tu vas, son visage t’échappe mais sa silhouette est partout, dans tes cauchemars la nuit et quand tu fais l’amour, ca te coupe l’envie, ca te réduit en cendres, tu t’en veux tellement, t’es coupable, jamais victime, dans ton raisonnement niqué tout est de ta faute, il fallait que ca arrive.