Banlieue de merde

Chez moi, c’est pas super design. C’est la banlieue des années 1960/70, avec des immeubles gris et mal foutus, qu’on retape à grand coup de coûts imputables aux propriétaires ou qu’on transforme en HLM privés tant il est difficile d’exiger 600 euros de charges mensuelles à des habitants peu fortunés. Vient par là dessus les magouilles de la mairie, qui sous-traite le service de ramassage des ordures et de propreté urbaine à une entreprise privée, Veolia, qui en fait le moins possible, avec le moins de personnel possible. Ca donne donc une propreté globale assez moyenne, un climat de merde entre les employés en jaune fluo et les habitants, qui ne comprennent pas ce qui  empêche de venir ramasser une carcasse de voiture abandonnée depuis 2 ans sur leur parking, ou de venir assurer la sécurité des nombres espaces verts de la ville. Chacun se renvoie la balle depuis le bureau du syndicat de copropriété ou des services municipaux, non madame, ces ordures sont sur le terrain de votre immeuble, il n’est donc pas possible d’intervenir, non madame, ces ordures sont sur le terrain de votre immeuble, si vous voulez qu’on intervienne, les coûts seront imputés à la copropriété, vous voulez tout de même pas être responsable d’une augmentation soudaine du montant à payer ? Alors personne ne fait rien, et la gardienne commune au 6 immeubles de ma résidence privée se contente de sortir les poubelles et de passer un vieux coup de serpillère fatiguée dans le hall d’entrée.

Mais pour être honnête, y’a aussi un sérieux problème d’éducation et de civilité. Je n’habite pas dans une cité. Il y en a deux, pas très loin de chez moi, mais nos mondes sont complètement séparés. Le comportement de mes charmants voisins n’est donc pas à classer dans la deuxième partie du JT de TF1, pas de bandes qui squattent les halls ou pour tenir les murs, pas d’Harry Roselmack en bonnet de pêcheur pour venir nous interviewer. Juste une résidence privée un peu moche, avec son parking souterrain abîmé et son espace vert desséché, ses 3 tags annuels de bites et de « nik la poliss » sur les murs, oeuvres merveilleuses de gamins de 9 ans et moins qui s’emmerdent un Crayola à la main. Mais comme tout est gris, tout est vieux, et que tout se dégrade, j’ai l’impression que les gens se battent littéralement les couilles de leur environnement, qu’ils ne font pas la différence entre l’espace privé de leur appartement et l’espace public des couloirs et des entrées, des jardins et des parkings. C’est un peu comme si nos immeubles souffraient d’une grosse dépression collective, ils sont incapables de se lever, de se laver et d’aller bosser, alors les habitants ne font aucun effort pour les encourager ou pour les motiver. Tu sais pas où balancer la couche pleine de ton gamin ? Pas de problème, envoie la juste valser par la fenêtre ! Tu sais pas quoi faire des jouets pourris qui traînent sur ton balcon depuis que tes enfants sont partis ? Pas de souci ! Envoie les finir leur vie dans le bac à sable commun, y’aura bien un plus pauvre que toi pour penser que des merdes en plastiques toutes pétées sont des joyaux inestimables à conserver ! Ton chien pisse dans ton appartement et t’en as plein le cul de rammaser ses grosses merdes odorantes sur ton carrelage imitation tomette ? La solution est simple : envoie le se soulager dans les couloirs de l’immeuble ou dans le hall, la merde ne t’appartient plus puisqu’elle n’est plus chez toi ! Et si la gardienne refuse à juste titre de ramasser, y’aura bien un connard inquiet de sa salubrité qui s’y collera !

Ce qui pourrait être un ensemble d’immeubles moches mais vivables se transforme à chaque fois en Beyrouth local. Et tu ne peux pas poser les yeux sur les plates bandes labourées par les mômes sans apercevoir des trous béants et des entrées de terrier à rats, ces grosses merdes de rongeurs immondes qui viennent bouloter en pleine journée les morceaux de pain que ta voisine croit bon de jeter aux oiseaux, et qui trouent les plastiques des poubelles de la ville à la recherche de la moindre miette à grignoter. Et tu ne peux pas passer un seul mois sans que le vide ordure se transforme en terrarium géant, parce que la connasse du 4eme a oublié ses cours de géométrie en primaire et qu’elle est persuadée que le maxi carton de Pizza bien plié passera forcément dans le conduit de 13 cm2. Les restes de pizza pourrissent tranquillement et bloquent les ordures qui arrivent de plus haut, engorgement maximal, impossible de faire vomir la bête, les cafards, les mouches, viennent se repaitre. Et il faut encore une fois payer pour qu’un mec vienne balancer de l’eau et du désinfectant à haute pression dans le couloir vertical, ca pue la mort pendant trois jours après ça, et les colonies d’insectes mutants se foutent de toi, tu les vois s’immiscer tranquille dans les fissures et dans les interstices. Et tout ça vit joyeusement dans la merde et dans la crasse, et personne ne pense un seul instant à assumer sa responsabilité individuelle de personne normale et ordonnée, ca vient juste gueuler aux réunions de syndic’, parce que JE PAIE MOI MONSIEUR, tu paies mais tu chies par terre à longueur de journée, efficacité zéro, apprend plutôt à nouer ton sac poubelle et à ne pas cracher sur mon paillasson, à garer ta caisse correctement et à nettoyer derrière tes gamins mal élevés.

8 réflexions sur « Banlieue de merde »

  1. Ce qui me stupéfie le plus dans ce genre d’histoire, c’est moins la connerie intrinsèque des gens, que la facilité avec laquelle on peut tirer les humains vers le bas. Ce schéma, je l’ai déjà vécu : quelques nouveaux voisins dégueulasses et au bout de quelques mois, tous les autres se sont laissés gagner par le laisser aller, sur le thème du « je vois pas pourquoi je ferai des efforts si personne n’en fait ». Une sorte de Titanic collectif, ou plus exactement une illustration moderne de l’histoire des moutons de Panurge…

    Un truc que je n’ai pas vécu par contre mais qui, parait il, marche pas mal, c’est de monter une association de locataires. Parce qu’après tout, toujours selon la même logique, il suffit de quelques personnes motivées pour imprimer un mouvement collectif inverse. Ca implique une sorte de militantisme assez actif, de l’information, du dialogue, etc… et surtout d’avoir une vraie mentalité de boy scout et de croire réellement que même les causes perdues d’avance méritent d’être défendues…. sourire…. Mais en laissant l’ironie de côté, améliorer la situation sans pour autant la « régler » définitivement (ce qui grosso modo demanderait de mettre une balle dans la tête de certains connards), c’est déjà un résultat plus que positif.

    Bon sinon, tu peux toujours appeler Julien Courbet.

  2. Je trouve ça très juste quand tu dis que l’espace public devient une extension de l’espace privé. Le « autour » est comme le « dedans », sauf que bien sûr faut pas que les autres utilisateurs du « autour » viennent dans le « dedans » des gens ! La propriété privée a ses limites, on veut bien partager la merde des couloirs et des vide-ordures (enfin, surtout partager SA merde avec les autres, mais sans vouloir qu’ils fassent de même) mais faut surtout pas que ça se ressente dans son petit appartement (pas trop) coquet.

    Et c’est sans compter les immeubles où l’eau est simplement partagée équitablement entre les apparts… Equitablement voulant dire « chaque appart paie pareil » et non pas « chaque appart paie ce qu’il consomme », bien sûr.

    Sinon, faut s’endetter sur quarante ans (et trouver trois garants qui gagnent chacun plus de 3500 euros par mois), prendre un crédit et acheter une maison. Il y aurait bien eu la solution des chèvres dans le Larzac, mais avec la PAC je suis pas sûre que ce soit vraiment rentable.

  3. Eheh 🙂 J’apprécie la référence 🙂 Mais c’est MEME PAS un HLM :p

  4. ce n’est pas la banlieue qui pourrit l’humain mais l’humain qui pourrit la banlieue. Ce sont les mêmes qui vont dégrader l’espace plublic en se plaignant ensuite que leur cité est pourrie.

    Comme disait Sam Lowry, le troupeau que nous sommes, et parfois moi le premier, tire continuellement vers le bas, parce que c’est plus facile, ça demande moins d’effort, et parce qu’on en a rien à carrer de l’autre.
    Nous ne sommes que des gosses qui ne comprenont que la sanction de Papa et Maman, en l’occurence la Loi ou l’Etat.

    Le changement ne peut venir que d’en haut puisque nous sommes en très grande majorité incapables de changer de mentalité.

    PS: en ce qui concerne le vide ordures, le premier concerné par le bouchage c’est moi, j’habite au rez de chaussée ^^

  5. Moi, avant, je pensais, croyais, qu’une copropriété fonctionnait comme une coop, que chacun aidait, dans l’intérêt collectif.
    Par exemple, il est simple de repeindre soi-même ses fenêtres, il suffit que la copro achète la peinture pour qu’il y ait unité de couleur, il est simple de laver son palier, chacun son tour, afin d’éviter trop d’heures de ménage, il est simple de faire entretenir les espaces verts par quelques passionnés de jardinage, ou des ados désoeuvrés, au lieu de louer les coûteux services d’une entreprise… Il y a bien des postes qui pourraient coûter moins cher et être assurés avec plus d’efficacité… Mais c’est compter sans l’égoïsme des gens, la mauvaise éducation et l’absence totale de collectivisme… Les copro continuent souvent à se comporter en locataires et attendent que le syndic fasse, voire ils louent pour tirer le maximum de bénéf et avoir le minimum de préoccupations, donc ils s’en foutent… Nous on a acheté dans un immeuble loi Scellier, les gens ont acheté pour faire du fric et payer moins d’impôts, le reste ne les intéresse pas !!!!!!

  6. Le titre est mal choisi.
    C’est pas la banlieue qui est merdique, juste une majorité de ses habitants.

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