Ma pote

Il voulait pas trop nous laisser rentrer, ce gros con de physio, le mec qui n’a jamais vu la mer mais qui croit tout contrôler, il trouvait qu’on faisait tâche, moi gros cul, pull Celio et baskets trouées, elle complètement torchée prête à péter la gueule de la première poubelle qui l’ouvrirait. Je le voyais marmonner dans son oreillette, deux 38 tonnes en approche, MAYDAY MAYDAY, demandons l’autorisation de nous défouler, mais à 150 balles la coupe dans sa boîte pour adolescents dégénérés, il avait la politesse de nous écouter lui lécher le fion quelques minutes avant d’avoir la grâce de prendre sa décision. Et puis finalement, c’était pas tellement mon air défoncé ou mes fringues qui le faisait chier, c’était l’autre, celle qui se tenait à mon bras, qui avait passé la soirée à lui faire des doigts la dernière fois, qu’il avait du sortir à la force des bras après qu’elle aie décidé de se foutre à poil sur un air d’ocarina. On montre pas sa chatte aux petits jeunes hommes riches et aux ex de la Star Ac’ il paraît, ca fait femme de mauvaise vie, ca passe pas, mais tu peux payer un demi smic pour 2 whisky coca, ca dérange pas. Donc on négocie, on jure et on promet, que cette fois ca va, qu’elle va se tenir, que je suis la sagesse incarnée, qu’on fera rien de mal et qu’on a juste froid, qu’on lui suce la bite dans un coin sombre s’il nous laisse rentrer, et ca lui fait tellement peur qu’il finit par accepter, oubliant même de nous faire cracher au bassinet, preuve qu’on peut tout obtenir, même d’un connard de facho cocaïné.

A l’intérieur ca dégueule de monde, on est déja les plus vieilles, avec nos bac +2 en poche, on se sent la peau qui fripe, la patte d’oie qui plisse, c’est plein de petites putes qui se frottent à des connards aux chemises trop propres repassées par la bonne de Papa, et puis au fond, un cordon pour les gens importants, les chanteurs Endemol qui viennent montrer leur cul pour vendre du 2 titres en supermarché de banlieue triste, un grand décalqué passe son temps à envoyer des glaçons sur une pauvre fille abrutie sur son pouf en velours cramoisi, ca sent la clope et le vomi de gin-martini. On se cale près du bar, stratégiquement entre la piste et un groupe de vieux arabes qui font aussi tâche que nous dans le paysage, présageant qu’une fois mon pull en rayure de cul enlevé, mon décolleté nous offre quelques verres sur la note de nos businessmen du Moyen Orient. Faudrait pas que ca nous coûte tu vois, on est là comme en apnée, on ne danse même pas, on a du mal à se réchauffer du dehors, du Winston qui nous a viré pour une sombre histoire de vomi dans les arbustes de l’entrée, moi je commence à me dire que tout ca va mal finir, qu’à force de se barrer sans payer, d’insulter tous les videurs et de se faire taxi-baskets sur diner offert surprise, on va se faire choper, je me demande quand ca s’arrête, toujours courir vers une autre soirée, vers une bouteille offerte ou vers celui qui a une caisse pour nous ramener. Mais je me laisse avoir comme une enfant, par l’autre, mon amie, ma folle, mon allumée, qui m’entraîne dans des galères au fond du 77 a 4h du mat sans sourciller, qui me répète en pleurant qu’on va mourir si on s’amuse  pas maintenant, toujours sur le fil, quelques médocs coincés dans la poche fermée du sac à main cabossé, ca fond sous la langue et on ne pensera plus  à rien, on s’endort toutes les deux serrées devant la télé, la fenêtre ouverte sur le matin glacé, et demain on aura plus mal, demain tout ira bien, si on est pas crevées. Y’a ma douleur et la sienne qui s’embrassent pour ne plus se quitter, y’a mon mal être et sa folie qui s’emboîtent si bien, on est seules au monde, on a besoin de personne, on nique tout, on est tout.

Moi j’ai l’alcool philosophe au bout d’une certaine dose, je m’écoute penser, je suis trop fière de mes idées, je méprise le monde qui me le rend à moitié, accoudée sur ce bar trop lumineux pour mes yeux fatigués, je la regarde danser, encore, grotesque, emmêlée dans son besoin urgent de serrer n’importe quoi pour se rassurer et sa tentative un peu naze de se faire remarquer par le DJ. C’est pas franchement un canon ma pote, je le sais, j’ai beau avoir 30 kilos de plus, c’est toujours moi qui me fait draguer, mais ce soir j’ai conscience d’être un étron planté sur un gateau d’anniversaire, je me contente d’observer. Elle remue son bassin, elle se déhanche, je crois qu’elle fait un genre de danse du ventre, elle envoie des baisers au mâles qui se moquent, je lui gueule d’arrêter, mais c’est trop tard, elle monte sur une enceinte, ou plutôt elle l’escalade, elle la prend d’assaut, elle se gave, elle gesticule, elle se tord, et elle commence sa routine habituelle de natation synchronisée. Championne du Val de Marne ca ne s’oublie pas, c’est presque sa seule fierté, alors quand la soirée est trop morne, elle retape la choré en entier, petits pas chassés, tourbillons et nez pincé, on peut pas dire que l’apesanteur lui rende vraiment service, mais elle s’en fout, elle lève la cuisse, elle bat du pied, elle traite le barman de communiste d’arbitre de merde, elle s’excite, elle attend sa médaille, elle commence à se déshabiller. J’avais promis qu’elle serait sage, mais moi je peux pas contrôler la grande sportive qui l’habite une fois les 2 meujs passés, alors en prévision de ce qui va venir, je vais chercher nos sacs aux vestiaires, et je m’en grille une avec le videur à l’entrée. J’attends qu’on me la livre, surexcitée et outrée, dégoulinante de sueur et complètement barrée de la réalité, c’est moi la babysitter, c’est sur mon épaule qu’elle chialera dans le Noctilien, après avoir dégueulé sa haine sur deux ados boutonneux qui finissent leur soirée à Châtelet. Pour rien au monde je ne l’aurais changée.

6 réflexions sur « Ma pote »

  1. J’aime vos textes, la mise en ambiance, le rythme. Tout, quoi. Même si parfois (souvent), ce n’est pas gai. Et je suis d’accord avec les deux autres. Je serais heureuse d’en lire un gros morceau.

    Par ailleurs, ma maniaquerie ne peut s’en empêcher : « aux mâles » non?

  2. Hey mais comment c’est de la BHALLE ce texte sa mère la pute !

    Wah j’en rigole encore. J’aime trop ce que t’écris, c’est limite inquiétant comme j’aime lire tes trucs ; C’est classe ce format, c’est comme une pop-song (une PURE one) que tu te repasses (je l’ai lu 3 fois déjà) comme « Everyone is insane » des Dandy Warhols ou je sais pas moi « Receptacle » des Super Furry Animals ou encore « Cherry pie » de Sade, enfin tu vois quoi, une pure pop-song, que tu vas fredonner toute la semaine comme un débile à faire chier tes potes. Daria Marx t’es trop de la ballistique de motherfucker : L-u-v

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