Mytosil

J’ai dix ans. J’ai dix ans. Ou trois ans. Ou tout les âges jusqu’à 12 ans. C’est l’été. Je suis en vacances chez mon grand père paternel. Je prends l’avion comme une grande pour descendre dans le Sud Ouest le premier juillet depuis mes trois ans.

Il y a ce huis clos.

Je suis comme sa petite femme. Je ne passe pas mes après midi au club ou à la plage, je ne fais pas de tennis, je ne joue pas aux poupées, je n’ai pas d’amies, je passe toutes ces vacances à être la petite femme de mon grand père. Je fais les courses avec lui, je lui sers l’apéritif, nous nous promenons, nous mangeons en tête à tête sur la petite table en formica de la cuisine. Et puis tout les matins il me lave. J’ai dix ans, j’ai trois ans, ou tout les âges jusqu’à 12 ans.Il me lave. Il me savonne. Partout. Il lave mes cheveux. Il ne veut pas acheter d’après shampooing, il dit que c’est inutile. Il passe donc une brosse en plastique dans mes cheveux pleins de mousse pour les démêler. Il me rince, consciencieusement, Debout dans la baignoire, je ne dois pas bouger, je ne dois pas sortir, car il ne faut pas salir la belle salle de bain. Il ne faut pas faire de traces sur le sol. Il ne faut pas déranger cet ordre auquel il tient tant. Ne pas respirer. J’attends. Il me sèche, partout, longtemps. Une grande serviette pour le corps, une petite pour les cheveux.

J’ai dix ans, ou trois ans, ou tout les âge jusqu’à 12 ans. Un mois, chaque été. Une fois séchée, j’ai le droit de descendre sur le tapis de bain. Je dois ensuite m’allonger, pour qu’il puisse me mettre de la crème. Du Mitosyl, d’abord. Cette pommade immonde à l’odeur de poisson, qu’on met sur les fesses rougies par les couches des nouveaux nés. Il faut qu’il me couvre de Mitosyl, là en bas, pour que ca soit doux. Parce qu’il faut faire attention à ma zézette pour plus tard. Les fesses aussi. J’ai dix ans, ou trois ans, ou tout les âges jusqu’à 12 ans.Ensuite il faut qu’il me mette de la crême. Sur tout le corps. J’en sens encore l’odeur. De la Mixa, à la rose. Il faut attendre encore un peu, pour que la crème. Attendre nue et allongée sur le tapis de bain de la salle de bain qu’il ai fini de s’occuper de moi.Finalement, j’ai le droit d’aller dans ma chambre.Il me suit et m’habille. Je suis la petite femme de mon grand père. Quand je suis sage et que je suis obéissante, que je dis rien et que je réclame pas, il est très fier de moi.

J’ai passé 12 mois d’été chez mon grand père.Un jour, j’ai pleuré, j’ai hurlé que je ne voulais pas y aller. J’avais 13 ans. Mes parents ont insisté. J’ai fini par céder, à la condition qu’on me promette que je pourrais me laver et m’habiller seule. Que ma chambre et la salle de bain pourraient se fermer à clé. Personne ne m’a demandé pourquoi.