Dedans Dehors

Dedans, le froid des courants d’air des couloirs immenses, qui s’étirent vers rien, succession de hublots aux paysages glauques, des cris souvent, un murmure informe, les lumières bleues de la télévision, blanche d’un néon, rouge arrêtez vous, vert, passez.

Dehors, le vide jonché d’objets, paquets de cigarettes vides, conserves aplaties, piles usagées, cantines cabossées, papiers roulés en boule qu’on déplie pour y lire une lettre, un mot. Plus loin un mur, terne, un vide encore, un mur encore.

Dedans le temps, ordonné par l’institution, levez vous, couchez vous, lavez vous, urinez, toussez, avalez, parlez, taisez vous, dormez encore. Ballet chorégraphié à la minute par ceux qui décident, pas de résistance possible, la couleur naïve des médicaments dans un gobelet de papier, bleu, rouge, rose.

Dehors entre deux murs, des gens qui fument, parlent, courent, dessinent ensemble sans le savoir la topographie de la folie, sillons dédaléens de chacun des pas, l’envie de mourir discute musique avec la schizophrénie, l’autiste adulte tape dans un ballon que lui renvoie le délire de persécution.

Dedans ensemble, au signal, ils parleront, leurs parents, la vie qui passe, la peur des autres, les hurlements à l’intérieur, les armes de destruction intime, au signal encore ils se taisent, se regardent et se jugent silencieusement, celui là est plus atteint que moi, celle là est irrécupérable.

Dehors il pleut maintenant, et les adultes sont inquiets, le temps se joue des fous, certains collés à la vitre contemplant l’eau qui fait ce qu’elle veut, suinte et dégouline sous la porte du préau, d’autres pleurent, la pluie comme injure, injustice personnelle, d’autres encore se battent pour la télévision, fenêtre vers un dehors où il ne pleut pas.

Dedans tu regardes les minutes défiler sur l’horloge de la salle de vie. Cachée derrière tes cheveux tu tentes de te concentrer sur ton livre, ignorant les borborygmes de ton voisin de canapé, qui récite depuis ce matin la même mélopée incompréhensible.

Psychiatrie de secteur, dépôt des malades mentaux en fin de course, des petits, des pauvres, des effrayants, des alcooliques, des toxicomanes, des déprimés, des autistes, des anorexiques, des malheureux, Ville Evrard, ville du non-droit total, de l’abrutissement aux psychotropes, et de la thérapie forcée, royaume des fous qui pleurent.

Ville Evrard, erreur d’aiguillage, demain tu sors.

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