Molle

Je me prépare devant le grand miroir en pied du couloir, pour ne rien rater, ni la bosse au dessus de mon nombril, ni mes fesses compressées sous le jean trop rigide, je me maquille un peu trop, j’aurai l’air plus jolie, si tu regardes mes yeux au lieu de mes bourrelets, si une fois assise j’arrive à planquer mon immense fessier, il faudra que j’éviter de buter, contre les tables et les chaises, contre les gens et contre lui, il faudra que je mesure l’espace vital qui me sépare des objets, c’est compliqué d’être grosse, les paramètres et puis les centimétres, tout me semble trop petit, surtout ta cuisses à côté de la mienne, j’aurai du m’asseoir en face de toi, la graisse de ma jambe à plat sur le cuir noir ne m’avantage vraiment pas.

Le premier rendez-vous c’est toujours compliqué, trouver quoi dire, ne pas rougir, séduire, c’est pire quand votre compagnon doit assumer, d’avoir à son bras une fille qui pése le double de son poids, ils sont rares ceux qui ne se posent pas la question, ceux qui n’ont pas à subir les remarques de leurs potes, les soupirs de leurs familles, elle est très gentille ta nouvelle copine, seulement elle est énorme, tu lui as parlé du nouveau régime, et quand elle vient à la maison elle n’a pas l’air de faire attention, tu peux faire mieux qu’elle, regarde autour de toi, des filles minces et jolies, ca ne manque pas, on voulait partir en vacances mais avec elle ca sera compliqué, elle ne doit pas aimer la plage, elle doit être complexée. Je me demande vraiment comment ils font, ceux qui font taire les mauvaises langues, ceux qui ne cherchent pas d’excuses à leurs femmes, ceux qui portent avec elles les kilos et le poids, des regards et des cons, des mères et des amis, qui ne veulent pas voir que la grosse fille est là pour rester, que ce n’est pas un fantasme, une passade ou un excés.

Je sais qu’il existe des pervers à grosses qui se spécialisent dans le coït obése, qui chassent les bourrelets comme des trophées, qui malaxent en se branlant ta peau d’orange pour mieux se sentir dominés, ces hommes pourtant si contents de se sentir étouffer sous ton cul ne te prendront pas la main, ils te quittent à la porte et filent retrouver leurs femmes ou leurs amis, ils gardent secrétement en cage leurs désirs qu’ils pensent interdits, ils te félicitent pour ton appétit mais mettent leurs épouses au régime, ils vivent dans l’ombre des grosses dames, fantasmes ultimes. Je ne voudrais pas qu’on m’aime pour mon esprit, je ne voudrasi pas qu’on m’aime pour mon gras, je voudrais que cela soit plus complexe et plus simple, plus évident peut-être, un peu comme ces filles trop belles qui s’inquiètent de tes intentions, qui ont peur d’être séduites pour leurs traits, plutôt que pour leurs têtes, elles n’ont juste pas à s’inquièter d’être traitée de grosse vache dès qu’elles ont le dos tourné.