Zobi.

J’voudrais écrire toute la journée, lire et puis procrastiner, j’voudrais être payée pour donner mon avis, défoncer des concepts et décortiquer des idées, j’voudrais compter les mots dans mon traitement de texte jusqu’à ce que ca fasse 10 000 signes, j’voudrais finir mes nouvelles et puis écrire un livre, avoir du temps pour créer, peindre et dessiner, mais j’ai un boulot alimentaire amusant qui me bouffe les trois quart de mon temps éveillé, je suis pas une mutante, j’ai besoin de temps pour dormir et rêvasser, alors j’ai l’impression d’aller dans le mur et de ne rien finir, de courir toute la journée pour pouvoir tout faire rentrer, le nécessaire pour payer la bouffe et loyer, le vital pour ma tête, et le superflu qui te permet de respirer.

Je lutte pour trouver un équilibre parfait, j’envie tellement les gens qui arrivent à vivre leur truc vraiment, qui vivent chichement mais qui s’en foutent, qui combinent leurs névroses et leur talent, qui donnent du sens à leur vie, ou même ceux qui occupent comme moi des métiers relativement pourris, mais qui y trouvent assez de force pour se lever avant midi. J’ai peut-être pas la force, je suis peut-être une feignante, j’ai surtout l’angoisse de tout faire foirer qui me bouffe le ventre, comme si il fallait choisir en permanence entre ce qu’il faut et ce qu’on veut, devoir prouver qu’on assume, qu’on travaille, que comme tout le monde j’en chie, alors qu’on pourrait vivre autrement, on a les moyens de faire mieux, mais t’as peur et tu te mens, tu te caches et tu attends, les mois passent, y’a rien qui change, t’es juste de plus en plus déphasée, la réalité te semble si morne que tu cherches des moyens d’y échapper.

Je voudrais faire le grand saut, dire à partir de maintenant je réfléchis, je fais ce dont j’ai envie, j’écris et puis je tente, il sera bien temps de retourner à l’usine si je me plante, je me fais l’effet des connasses qui postulent à la Star Académie, je me moque de moi je me ridiculise, je me culpabilise aussi, qui je suis pour me laisser du temps alors qu’autour de moi ceux que j’aime travaillent comme des chiens et se saignent, je me prends pour qui, je pense à quoi, j’ai vraiment rien que de la merde en tête, j’arrive pas à faire le tri, entre les possibles et le reste, entre ce que je fantasme et ce que me réserve le réel. Je voudrais pas passer à côté de moi, je voudrais pas finir ma vie sur un constat amer, me dire que j’aurai pu, que ca aurait été joli, mais que je me suis laisser bouffer par le confort et par l’habitude, par les automatismes, par tout ce qui fait que je m’empêche de sauter, et même de penser à sauter.

Je suis dans l’angoisse d’être au bord de quelque chose que je pourrai réussir, quelque chose de concret, qui sort de ma tête pour arriver sur du papier. Ca me semble impossible, malgré les bons présages, mais les possibles existent, et m’empêchent d’avancer dans la vraie vie, je suis entre deux chaises, mon cul pourtant énorme ne remplit pas l’espace, choisir c’est renoncer mais je suis pas sure d’avoir une bonne étoile ou une marraine fée, y’a que moi et ma conscience qui se regardent à l’infini, qui s’interogent et qui se parlent, sans jamais arriver à un compromis.