On rase gratis

J’ai le désir mort né, entre mes cuisses. Une boule de poils, un kyste, gomme à mâcher mêlée de peaux mortes et de restes organiques de toi. Le long de mes cuisses, une traînée noire, je dessine, j’écris avec mes doigts, les paysages de nos amours finies, tes pieds sur le parquet, ma langue dans ta bouche, l’odeur de nos matins. Peut-être que tout est trop fort, que l’envie a brûlé mon dedans, c’est l’auto-combustion programmée de la chair après usage, je me nettoie de toi, je purifie mes draps, eau de javel et cellules mortes, sang et merde. Je ne garde rien, ni ma peau, ni tes disques. Rien qui ne te touche, rien qui n’effleure ton souvenir. C’est le grand incendie, souviens toi. I wanna go, I wanna go with you. Menteur. Menteuse. Tout fini un jour, tout s’en va. J’ai mes propres rites, le catéchisme funèbre des amants passés, poupées à aiguilles, lames qui courent sur mes poignets, sous mes ongles ta peau se nécrose, quelques grammes arrachés à ton dos hier, à brûler.

Je trouve refuge dans le nettoyage à grandes eaux, mes yeux d’abord, mes joues, ma poitrine, tout coule et fond, tout se mélange le mascara, la douleur, le crayon. Je me transforme en clown, ma bouche dégueule de rouge, j’enfonce mes doigts derrière mes yeux, le brouillard sur l’iris, les grains de sable des vacances, expier, rendre. Faire de la place pour moi, quand tu prenais tout, les creux et les vides, les trous. Mon corps m’appartient, il ne suffit pas de le crier. Mon corps est le mien, tu n’en as plus la propriété. Le tien, momifié, rigide, peine à quitter mon lit. Je le retiens. Je l’embaume, les onguents et l’acide, combien de temps faudra-t-il que je fasse pourrir, garder la lymphe et le magma des chairs, recueillir les liquides, l’essence, une allumette, je ne veux pas. Je capture ton fantôme, la flasque est pleine sur la table de nuit, le bouchon vissé serré, ne jamais oublier, laisser s’envoler les ombres, ne garder que l’extrait concentré, quelques gouttes au poignet. Le feu, les lames, le sang, ne nettoient que l’existant. Il reste l’incompressible, le puant, ta présence, ton aura, ta voix.

Le linge à bouillir, l’odeur de la lessive, faux printemps synthétique, le roulement familier et rassurant du tambour de la machine. L’odeur du café, le bruit des camions par la fenêtre entre-ouverte, le goût des pommes vertes, les draps juste changés. L’emplacement de tes poils, le compte de tes grains de beauté, tes doigts légèrement courbés, mon nez sous ton aisselle, la nuit quand je me réveille, ton visage. Le bruit de la vaisselle, Noir Désir et Toys, les promenades au bord de la Seine. Des framboises au bout des doigts, les dents au bord des ongles, viens, ne viens pas, repars, c’est fini, cette fois. Ton dos contre la porte, le bruit sourd de ton crâne sur le bois, mes mains contre  ma porte, les soupirs, ton pas qui s’en va.

4 réflexions sur « On rase gratis »

  1. … Bon sang, j’en tremble tant ce texte vibre et est douloureux. Plein de relief. J’ai l’impression de me le prendre en pleine face, et je ne sais pas quoi dire d’autre.

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