Ces jours là

Y’a des jours ca va. Pas de souci. Le ventre protubérant dans la jupe stretch, le bourrelet du dos qui prend le frais, l’air aimable, je suis bonne dans le miroir. Oui mon corps est largement imparfait, des creux, des espaces, des vagues, du gras, ca pend, ca tire, ca travaille sous la peau, ca marche en stries rouges, puis blanches, puis rien. Mais je m’aime, ca vient de l’intérieur, je suis A-OK avec tout ca, au réveil la gueule en vrac, j’aime la lumière sur mes fesses plates. Je vois bien les regards dans la rue, je vois bien la panique quand je viens m’asseoir à côté de toi dans le bus, je n’ai pas maigri, je n’ai pas changé, mais je m’en fous. Mes pieds me portent là où je veux aller, mon cerveau fonctionne, il y a un rayon de soleil, j’ai des projets. Alors même moche, même sans prendre le temps de me maquiller, de me tartiner, de me contourer, de me parfumer, un vague bonnet sur la tête, à poil dans mon canapé, j’ai l’impression d’être comme les autres, dans une pub Calvin Klein en noir et blanc, être cette fille très belle à peine vétue de la chemise de son mec qui regarde la mer d’un air profond, belle sans vouloir l’être.

Et puis les autres jours. Empiler les couches de couleurs. Réduire les rougeurs. Mettre l’accent sur les yeux. La bouche, vermillon. Le décolleté, indispensable armure pour cacher mon ventre, la tenue, choisie, changée, améliorée. Les cheveux, lissés, puis bouclés, puis décoiffés, puis laqués. L’air mutin, la bouche en cul de poule, les doigts en éventail, la robe léopard, la culotte gainante, le soutien gorge ampliforme, les baskets neuves, rien ne fonctionne. J’ai l’air d’une grosse déguisée en bonne. J’ai l’air d’une moche qui voudrait faire croire. J’ai l’air de rien. Juste de la somme de mes efforts pour cacher la misére. Pour qui je me déguise ? Pour personne. Pour moi en fait, pour me faire croire que ca ira. Ca ne marche pas. Il me faudrait une appli Iphone, un genre d’egofriend informatique, qui m’enverrait de l’amour sur commande, qui me remplirait mon vide de tas de mots surfaits mais qui font du bien. Faudrait une ronde de gens autour de moi qui me crie que je suis belle et qu’on s’en fout. Faudrait un séminaire d’amour de soi, un week-end tantrique de sexe avec soi même, faudrait du yoga de l’ego, je ne sais pas. Je suis prête à tout essayer pour me sortir du marasme des jours moches, du teint gris et de la pluie qui fait tout couler mes couleurs dans mes yeux, au lieu de me rendre romantique comme une adolescente gothique.

Ce qui me rend belle pour moi c’est quand même de dormir, d’être heureuse. Le soleil aussi, c’est bête. Les légumes. La mousse au chocolat. Aimer. Être aimée aussi, pour de vrai. Quand je vois les gens que j’aime. Quand on me désire. C’est nul. Il ne faudrait pas que cela tienne à ca. J’aimerai pouvoir me détacher des yeux des autres. Couper le cordon, le manger. Ce qui me rend belle, c’est le courage, la force. Une autre forme de beauté. Ca me rend dure aussi, le visage qui se ferme, l’air concentré. Ce qui me rend sure de moi, c’est. Je ne sais pas. Ce n’est pas d’être belle. J’ai compris que je ne le serai jamais pour pouvoir m’y accrocher. Que la différence c’est bien, mais pas trop. Qu’il faudrait composer. J’en ai marre de composer. J’en ai marre de me déguiser. J’en ai marre de vouloir être belle. J’ai ai assez. Mais je ne parviens pas à ne plus le souhaiter, plus que tout parfois. Pouvoir faire taire d’un regard, pouvoir imposer par ma beauté. Ne pas avoir à me battre pour exister hors de mon corps. Ne pas avoir à en faire plus que les autres, pour compenser une tare. Ca doit être chouette d’être belle. D’être maigre. D’avoir des petits seins ronds, un cul bien bombé, mais pas gros, ferme. Ca doit être beau d’être aimé sans avoir rien à dire, juste parce qu’on est là, parce qu’on respire. Ca ne suffit pas bien sur, y’a l’intérieur, la personnalité. Oui. Mais pour une fois seulement, être aimée pour mon corps, pas juste voulue, pas juste faire bander. Ca serait bien aussi. Ca serait chiant, vite. Mais ca serait bien, là, tout de suite.

13 réflexions sur « Ces jours là »

  1. C’est vrai je serai bien curieux de savoir ce qu’on ressent quand tous les regards qui se posent sur soi sont emplis d’admiration et de « désir ».
    Georges Clooney ne ressemblait à rien étant jeune, ça laisse de l’espoir pour la suite, vivement la cinquantaine lol

  2. Ça réchauffe un peu mon coeur tout fripé de lire ça…
    Car sur ma petite planète où rien ne pousse, pas même une rose capricieuse, le vendredi est couleur de pluie.

    Et dans les yeux impavides des passants, qui me regardent sans me voir, je vois mon ombre dégoûtante, mes traits trop marqués par les excès et les vomissements, ma parfaite absence de poitrine qui me donne l’air d’une vieille au corps d’enfant…

    Mais là, en lisant ça, je me dis que parfois, nos planètes s’alignent.
    Et que chacun, même ceux que l’on admire, vivent des vendredis couleur de pluie.

    Alors je vais aller marcher, et d’une j’aime ça, et de deux, parce que le chat n’a plus de croquettes.
    Et j’essayerai non plus de m’obstiner à regarder mon reflet dans leurs yeux, mais je tenterai de deviner si les passants, eux aussi, se voient dans les miens.

    Entre marcheurs des vendredis pluvieux, on se comprend.

    Merci Daria.

  3. merde j’ai un problème je ne me suis jamais sentie moche 🙁 j’ai un problème parfois oui avec l’age j’ai pris du poids mais bon j’achète une taille de fringue « au-dessus » puis je la reprends un peu à la machine et voilà tout me va ……. Bisous les grosses ♥

  4. T’es belle Daria, je te le dis comme je le pense. T’es belle et tu écris bien ! Parfois tu me fais pleurer, parfois tu me fais rire ! Et t’es la seule inconnue qui fait ça, parce que les chatons sur youtube c’est du caca de fourmis à côté !

  5. …ouch….you should’NT care about that… ashes to ashes , dust 2 dust…
    Et puis les nichons parfaits ou une plaquette d’abdos (beurk !!!) ça « n’occupe pas les longues soirée d’hiver » comme je dis souvent !
    Un beau texte , un bel esprit , discuter… SI !
    The same 4 SeX , 1er organe au final (hors bonobos et autres lecteurs d’Union magazine) some fuck***…even fucked up…BRAIN !
    Pis… Hey… les canons des magazines sont dictés par des garces frustrées !!
    J’dis ça mais perso je ne suis « pas trop à plaindre »… mais que l’Autre m’aime juste pour de la chair à peu près agréablement proportionnée ça m’aurait fait « un brin iech’  » (voir total en fait) , tout comme j’attends de Lui qu’il ai de l’esprit (et donc rigole même si il boude un peu quand je lui demande si il en est au 4ème ou 5ème mois de grossesse !! ^^ )
    MAIS…ouaip , la plastique , tout ça tout ça…reste éphémère , voir s’empire… le cerveau tant qu’on n’en arrivé pas au stade de la décrépitude , des couches pampers etc… se bonifie pour peu qu’on le nourrisse .
    Et… écrivant comme tu écris… pfffffffff le reste ?!!! Très beau texte , plein de spleen NON idéal but…

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