Hip Hop

Je sais pas rapper, je chante pas, je dessine pas et je code pas, j’aime pas la science fiction et je fais pas de sport, ce que je fais de mieux c’est gueuler, m’énerver, me taper, contre moi, contre toi, contre les murs quand la nuit je me réveille et que j’ai fait le même rêve, encore, pour la millième fois, j’ai arrêté de compter tellement j’ai l’impression que tout les soirs il m’attend, que mon fantôme personnel c’est ce putain de cauchemar, bourrée, à jeun, sous cacheton ou après l’orgasme, quand je m’endors il est là, planqué, prêt à attaquer, tout le monde te dit qu’il faut en parler, l’écrire pour l’exorciser, rien qui marche, rien pour me l’arracher, le scalpel ripe, la croute résiste, pas de frappe chirurgicale sur l’inconscient.

Tu sais quand tu rêves et que tu veux arrêter, tu luttes pour te réveiller, tu secoues dans ta tête ta volonté, t’arrive pas à arrêter le film, la télécommande est pétée, t’appuie plus fort sur les touches mais y’a rien qui bouge, pas d’arrêt sur image, pas de pause, ca continue, lay back and enjoy the ride, tu fermes les yeux, mais ca sert à rien, tu dors déjà et tes yeux sont scellés, pas de paupière de sureté dans tes rêves, t’es obligée, t’es attachée, tu sais comment ca va finir, pas de suspens, et pourtant à chaque fois tu pleures, tu trembles, la boule dans la gorge comme si tes amygdales allaient exploser, ca fait tellement mal que t’as envie de gerber, mais si tu gerbes c’est le vomi symbolique de tout le rêve qui reste coincé, juste là entre la glotte et l’œsophage, entre ta tête et ton cœur, alors t’avale ta salive, t’avale la peur et puis les pleurs, tu te réveilles, tu tapes dans le mur et t’écoute le masque et la plume, tu dors pas, tu respires plus, t’attends juste que ca passe, que le jour se lève et pour arrêter d’avoir peur.

Y’a rien qui me soigne de mes terreurs nocturnes, des monstres sous mon lit et de ceux qui hantent les recoins et ce qui pourrit doucement dans mon ventre, y’a rien qui me rassure, ni ta bite, ni tes bras, ni le Lexomil, ni le Temesta, parfois j’y crois, si tu soignes ma peur je m’accrocherai à toi, j’arrêterai de faire de la merde et je deviendrai une fille normale, j’aurai plus besoin de m’endormir en pensant que je vais me réveiller en crevant, si tu me sauves de moi je te donne tout, je te donne toutes les clés, je me rends, pour l’instant t’as mon cul, bientôt t’auras le droit à ma tête, je sais qu’il faudrait mais je n’y arrive pas, y’a rien qui me calme, rien qui m’apaise, sauf ma main droite dans le mur, et tu sais comment ca finit, d’abord le poing, ensuite le reste, droit dans le mur, rien derrière à cacher, pas de matelas pour rebondir à la fin de la pirouette, moustique sur ton pare brise.

Dans l’avion quand je pense à la boîte qui m’enferme dans le ciel, je prends la main de mon voisin et je le force à me raconter quelque chose de drôle, quand le métro s’arrête j’ai des rituels pour faire passer l’angoisse, quand dans le RER je me fais serrer j’ai encore ma bouche et mes bras pour m’en sortir, la nuit y’a quelqu’un d’autre à l’intérieur qui m’empêche de faire tout ca, y’a les voix que je n’entends pas mais que j’imagine, y’a les ombres sur le balcon et les bruits dans la cage d’escalier, si je dors avec un couteau sous mon matelas, ce n’est pas seulement culturel, c’est pour taillader sa mère l’autre qui ne dort pas, celle qui pionce la journée à l’intérieur de moi, qui se réveille à 3h32, qui me nique mes journées et qui détruit mes plus jolies nuits, je l’attends et dès qu’elle se montre je la tue, je la saigne, et quand elle sera crevée je la découpe et je la range en morceaux minuscules dans des boîtes scellées, je l’entrepose sur ma table de nuit et je la force à me regarder pioncer.