La fille que j’aime.

La fille que j’aime est plus belle que moi. Ses cheveux d’abord, noirs, sa peau très blanche, le goût des crèmes qu’elle passe sur ses mains, la lourdeur de ses seins, sa bouche en cœur, sortie tout droit d’un dessin animé, qu’elle colore parfois de rouge ou de rose. Ce qu’elle dit est souvent drôle, intelligent, les mots qu’elle choisit sont parfaits, ni surfaits ni idiots, ils expriment tout à fait ce qu’elle veut dire, sans trop en faire, sans moins en dire, parfois elle marque un temps de silence, comme si le choix était primordial, comme si c’était un acte fort que de faire une distinction entre deux verbes, deux adjectifs, sa respiration se coupe une seconde, et soudain elle parle, parfaitement. Quand elle parle, je me tais, parce que sa voix est précieuse, la fille que j’aime, je ne la vois pas souvent, et j’enregistre tout ce qu’elle dit, je le cache dans un recoin pour plus tard, pour quand elle sera partie, et je l’écoute en boucle dans ma tête, petits bouts par petits bouts, avec gourmandise, ne rien gâcher surtout. La fille que j’aime a eu des amants, beaucoup, elle m’en parle souvent, je lui raconte les miens, mais je suis jalouse de ces hommes qui la touchent et qui la font jouir, cet inconnu croisé quelques minutes à qui elle donne son corps, alors que je suis là, juste à côté, depuis des années, à la regarder vivre, et que je ne suis que la fille qui regarde la fille qu’elle aime.

La fille que j’aime a la peau douce, si douce que parfois je ne fais plus la différence entre son ventre et ses cuisses, je me perd dans son corps, mes mains ne savent plus lire, ses grains de beauté me retiennent, un à un, sur sa cuisse, sous son sein droit, repères de chair, quand je la touche c’est comme un prolongement de moi, son ventre contre le mien devient le notre, mes seins contre les seins deviennent trop de chair, quand je prends son téton dans ma bouche, quand je l’entends qui respire un peu plus vite, un peu plus moite, je deviens presque un homme, j’ai l’angoisse de la performance, comment faire pour faire jouir la femme que j’aime, où la toucher, où l’embrasser, comment aime-t-elle que je la prenne, mes hanches se heurtent aux siennes, va-et-vient, comme si je cherchais à la pénétrer d’un invisible pénis, ses fesses nues dans mes mains, comme un animal je la cogne contre moi, j’envie les hommes de pouvoir la posséder, je sais qu’elle a envie d’être prise, d’être pénétrée, mais je ne peux rien faire, pas de plastique entre nous, seuls mes doigts qui descendent pressés vers sa chatte, j’oublie le mode d’emploi, je plonge directement en elle, violente de l’envie d’être en elle, et quand elle se cambre je me cambre avec elle, je la repousse sur le lit et je recommence, encore, ma langue aussi, dure contre son clitoris, mes doigts entre sa chatte et son cul, la femme que j’aime aime les garçons mais se laisse faire parfois, me donne parfois son corps dans un instant qu’on fera mine d’oublier demain, rien n’existe, ni nos amants, ni toutes les queues du monde, il n’y a que son corps qui compte, la femme que j’aime est égoïste, elle se laisse faire, indolente, étendue, belle et molle, malléable dans mes mains, la femme que j’aime me rend folle sans me toucher, c’est son odeur qui me rend ivre, qui me rend dingue, ses mains ne quittent pas ses cheveux, les bras repliées derrière sa tête, elle me regarde faire, et quand elle a joui, elle me prend dans ses bras, et me dit à l’oreille de me faire jouir, elle me serre contre elle, mes fesses contre son ventre cette fois, ma main entre mes cuisses, ses doigts dans ma bouche, je jouis à en hurler, parce que la femme que j’aime est cruelle, parce qu’elle ne me touche pas et que j’en crève un peu, parce que demain elle repart et qu’elle m’embrassera sur la joue, tendre et condescendante, de voir la fille qui l’aime la vouloir encore, s’accrocher à son bras pour ne pas la laisser partir, son regard déjà ailleurs, le mien encore entre ses cuisses.